Interview de M. Hamlaoui Mekachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, à Europe 1 le 25 septembre 2002, sur la journée d'hommage aux harkis, l'action gouvernementale en faveur des jeunes de la deuxième génération des harkis et le poids du passé dans les relations franco-algériennes.

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Circonstance : Journée d'hommage national aux harkis, le 25 septembre 2002

Média : Europe 1

Texte intégral

La France rend hommage aujourd'hui aux Harkis. H. Mekachera bonjour. Concrètement, il y aura en quelque sorte une grande cérémonie du souvenir...
- "C'est une cérémonie du souvenir, c'est la mémoire ; on ne voudrait pas que cela disparaisse. Vous savez que notre hantise, c'est de voir la mémoire orale, dans tous les domaines d'ailleurs, disparaître sans qu'on ait bénéficié des moyens que la technologie moderne nous donne pour accrocher et cristalliser cette mémoire orale sur des supports, par exemple, l'audiovisuel."
Vous avez été vous-même officier lors de la Guerre d'Algérie. Vous avez constaté le dévouement des harkis, leur courage au combat ?
- "Vraiment un dévouement sans limite. Ils ne venaient pas pour être riches, ils ne venaient pas pour avoir des biens matériels, etc. Ils venaient pour servir une cause, servir. Finalement, personne ne se posait la question si on n'était ou pas en France. Mais ils ont servi avec coeur, le temps qu'ils ont servi, et ils n'ont pas été récompensés en retour, c'est vrai. A la fin de la Guerre, on n'a pas été à la hauteur que ces hommes et ces femmes pouvaient attendre."
Il y a eu des massacres terribles, notamment en 1962, après la fin de la Guerre, après les Accords d'Evian...
- "Oui."
Les harkis réclament aujourd'hui, et depuis longtemps, une reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français.
- "Vous savez ça... Par contre, je crois que la priorité actuellement est plus sociale, elle est plus de trouver la juste place de ces jeunes de la deuxième et de la troisième génération, plutôt que d'aller devant des tribunaux pour... C'est notre pays la France. Si on a fait une erreur, on l'a faite collectivement."
Parce qu'aujourd'hui, ils se retrouvent, c'est vrai, dans des sortes de ghettos parfois dans certaines agglomérations, notamment dans le Midi de la France. Ils se sentent un peu abandonnés.
- "C'est vrai."
Que peuvent-ils espérer du Gouvernement ?
- "D'abord, le Gouvernement a voulu marquer le symbole dès sont arrivée. Il a mis en place, comme vous le savez, une mission interministérielle auprès du Premier ministre, afin de prendre conscience de ce qu'il est nécessaire de faire en direction de ces jeunes. Que cherchent-ils ? Ils cherchent leur juste place sociale, politique, économique. A condition qu'ils aient les moyens d'assumer les responsabilités que la société peut leur offrir dans tous les domaines de la vie au quotidien."
Aujourd'hui, on rend donc hommage aux harkis, au moment où, en Algérie même, certains les considèrent toujours comme "des traîtres au pays", en quelque sorte comme "des collaborateurs". Ce n'est pas moi qui le dit, même le Président Algérien Bouteflika a employé ces mots quand il est venu à Paris.
- "Oui."
Alors pour un ministre du Gouvernement ça doit être quand même difficile de faire la part des choses, car les relations franco-algériennes, ça existe aussi ?
- "Oui, les relations franco-algériennes sont bonnes pour l'instant. Elles pourraient être meilleures. Sur ce point particulier, chacun assume ses responsabilités. C'est évident. Je crois que l'on doit avoir le nécessaire recul devant un problème aussi compliqué, aussi humain. Et qui commence à faire partie de l'histoire. L'Algérie c'est un pays indépendant, souverain, avec sa propre politique, sa propre diplomatie. Je souhaiterais que les Algériens aient le recul nécessaire pour laisser toutes les choses qui pourraient diviser pour aller vers les choses qui peuvent unir. Il y a une politique franco-algérienne qui doit être de qualité. En tout cas, je m'inscris dans cela et je laisse ceux qui pensent autrement à leurs propres responsabilités."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 sept 2002)