Texte intégral
A. Chabot -. Le sommet franco-africain s'ouvre ce matin. On parlera bien sûr de la Côte d'Ivoire, même en l'absence de son Président, pour chercher une solution pacifique. J'aimerais vous demander d'abord pourquoi le Parti socialiste a autant soutenu M. Gbagbo ? C'est parce qu'il a des amis personnels au sein du parti ?
- "Le Parti socialiste a soutenu une solution politique en Côte d'Ivoire qui puisse être appliquée. Autant il était nécessaire que la France s'implique dans le dossier de la Côte d'Ivoire, y compris pour protéger ses ressortissants, ce qui était quand même la première des missions pour s'interposer, autant l'initiative politique qui a été prise, Marcoussis, pouvait être également soutenue, à condition de déboucher sur un accord applicable. Or - chacun l'a vu, chacun l'a admis -, dire que les rebelles devaient prendre possession du ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur n'était sans doute pas la voie la plus simple pour réconcilier les Ivoiriens. En tout cas, elle n'a pas abouti. Maintenant, nous, nous soutenons toutes les initiatives, tous les efforts pour trouver un gouvernement permettant la réconciliation nationale. "
Vous avez dit à monsieur Gbagbo de faire un effort ?
- "En Afrique, le Parti socialiste n'a pas d'ami ; il a des principes, il a des règles et il veut les faire respecter. Le principe, la règle, c'est la démocratie, ce sont les droits de l'Homme, c'est la lutte contre la corruption. Je n'ai pas une conception de la politique africaine qui serait simplement celle des amis qu'il faudrait protéger, soutenir ou favoriser parce qu'ils auraient rendu eux-mêmes tel ou tel service. Cette politique a peut-être été pratiquée pendant tout un moment, elle l'est encore sans doute aujourd'hui ; ce n'est pas la nôtre. "
Vous avez quand même demandé au Président Gbagbo de faire un effort, d'arrêter d'attaquer la France, de faire organiser ou de laisser faire un certain nombre de manifestations anti-françaises, et d'accepter la mise en place d'un accord ?
- "Ce qu'on a dit à Gbagbo, c'était ce qu'on aurait dit à tout chef d'Etat dans cette circonstance : vous avez un devoir de réconcilier les Ivoiriens, d'appeler chacun à la responsabilité, de protéger nos ressortissants et de faire en sorte qu'il puisse y avoir un gouvernement d'union nationale dans les meilleurs délais. C'est ce que nous lui disons encore aujourd'hui. Et nous le faisons, là aussi, comme force politique soutenant des principes et pas simplement cherchant des arrangements ou des règlements. C'est trop important parce qu'il y a des risques pour la population ivoirienne, on l'a bien vu, il y a des risques par rapport à nos ressortissants, il y a des risques par rapport aux forces militaires françaises. Donc, je crois qu'il faut faire preuve de responsabilité et pas simplement d'arrangement. "
La présence du président Mugabe à Paris vous choque ? Ou vous dites qu'au fond, peut-être en le mettant dans ce genre d'enceinte, on va le persuader de respecter un peu plus les droits de l'Homme dans son pays ?
- "La question que je me pose c'est : à quoi sert un sommet France-Afrique ? Est-ce que ça sert simplement à montrer que la France a des amis en Afrique, nombreux ? "
Ce n'est pas négligeable quand même de montrer que la France a encore une influence en Afrique.
- "Si c'est ça, ce n'est pas suffisant. Quelle influence ? Pour quelle politique ? Où est-ce que c'est un sommet qui permet de poser des règles utiles à l'Afrique et utiles au monde ? La règle pour l'Afrique, c'est la même que pour tous les pays de notre planète : il faut respecter la démocratie, les droits de l'Homme et il faut faire en sorte qu'il n'y ait pas de corruption. Vaste tâche, me direz-vous... La contrepartie, c'est d'avoir une politique d'aide au développement, une politique qui fasse en sorte que la dette des pays les plus pauvres puisse être annulée, que des accords commerciaux puissent être passés et qu'on ait véritablement des projets d'investissements en Afrique. Si c'est ça alors ça vaut la peine de réunir les Africains autour de la France ou autour de l'Europe parce que c'est quand même l'Europe qui est tout à fait déterminante. Mais si c'est simplement pour faire en sorte que tel ou tel dictateur puisse avoir un brevet ! En l'occurrence Mugabe, que peut-être peu connaissent parce qu'il est président d'un pays lointain, le Zimbabwe, mais quand même, que ce personnage soit interdit de circulation par l'Union européenne et puisse se trouver, comme un chef d'Etat respectable, autour de la table et à côté du président de la République française, cela ne me satisfait pas. "
Vous marquez votre différence sur l'Afrique. En revanche, à propos de l'Irak, on est dans une ambiance d'union nationale derrière le Président de la République. Le Parti socialiste trouve toujours que la position de la France est juste ?
- "La position qui consiste à faire prévaloir la recherche de la paix, d'une solution diplomatique ; la solution qui consiste à prolonger, renforcer le travail des inspecteurs est la bonne voie. Ce n'est pas parce que nous sommes aujourd'hui dans l'opposition que nous serions critique d'une démarche qui a été celle de la France, qui est aussi heureusement celle d'une bonne partie de l'Europe - pas de toute l'Europe - et d'une bonne partie du monde, et qui doit être encore la démarche qu'il faut poursuivre et engager. Lorsque les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne envisagent une deuxième résolution qui pourrait laisser un libre court à une intervention militaire, nous disons qu'il faut que la France continue de faire en sorte que cette deuxième résolution ne soit pas déposée. Si elle l'était, qu'elle ne soit pas votée. "
"Votée", cela veut dire que la France peut voter contre ou bien faire jouer son droit de veto ? Vous préférez quelle solution ?
- "S'il s'agit d'une résolution qui pourrait donner une légitimité, celle de l'ONU à une intervention militaire, il faut faire en sorte qu'une majorité se prononce contre cette résolution et, le cas échéant, que le droit de veto puisse être utilisé. "
Certains, aujourd'hui, s'inquiètent notamment à droite, se disent qu'on va abandonner une vieille alliance avec l'Amérique, la Grande-Bretagne, pour s'allier à la Russie et à la Chine. Est-ce bien ?
- "Nous devons rester des alliés des Etats-Unis, il ne s'agit pas d'avoir un comportement anti-américain. Nous savons ce que les Etats-Unis ont supporté comme acte terroriste, il n'y a pas si longtemps, le 11 septembre. Nous savons quel est leur rôle des Etats-Unis d'Amérique depuis longtemps pour faire en sorte que l'Europe, elle-même, soit défendue. N'oublions pas ce qui s'est passé pendant toute la période de la Guerre froide. Et pour autant, lorsque les Etats-Unis font fausse route, lorsqu'ils poursuivent une politique qui n'est pas la bonne, même en tant qu'ami, même en tant qu'allié, notre devoir c'est de leur dire et c'est même parfois de les empêcher d'agir. "
Cette alliance Chine-Russie, monsieur le défenseur des droits de l'Homme, on va vous dire, "dites donc, vous qui défendez autant les droits de l'Homme ! ".
- "Il ne s'agit pas de défendre le régime de S. Hussein, il s'agit de faire en sorte."
Non, je parle de la Chine et de la Russie, des alliances.
- "...que ce régime ne tienne pas. Il s'agit d'avoir une alliance internationale, une coalition internationale contre le terrorisme la plus large possible. Je fais d'ailleurs observer que dans la coalition contre le terrorisme, il y a la Russie et il y a la Chine. Il faut une coalition contre le terrorisme mais il faut aussi une coalition la plus large pour la paix. Lorsque cette paix est possible et elle l'est aujourd'hui. "
Il y aura une discussion la semaine prochaine au Parlement ; c'est vous qui interviendrez au nom du Parti socialiste ?
- "Oui, ce sera sans doute le premier secrétaire du Parti socialiste qui interviendra. "
Hier, à votre place, le président de l'Assemblée nationale disait : "il faut qu'il y ait un vote", en tout cas lui, le souhaite. Le Gouvernement pour l'instant dit non. Quelle est votre préférence ?
- "Notre préférence serait qu'il y ait un vote. Mais nous sommes déjà satisfaits, si je puis dire, même si ce débat vient tard, qu'il y ait une discussion au Parlement. Je trouve que cette discussion aurait dû avoir lieu il y a plusieurs semaines d'autant que nous nous retrouvons sur les principes et cela aurait été, à mon avis, encore un moyen de parler plus fort. Maintenant, ce débat a lieu, c'est le Gouvernement qui en fixe les formes et en tout cas, nous donnerons notre position. Et cette position, vous l'avez compris, ce ne sera pas une position fondée sur je ne sais quel calcul de politique intérieure, ce sera une position qui visera à renforcer le rôle de la France dans cette période. "
Mais vous n'êtes pas absolument attaché à un vote ou vous dites peut-être plus tard ou vous laissez une marge au Gouvernement pour décider ?
- "Ce serait mieux. Ce que je pense c'est qu'il faudra qu'il y ait peut-être un autre débat. Parce que la situation, on l'a bien vu, n'est pas tout à fait éclaircie. Et s'il doit y avoir par exemple, une nouvelle réunion du Conseil de sécurité avec une position de la France - on l'évoquait, le vote " non ", le droit de veto, la nature de cette résolution dont on aurait à débattre -, alors oui, je pense qu'il faudrait qu'il y ait un nouveau débat à l'Assemblée nationale suivi d'un vote sur la position de la France. "
Vous avez écrit aux présidents des Partis socialistes européens pour qu'ils organisent une rencontre. Mais cela va être utile à quoi au fond, si ce n'est à constater que vous êtes à peu près tous d'accord, sauf avec la Grande-Bretagne évidemment ? Constat de division supplémentaire ?
- "Dans cette période, il faut débattre, il faut discuter, il faut qu'il y ait une pression des opinions publiques. Elle a lieu lorsque des millions de citoyens dans le monde défilent pour la paix, en tout cas contre cette guerre. Il y a une pression des opinions publiques parce que les partis politiques, en l'occurrence, le Parti des socialistes européens, il existe, débat pour dire que nous sommes ensemble, pas simplement pour des valeurs de transformations de la société, - c'est déjà important -, nous sommes aussi ensemble pour une conception du monde. Et de ce point de vue, je dois le dire, la conception des socialistes britanniques n'est pas la nôtre. "
Il n'y a qu'eux finalement ?
- "Est-ce d'ailleurs la conception de tous les socialistes britanniques ? C'est ce que je veux aussi éclaircir dans le débat que je propose au sein des socialistes européens, parce que beaucoup de travaillistes britanniques étaient dans la rue contre l'intervention militaire. "
Vous n'allez pas faire changer T. Blair d'avis quand même ?!
- "Non, mais c'est quand même important de faire une pression. "
Est-ce que cela vous choque qu'aujourd'hui, un grand journal - puisque l'on parle de la Grande-Bretagne - populaire britannique publie un éditorial en français et traite le Président français de ver ?
- "Si c'est pour favoriser l'utilisation de la langue française, je trouve qu'il y a beaucoup de modestie de la part des Britanniques ; si c'est pour nous insulter, je pense qu'il faut mieux qu'ils écrivent en anglais. "
le Parti socialiste, pendant ce temps, prépare quand même son congrès. Tout le monde va se rassembler derrière vous, en tout cas une grande majorité de socialistes va se rassembler derrière vous. Pourquoi ? Parce que vous êtes le meilleur ou parce que personne n'envie votre place en ce moment ?
- "Vous avez toujours des personnes qui ont envie de votre place. Je ne sais pas comment ça se passe pour vous... Mais ce n'est pas le bon argument. Il y a une volonté des socialistes de débattre parce qu'il s'est passé ce qui s'est passé le 21 avril, parce que nous sommes dans une rénovation de notre formation politique. Mais il y a aussi une envie de rassemblement, parce que dans le contexte que l'on vient de décrire qui est aussi un contexte grave sur le plan économique, c'est-à-dire avec des plans de licenciements qui se multiplient, avec un ralentissement de la croissance, avec une progression du chômage, avec des choix fiscaux comme ceux qui aboutissent à la baisse l'impôt sur la fortune au moment où on rogne l'allocation personnalisée à l'autonomie pour les personnes âgées ; à un moment où le Premier ministre est, lui-même, contesté, y compris dans sa propre famille politique, dans son propre camp, oui, il faut une gauche à l'offensive ! Quand je vois que c'est vers le Parti socialiste que cette gauche peut, effectivement, reprendre l'initiative, je me dis qu'il faut avoir le rassemblement le plus large sur un projet clair au sein du Parti socialiste. "
Ce qui vous énerve simplement, c'est quand certains disent que vous " achetez " - entre guillemets -, le ralliement des uns ou des autres, cela vous met de mauvaise humeur ?
- "Oui, ce ne me paraît pas être le ton, la forme, les mots qu'il faut utiliser entre socialistes. Donc, à chacun d'être conscient aussi de l'image qu'il peut donner de sa formation politique, pas simplement de sa propre personne. Je pense que l'on peut faire le rassemblement sur un projet clair. Il y aura forcément une majorité, une minorité. Ceux qui sont dans la minorité ne méritent pas l'indignité, ceux qui sont dans la majorité non plus. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 février 2003)
- "Le Parti socialiste a soutenu une solution politique en Côte d'Ivoire qui puisse être appliquée. Autant il était nécessaire que la France s'implique dans le dossier de la Côte d'Ivoire, y compris pour protéger ses ressortissants, ce qui était quand même la première des missions pour s'interposer, autant l'initiative politique qui a été prise, Marcoussis, pouvait être également soutenue, à condition de déboucher sur un accord applicable. Or - chacun l'a vu, chacun l'a admis -, dire que les rebelles devaient prendre possession du ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur n'était sans doute pas la voie la plus simple pour réconcilier les Ivoiriens. En tout cas, elle n'a pas abouti. Maintenant, nous, nous soutenons toutes les initiatives, tous les efforts pour trouver un gouvernement permettant la réconciliation nationale. "
Vous avez dit à monsieur Gbagbo de faire un effort ?
- "En Afrique, le Parti socialiste n'a pas d'ami ; il a des principes, il a des règles et il veut les faire respecter. Le principe, la règle, c'est la démocratie, ce sont les droits de l'Homme, c'est la lutte contre la corruption. Je n'ai pas une conception de la politique africaine qui serait simplement celle des amis qu'il faudrait protéger, soutenir ou favoriser parce qu'ils auraient rendu eux-mêmes tel ou tel service. Cette politique a peut-être été pratiquée pendant tout un moment, elle l'est encore sans doute aujourd'hui ; ce n'est pas la nôtre. "
Vous avez quand même demandé au Président Gbagbo de faire un effort, d'arrêter d'attaquer la France, de faire organiser ou de laisser faire un certain nombre de manifestations anti-françaises, et d'accepter la mise en place d'un accord ?
- "Ce qu'on a dit à Gbagbo, c'était ce qu'on aurait dit à tout chef d'Etat dans cette circonstance : vous avez un devoir de réconcilier les Ivoiriens, d'appeler chacun à la responsabilité, de protéger nos ressortissants et de faire en sorte qu'il puisse y avoir un gouvernement d'union nationale dans les meilleurs délais. C'est ce que nous lui disons encore aujourd'hui. Et nous le faisons, là aussi, comme force politique soutenant des principes et pas simplement cherchant des arrangements ou des règlements. C'est trop important parce qu'il y a des risques pour la population ivoirienne, on l'a bien vu, il y a des risques par rapport à nos ressortissants, il y a des risques par rapport aux forces militaires françaises. Donc, je crois qu'il faut faire preuve de responsabilité et pas simplement d'arrangement. "
La présence du président Mugabe à Paris vous choque ? Ou vous dites qu'au fond, peut-être en le mettant dans ce genre d'enceinte, on va le persuader de respecter un peu plus les droits de l'Homme dans son pays ?
- "La question que je me pose c'est : à quoi sert un sommet France-Afrique ? Est-ce que ça sert simplement à montrer que la France a des amis en Afrique, nombreux ? "
Ce n'est pas négligeable quand même de montrer que la France a encore une influence en Afrique.
- "Si c'est ça, ce n'est pas suffisant. Quelle influence ? Pour quelle politique ? Où est-ce que c'est un sommet qui permet de poser des règles utiles à l'Afrique et utiles au monde ? La règle pour l'Afrique, c'est la même que pour tous les pays de notre planète : il faut respecter la démocratie, les droits de l'Homme et il faut faire en sorte qu'il n'y ait pas de corruption. Vaste tâche, me direz-vous... La contrepartie, c'est d'avoir une politique d'aide au développement, une politique qui fasse en sorte que la dette des pays les plus pauvres puisse être annulée, que des accords commerciaux puissent être passés et qu'on ait véritablement des projets d'investissements en Afrique. Si c'est ça alors ça vaut la peine de réunir les Africains autour de la France ou autour de l'Europe parce que c'est quand même l'Europe qui est tout à fait déterminante. Mais si c'est simplement pour faire en sorte que tel ou tel dictateur puisse avoir un brevet ! En l'occurrence Mugabe, que peut-être peu connaissent parce qu'il est président d'un pays lointain, le Zimbabwe, mais quand même, que ce personnage soit interdit de circulation par l'Union européenne et puisse se trouver, comme un chef d'Etat respectable, autour de la table et à côté du président de la République française, cela ne me satisfait pas. "
Vous marquez votre différence sur l'Afrique. En revanche, à propos de l'Irak, on est dans une ambiance d'union nationale derrière le Président de la République. Le Parti socialiste trouve toujours que la position de la France est juste ?
- "La position qui consiste à faire prévaloir la recherche de la paix, d'une solution diplomatique ; la solution qui consiste à prolonger, renforcer le travail des inspecteurs est la bonne voie. Ce n'est pas parce que nous sommes aujourd'hui dans l'opposition que nous serions critique d'une démarche qui a été celle de la France, qui est aussi heureusement celle d'une bonne partie de l'Europe - pas de toute l'Europe - et d'une bonne partie du monde, et qui doit être encore la démarche qu'il faut poursuivre et engager. Lorsque les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne envisagent une deuxième résolution qui pourrait laisser un libre court à une intervention militaire, nous disons qu'il faut que la France continue de faire en sorte que cette deuxième résolution ne soit pas déposée. Si elle l'était, qu'elle ne soit pas votée. "
"Votée", cela veut dire que la France peut voter contre ou bien faire jouer son droit de veto ? Vous préférez quelle solution ?
- "S'il s'agit d'une résolution qui pourrait donner une légitimité, celle de l'ONU à une intervention militaire, il faut faire en sorte qu'une majorité se prononce contre cette résolution et, le cas échéant, que le droit de veto puisse être utilisé. "
Certains, aujourd'hui, s'inquiètent notamment à droite, se disent qu'on va abandonner une vieille alliance avec l'Amérique, la Grande-Bretagne, pour s'allier à la Russie et à la Chine. Est-ce bien ?
- "Nous devons rester des alliés des Etats-Unis, il ne s'agit pas d'avoir un comportement anti-américain. Nous savons ce que les Etats-Unis ont supporté comme acte terroriste, il n'y a pas si longtemps, le 11 septembre. Nous savons quel est leur rôle des Etats-Unis d'Amérique depuis longtemps pour faire en sorte que l'Europe, elle-même, soit défendue. N'oublions pas ce qui s'est passé pendant toute la période de la Guerre froide. Et pour autant, lorsque les Etats-Unis font fausse route, lorsqu'ils poursuivent une politique qui n'est pas la bonne, même en tant qu'ami, même en tant qu'allié, notre devoir c'est de leur dire et c'est même parfois de les empêcher d'agir. "
Cette alliance Chine-Russie, monsieur le défenseur des droits de l'Homme, on va vous dire, "dites donc, vous qui défendez autant les droits de l'Homme ! ".
- "Il ne s'agit pas de défendre le régime de S. Hussein, il s'agit de faire en sorte."
Non, je parle de la Chine et de la Russie, des alliances.
- "...que ce régime ne tienne pas. Il s'agit d'avoir une alliance internationale, une coalition internationale contre le terrorisme la plus large possible. Je fais d'ailleurs observer que dans la coalition contre le terrorisme, il y a la Russie et il y a la Chine. Il faut une coalition contre le terrorisme mais il faut aussi une coalition la plus large pour la paix. Lorsque cette paix est possible et elle l'est aujourd'hui. "
Il y aura une discussion la semaine prochaine au Parlement ; c'est vous qui interviendrez au nom du Parti socialiste ?
- "Oui, ce sera sans doute le premier secrétaire du Parti socialiste qui interviendra. "
Hier, à votre place, le président de l'Assemblée nationale disait : "il faut qu'il y ait un vote", en tout cas lui, le souhaite. Le Gouvernement pour l'instant dit non. Quelle est votre préférence ?
- "Notre préférence serait qu'il y ait un vote. Mais nous sommes déjà satisfaits, si je puis dire, même si ce débat vient tard, qu'il y ait une discussion au Parlement. Je trouve que cette discussion aurait dû avoir lieu il y a plusieurs semaines d'autant que nous nous retrouvons sur les principes et cela aurait été, à mon avis, encore un moyen de parler plus fort. Maintenant, ce débat a lieu, c'est le Gouvernement qui en fixe les formes et en tout cas, nous donnerons notre position. Et cette position, vous l'avez compris, ce ne sera pas une position fondée sur je ne sais quel calcul de politique intérieure, ce sera une position qui visera à renforcer le rôle de la France dans cette période. "
Mais vous n'êtes pas absolument attaché à un vote ou vous dites peut-être plus tard ou vous laissez une marge au Gouvernement pour décider ?
- "Ce serait mieux. Ce que je pense c'est qu'il faudra qu'il y ait peut-être un autre débat. Parce que la situation, on l'a bien vu, n'est pas tout à fait éclaircie. Et s'il doit y avoir par exemple, une nouvelle réunion du Conseil de sécurité avec une position de la France - on l'évoquait, le vote " non ", le droit de veto, la nature de cette résolution dont on aurait à débattre -, alors oui, je pense qu'il faudrait qu'il y ait un nouveau débat à l'Assemblée nationale suivi d'un vote sur la position de la France. "
Vous avez écrit aux présidents des Partis socialistes européens pour qu'ils organisent une rencontre. Mais cela va être utile à quoi au fond, si ce n'est à constater que vous êtes à peu près tous d'accord, sauf avec la Grande-Bretagne évidemment ? Constat de division supplémentaire ?
- "Dans cette période, il faut débattre, il faut discuter, il faut qu'il y ait une pression des opinions publiques. Elle a lieu lorsque des millions de citoyens dans le monde défilent pour la paix, en tout cas contre cette guerre. Il y a une pression des opinions publiques parce que les partis politiques, en l'occurrence, le Parti des socialistes européens, il existe, débat pour dire que nous sommes ensemble, pas simplement pour des valeurs de transformations de la société, - c'est déjà important -, nous sommes aussi ensemble pour une conception du monde. Et de ce point de vue, je dois le dire, la conception des socialistes britanniques n'est pas la nôtre. "
Il n'y a qu'eux finalement ?
- "Est-ce d'ailleurs la conception de tous les socialistes britanniques ? C'est ce que je veux aussi éclaircir dans le débat que je propose au sein des socialistes européens, parce que beaucoup de travaillistes britanniques étaient dans la rue contre l'intervention militaire. "
Vous n'allez pas faire changer T. Blair d'avis quand même ?!
- "Non, mais c'est quand même important de faire une pression. "
Est-ce que cela vous choque qu'aujourd'hui, un grand journal - puisque l'on parle de la Grande-Bretagne - populaire britannique publie un éditorial en français et traite le Président français de ver ?
- "Si c'est pour favoriser l'utilisation de la langue française, je trouve qu'il y a beaucoup de modestie de la part des Britanniques ; si c'est pour nous insulter, je pense qu'il faut mieux qu'ils écrivent en anglais. "
le Parti socialiste, pendant ce temps, prépare quand même son congrès. Tout le monde va se rassembler derrière vous, en tout cas une grande majorité de socialistes va se rassembler derrière vous. Pourquoi ? Parce que vous êtes le meilleur ou parce que personne n'envie votre place en ce moment ?
- "Vous avez toujours des personnes qui ont envie de votre place. Je ne sais pas comment ça se passe pour vous... Mais ce n'est pas le bon argument. Il y a une volonté des socialistes de débattre parce qu'il s'est passé ce qui s'est passé le 21 avril, parce que nous sommes dans une rénovation de notre formation politique. Mais il y a aussi une envie de rassemblement, parce que dans le contexte que l'on vient de décrire qui est aussi un contexte grave sur le plan économique, c'est-à-dire avec des plans de licenciements qui se multiplient, avec un ralentissement de la croissance, avec une progression du chômage, avec des choix fiscaux comme ceux qui aboutissent à la baisse l'impôt sur la fortune au moment où on rogne l'allocation personnalisée à l'autonomie pour les personnes âgées ; à un moment où le Premier ministre est, lui-même, contesté, y compris dans sa propre famille politique, dans son propre camp, oui, il faut une gauche à l'offensive ! Quand je vois que c'est vers le Parti socialiste que cette gauche peut, effectivement, reprendre l'initiative, je me dis qu'il faut avoir le rassemblement le plus large sur un projet clair au sein du Parti socialiste. "
Ce qui vous énerve simplement, c'est quand certains disent que vous " achetez " - entre guillemets -, le ralliement des uns ou des autres, cela vous met de mauvaise humeur ?
- "Oui, ce ne me paraît pas être le ton, la forme, les mots qu'il faut utiliser entre socialistes. Donc, à chacun d'être conscient aussi de l'image qu'il peut donner de sa formation politique, pas simplement de sa propre personne. Je pense que l'on peut faire le rassemblement sur un projet clair. Il y aura forcément une majorité, une minorité. Ceux qui sont dans la minorité ne méritent pas l'indignité, ceux qui sont dans la majorité non plus. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 février 2003)