Texte intégral
Ce Conseil était particulièrement important, alors qu'aujourd'hui même M. Hans Blix et M. El Baradeï présentent au Conseil de sécurité un rapport d'étape sur les inspections en Iraq.
La France, vous le savez, agit depuis plusieurs semaines pour que l'Europe puisse adopter une ligne commune sur ce dossier iraquien. C'est ce que j'ai dit à New York, c'est ce que j'ai proposé avec la réunion ce matin, avant le Conseil, des quatre pays européens membres du Conseil de sécurité, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne, avec la Troïka.
Comme vous avez pu le voir nous avons adopté ce matin une ligne commune, une ligne commune qui marque notre soutien aux inspecteurs, à M. Blix et à M. El Baradeï, pour poursuivre et intensifier leurs inspections. Nous avons réaffirmé l'objectif de parvenir au désarmement complet et effectif de l'Iraq, et vous savez que c'est l'objectif affirmé par la résolution 1441 du Conseil de sécurité.
Nous avons invité l'Iraq à coopérer pleinement et activement avec les inspecteurs. Nous avons souligné l'importance fondamentale de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et enfin nous avons réaffirmé le rôle central du Conseil de sécurité dans la mise en uvre de la résolution des Nations unies.
Ces conclusions correspondent pleinement à nos vues.
La deuxième décision majeure, c'est celle de lancer l'opération de l'Union européenne en Macédoine. Vous vous souvenez de l'insistance mise par la France pendant plusieurs Conseils européens, à obtenir une décision en ce sens. Eh bien, cette décision a été formellement adoptée ce matin.
En ce qui concerne l'Organisation mondiale du Commerce, la France considérait que l'importance des enjeux justifiait un débat politique au Conseil. Nous avons obtenu les garanties que nous souhaitions, d'abord sur la suppression de la mention explicite des produits pour lesquels les soutiens à l'exportation doivent être éliminés : la Commission a fait une déclaration en ce sens. Deuxièmement, l'engagement de la Commission par une déclaration de faire preuve d'une vigilance particulière sur l'ouverture du marché communautaire pour les produits sensibles : la Commission l'a accepté.
Pour sa part, la France attend de la Commission qu'elle respecte bien sûr strictement son mandat et se conforme aux conclusions des Conseils européens de Berlin et de Bruxelles. Nous l'avons dit avec la plus grande fermeté et ceci, je crois, a été compris par tous.
J'ai fait enfin le point sur la situation en Côte d'Ivoire et nous avons adopté des conclusions qui marquent l'appui de l'Union à l'accord de Marcoussis.
Nous avons enfin, évidemment, évoqué la situation du Zimbabwe. J'ai exprimé la position de la France et j'ai malheureusement dû quitter la séance alors que ce point n'était pas encore tout à fait terminé.
Voilà pour les points essentiels. Je suis naturellement prêt à répondre à vos questions.
Q - A-t-on resserré, entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne, les rangs du côté européen sur l'Iraq ?
R - Je l'ai dit depuis maintenant plusieurs semaines, il y a bien entre les Européens une position commune, des principes communs qui nous guident et sur lesquels nous entendons rester fermes. Et en particulier sur le rôle central du Conseil de sécurité et sur l'importance de poursuivre les inspections tout en cherchant à intensifier l'efficacité de ces inspections et donc en tirant les conclusions des appréciations que portent tant M. Blix que M. El Baradeï.
Il y a donc vocation pour ces inspections à tirer profit de l'expérience pour les rendre, chaque jour davantage, plus efficaces.
Q - Quel est le délai qui a été fixé ?
R - Je rappelle une nouvelle fois que la résolution 1441 ne prévoit pas de délai ni de date butoir. Il y a l'affirmation d'un choix, celui de la sécurité collective et d'un moyen, le rôle et l'importance des inspections. Tant que les inspections peuvent progresser, tant qu'à chaque étape les inspecteurs peuvent faire rapport sur l'évolution du travail, il y a tout lieu de continuer dans cette voie de la sécurité collective et des inspections. Si les choses devaient devenir compliquées, si nous étions confrontés à une impasse, alors les inspecteurs, qui sont à la fois l'oeil et la main du Conseil de sécurité sur place, nous le diront. Et le Conseil de sécurité, dûment informé, en tirera les conséquences qu'il doit.
Q - Monsieur le Ministre, ce texte adopté par les Quinze est peu ou prou la reprise du texte de Copenhague. Le vrai débat sur ce que les Européens veulent faire vis-à-vis de l'Iraq n'a pas été ouvert aujourd'hui...
R - Le débat est parfaitement ouvert ! Il y a une question de principe : faut-il ou non poursuivre les inspections ? C'est bien à cela que répond ce texte. Il répond oui. Il répond sur la base de la poursuite des inspections et du renforcement et de l'intensification du travail des inspecteurs. Il y a donc un choix qui est clairement posé et qui est d'ailleurs évidemment un choix conforme à la résolution 1441, qui choisit à la fois les inspections, la sécurité collective et la coopération. Voilà.
Et si les choses devaient se compliquer, bien évidemment nous serions dans un deuxième temps. La France l'a dit depuis le départ. Il y a bien deux temps : le temps de la coopération, et le jour où la coopération n'est plus possible, eh bien le Conseil de sécurité se réunira à nouveau pour en tirer toutes les conclusions.
Q - Puisqu'on ne parle pas d'une deuxième résolution de l'ONU, est-ce que cela veut dire que la France a renoncé à exercer son droit de veto ?
R - Mais pas du tout. Comprenons-nous bien : nous sommes dans le temps de la coopération. Un droit de veto par définition se situe dans un deuxième temps. Il pourrait se situer dans un deuxième temps, dans une autre résolution. Pourquoi voterions-nous aujourd'hui une deuxième résolution, puisque nous nous situons dans le cas d'une résolution qui fonctionne et qui autorise les inspecteurs à travailler sur place ?
Nous sommes dans le temps de la coopération. Nous attendons évidemment les éléments du rapport donné par les inspecteurs. Mais selon les indications que nous avons, rien ne justifie que nous changions de posture.
Aujourd'hui les inspections continuent d'être la règle. Nous devons les intensifier, tirer les conséquences de ce qui a été fait au cours des deux derniers mois et faire en sorte que ces inspections, chaque jour davantage, puissent être efficaces. Il n'y a pas de raison de nous situer dans un autre cadre aujourd'hui.
Q - Et après la présentation des rapports, les Quinze n'ont pas l'intention de se revoir en urgence pour définir une position ?
R - Les diplomaties, la diplomatie française et, bien évidemment, la diplomatie des autres pays européens sont des diplomaties qui fonctionnent sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C'est-à-dire que nous sommes disponibles, et qui plus est, quand nous parlons de sujets aussi importants qui concernent la guerre et la paix, nous sommes disponibles à tout moment pour évoquer ces questions.
Mais ce qui est clair, c'est que ce temps de l'inspection, ce temps de la coopération, partant de l'analyse faite par M. Blix et par M. El Baradeï, nous encourage à continuer, à chercher à les améliorer.
Nous avons été mobilisés au cours des dernières semaines pour faire en sorte que tous les jours ces inspections puissent être plus efficaces.
Q - Colin Powell a rappelé hier à Davos qu'il existait un lien très clair entre Al Qaïda et le régime iraquien. Il a même ajouté "c'est une évidence". Cette évidence existe-t-elle aussi pour la France ?
R - Sur ce dossier, il est évident qu'une concertation entre les principaux pays responsables, les cinq membres permanents, les quinze du Conseil de sécurité, doit rester la règle. Nous ne disposons pas d'élément allant dans le sens que vous évoquez. Mais je suis disponible à chaque heure du jour et de la nuit, avec mon ami Colin Powell, pour évoquer cette question.
Q - Concernant le Zimbabwe, Monsieur le Ministre, et l'invitation faite par la France au président Mugabe. Les partenaires de Paris avaient quarante-huit heures à partir de jeudi midi pour opposer un éventuel veto à cette invitation. Est-ce qu'un Etat membre a accompli une démarche dans ce sens ?
R - Vous savez que le régime de sanctions qui a été décidé par les pays européens, arrive à expiration dans les jours prochains. Il s'agit maintenant d'adopter une position commune. La France est favorable à la pérennisation, à la poursuite de ce régime de sanctions, à condition que nous puissions trouver une solution pour la conférence de Paris comme pour la conférence de Lisbonne et que nous puissions adopter ces sanctions dans un esprit d'ouverture. C'est-à-dire qu'il faut, quand on décide d'être ferme, garder la possibilité de rechercher une consultation, c'est-à-dire un contact, un dialogue qui permette de faire passer des messages clairs et fermes. Et c'est bien notre intention vis-à-vis du Zimbabwe. Nous avons évoqué évidemment ces questions avec nos amis africains présents hier à la conférence de Paris, qu'il s'agisse de l'Afrique du sud, de l'Angola, notre volonté est de trouver une solution. Donc, qui dit sanction ne dit pas que la diplomatie s'arrête. L'idée que nous nous faisons de la diplomatie, c'est d'être mobilisé pour trouver des solutions. Donc, dans la mesure où nous sommes dans une situation difficile, que nous comprenons bien les exigences et la situation particulière de nos amis britanniques, nous la prenons en compte, nous la comprenons, nous l'appuyons, mais parallèlement nous sommes désireux d'oeuvrer à la recherche d'une solution. La diplomatie c'est fait pour cela et la diplomatie française est prête, pour sa part, à y concourir.
Nous avons, comme vous l'avez rappelé, adressé une invitation à M. Mugabe à venir à Paris. Et les messages que nous voulons lui adresser, croyez-le bien, lui seront adressés.
Q - Sur la Côte d'Ivoire, Monsieur le Ministre, il y avait deux mille manifestants ce matin encore dans les rues d'Abidjan et notamment devant l'ambassade de France. Avez-vous le sentiment que le président Gbagbo maîtrise encore ses troupes ?
R - L'avenir nous le dira. C'est évidemment ce que nous souhaitons. Nous souhaitons que chaque responsable ivoirien, et au premier chef le président Gbagbo, puisse en particulier, vis-à-vis des extrémistes qui existent dans tous les camps, faire comprendre quel est le sens de la proposition de Paris. C'est une proposition qui n'a qu'un but : respecter, défendre l'intégrité de la Côte d'Ivoire et permettre à la Côte d'Ivoire de conclure la paix, la réconciliation politique et de travailler dans le sens de la reconstruction. Je crois que ce week-end l'a montré à Paris. Tous les éléments sont là pour permettre le retour à la paix, à la réconciliation et à la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Il faut maintenant que chacun prenne ses responsabilités. Ce n'est pas facile. Cela demande du courage, cela demande de la ténacité, cela demande de la détermination. Je peux vous assurer qu'en ce qui concerne ces trois éléments, la France restera fidèle à l'engagement qui est le sien.
Q - Qu'est-ce qui a mis le feu aux poudres, d'après vous ?
R - Nous l'avons dit hier, il y a quelques poignées d'extrémistes qui ont été à l'origine des mouvements d'hier. Je comprends qu'il soit difficile de passer d'une période à une autre. Nous sommes aujourd'hui dans une phase où la réconciliation est nécessaire. La réconciliation cela veut dire que chacun fasse une partie du chemin. C'est difficile. C'est parfois plus facile d'entrer en guerre que de construire la paix. Eh bien aujourd'hui, il faut construire la paix en Côte d'Ivoire et cela implique que chacun fasse un effort dans l'intérêt de la Côte d'Ivoire, de tous les Ivoiriens et les Africains présents hier à la conférence de Paris l'ont tous dit. Derrière la Côte d'Ivoire, c'est toute la stabilité régionale qui est en jeu et c'est l'enjeu de l'Afrique. L'engagement de la France vis-à-vis de l'Afrique, vous le connaissez et nous serons fidèles à cet engagement.
Q - Il n'est pas question pour l'instant d'évacuer les Français ?
R - Non, pas du tout.
Q - Quand vous dites, Monsieur le Ministre, que la France, pour le Zimbabwe, est favorable à la poursuite des sanctions à la condition que l'on trouve une solution pour les sommets de Paris et de Lisbonne, cela veut dire que si on ne trouve pas cette solution...
R - Cela veut dire que nous sommes confiants dans la capacité de trouver ensemble un accord pour que le message puisse être adressé aux responsables zimbabwéens. Quand vous voulez être ferme vis-à-vis de quelqu'un, il vaut mieux lui expliquer pourquoi vous êtes ferme. C'est dans cet esprit que nous souhaitons que ces messages puissent être adressés et c'est dans cet esprit que nous souhaitons qu'une solution commune puisse être trouvée, tant pour la conférence de Paris que celle de Lisbonne.
Q - Pour en revenir à l'Iraq, la France est contre le recours à la force. Quels sont vos arguments pour influer sur les autres pays siégeant au Conseil de sécurité ?
R - Il faut regarder la situation de la communauté internationale. La communauté internationale a fait un choix. Le problème ne se pose pas aujourd'hui du recours à la force ! Elle a fait un choix à travers la résolution 1441, qui est celui de la coopération, des inspections. Tant que les inspections peuvent avancer, tant qu'elles font leur travail, il n'y a pas de raison de changer de stratégie. Evidemment, c'est dans cette situation-là que nous sommes, et c'est dans le cadre de ces rapports d'étape que les inspecteurs doivent faire devant le Conseil de sécurité, que nous nous situons. Aujourd'hui M. Hans Blix et M. El-Baradeï font rapport au Conseil de sécurité. Nous allons en tirer les conclusions, faire des propositions de façon à ce que ces inspections puissent être demain encore plus efficaces, convaincus que nous sommes que nous pouvons trouver une solution à la crise iraquienne dans ce cadre là.
N'oublions jamais quel est l'objectif et ne mélangeons pas les genres. L'objectif de la communauté internationale et des Nations unies en Iraq, c'est le désarmement de l'Iraq.
Q - Et la Grande-Bretagne vous a paru sensible à ces arguments, vous a paru un peu moins va-t-en-guerre aujourd'hui ?
R - Vous savez, il faut toujours s'en tenir aux faits. Et les faits aujourd'hui c'est cette déclaration commune que nous avons adoptée, qui marque l'union de l'ensemble de l'Europe dans cette voie des inspections et de la coopération, notre souci de tout faire pour que cela marche. Je crois que c'est un acquis important. C'est un fait important que l'Europe puisse dire quelle est sa vision dans le cas d'une crise aussi grave que celle de l'Iraq. Nous y avons, vous le savez, beaucoup travaillé. Nous avons véritablement voulu que cela fut possible. Il y va de la crédibilité de l'Europe, de sa capacité à prendre toutes ses responsabilités. Il est important que l'Europe puisse s'exprimer d'une seule voix, défendre les principes qui sont les siens et c'est donc pour nous une grande satisfaction aujourd'hui.
Q - Monsieur le Ministre, les Etats-Unis ont regretté la décision de Paris d'inviter M. Mugabe à Paris et sur l'Iraq, le moins que l'on puisse dire est que vous n'êtes pas exactement sur la même ligne. Est-ce que vous êtes préoccupé par ces relations transatlantiques qui se dégradent assez rapidement apparemment ?
R - Non. Je crois qu'il est tout à fait excessif de parler de dégradation. Il y a entre l'Europe et les Etats-Unis, entre la France et les Etats-Unis, des relations d'amitié, de confiance. Nous travaillons ensemble. Nous souhaitons que la qualité de ce travail diplomatique, de cette concertation s'intensifie. Nous sommes dans des périodes de la vie internationale qui sont difficiles. Quand c'est difficile, il faut travailler, il faut se voir, il faut se parler. Nous sommes disponibles à tout moment dans un cadre bilatéral ou dans un cadre multilatéral, comme une réunion ministérielle du Conseil de sécurité si la situation l'exige, pour parler avec franchise et avec clarté.
Le monde, aujourd'hui plus que jamais, a besoin de se dire les choses. Nous avons besoin de parler.
Q - M. Rumsfeld les dit clairement.
R - M. Rumsfeld dit ce qu'il pense. Ce n'est pas une clarté qui s'applique particulièrement à la résolution des crises en cours. Nous, ce que nous souhaitons, c'est apporter des solutions aux crises. C'est bien cela qui nous préoccupe, faire avancer la communauté internationale. Donc ne nous attardons pas sur ce qui peut apparaître comme polémique, recherchons des solutions. Il y a des problèmes, cherchons les solutions. Nous ne sommes mobilisés que pour cela. Et nous sommes convaincus qu'avec nos amis américains nous pouvons encore beaucoup progresser dans la recherche de ces solutions.
Q - Sur l'OMC, la France avait une position spécifique ....
R - Nous l'avons dit, nous avions un certain nombre de préoccupations. Nous avons travaillé en relation avec nos amis européens, en liaison avec la Commission et comme je l'ai expliqué aujourd'hui, la situation est claire et nous permet d'avancer tous ensemble.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 janvier 2003)
La France, vous le savez, agit depuis plusieurs semaines pour que l'Europe puisse adopter une ligne commune sur ce dossier iraquien. C'est ce que j'ai dit à New York, c'est ce que j'ai proposé avec la réunion ce matin, avant le Conseil, des quatre pays européens membres du Conseil de sécurité, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne, avec la Troïka.
Comme vous avez pu le voir nous avons adopté ce matin une ligne commune, une ligne commune qui marque notre soutien aux inspecteurs, à M. Blix et à M. El Baradeï, pour poursuivre et intensifier leurs inspections. Nous avons réaffirmé l'objectif de parvenir au désarmement complet et effectif de l'Iraq, et vous savez que c'est l'objectif affirmé par la résolution 1441 du Conseil de sécurité.
Nous avons invité l'Iraq à coopérer pleinement et activement avec les inspecteurs. Nous avons souligné l'importance fondamentale de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et enfin nous avons réaffirmé le rôle central du Conseil de sécurité dans la mise en uvre de la résolution des Nations unies.
Ces conclusions correspondent pleinement à nos vues.
La deuxième décision majeure, c'est celle de lancer l'opération de l'Union européenne en Macédoine. Vous vous souvenez de l'insistance mise par la France pendant plusieurs Conseils européens, à obtenir une décision en ce sens. Eh bien, cette décision a été formellement adoptée ce matin.
En ce qui concerne l'Organisation mondiale du Commerce, la France considérait que l'importance des enjeux justifiait un débat politique au Conseil. Nous avons obtenu les garanties que nous souhaitions, d'abord sur la suppression de la mention explicite des produits pour lesquels les soutiens à l'exportation doivent être éliminés : la Commission a fait une déclaration en ce sens. Deuxièmement, l'engagement de la Commission par une déclaration de faire preuve d'une vigilance particulière sur l'ouverture du marché communautaire pour les produits sensibles : la Commission l'a accepté.
Pour sa part, la France attend de la Commission qu'elle respecte bien sûr strictement son mandat et se conforme aux conclusions des Conseils européens de Berlin et de Bruxelles. Nous l'avons dit avec la plus grande fermeté et ceci, je crois, a été compris par tous.
J'ai fait enfin le point sur la situation en Côte d'Ivoire et nous avons adopté des conclusions qui marquent l'appui de l'Union à l'accord de Marcoussis.
Nous avons enfin, évidemment, évoqué la situation du Zimbabwe. J'ai exprimé la position de la France et j'ai malheureusement dû quitter la séance alors que ce point n'était pas encore tout à fait terminé.
Voilà pour les points essentiels. Je suis naturellement prêt à répondre à vos questions.
Q - A-t-on resserré, entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne, les rangs du côté européen sur l'Iraq ?
R - Je l'ai dit depuis maintenant plusieurs semaines, il y a bien entre les Européens une position commune, des principes communs qui nous guident et sur lesquels nous entendons rester fermes. Et en particulier sur le rôle central du Conseil de sécurité et sur l'importance de poursuivre les inspections tout en cherchant à intensifier l'efficacité de ces inspections et donc en tirant les conclusions des appréciations que portent tant M. Blix que M. El Baradeï.
Il y a donc vocation pour ces inspections à tirer profit de l'expérience pour les rendre, chaque jour davantage, plus efficaces.
Q - Quel est le délai qui a été fixé ?
R - Je rappelle une nouvelle fois que la résolution 1441 ne prévoit pas de délai ni de date butoir. Il y a l'affirmation d'un choix, celui de la sécurité collective et d'un moyen, le rôle et l'importance des inspections. Tant que les inspections peuvent progresser, tant qu'à chaque étape les inspecteurs peuvent faire rapport sur l'évolution du travail, il y a tout lieu de continuer dans cette voie de la sécurité collective et des inspections. Si les choses devaient devenir compliquées, si nous étions confrontés à une impasse, alors les inspecteurs, qui sont à la fois l'oeil et la main du Conseil de sécurité sur place, nous le diront. Et le Conseil de sécurité, dûment informé, en tirera les conséquences qu'il doit.
Q - Monsieur le Ministre, ce texte adopté par les Quinze est peu ou prou la reprise du texte de Copenhague. Le vrai débat sur ce que les Européens veulent faire vis-à-vis de l'Iraq n'a pas été ouvert aujourd'hui...
R - Le débat est parfaitement ouvert ! Il y a une question de principe : faut-il ou non poursuivre les inspections ? C'est bien à cela que répond ce texte. Il répond oui. Il répond sur la base de la poursuite des inspections et du renforcement et de l'intensification du travail des inspecteurs. Il y a donc un choix qui est clairement posé et qui est d'ailleurs évidemment un choix conforme à la résolution 1441, qui choisit à la fois les inspections, la sécurité collective et la coopération. Voilà.
Et si les choses devaient se compliquer, bien évidemment nous serions dans un deuxième temps. La France l'a dit depuis le départ. Il y a bien deux temps : le temps de la coopération, et le jour où la coopération n'est plus possible, eh bien le Conseil de sécurité se réunira à nouveau pour en tirer toutes les conclusions.
Q - Puisqu'on ne parle pas d'une deuxième résolution de l'ONU, est-ce que cela veut dire que la France a renoncé à exercer son droit de veto ?
R - Mais pas du tout. Comprenons-nous bien : nous sommes dans le temps de la coopération. Un droit de veto par définition se situe dans un deuxième temps. Il pourrait se situer dans un deuxième temps, dans une autre résolution. Pourquoi voterions-nous aujourd'hui une deuxième résolution, puisque nous nous situons dans le cas d'une résolution qui fonctionne et qui autorise les inspecteurs à travailler sur place ?
Nous sommes dans le temps de la coopération. Nous attendons évidemment les éléments du rapport donné par les inspecteurs. Mais selon les indications que nous avons, rien ne justifie que nous changions de posture.
Aujourd'hui les inspections continuent d'être la règle. Nous devons les intensifier, tirer les conséquences de ce qui a été fait au cours des deux derniers mois et faire en sorte que ces inspections, chaque jour davantage, puissent être efficaces. Il n'y a pas de raison de nous situer dans un autre cadre aujourd'hui.
Q - Et après la présentation des rapports, les Quinze n'ont pas l'intention de se revoir en urgence pour définir une position ?
R - Les diplomaties, la diplomatie française et, bien évidemment, la diplomatie des autres pays européens sont des diplomaties qui fonctionnent sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C'est-à-dire que nous sommes disponibles, et qui plus est, quand nous parlons de sujets aussi importants qui concernent la guerre et la paix, nous sommes disponibles à tout moment pour évoquer ces questions.
Mais ce qui est clair, c'est que ce temps de l'inspection, ce temps de la coopération, partant de l'analyse faite par M. Blix et par M. El Baradeï, nous encourage à continuer, à chercher à les améliorer.
Nous avons été mobilisés au cours des dernières semaines pour faire en sorte que tous les jours ces inspections puissent être plus efficaces.
Q - Colin Powell a rappelé hier à Davos qu'il existait un lien très clair entre Al Qaïda et le régime iraquien. Il a même ajouté "c'est une évidence". Cette évidence existe-t-elle aussi pour la France ?
R - Sur ce dossier, il est évident qu'une concertation entre les principaux pays responsables, les cinq membres permanents, les quinze du Conseil de sécurité, doit rester la règle. Nous ne disposons pas d'élément allant dans le sens que vous évoquez. Mais je suis disponible à chaque heure du jour et de la nuit, avec mon ami Colin Powell, pour évoquer cette question.
Q - Concernant le Zimbabwe, Monsieur le Ministre, et l'invitation faite par la France au président Mugabe. Les partenaires de Paris avaient quarante-huit heures à partir de jeudi midi pour opposer un éventuel veto à cette invitation. Est-ce qu'un Etat membre a accompli une démarche dans ce sens ?
R - Vous savez que le régime de sanctions qui a été décidé par les pays européens, arrive à expiration dans les jours prochains. Il s'agit maintenant d'adopter une position commune. La France est favorable à la pérennisation, à la poursuite de ce régime de sanctions, à condition que nous puissions trouver une solution pour la conférence de Paris comme pour la conférence de Lisbonne et que nous puissions adopter ces sanctions dans un esprit d'ouverture. C'est-à-dire qu'il faut, quand on décide d'être ferme, garder la possibilité de rechercher une consultation, c'est-à-dire un contact, un dialogue qui permette de faire passer des messages clairs et fermes. Et c'est bien notre intention vis-à-vis du Zimbabwe. Nous avons évoqué évidemment ces questions avec nos amis africains présents hier à la conférence de Paris, qu'il s'agisse de l'Afrique du sud, de l'Angola, notre volonté est de trouver une solution. Donc, qui dit sanction ne dit pas que la diplomatie s'arrête. L'idée que nous nous faisons de la diplomatie, c'est d'être mobilisé pour trouver des solutions. Donc, dans la mesure où nous sommes dans une situation difficile, que nous comprenons bien les exigences et la situation particulière de nos amis britanniques, nous la prenons en compte, nous la comprenons, nous l'appuyons, mais parallèlement nous sommes désireux d'oeuvrer à la recherche d'une solution. La diplomatie c'est fait pour cela et la diplomatie française est prête, pour sa part, à y concourir.
Nous avons, comme vous l'avez rappelé, adressé une invitation à M. Mugabe à venir à Paris. Et les messages que nous voulons lui adresser, croyez-le bien, lui seront adressés.
Q - Sur la Côte d'Ivoire, Monsieur le Ministre, il y avait deux mille manifestants ce matin encore dans les rues d'Abidjan et notamment devant l'ambassade de France. Avez-vous le sentiment que le président Gbagbo maîtrise encore ses troupes ?
R - L'avenir nous le dira. C'est évidemment ce que nous souhaitons. Nous souhaitons que chaque responsable ivoirien, et au premier chef le président Gbagbo, puisse en particulier, vis-à-vis des extrémistes qui existent dans tous les camps, faire comprendre quel est le sens de la proposition de Paris. C'est une proposition qui n'a qu'un but : respecter, défendre l'intégrité de la Côte d'Ivoire et permettre à la Côte d'Ivoire de conclure la paix, la réconciliation politique et de travailler dans le sens de la reconstruction. Je crois que ce week-end l'a montré à Paris. Tous les éléments sont là pour permettre le retour à la paix, à la réconciliation et à la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Il faut maintenant que chacun prenne ses responsabilités. Ce n'est pas facile. Cela demande du courage, cela demande de la ténacité, cela demande de la détermination. Je peux vous assurer qu'en ce qui concerne ces trois éléments, la France restera fidèle à l'engagement qui est le sien.
Q - Qu'est-ce qui a mis le feu aux poudres, d'après vous ?
R - Nous l'avons dit hier, il y a quelques poignées d'extrémistes qui ont été à l'origine des mouvements d'hier. Je comprends qu'il soit difficile de passer d'une période à une autre. Nous sommes aujourd'hui dans une phase où la réconciliation est nécessaire. La réconciliation cela veut dire que chacun fasse une partie du chemin. C'est difficile. C'est parfois plus facile d'entrer en guerre que de construire la paix. Eh bien aujourd'hui, il faut construire la paix en Côte d'Ivoire et cela implique que chacun fasse un effort dans l'intérêt de la Côte d'Ivoire, de tous les Ivoiriens et les Africains présents hier à la conférence de Paris l'ont tous dit. Derrière la Côte d'Ivoire, c'est toute la stabilité régionale qui est en jeu et c'est l'enjeu de l'Afrique. L'engagement de la France vis-à-vis de l'Afrique, vous le connaissez et nous serons fidèles à cet engagement.
Q - Il n'est pas question pour l'instant d'évacuer les Français ?
R - Non, pas du tout.
Q - Quand vous dites, Monsieur le Ministre, que la France, pour le Zimbabwe, est favorable à la poursuite des sanctions à la condition que l'on trouve une solution pour les sommets de Paris et de Lisbonne, cela veut dire que si on ne trouve pas cette solution...
R - Cela veut dire que nous sommes confiants dans la capacité de trouver ensemble un accord pour que le message puisse être adressé aux responsables zimbabwéens. Quand vous voulez être ferme vis-à-vis de quelqu'un, il vaut mieux lui expliquer pourquoi vous êtes ferme. C'est dans cet esprit que nous souhaitons que ces messages puissent être adressés et c'est dans cet esprit que nous souhaitons qu'une solution commune puisse être trouvée, tant pour la conférence de Paris que celle de Lisbonne.
Q - Pour en revenir à l'Iraq, la France est contre le recours à la force. Quels sont vos arguments pour influer sur les autres pays siégeant au Conseil de sécurité ?
R - Il faut regarder la situation de la communauté internationale. La communauté internationale a fait un choix. Le problème ne se pose pas aujourd'hui du recours à la force ! Elle a fait un choix à travers la résolution 1441, qui est celui de la coopération, des inspections. Tant que les inspections peuvent avancer, tant qu'elles font leur travail, il n'y a pas de raison de changer de stratégie. Evidemment, c'est dans cette situation-là que nous sommes, et c'est dans le cadre de ces rapports d'étape que les inspecteurs doivent faire devant le Conseil de sécurité, que nous nous situons. Aujourd'hui M. Hans Blix et M. El-Baradeï font rapport au Conseil de sécurité. Nous allons en tirer les conclusions, faire des propositions de façon à ce que ces inspections puissent être demain encore plus efficaces, convaincus que nous sommes que nous pouvons trouver une solution à la crise iraquienne dans ce cadre là.
N'oublions jamais quel est l'objectif et ne mélangeons pas les genres. L'objectif de la communauté internationale et des Nations unies en Iraq, c'est le désarmement de l'Iraq.
Q - Et la Grande-Bretagne vous a paru sensible à ces arguments, vous a paru un peu moins va-t-en-guerre aujourd'hui ?
R - Vous savez, il faut toujours s'en tenir aux faits. Et les faits aujourd'hui c'est cette déclaration commune que nous avons adoptée, qui marque l'union de l'ensemble de l'Europe dans cette voie des inspections et de la coopération, notre souci de tout faire pour que cela marche. Je crois que c'est un acquis important. C'est un fait important que l'Europe puisse dire quelle est sa vision dans le cas d'une crise aussi grave que celle de l'Iraq. Nous y avons, vous le savez, beaucoup travaillé. Nous avons véritablement voulu que cela fut possible. Il y va de la crédibilité de l'Europe, de sa capacité à prendre toutes ses responsabilités. Il est important que l'Europe puisse s'exprimer d'une seule voix, défendre les principes qui sont les siens et c'est donc pour nous une grande satisfaction aujourd'hui.
Q - Monsieur le Ministre, les Etats-Unis ont regretté la décision de Paris d'inviter M. Mugabe à Paris et sur l'Iraq, le moins que l'on puisse dire est que vous n'êtes pas exactement sur la même ligne. Est-ce que vous êtes préoccupé par ces relations transatlantiques qui se dégradent assez rapidement apparemment ?
R - Non. Je crois qu'il est tout à fait excessif de parler de dégradation. Il y a entre l'Europe et les Etats-Unis, entre la France et les Etats-Unis, des relations d'amitié, de confiance. Nous travaillons ensemble. Nous souhaitons que la qualité de ce travail diplomatique, de cette concertation s'intensifie. Nous sommes dans des périodes de la vie internationale qui sont difficiles. Quand c'est difficile, il faut travailler, il faut se voir, il faut se parler. Nous sommes disponibles à tout moment dans un cadre bilatéral ou dans un cadre multilatéral, comme une réunion ministérielle du Conseil de sécurité si la situation l'exige, pour parler avec franchise et avec clarté.
Le monde, aujourd'hui plus que jamais, a besoin de se dire les choses. Nous avons besoin de parler.
Q - M. Rumsfeld les dit clairement.
R - M. Rumsfeld dit ce qu'il pense. Ce n'est pas une clarté qui s'applique particulièrement à la résolution des crises en cours. Nous, ce que nous souhaitons, c'est apporter des solutions aux crises. C'est bien cela qui nous préoccupe, faire avancer la communauté internationale. Donc ne nous attardons pas sur ce qui peut apparaître comme polémique, recherchons des solutions. Il y a des problèmes, cherchons les solutions. Nous ne sommes mobilisés que pour cela. Et nous sommes convaincus qu'avec nos amis américains nous pouvons encore beaucoup progresser dans la recherche de ces solutions.
Q - Sur l'OMC, la France avait une position spécifique ....
R - Nous l'avons dit, nous avions un certain nombre de préoccupations. Nous avons travaillé en relation avec nos amis européens, en liaison avec la Commission et comme je l'ai expliqué aujourd'hui, la situation est claire et nous permet d'avancer tous ensemble.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 janvier 2003)