Texte intégral
C'est un très grand honneur pour nous de recevoir ce soir, au palais des Affaires étrangères, le président de la Géorgie, pays ami de la France qui est elle-même, je le sais, chère au coeur des Géorgiens.
Je voudrais rompre avec la tradition. Vous avez l'habitude Monsieur le Président, que l'on salue en vous l'homme d'Etat éminent qui fut l'un des artisans du passage d'une époque de notre histoire contemporaine à une autre.
Je sais qu'en 1987, vous dîniez en ces lieux pour la première fois. La France recevait alors le nouveau ministre des Affaires étrangères de l'URSS. Ce n'est pourtant ni l'homme de cette époque, ni l'empire d'alors que je veux évoquer ce soir.
Aujourd'hui, en ces mêmes lieux, la France reçoit le président, démocratiquement élu, de la Géorgie indépendante. C'est lui que je tiens tout particulièrement à saluer. Celui qui, en homme déterminé, a choisi d'être premier chez lui, plutôt que second à Rome. Celui qui a du apprendre sur le terrain qu'il était plus aisé de défaire -même le plus puissant des empires- que de construire même un petit Etat- mais libre, démocratique et souverain.
Monsieur le Président,
Aujourd'hui libre, votre pays demeure la Géorgie de toujours : celle des vieux royaumes d'Ibérie et de Colchide, qui parle tant à notre imagination.
Celle des antiques légendes, de Jason et des Argonautes ou de Prométhée, qui ont nourri la mythologie grecque, patrimoine commun de nos cultures.
Pays de la vigne et du vin où - comme en France, l'on aime rire et chanter, aussi bien que boire et danser -. Un pays où un poète du XIIème siècle- Roustaveli- est plus adulé que n'importe quel homme politique contemporain et où la poésie reste un sport national.
Un pays enfin qui sût séduire d'illustres voyageurs français : Chardin, qui établit un des premiers plans de Tiflis, dont Voltaire s'inspira en écrivant Les lettres persanes; Alexandre Dumas, dont le merveilleux récit de ses pérégrinations au Caucase vient d'être réédité; ou encore Brosset, le célèbre orientaliste. Des rues de Tbilissi portent leurs noms.
Cette Géorgie qui, aux marches disputées de l'Orient et de l'Occident, à la frontière de la chrétienté et de l'islam, après avoir été une terre de convoitises et d'affrontements, aspire à redevenir un carrefour d'échanges entre les hommes et les cultures.
C'est bien pourquoi la Géorgie d'aujourd'hui est -avec l'Azerbaïdjan-, le point de passage obligé de l'ambitieux projet Traceca de l'Union européenne, qui vise à établir la "route de la soie du XXIème siècle", reliant l'Europe et l'Asie, par la Mer Noire et la Mer Caspienne.
Dans ce projet gigantesque et -c'est le cas de le dire "prométhéen" - la Géorgie est partenaire de l'Union européenne. L'accord de coopération est le premier dans la région à être entré en vigueur. Et, la Géorgie deviendra, je l'espère dès cette année, membre à part entière du Conseil de l'Europe.
Ce faisant, aujourd'hui, la Géorgie est, enfin, et sans conteste, "en Europe", et la France s'en réjouit.
Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement, alors que, des siècles durant, le même mot géorgien -prangui- servait à désigner à la fois Français et Européens.
Il est vrai aussi que les liens qui unissent nos pays sont séculaires. Ils se sont renforcés encore dans l'adversité. Les Géorgiens contraints à l'exil ont trouvé en France une seconde patrie. Leurs enfants ont pris leur juste part à la défense du pays qui les avait accueillis. Ce fut le cas du lieutenant-colonel Prince Dimitri Amilakvari, compagnon de la Libération, tombé à El Alamein, dont une promotion de Saint-Cyr porte le nom... et de bien d'autres qui honorèrent la Légion étrangère.
Déjà, au lendemain de la guerre, le général de Gaulle leur avait rendu hommage. Et votre pays lui est reconnaissant d'avoir permis le retour à Tbilissi des inestimables trésors culturels et religieux géorgiens, mis à l'abri en France en 1921.
Aujourd'hui, notre pays est en paix. Mais le vôtre, Monsieur le Président, a connu de nouvelles épreuves. Nombreux sont vos compatriotes qui du fait de la tragédie abkhaze ont été contraints d'abandonner leurs foyers, de devenir des "réfugiés" dans leur propre pays. Dans cette épreuve, la France, qui a créé "le groupe des amis de la Géorgie'', a été et sera à vos côtés, dans l'affirmation et la promotion de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la Géorgie. Elle soutient également le droit au retour des réfugiés et le rétablissement de la Géorgie dans son intégrité.
Monsieur le Président,
Vous le savez mieux que quiconque, l'indépendance et la prospérité de chacun des trois pays au sud du Caucase sont intimement liés à la paix retrouvée. La paix dans cette région d'importance stratégique, est vitale pour ces trois pays qui sont tous nos amis. Elle est donc vitale pour l'Europe, et partant, pour la France.
C'est pourquoi nous soutenons, Monsieur le Président, votre "initiative pour un Caucase pacifique".
Prête à oeuvrer pour la consolidation de la paix, la France, comme je l'avais affirmé à Erevan, à Tbilissi et à Bakou, est prête aussi à participer à son développement économique, en particulier dans le domaine des infrastructures nécessaires à son désenclavement.
Lors de ma visite à Tbilissi, en octobre dernier, nous avions décidé avec votre ministre des Affaires étrangères, de faire de 1997 une année exceptionnelle dans le développement de nos relations bilatérales.
Cette année commence effectivement de façon exceptionnelle avec votre visite officielle à Paris, à l'invitation du président de la République. Elle nous permet de donner corps à l'accord-cadre d'amitié et de coopération entre nos deux pays que nous avions signé en 1994.
Déjà 1996 avait marqué une première accélération dans nos échanges, votre entretien d'aujourd'hui avec le président de la République, donne un nouvel élan à la relation franco-géorgienne. En sont témoins les nombreux accords signés aujourd'hui.
Sur le plan culturel, les affinités particulières qui nous unissent sont bien vivantes. Les francophones sont nombreux en Géorgie. Nos cinémas coopèrent depuis longtemps. Le vernissage ce jour à l'Assemblée nationale de l'exposition consacrée à Lado Goudiachvili, qui a vécu et peint à Paris, où il rencontra Picasso et Modigliani, en est une illustration.
Ces relations seront encore renforcées dans l'avenir par l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique que nous avons signé et par la mise en place d'une station d'émission de Radio France Internationale à Tbilissi.
Dans le domaine économique, nous avons posé aujourd'hui les fondements juridiques et financiers du développement croissant de nos affaires, dans le domaine de la protection des investissements et de la fiscalité. De plus, la France a modifié dans un sens plus favorable les conditions de l'assurance crédit aux exportations vers votre pays. Tout ces éléments devraient contribuer à stimuler vigoureusement nos échanges économiques.
Votre délégation va rencontrer un grand nombre de chefs d'entreprises, parmi les plus importantes et les plus performantes de notre pays. Leur présence ici ce soir, comme au séminaire organisé demain au Sénat témoigne du vif intérêt économique suscité aujourd'hui par votre pays et par les promesses qu'il recèle.
En levant mon verre, je souhaite donc plein succès au développement de tous ces
projets communs.
Je vous invite également, chers amis, à lever votre verre avec moi, à la santé du président Edouard Chevardnadze et de son épouse, au bonheur et à la prospérité du peuple géorgien et à l'amitié, ancienne et renouvelée, de la France et de la Géorgie.
"Ga-ou-mar-djos Sa-kart-ve-los! " (vive la Géorgie !).
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2001)