Texte intégral
A. Hausser.- Vous avez regardé le Premier ministre. On a entendu les premières réactions. L'UMP applaudit, l'opposition critique. Et vous ?
- "Je trouve que c'est bien d'avoir un Premier ministre qui ne soit pas énarque. Au moins, il est compréhensible, au moins il n'emploie pas des mots en -isme et au moins, les Français peuvent se dire qu'avec lui, quand il parle de quelque chose, ils comprennent tous. C'est quand même, en politique, quelque chose d'assez formidable et d'assez nouveau."
Il se dit lui-même déterminé, lucide, tenace. Est-ce l'impression que vous avez ?
- "On a vu un homme qui a employé des mots qui correspondaient à l'action politique qu'il voulait symboliser. On va voir dans les mois à venir, notamment sur les retraites, puisqu'il a annoncé que le Gouvernement allait engager sa responsabilité. Soit dit entre nous, il prend un risque majeur avec 366 députés UMP ! On va voir ce que fera le Gouvernement."
Vous vous moquez un peu en disant qu'il ne prend pas un risque majeur, puisqu'il a 366 députés et qu'il est assuré d'avoir une majorité. Il n'empêche que le dossier des retraites est un dossier très difficile, il l'a lui-même reconnu. Serez-vous à ses côtés sur les cas difficiles ?
- "Je l'ai vécu pendant la campagne électorale : c'est l'inquiétude majeure des Français, avec l'emploi bien entendu et la sécurité. Mais sur l'avenir, c'est la question qui revenait en permanence. Et elle ne peut être traitée que de deux façons : la transparence - mettre les choses sur la table, dire aux Français : voilà comment la veuve de tel régime général ou de tel régime de Sécurité sociale est traitée par rapport à l'autre, voilà quel est le niveau de reversion, voilà quelle est la durée de cotisation, et donc, qu'on mette tout à plat. Deuxième élément, après la transparence, c'est la justice. Faire en sorte que deux Français, vous et moi, on ait un régime de retraite qui soit à peu près identique. C'est, à mon avis, les deux axes majeurs que devra développer le Gouvernement dans le cadre de cette réforme."
On sait que ce sera une réforme douloureuse pour certains ?
- "Pas si sûr. Je pense que les Français ont beaucoup évolué sur le sujet."
Mais enfin, il y aura quand même des concessions à faire ?
- "Bien sûr, il y aura des concessions à faire, mais les salariés du secteur privé les ont faites. Il n'y a pas de raison que, demain, les salariés du secteur public ne le fassent pas. Il n'y a aucune raison, aucune."
Vous pensez que les mentalités ont évolué ?
- "Je crois que nos compatriotes ont vraiment compris qu'on ne pouvait pas rester sur un système aussi injuste. Il n'y a pas plus injuste, pour une France qui chérit l'égalité, pas plus inégalitaire que les régimes de retraite en France. La veuve du secteur public est beaucoup mieux traitée que la veuve du secteur privé, puisque la veuve du secteur public peut cumuler sa propre retraite avec la pension de réversion de son mari, alors que pour le régime général de Sécurité sociale, on a un système où, très vite, on est plafonné. Les durées de cotisation ne sont pas les mêmes. Je prends mon cas à moi, parlementaire. Le système est totalement scandaleux. Je suis fonctionnaire d'origine. L'Etat continue à faire ma retraite de fonctionnaire, alors que je ne suis plus au service de l'Etat et, en même temps, je fais ma retraite en tant que député. Est-ce que vous pensez que ce genre de choses est normale ? Moi, je ne le pense pas."
Et vous n'êtes pas fonctionnaire ? Et qu'est-ce qui se passe après ?
- "Le député qui est du secteur privé, lui, bien entendu, sa cotisation de retraite s'arrête le temps où il est parlementaire, tandis que moi, je continue à cumuler deux retraites. Tout cela est totalement injuste et donc il faut remettre tout cela à plat."
Il paraît que vous vous êtes un peu écharpé avec le Premier ministre à propos du salaire des ministres, lorsque vous êtes allé le voir en début de semaine ?
- "J'étais très content de ce qu'il a dit hier, parce que c'est comme cela qu'il aurait dû faire. Il aurait dû venir voir les Français pour leur dire : "Je vous explique la situation, il y a du black, il y avait des espèces - il y en a eu jusqu'au bout du gouvernement Jospin, contrairement à ce que nous racontait L. Jospin. Moi, je vais aligner les choses et faire en sorte qu'un ministre soit payé comme un salarié, cela veut dire qu'il soit imposable sur la totalité de ses ressources, etc. Et je considère que, compte des responsabilités du ministre, il est normal qu'un ministre soit payé comme un cadre supérieur du secteur privé". Il aurait dit cela, on aurait évité le psychodrame ! Il faut dire les choses aux Français."
Il veut aussi revaloriser le travail. Qu'entendez-vous par là ? Qu'il veut augmenter les salaires, ou donner la possibilité d'augmenter les heures supplémentaires ?
- "Sur le Smic, le Gouvernement se trouve à récupérer une situation calamiteuse. Six Smic ! J'avais dit à M. Aubry, dans le cadre du débat sur les 35 heures, que la gauche était à l'origine de la fin du Smic et du salaire minimum unique en France. Elle a répondu que je mentais. La réalité était bien celle-là. Donc, il fallait que le Gouvernement trouve une mesure qui permette enfin qu'un salarié, dans une même entreprise, soit traité de la même façon. Premier point. Donc ça, c'est très bien. Je crois qu'à travers la notion de revalorisation du travail, c'est réintroduire la culture du travail dans le pays, parce que les 35 heures ont provoqué, à mon avis, un drame majeur : on a introduit la culture du non-travail. Or, on ne peut pas vivre dans une économie mondialisée, où 30 % de sa production est exportée, quand on travaille moins que les autres, ce n'est pas possible."
Il va y avoir un texte sur l'emploi à la rentrée. Vous allez commencer vos travaux avec ça. En quoi voulez-vous l'amender ?
- "Le premier texte concerne les 35 heures."
Pas seulement...
- "Essentiellement. C'est le Smic et les 35 heures, l'assouplissement du temps de travail. Sur le Smic, c'est très bien, c'est parfait. Sur les 35 heures, j'aurais souhaité quelque chose de totalement différent, parce que finalement, il n'y a quasiment rien dans le texte et qu'on assouplit très peu de choses, contrairement à l'effet d'annonce. Moi, j'aurais souhaité qu'on donne aux partenaires sociaux le soin de régler eux-mêmes cette affaire, et non pas de l'enserrer, de l'encadrer, et faire en sorte que, finalement, la négociation soit impossible. Mais j'aurai le temps de le dire la semaine prochaine à l'Assemblée."
Vous avez obtenu gain de cause pour l'Irak. Vous demandiez un débat, il aura lieu. Il ne faut en aucun cas s'engager aux côtés des Américains ou est-ce qu'il faut peser les choses ?
- "La réalité, c'est qu'on s'engage ou non aux côtés des Américains, si les Américains l'ont décidé, ils le feront. La réalité est que ce que souligne la question irakienne, c'est la faiblesse de l'Europe. La réalité est que, s'il y a un leadership américain dans le monde, ce n'est pas de la faute des Américains, c'est de la nôtre. C'est le fait que nous soyons incapables d'avoir une politique européenne qui fasse qu'on puisse faire contrepoids aux Etats-Unis. Et le drame est là : divisés comme nous le sommes où les uns, puis les autres, allons à Washington, etc. fait que finalement, on ne pèse pas sur les affaires du monde, et c'est pour cela que nous sommes fondamentalement européens. Je vous signale d'ailleurs que si j'avais un seul reproche à faire à J.-P. Raffarin sur son intervention d'hier, c'est que l'Europe a été totalement absente du débat, alors que c'est le sujet majeur, compte tenu des évolutions qui sont à venir."
Donc, on a raison d'augmenter les crédits militaires ?
- "Il faut les augmenter, mais il fallait les augmenter avec, en même temps, un débat européen pour construire une Europe de la défense."
Est-ce que vous aviez connaissance de la préparation d'un texte de réforme du code pénal ?
- "Je ne le savais pas. J'ai appelé le cabinet de N. Sarkozy, hier, sur autre chose et, en même temps, puisque votre confrère du Monde en a parlé, de toute évidence, on m'explique que c'était des hypothèses de travail. Mais il y a des choses qui sont inacceptables, si le texte était tel que celui-ci. Je pense par exemple au fait de permettre aux policiers de pouvoir mettre sur écoutes, grosso modo, qui on veut, c'est totalement inacceptable."
Cela ne passera pas ?
- "Je ne sais pas s'ils le feront. Ils ont une majorité, donc ils peuvent le faire. Mais il ne faudra pas compter sur l'UDF pour voter ce genre de choses."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 sept 2002)
- "Je trouve que c'est bien d'avoir un Premier ministre qui ne soit pas énarque. Au moins, il est compréhensible, au moins il n'emploie pas des mots en -isme et au moins, les Français peuvent se dire qu'avec lui, quand il parle de quelque chose, ils comprennent tous. C'est quand même, en politique, quelque chose d'assez formidable et d'assez nouveau."
Il se dit lui-même déterminé, lucide, tenace. Est-ce l'impression que vous avez ?
- "On a vu un homme qui a employé des mots qui correspondaient à l'action politique qu'il voulait symboliser. On va voir dans les mois à venir, notamment sur les retraites, puisqu'il a annoncé que le Gouvernement allait engager sa responsabilité. Soit dit entre nous, il prend un risque majeur avec 366 députés UMP ! On va voir ce que fera le Gouvernement."
Vous vous moquez un peu en disant qu'il ne prend pas un risque majeur, puisqu'il a 366 députés et qu'il est assuré d'avoir une majorité. Il n'empêche que le dossier des retraites est un dossier très difficile, il l'a lui-même reconnu. Serez-vous à ses côtés sur les cas difficiles ?
- "Je l'ai vécu pendant la campagne électorale : c'est l'inquiétude majeure des Français, avec l'emploi bien entendu et la sécurité. Mais sur l'avenir, c'est la question qui revenait en permanence. Et elle ne peut être traitée que de deux façons : la transparence - mettre les choses sur la table, dire aux Français : voilà comment la veuve de tel régime général ou de tel régime de Sécurité sociale est traitée par rapport à l'autre, voilà quel est le niveau de reversion, voilà quelle est la durée de cotisation, et donc, qu'on mette tout à plat. Deuxième élément, après la transparence, c'est la justice. Faire en sorte que deux Français, vous et moi, on ait un régime de retraite qui soit à peu près identique. C'est, à mon avis, les deux axes majeurs que devra développer le Gouvernement dans le cadre de cette réforme."
On sait que ce sera une réforme douloureuse pour certains ?
- "Pas si sûr. Je pense que les Français ont beaucoup évolué sur le sujet."
Mais enfin, il y aura quand même des concessions à faire ?
- "Bien sûr, il y aura des concessions à faire, mais les salariés du secteur privé les ont faites. Il n'y a pas de raison que, demain, les salariés du secteur public ne le fassent pas. Il n'y a aucune raison, aucune."
Vous pensez que les mentalités ont évolué ?
- "Je crois que nos compatriotes ont vraiment compris qu'on ne pouvait pas rester sur un système aussi injuste. Il n'y a pas plus injuste, pour une France qui chérit l'égalité, pas plus inégalitaire que les régimes de retraite en France. La veuve du secteur public est beaucoup mieux traitée que la veuve du secteur privé, puisque la veuve du secteur public peut cumuler sa propre retraite avec la pension de réversion de son mari, alors que pour le régime général de Sécurité sociale, on a un système où, très vite, on est plafonné. Les durées de cotisation ne sont pas les mêmes. Je prends mon cas à moi, parlementaire. Le système est totalement scandaleux. Je suis fonctionnaire d'origine. L'Etat continue à faire ma retraite de fonctionnaire, alors que je ne suis plus au service de l'Etat et, en même temps, je fais ma retraite en tant que député. Est-ce que vous pensez que ce genre de choses est normale ? Moi, je ne le pense pas."
Et vous n'êtes pas fonctionnaire ? Et qu'est-ce qui se passe après ?
- "Le député qui est du secteur privé, lui, bien entendu, sa cotisation de retraite s'arrête le temps où il est parlementaire, tandis que moi, je continue à cumuler deux retraites. Tout cela est totalement injuste et donc il faut remettre tout cela à plat."
Il paraît que vous vous êtes un peu écharpé avec le Premier ministre à propos du salaire des ministres, lorsque vous êtes allé le voir en début de semaine ?
- "J'étais très content de ce qu'il a dit hier, parce que c'est comme cela qu'il aurait dû faire. Il aurait dû venir voir les Français pour leur dire : "Je vous explique la situation, il y a du black, il y avait des espèces - il y en a eu jusqu'au bout du gouvernement Jospin, contrairement à ce que nous racontait L. Jospin. Moi, je vais aligner les choses et faire en sorte qu'un ministre soit payé comme un salarié, cela veut dire qu'il soit imposable sur la totalité de ses ressources, etc. Et je considère que, compte des responsabilités du ministre, il est normal qu'un ministre soit payé comme un cadre supérieur du secteur privé". Il aurait dit cela, on aurait évité le psychodrame ! Il faut dire les choses aux Français."
Il veut aussi revaloriser le travail. Qu'entendez-vous par là ? Qu'il veut augmenter les salaires, ou donner la possibilité d'augmenter les heures supplémentaires ?
- "Sur le Smic, le Gouvernement se trouve à récupérer une situation calamiteuse. Six Smic ! J'avais dit à M. Aubry, dans le cadre du débat sur les 35 heures, que la gauche était à l'origine de la fin du Smic et du salaire minimum unique en France. Elle a répondu que je mentais. La réalité était bien celle-là. Donc, il fallait que le Gouvernement trouve une mesure qui permette enfin qu'un salarié, dans une même entreprise, soit traité de la même façon. Premier point. Donc ça, c'est très bien. Je crois qu'à travers la notion de revalorisation du travail, c'est réintroduire la culture du travail dans le pays, parce que les 35 heures ont provoqué, à mon avis, un drame majeur : on a introduit la culture du non-travail. Or, on ne peut pas vivre dans une économie mondialisée, où 30 % de sa production est exportée, quand on travaille moins que les autres, ce n'est pas possible."
Il va y avoir un texte sur l'emploi à la rentrée. Vous allez commencer vos travaux avec ça. En quoi voulez-vous l'amender ?
- "Le premier texte concerne les 35 heures."
Pas seulement...
- "Essentiellement. C'est le Smic et les 35 heures, l'assouplissement du temps de travail. Sur le Smic, c'est très bien, c'est parfait. Sur les 35 heures, j'aurais souhaité quelque chose de totalement différent, parce que finalement, il n'y a quasiment rien dans le texte et qu'on assouplit très peu de choses, contrairement à l'effet d'annonce. Moi, j'aurais souhaité qu'on donne aux partenaires sociaux le soin de régler eux-mêmes cette affaire, et non pas de l'enserrer, de l'encadrer, et faire en sorte que, finalement, la négociation soit impossible. Mais j'aurai le temps de le dire la semaine prochaine à l'Assemblée."
Vous avez obtenu gain de cause pour l'Irak. Vous demandiez un débat, il aura lieu. Il ne faut en aucun cas s'engager aux côtés des Américains ou est-ce qu'il faut peser les choses ?
- "La réalité, c'est qu'on s'engage ou non aux côtés des Américains, si les Américains l'ont décidé, ils le feront. La réalité est que ce que souligne la question irakienne, c'est la faiblesse de l'Europe. La réalité est que, s'il y a un leadership américain dans le monde, ce n'est pas de la faute des Américains, c'est de la nôtre. C'est le fait que nous soyons incapables d'avoir une politique européenne qui fasse qu'on puisse faire contrepoids aux Etats-Unis. Et le drame est là : divisés comme nous le sommes où les uns, puis les autres, allons à Washington, etc. fait que finalement, on ne pèse pas sur les affaires du monde, et c'est pour cela que nous sommes fondamentalement européens. Je vous signale d'ailleurs que si j'avais un seul reproche à faire à J.-P. Raffarin sur son intervention d'hier, c'est que l'Europe a été totalement absente du débat, alors que c'est le sujet majeur, compte tenu des évolutions qui sont à venir."
Donc, on a raison d'augmenter les crédits militaires ?
- "Il faut les augmenter, mais il fallait les augmenter avec, en même temps, un débat européen pour construire une Europe de la défense."
Est-ce que vous aviez connaissance de la préparation d'un texte de réforme du code pénal ?
- "Je ne le savais pas. J'ai appelé le cabinet de N. Sarkozy, hier, sur autre chose et, en même temps, puisque votre confrère du Monde en a parlé, de toute évidence, on m'explique que c'était des hypothèses de travail. Mais il y a des choses qui sont inacceptables, si le texte était tel que celui-ci. Je pense par exemple au fait de permettre aux policiers de pouvoir mettre sur écoutes, grosso modo, qui on veut, c'est totalement inacceptable."
Cela ne passera pas ?
- "Je ne sais pas s'ils le feront. Ils ont une majorité, donc ils peuvent le faire. Mais il ne faudra pas compter sur l'UDF pour voter ce genre de choses."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 sept 2002)