Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
La présentation d'un projet de loi de programmation est un moment solennel et important à plusieurs titres.
D'abord, cela va de soi, parce qu'il s'agit de la programmation d'une dépense publique pluriannuelle d'un montant considérable ;
Ensuite parce que la programmation constitue une véritable " feuille de route " pour les armées, le ministère de la défense et les industriels, qui ont besoin d'inscrire leur action dans la durée.
Enfin et surtout, parce qu'un projet de programmation constitue l'expression d'une volonté politique et qu'il est légitime qu'il donne lieu à un débat politique.
C'est ce débat que j'appelle de mes vux et que j'ai l'honneur d'introduire devant votre haute assemblée, en rappelant d'abord quels sont les enjeux de cette nouvelle programmation militaire, puis quels sont ses objectifs et son contenu.
1. L'enjeu de cette programmation, c'est d'assurer notre sécurité dans un environnement international complexe où la France entend tenir toute sa place.
Nous entendons être en mesure d'agir pour défendre nos intérêts, nos valeurs, notre vision de l'Europe et du monde.
1.1 Pour cela, nous voulons être à même de nous défendre face à de multiples menaces.
Une décennie après la fin de la Guerre froide, nous espérions un nouvel ordre mondial de stabilité. Contrairement à ces espoirs, les menaces contre la paix se sont accru. Nous vivons dans un monde dangereux.
Un monde dangereux, comme nous le confirme la multiplication des crises régionales et des foyers de tension.
Un monde dangereux, du fait de la prolifération des potentiels balistiques et d'armes de destruction massive dans plusieurs régions du monde : je pense à la Corée du Nord et, l'ONU est en train de le vérifier, à l'Irak.
Un monde dangereux, marqué par le développement du terrorisme international.
Avec les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, ceux de Karachi, de Bali, le terrorisme de grande ampleur est devenu une réalité : il menace directement la vie de nos concitoyens et nos intérêts nationaux essentiels.
La France en a déjà été la cible, à plusieurs reprises.
1.2 Face à cet environnement lourd de menaces pour notre sécurité, il nous faut disposer d'un outil militaire adapté.
La première responsabilité d'un grand Etat, c'est la protection de son territoire et de ses citoyens contre les agressions extérieures.
La dissuasion conserve à cet égard toute son utilité.
La fonction de protection doit, elle, tenir compte des nouvelles menaces qui exigent de conjuguer, mieux que par le passé, sécurité extérieure et sécurité intérieure
Comme nous l'avons fait en Afghanistan, nous devons en outre être capables d'éradiquer les menaces, loin du territoire national si nécessaire.
Nous devons également posséder les moyens de prévenir et de contenir les crises déstabilisatrices, comme nous le faisons depuis plusieurs années dans les Balkans et, depuis quelques semaines, en Côte d'Ivoire.
1.3 La construction de cet outil de défense, adapté aux nouvelles menaces, s'inscrit résolument dans notre vision de l'Europe et du monde.
Il n'est évidemment pas question de s'en remettre à d'autres pour protéger nos intérêts vitaux : la dissuasion ne peut être assurée que par des moyens strictement nationaux.
Mais l'indépendance nationale ne se limite pas à la dissuasion. Elle s'applique aussi à l'analyse des situations, qui permet de guider les décisions politiques.
Nous voulons pouvoir apprécier par nous-mêmes la réalité des risques.
Pour autant, nous ne pouvons ni ne souhaitons agir seuls.
Nous ne le pouvons pas, parce que la détention de la totalité des moyens nécessaires à notre sécurité est depuis longtemps hors de notre portée.
Mais surtout, nous voulons placer notre effort dans une perspective résolument européenne, car nous pensons que cette voie est la meilleure.
Notre volonté est que la France soit un acteur de tout premier rang et un élément moteur de la construction de l'Europe de la défense.
L'expression de cette volonté ne peut se résumer à des déclarations ou des discours. Elle doit s'illustrer par des gestes concrets qui donnent crédibilité à notre ambition.
Bien sûr, la coopération avec les Etats-Unis est un élément fort de notre crédibilité militaire et l'OTAN demeure le cadre de référence pour la définition des conditions d'interopérabilité entre alliés.
Mais cela n'est pas contradictoire avec notre politique de développement de l'Europe de défense.
Nous considérons que les capacités militaires européennes peuvent servir les objectifs que nous partageons avec les Américains (au sein de l'OTAN). Mais nous insistons pour qu'elles puissent, à l'avenir, être mises au service de l'Europe et de ses choix.
Notre objectif est de faire apparaître de plus en plus la capacité propre des Européens à apporter leurs capacités indifféremment dans les deux cadres, européen et atlantique. C'est l'enjeu de la relève de l'OTAN par l'Union européenne, que nous appelons de nos vux en Madédoine et en Bosnie.
Voilà donc, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, quels sont les principaux enjeux du renouveau de l'effort de défense nationale, voulu par le Président de la République et le Gouvernement, qui inspirent le contenu de ce projet de loi de programmation.
2. Disposer de forces entraînées, dotés d'équipements et d'un personnel adaptés à leurs missions : c'est la finalité de cette nouvelle programmation militaire. Elle poursuit, dans ce but, trois objectifs.
2.1 Premier objectif : restaurer la disponibilité de nos forces.
La loi de programmation militaire qui s'achève a permis de réaliser la professionnalisation des forces armées.
Mais ce bilan positif a été assombri par les insuffisances constatées dans le rythme de modernisation des équipements et dans l'entretien des matériels de nos forces.
Nos capacités opérationnelles s'en sont trouvées affaiblies. La confiance et la motivation de nos armées en ont souffert.
Votre assemblée s'en est préoccupé, comme en témoigne le rapport qu'a consacré Serge Vinçon à la situation de nos flottes d'hélicoptères
C'est pourtant la moindre des obligations de l'Etat que de donner en permanence à notre armée professionnelle les moyens de remplir ses missions, et de s'y préparer au mieux.
Le projet de loi de programmation prévoit ainsi un accroissement sensible des moyens financiers qui seront consacrés à l'entretien programmé des matériels, avec une annuité moyenne de quelque 2,4 Md.
Pour trouver sa pleine efficacité, cet effort financier s'appuiera sur la poursuite de la rationalisation des organismes responsables de la maintenance, associée à un contrôle de gestion rigoureux.
Cependant, disponibilité des matériels et entraînement du personnel vont de pair. L'entraînement et l'activité des forces sont leurs raisons d'être et la garantie de leur sécurité.
Le projet de loi définit dans ce domaine des objectifs ambitieux et précis, quantitatifs et qualitatifs.
Contrairement à ce qui a été constaté pendant la dernière décennie, le montant des crédits de fonctionnement - qui permet notamment de maintenir le niveau d'activité et d'entraînement des forces, sera préservé.
Un mécanisme permettant de " sanctuariser " les crédits consacrés au fonctionnement courant sera mis en place. Il préservera automatiquement une part de l'ordre de 20% de l'ensemble des crédits du titre III.
2.2 Deuxième objectif : moderniser nos équipements et préparer l'avenir.
Grâce à la démarche engagée depuis St-Malo et à notre expérience des théâtres d'opérations extérieurs, nous avons progressé dans la connaissance de nos lacunes et des priorités opérationnelles.
Pour les six prochaines années, il nous faut conduire un rétablissement capacitaire qui s'articulera autour de quatre grands domaines prioritaires.
Premier domaine : la pérennisation de la dissuasion : parce que la dissuasion nucléaire demeure notre garantie essentielle, en dernier ressort, face à la poursuite de la prolifération ;
La dissuasion est l'ultime protection. Elle s'inscrit dans les concepts de " non-emploii " et de " stricte suffisance ". Elle repose sur la diversité et la disponibilité des forces nucléaires en service.
19% des ressources prévues dans le projet de loi sont allouées à la dissuasion nucléaire.
Elles seront consacrées à l'admission au service du 3ème SNLE/NG " Le Vigilant ", à la livraison du 3ème lot de missiles M45, à la poursuite de la construction du 4ème SNLE " Le Terrible " et au développement du missile balistique M51 qui doit l'équiper en 2010.
Elles financeront aussi la mise en service du missile aérobie " air sol moyenne portée amélioré ", la rénovation des réseaux de transmissions, le développement de la tête nucléaire océanique et la poursuite du programme de simulation " Laser Mégajoules .
Deuxième domaine prioritaire : le renforcement de notre autonomie de décision et d'action : car nos forces ne sauraient être réduites à un rôle d'exécutant d'options définies sans notre consentement ;
Il se traduira par la réalisation ou la mise à niveau d'importantes capacités dans les domaines du renseignement et du commandement.
Les ressources affectées permettront la réalisation des satellites Hélios de deuxième génération. Leurs images de très haute résolution de jour et de nuit, conféreront à la France un bon niveau de capacité d'appréciation de situation.
En outre, la participation à la programmation et à l'exploitation des satellites radar de haute résolution avec nos partenaires européens permettra d'élargir le spectre du renseignement. Elle apportera les capacités d'observation tout temps qui nous font défaut aujourd'hui.
Au niveau du théâtre, les capacités seront valorisées. Est ainsi programmée la mise en service, en fin de période, de nouveaux capteurs aériens ainsi que de nouveaux drones.
Les uns et les autres offrent des possibilités de surveillance quasi-permanente de zones d'opérations.
La France doit également être à même d'exercer les responsabilités internationales correspondant à son statut de puissance, dans le domaine du commandement.
La chaîne complète de commandement, du niveau stratégique au niveau tactique, sera réalisée.
L'expérience des opérations des Balkans ou d'Afghanistan a confirmé l'importance de cette capacité.
Notre pays sera ainsi à même, en 2006, de tenir le rôle de " nation cadre " lors d'une opération dirigée par l'Union européenne.
La réalisation du centre de planification et de conduite des opérations à Paris et d'un état-major de commandement de forces à Creil en sont la concrétisation.
La poursuite du programme Syracuse renouvellera la capacité satellitaire de communications, qui constitue le cur des futurs réseaux stratégiques.
Troisième domaine prioritaire : le développement de la capacité de projection et d'action, c'est-à-dire l'aptitude à engager des forces, aussi bien en Europe qu'à l'extérieur du continent, et à les soutenir dans la durée.
C'est là une capacité clef ; nous avons choisi d'y consacrer un effort significatif.
Elle sera renforcée par la réalisation effective du programme A400M, par la mise en service de deux avions de transport à long rayon d'action et la rénovation des quatorze avions ravitailleurs actuellement en service.
Deux bâtiments de projection et de commandement seront livrés en 2005 et 2006.
Une attention particulière sera portée au transport tactique par hélicoptères. Les premiers NH90 de l'armée de terre seront livrés en 2011. En attendant, 24 Cougar et 45 Puma seront rénovés pour leur redonner pleine capacité dans l'environnement opérationnel actuel.
Le renforcement des capacités d'action dans la profondeur se traduira par l'acquisition de 10 hélicoptères " Cougar" supplémentaires destinés aux forces spéciales.
L'optimisation de la capacité de frappe aérienne conventionnelle à partir de vecteurs aériens sera réalisée avec la mise en service des premières unités de Rafale pour l'armée de l'air à partir de 2006.
Le développement de missiles de croisière lancés à partir de plate-formes navales permettra de détenir une première capacité maritime à partir de 2011.
Enfin, la commande d'un second porte-avions permettra de restaurer la permanence à la mer du groupe aéronaval.
Quatrième domaine prioritaire : le renforcement de la fonction de protection.
La protection est une donnée essentielle de nos choix stratégiques. Elle fait l'objet de mesures spécifiques nouvelles tenant compte de l'augmentation des menaces liées à la prolifération des armes de destruction massive et à leur utilisation possible dans le cadre d'actions terroristes.
Le développement d'une composante de défense antimissile de théâtre permettra à l'horizon 2010 de disposer ainsi d'une première capacité de protection d'un élément de forces projetées.
La protection face aux armes nucléaires et chimiques verra son niveau maintenu. Un effort sera consacré à la défense biologique.
L'objectif est, dans un premier temps, d'assurer la protection au profit d'une force de 35 000 hommes.
Enfin en cohérence avec les priorités définies par la LOPSI, les crédits importants accordés à la gendarmerie dans la LPM vont renforcer les capacités tant humaines que matérielles de cet acteur quotidien et essentiel en matière de protection.
Au plan des matériels, le projet de loi prévoit notamment la livraison de 14 hélicoptères et la commande de 15 autres, ainsi que le remplacement des véhicules blindés à roues (VBRG).
Les efforts contenus dans ce projet de LPM auront des implications importantes sur les capacités de nos industries.
Elles seront préservées, dans un contexte marqué par l'arrivée de nombreux programmes en phase de production.
Le début de la loi de programmation sera mis à profit pour engager les évolutions des secteurs naval et terrestre. C'est l'enjeu du changement de statut de DCN et de l'indispensable adaptation de GIAT Industries.
Au-delà de la réalisation des matériels, nous devons assurer la possibilité de lancer sans délai les programmes qui seront nécessaires pour satisfaire des besoins nouveaux dès que ceux-ci seront avérés : c'est le sens de l'augmentation des crédits consacrés à la recherche.
Elle a pour objectif la maîtrise, en 2015, d'une quarantaine de capacités technologiques : je citerai à titre d'exemple la numérisation de l'espace de bataille, les munitions intelligentes ou encore le soutien médical en opération extérieure.
2.3 Troisième objectif : consolider la professionnalisation.
Le projet de loi vise à conforter la professionnalisation de nos armées, réalisée au cours de la précédente programmation.
La création de plus de 10 400 postes permettra de réaliser le format défini en 1996. Ils répondront à l'essentiel des besoins identifiés et considérés comme prioritaires.
Ces créations concernent la Gendarmerie (+ 7000), l'Armée de Terre (+ 2500) et le Service de Santé des Armées (570 médecins et infirmiers).
Un fonds de consolidation de la professionnalisation doté de 573 M est créé.
Il faut permettre aux armées et à la gendarmerie de recruter et de fidéliser les personnels dont elles ont besoin. Répondre à cette exigence, en quantité et en qualité, suppose de maintenir l'attractivité des carrières militaires.
La réserve opérationnelle est un complément nécessaire à toute armée professionnelle. C'est elle qui apporte en tant que de besoin, et notamment dans les périodes de crise, les compétences et expertises complémentaires indispensables.
Sa montée en puissance doit renforcer nos capacités : l'objectif est de porter l'effectif des réservistes de 25 000 à 82 000 à la fin de l'année 2008.
L'effort vigoureux que j'entends entreprendre en faveur des réserves constituera un chantier prioritaire en 2003. Au-delà de l'objectif opérationnel, il s'agit d'un enjeu politique fort : renforcer le lien entre les armées et la Nation.
La Nation fait un effort important pour doter sa défense des moyens nécessaires à son action. Parallèlement, j'entends que ce ministère fasse à son tour les efforts nécessaires pour utiliser au mieux les ressources humaines et matérielles qui lui sont confiées.
L'effort de modernisation du ministère sera poursuivi.
Des expériences de partage des prestations de soutien entre les armées au niveau local ont été entreprises. Elles seront élargies et l'effort sera accentué.
Un système de dématérialisation des procédures d'achat utilisant un portail Internet sera créé dans le but de simplifier et d'améliorer les relations avec les fournisseurs. Il sera opérationnel début 2003.
Enfin, le développement du contrôle de gestion et l'amélioration des circuits administratifs sont de vastes chantiers dont l'aboutissement est indispensable pour l'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Je m'y impliquerai personnellement.
Les personnels militaires et civils de la Défense sont fiers de servir leur pays. Leurs fonctions doivent correspondre à cette vocation. Il est indispensable de recentrer leur activité sur le " cur " des missions dévolues à la Défense.
C'est dans cet esprit que seront conduites, avec pragmatisme et sans a priori des opérations d'externalisation
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 27 janvier 2003)
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
La présentation d'un projet de loi de programmation est un moment solennel et important à plusieurs titres.
D'abord, cela va de soi, parce qu'il s'agit de la programmation d'une dépense publique pluriannuelle d'un montant considérable ;
Ensuite parce que la programmation constitue une véritable " feuille de route " pour les armées, le ministère de la défense et les industriels, qui ont besoin d'inscrire leur action dans la durée.
Enfin et surtout, parce qu'un projet de programmation constitue l'expression d'une volonté politique et qu'il est légitime qu'il donne lieu à un débat politique.
C'est ce débat que j'appelle de mes vux et que j'ai l'honneur d'introduire devant votre haute assemblée, en rappelant d'abord quels sont les enjeux de cette nouvelle programmation militaire, puis quels sont ses objectifs et son contenu.
1. L'enjeu de cette programmation, c'est d'assurer notre sécurité dans un environnement international complexe où la France entend tenir toute sa place.
Nous entendons être en mesure d'agir pour défendre nos intérêts, nos valeurs, notre vision de l'Europe et du monde.
1.1 Pour cela, nous voulons être à même de nous défendre face à de multiples menaces.
Une décennie après la fin de la Guerre froide, nous espérions un nouvel ordre mondial de stabilité. Contrairement à ces espoirs, les menaces contre la paix se sont accru. Nous vivons dans un monde dangereux.
Un monde dangereux, comme nous le confirme la multiplication des crises régionales et des foyers de tension.
Un monde dangereux, du fait de la prolifération des potentiels balistiques et d'armes de destruction massive dans plusieurs régions du monde : je pense à la Corée du Nord et, l'ONU est en train de le vérifier, à l'Irak.
Un monde dangereux, marqué par le développement du terrorisme international.
Avec les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, ceux de Karachi, de Bali, le terrorisme de grande ampleur est devenu une réalité : il menace directement la vie de nos concitoyens et nos intérêts nationaux essentiels.
La France en a déjà été la cible, à plusieurs reprises.
1.2 Face à cet environnement lourd de menaces pour notre sécurité, il nous faut disposer d'un outil militaire adapté.
La première responsabilité d'un grand Etat, c'est la protection de son territoire et de ses citoyens contre les agressions extérieures.
La dissuasion conserve à cet égard toute son utilité.
La fonction de protection doit, elle, tenir compte des nouvelles menaces qui exigent de conjuguer, mieux que par le passé, sécurité extérieure et sécurité intérieure
Comme nous l'avons fait en Afghanistan, nous devons en outre être capables d'éradiquer les menaces, loin du territoire national si nécessaire.
Nous devons également posséder les moyens de prévenir et de contenir les crises déstabilisatrices, comme nous le faisons depuis plusieurs années dans les Balkans et, depuis quelques semaines, en Côte d'Ivoire.
1.3 La construction de cet outil de défense, adapté aux nouvelles menaces, s'inscrit résolument dans notre vision de l'Europe et du monde.
Il n'est évidemment pas question de s'en remettre à d'autres pour protéger nos intérêts vitaux : la dissuasion ne peut être assurée que par des moyens strictement nationaux.
Mais l'indépendance nationale ne se limite pas à la dissuasion. Elle s'applique aussi à l'analyse des situations, qui permet de guider les décisions politiques.
Nous voulons pouvoir apprécier par nous-mêmes la réalité des risques.
Pour autant, nous ne pouvons ni ne souhaitons agir seuls.
Nous ne le pouvons pas, parce que la détention de la totalité des moyens nécessaires à notre sécurité est depuis longtemps hors de notre portée.
Mais surtout, nous voulons placer notre effort dans une perspective résolument européenne, car nous pensons que cette voie est la meilleure.
Notre volonté est que la France soit un acteur de tout premier rang et un élément moteur de la construction de l'Europe de la défense.
L'expression de cette volonté ne peut se résumer à des déclarations ou des discours. Elle doit s'illustrer par des gestes concrets qui donnent crédibilité à notre ambition.
Bien sûr, la coopération avec les Etats-Unis est un élément fort de notre crédibilité militaire et l'OTAN demeure le cadre de référence pour la définition des conditions d'interopérabilité entre alliés.
Mais cela n'est pas contradictoire avec notre politique de développement de l'Europe de défense.
Nous considérons que les capacités militaires européennes peuvent servir les objectifs que nous partageons avec les Américains (au sein de l'OTAN). Mais nous insistons pour qu'elles puissent, à l'avenir, être mises au service de l'Europe et de ses choix.
Notre objectif est de faire apparaître de plus en plus la capacité propre des Européens à apporter leurs capacités indifféremment dans les deux cadres, européen et atlantique. C'est l'enjeu de la relève de l'OTAN par l'Union européenne, que nous appelons de nos vux en Madédoine et en Bosnie.
Voilà donc, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, quels sont les principaux enjeux du renouveau de l'effort de défense nationale, voulu par le Président de la République et le Gouvernement, qui inspirent le contenu de ce projet de loi de programmation.
2. Disposer de forces entraînées, dotés d'équipements et d'un personnel adaptés à leurs missions : c'est la finalité de cette nouvelle programmation militaire. Elle poursuit, dans ce but, trois objectifs.
2.1 Premier objectif : restaurer la disponibilité de nos forces.
La loi de programmation militaire qui s'achève a permis de réaliser la professionnalisation des forces armées.
Mais ce bilan positif a été assombri par les insuffisances constatées dans le rythme de modernisation des équipements et dans l'entretien des matériels de nos forces.
Nos capacités opérationnelles s'en sont trouvées affaiblies. La confiance et la motivation de nos armées en ont souffert.
Votre assemblée s'en est préoccupé, comme en témoigne le rapport qu'a consacré Serge Vinçon à la situation de nos flottes d'hélicoptères
C'est pourtant la moindre des obligations de l'Etat que de donner en permanence à notre armée professionnelle les moyens de remplir ses missions, et de s'y préparer au mieux.
Le projet de loi de programmation prévoit ainsi un accroissement sensible des moyens financiers qui seront consacrés à l'entretien programmé des matériels, avec une annuité moyenne de quelque 2,4 Md.
Pour trouver sa pleine efficacité, cet effort financier s'appuiera sur la poursuite de la rationalisation des organismes responsables de la maintenance, associée à un contrôle de gestion rigoureux.
Cependant, disponibilité des matériels et entraînement du personnel vont de pair. L'entraînement et l'activité des forces sont leurs raisons d'être et la garantie de leur sécurité.
Le projet de loi définit dans ce domaine des objectifs ambitieux et précis, quantitatifs et qualitatifs.
Contrairement à ce qui a été constaté pendant la dernière décennie, le montant des crédits de fonctionnement - qui permet notamment de maintenir le niveau d'activité et d'entraînement des forces, sera préservé.
Un mécanisme permettant de " sanctuariser " les crédits consacrés au fonctionnement courant sera mis en place. Il préservera automatiquement une part de l'ordre de 20% de l'ensemble des crédits du titre III.
2.2 Deuxième objectif : moderniser nos équipements et préparer l'avenir.
Grâce à la démarche engagée depuis St-Malo et à notre expérience des théâtres d'opérations extérieurs, nous avons progressé dans la connaissance de nos lacunes et des priorités opérationnelles.
Pour les six prochaines années, il nous faut conduire un rétablissement capacitaire qui s'articulera autour de quatre grands domaines prioritaires.
Premier domaine : la pérennisation de la dissuasion : parce que la dissuasion nucléaire demeure notre garantie essentielle, en dernier ressort, face à la poursuite de la prolifération ;
La dissuasion est l'ultime protection. Elle s'inscrit dans les concepts de " non-emploii " et de " stricte suffisance ". Elle repose sur la diversité et la disponibilité des forces nucléaires en service.
19% des ressources prévues dans le projet de loi sont allouées à la dissuasion nucléaire.
Elles seront consacrées à l'admission au service du 3ème SNLE/NG " Le Vigilant ", à la livraison du 3ème lot de missiles M45, à la poursuite de la construction du 4ème SNLE " Le Terrible " et au développement du missile balistique M51 qui doit l'équiper en 2010.
Elles financeront aussi la mise en service du missile aérobie " air sol moyenne portée amélioré ", la rénovation des réseaux de transmissions, le développement de la tête nucléaire océanique et la poursuite du programme de simulation " Laser Mégajoules .
Deuxième domaine prioritaire : le renforcement de notre autonomie de décision et d'action : car nos forces ne sauraient être réduites à un rôle d'exécutant d'options définies sans notre consentement ;
Il se traduira par la réalisation ou la mise à niveau d'importantes capacités dans les domaines du renseignement et du commandement.
Les ressources affectées permettront la réalisation des satellites Hélios de deuxième génération. Leurs images de très haute résolution de jour et de nuit, conféreront à la France un bon niveau de capacité d'appréciation de situation.
En outre, la participation à la programmation et à l'exploitation des satellites radar de haute résolution avec nos partenaires européens permettra d'élargir le spectre du renseignement. Elle apportera les capacités d'observation tout temps qui nous font défaut aujourd'hui.
Au niveau du théâtre, les capacités seront valorisées. Est ainsi programmée la mise en service, en fin de période, de nouveaux capteurs aériens ainsi que de nouveaux drones.
Les uns et les autres offrent des possibilités de surveillance quasi-permanente de zones d'opérations.
La France doit également être à même d'exercer les responsabilités internationales correspondant à son statut de puissance, dans le domaine du commandement.
La chaîne complète de commandement, du niveau stratégique au niveau tactique, sera réalisée.
L'expérience des opérations des Balkans ou d'Afghanistan a confirmé l'importance de cette capacité.
Notre pays sera ainsi à même, en 2006, de tenir le rôle de " nation cadre " lors d'une opération dirigée par l'Union européenne.
La réalisation du centre de planification et de conduite des opérations à Paris et d'un état-major de commandement de forces à Creil en sont la concrétisation.
La poursuite du programme Syracuse renouvellera la capacité satellitaire de communications, qui constitue le cur des futurs réseaux stratégiques.
Troisième domaine prioritaire : le développement de la capacité de projection et d'action, c'est-à-dire l'aptitude à engager des forces, aussi bien en Europe qu'à l'extérieur du continent, et à les soutenir dans la durée.
C'est là une capacité clef ; nous avons choisi d'y consacrer un effort significatif.
Elle sera renforcée par la réalisation effective du programme A400M, par la mise en service de deux avions de transport à long rayon d'action et la rénovation des quatorze avions ravitailleurs actuellement en service.
Deux bâtiments de projection et de commandement seront livrés en 2005 et 2006.
Une attention particulière sera portée au transport tactique par hélicoptères. Les premiers NH90 de l'armée de terre seront livrés en 2011. En attendant, 24 Cougar et 45 Puma seront rénovés pour leur redonner pleine capacité dans l'environnement opérationnel actuel.
Le renforcement des capacités d'action dans la profondeur se traduira par l'acquisition de 10 hélicoptères " Cougar" supplémentaires destinés aux forces spéciales.
L'optimisation de la capacité de frappe aérienne conventionnelle à partir de vecteurs aériens sera réalisée avec la mise en service des premières unités de Rafale pour l'armée de l'air à partir de 2006.
Le développement de missiles de croisière lancés à partir de plate-formes navales permettra de détenir une première capacité maritime à partir de 2011.
Enfin, la commande d'un second porte-avions permettra de restaurer la permanence à la mer du groupe aéronaval.
Quatrième domaine prioritaire : le renforcement de la fonction de protection.
La protection est une donnée essentielle de nos choix stratégiques. Elle fait l'objet de mesures spécifiques nouvelles tenant compte de l'augmentation des menaces liées à la prolifération des armes de destruction massive et à leur utilisation possible dans le cadre d'actions terroristes.
Le développement d'une composante de défense antimissile de théâtre permettra à l'horizon 2010 de disposer ainsi d'une première capacité de protection d'un élément de forces projetées.
La protection face aux armes nucléaires et chimiques verra son niveau maintenu. Un effort sera consacré à la défense biologique.
L'objectif est, dans un premier temps, d'assurer la protection au profit d'une force de 35 000 hommes.
Enfin en cohérence avec les priorités définies par la LOPSI, les crédits importants accordés à la gendarmerie dans la LPM vont renforcer les capacités tant humaines que matérielles de cet acteur quotidien et essentiel en matière de protection.
Au plan des matériels, le projet de loi prévoit notamment la livraison de 14 hélicoptères et la commande de 15 autres, ainsi que le remplacement des véhicules blindés à roues (VBRG).
Les efforts contenus dans ce projet de LPM auront des implications importantes sur les capacités de nos industries.
Elles seront préservées, dans un contexte marqué par l'arrivée de nombreux programmes en phase de production.
Le début de la loi de programmation sera mis à profit pour engager les évolutions des secteurs naval et terrestre. C'est l'enjeu du changement de statut de DCN et de l'indispensable adaptation de GIAT Industries.
Au-delà de la réalisation des matériels, nous devons assurer la possibilité de lancer sans délai les programmes qui seront nécessaires pour satisfaire des besoins nouveaux dès que ceux-ci seront avérés : c'est le sens de l'augmentation des crédits consacrés à la recherche.
Elle a pour objectif la maîtrise, en 2015, d'une quarantaine de capacités technologiques : je citerai à titre d'exemple la numérisation de l'espace de bataille, les munitions intelligentes ou encore le soutien médical en opération extérieure.
2.3 Troisième objectif : consolider la professionnalisation.
Le projet de loi vise à conforter la professionnalisation de nos armées, réalisée au cours de la précédente programmation.
La création de plus de 10 400 postes permettra de réaliser le format défini en 1996. Ils répondront à l'essentiel des besoins identifiés et considérés comme prioritaires.
Ces créations concernent la Gendarmerie (+ 7000), l'Armée de Terre (+ 2500) et le Service de Santé des Armées (570 médecins et infirmiers).
Un fonds de consolidation de la professionnalisation doté de 573 M est créé.
Il faut permettre aux armées et à la gendarmerie de recruter et de fidéliser les personnels dont elles ont besoin. Répondre à cette exigence, en quantité et en qualité, suppose de maintenir l'attractivité des carrières militaires.
La réserve opérationnelle est un complément nécessaire à toute armée professionnelle. C'est elle qui apporte en tant que de besoin, et notamment dans les périodes de crise, les compétences et expertises complémentaires indispensables.
Sa montée en puissance doit renforcer nos capacités : l'objectif est de porter l'effectif des réservistes de 25 000 à 82 000 à la fin de l'année 2008.
L'effort vigoureux que j'entends entreprendre en faveur des réserves constituera un chantier prioritaire en 2003. Au-delà de l'objectif opérationnel, il s'agit d'un enjeu politique fort : renforcer le lien entre les armées et la Nation.
La Nation fait un effort important pour doter sa défense des moyens nécessaires à son action. Parallèlement, j'entends que ce ministère fasse à son tour les efforts nécessaires pour utiliser au mieux les ressources humaines et matérielles qui lui sont confiées.
L'effort de modernisation du ministère sera poursuivi.
Des expériences de partage des prestations de soutien entre les armées au niveau local ont été entreprises. Elles seront élargies et l'effort sera accentué.
Un système de dématérialisation des procédures d'achat utilisant un portail Internet sera créé dans le but de simplifier et d'améliorer les relations avec les fournisseurs. Il sera opérationnel début 2003.
Enfin, le développement du contrôle de gestion et l'amélioration des circuits administratifs sont de vastes chantiers dont l'aboutissement est indispensable pour l'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Je m'y impliquerai personnellement.
Les personnels militaires et civils de la Défense sont fiers de servir leur pays. Leurs fonctions doivent correspondre à cette vocation. Il est indispensable de recentrer leur activité sur le " cur " des missions dévolues à la Défense.
C'est dans cet esprit que seront conduites, avec pragmatisme et sans a priori des opérations d'externalisation
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 27 janvier 2003)