Interview de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale, dans "Le Monde" du 17 novembre 1999, sur sa défense des dissidents cubains.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage de M. Madelin à Cuba du 13 au 15 novembre 1999

Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

LE PRÉSIDENT de Démocratie libérale (DL) et député européen, Alain Madelin, a effectué, du samedi 13 au lundi 15 novembre, un voyage de quarante-huit heures dans la capitale cubaine. Le Monde a réalisé cet entretien, par téléphone, quelques heures avant la fin de son séjour à La Havane.
" Quelles sont les raisons de votre séjour à Cuba ?
Je suis venu à Cuba pour rencontrer les dissidents et leur apporter notre soutien. Sur Cuba, on fait preuve d'une très grande mansuétude. La pratique diplomatique française a toujours montré, à de rares exceptions près, que les dissidents ne devaient compter que sur eux-mêmes. On ne les soutient pas assez et pas comme on le devrait.
- Quelle devrait être la position de la France ?
Je fais remarquer, en passant, que le chef du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, a reçu à l'occasion du sommet ibéro-américain les dissidents. Ils les a franchement encouragés. Cette position montre qu'il est possible, dans certains cas, d'allier les relations d'Etat à Etat avec un salaire minimum démocratique. La France, elle, ne paie pas ce salaire minimum démocratique. Cela me paraît être une évidence dans le cas de Cuba.
- Que proposez-vous comme actions concrètes ?
Au Parlement européen, nous avons créé un petit passeport de la liberté qui est une sorte de viatique. Sur ce passeport figurent les signatures de quinze députés européens qui s'engagent, au niveau des institutions et au niveau des opinions de leurs gouvernements, à faire connaître et à défendre la cause de la personne titulaire de ce passeport. Au cours de mon séjour à Cuba, j'en ai remis une vingtaine à des personnes qui luttent pour la démocratie et qui sont menacées. C'est une façon pour nous de les protéger et je pense que les autorités cubaines n'aiment pas qu'au niveau européen il y ait des gens qui suivent le dossier de tel ou tel opposant. S'ils étaient arrêtés, nous serions leur relais au niveau européen et dans nos pays pour obtenir leur libération.
- Cette visite à Cuba était la première. Quelles sont vos impressions ?
Ce qui m'a frappé, en premier lieu, c'est le sentiment d'être dans un pays d'après-guerre. C'est étonnant ; cela me fait un peu penser à l'Angola. Pour le reste, lorsque l'on discute avec les gens on se rend vite compte que c'est un peuple motivé, un peuple qui veut vivre. Il est clair que tout le monde attend le moment où l'on va tourner la page. Il est certain que l'ouverture du système avec l'arrivée d'entreprises étrangères, de milliers de touristes et la dollarisation de l'économie ont favorisé l'émergence d'un système dans lequel plus personne ne croit.
- Avez-vous atteint vos objectifs, à l'occasion de votre séjour ?
Mon but était de rencontrer un certain nombre de gens et j'ai pu le faire. J'ai pu leur dire, au moment où ils ont été en contact avec les représentants de nombreux pays à l'occasion du sommet ibéro-américain, qu'ils peuvent avoir aussi des contacts avec des Français. Je voulais que la France ne soit pas absente de ces rencontres avec les militants des droits de l'homme à Cuba. "
Propos recueillis par Alain Abellard
(Source http://www.demlib.com, le 7 février 2001)