Interview de M. Henri Emmanuelli, membre du conseil national du PS, au "Progrès de Lyon" le 12 février 2003, sur l'apport du courant "Nouveau Monde" dans le débat interne au PS avant le congrès du parti.

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Média : La Tribune Le Progrès - Le Progrès

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Après Arnaud Montebourg, et avant Pierre Moscovici ou Dominique Strauss-Kahn, votre venue aujourd'hui à Lyon le démontre : les militants socialistes sont très courtisés en cette période d'avant-congrès
Les congrès sont faits pour mener des débats. Je viens donc, naturellement, animer le débat. Au Nouveau Monde, nous avons une analyse de la défaite et une vision de l'avenir. Nous pensons que la cause de nos défaites ne réside pas dans la division de la gauche mais dans l'orientation de sa politique. Nous croyons que pour l'avenir la responsabilité des socialistes n'est pas de tendre vers l'alternance, mais de préparer une alternative. La différence entre une alternance et une alternative c'est que l'alternative implique des ruptures avec le néo libéralisme. C'est la particularité de notre analyse.
Pouvez-vous justement préciser ce qui fait la spécificité de cette analyse, pour les non-initiés ?
Nous considérons que le gouvernement Jospin a un bon bilan mais que certaines mesures étaient d'inspiration plus libérale que socialiste. Comme la baisse de l'impôt sur le revenu, les fonds de pension à la française, l'ouverture du capital des entreprises publiques, la baisse de la fiscalité sur les stock options. C'est ce que nous appelons le social-libéralisme ; la caricature étant M. Tony Blair qui avait il y a encore quelques jours des admirateurs fervents au sein du PS.
La logique du profit ne doit pas gouverner le monde. Ce n'est pas elle qui doit déterminer par exemple les règles de la navigation maritime ou la brevetabilité du vivant. De même, le modèle social européen ne doit pas disparaître, comme le souhaitent MM. Aznar, Berlusconi et Blair.
Pensez-vous être les seuls à défendre ce point de vue au sein du PS ?
Nous sommes en tout cas les seuls à l'avoir dit quand nous étions au gouvernement. Nous constatons que depuis que nous sommes dans l'opposition, il y a beaucoup de gens qui viennent sur ces positions, mais je ne les ai pas entendus quand il fallait se battre. Cela dit, nous sommes prêts à discuter avec tous ceux qui partagent ces orientations. Mais je répète que quand il fallu voter sur les stock options, il y avait sept députés socialistes contre la baisse et plus de cent qui l'ont voté.

Gérard Collomb et de nombreux élus socialistes du Rhône viennent de cosigner un appel au rassemblement autour de François Hollande, dénonçant au passage " la fuite en avant qui voudrait aligner le PS sur l'ultra gauche ". Dans ces conditions ne craignez-vous pas qu'il ne soit difficile de faire découvrir le Nouveau Monde chez Collomb ?
Il ne s'appelle pas Christophe ! Ses arguments sont un peu surprenants. Je ne vois pas où est l'ultra gauche. En général c'est la droite qui s'amuse à faire peur. Nous voulons apporter des réponses de gauche aux questions du temps. Sur la sécurité par exemple, ce qui nous importe ce n'est pas seulement " la sécurité dans la rue " mais " la sécurité dans la vie ", au travail comme dans les retraites, face à la maladie comme face à la délinquance. Cela doit être le discours de la gauche et non pas une imitation de celui de la droite, comme certains socialistes s'y abandonnent. Nous devons aussi réconcilier les catégories populaires et le progrès en réhabilitant le mot réforme qui a été dévoyé. Poursuivre dans la ligne qui a conduit à la défaite n'est sûrement pas le meilleur moyen de renouer avec la victoire.
Je ne crois pas qu'il sera difficile au Nouveau Monde de se faire entendre car je pense que nous sommes en phase avec l'opinion. Depuis juin, nous disons que nous avons perdu parce que nous n'étions pas assez à gauche ; or une étude du centre d'études de la vie politique française, auprès de 8 000 électeurs de gauche, publiée la semaine dernière (ndlr, dans "Libération" du mercredi 5 février), démontre à l'évidence que nous avons raison. Et je la tiens à la disposition de tous ceux qui voudraient bien s'y intéresser.