Texte intégral
R. Elkrief-. La prime de Noël aux chômeurs est maintenue : 150 euros. Réaction?
- "C'est une bonne chose, en particulier pour les personnes qui en ont besoin. Mais je dois regretter qu'on ait plus de difficultés à ouvrir des négociations, par exemple avec le Medef, sur les sujets qui tournent autour de l'emploi, de la formation professionnelle, des plans sociaux, que de parler de la prime pour les chômeurs. Même si c'est une bonne chose, il serait quand même plus utile de travailler collectivement - syndicats, patrons - sur leur emploi et leur futur emploi, ce serait quand même mieux pour eux."
BNP-Paribas prend 16 % du Lyonnais aujourd'hui. Comment le chef de la CFDT regarde-t-il cette nouvelle ?
- "Avec inquiétude. On voit des démarches qui semblent vouloir rapprocher BNP-Paribas et Crédit Lyonnais. Pourquoi pas, mais pour quoi faire ? Et quel va être l'avenir des emplois, des doublons qui peuvent se créer entre ces deux banques ? Encore une fois, on travaille sur les éléments financiers mais on ne se pose pas par anticipation les problèmes de l'emploi. Et c'est quand même dommage que dans notre pays, on ne commence pas d'abord par cela."
On ouvre le dossier des retraites de fait, parce que chaque jour, il y a une petite phrase lâchée de-ci de-là, et ce week-end, de nouveau, J.-P. Raffarin, apparemment vendredi, a laissé entendre qu'il était pour l'alignement entre le public et le privé, puis il a démenti... Aujourd'hui, E. Guigou et F. Hollande, les dirigeants socialistes, disent que le Gouvernement a tout décidé et que c'est réglé. C'est votre avis ?
- "On va voir s'il a tout décidé. En tout cas, j'espère qu'on va rentrer dans une négociation. Mais le problème des retraites est un enjeu si important sur le contrat social dans notre pays qu'il serait dommage que ce soit l'enjeu d'une polémique politicienne. Ce que certains n'ont pas voulu faire ou osé faire, ils ne peuvent pas reprocher à d'autres de vouloir l'entamer."
Vous regrettez que le Parti socialiste ne l'ait pas fait ?
- "Par exemple. Si on est dans cette difficulté sur les retraites, c'est que personne n'a fait la réforme qu'il fallait faire avant. Maintenant, j'espère qu'on va avoir un consensus entre les partis politiques et avec les syndicats pour aller vers une réforme qui, je le répète, est nécessaire."
Vous dites au PS : "ne nous poussez pas au crime, ne faites pas d'excès, ne soyez pas trop radicaux sur cette question comme sur les autres" ?
- "Je répète : il faut rentrer dans le vif du sujet. Et cela, on ne peut pas le faire si on rentre uniquement par la durée de cotisation et qu'on essaye de faire de la surenchère de parti politique par rapport aux autres partis politiques. Il faut qu'on se fixe, d'une façon durable, quel est le niveau des pensions qu'on veut avoir pour les retraités de demain, et à partir de ce niveau de pension, qu'on discute des différents paramètres. C'est comme cela qu'il faut rentrer dans le sujet et non pas par le petit bout de la lorgnette. La durée, il faut en parler, mais ce n'est pas le sujet essentiel."
On dit que vous êtes d'accord, dans le fond, sur l'alignement entre le public et le privé à quarante ans de cotisation ?
- "Ce que je dis et je ne cesse de le répéter : ce sujet-là devra être discuté, bien évidemment, mais d'abord, il faut savoir quel est le niveau des pensions, parce que la durée de cotisation, le montant des cotisations, c'est ce qui permet de financer les retraites. Tant que je ne sais pas quel est le montant des retraites, c'est difficile d'y rentrer. Mais il faudra en parler, c'est bien évident, sinon on n'y arrivera pas. Mais maintenant, rentrons par le bon bout."
M. Blondel, de FO, annonce qu'il va prendre en main personnellement ce problème des retraites pour résister, pour défendre le statut des fonctionnaires. Cela vous inquiète ? Cela veut dire encore fois une désunion syndicale très forte.
- "La désunion syndicale, elle peut être apparente, effectivement, entre la CFDT et Force Ouvrière, parce qu'on n'est pas d'accord sur la façon de faire. D'un côté, le parti du statu quo, "il ne faut rien bouger", FO, et nous, nous pensons qu'il faut faire une réforme. Maintenant, nous travaillons avec la CGT depuis plusieurs mois sur quels doivent être les grands éléments de la réforme. Si on arrive, et j'espère bien qu'on y arrivera dans les semaines qui viennent, à définir les grandes lignes, même si sur d'autres points, on est en désaccord.."
Ensemble ? CFDT-CGT ? Vous croyez que vous pouvez y arriver ?
- "On est en train d'y travailler avec la CGT. Il n'y a pas de raison qu'on n'y travaille pas avec d'autres. Je sais que la CFTC est prête à travailler avec nous. Maintenant, si on est d'accord sur les grandes lignes, même si on a des désaccords sur certains points - c'est normal, c'est un sujet tellement complexe qu'il ne peut qu'y avoir quelques divergences -, on parlera ensemble, et si on y arrive, et pourquoi pas d'une façon ferme."
Mais lorsque le Medef, par exemple, avec lequel vous voulez négocier - vous l'avez dit et répété -, lorsque G. Sarkozy, par exemple, qui maintenant est un des responsables du Medef, dit qu'il faut encore six ou sept ans de plus de cotisation, c'est-à-dire quarante-six ou quarante-sept ans de cotisation pour arriver à l'équilibre, cela ne vous inquiète pas ? Vous n'avez pas l'impression que le dialogue peut être brouillé ?
- "Si on rentre par des provocations, inévitablement le dialogue sera brouillé. Ce qu'on veut amener sur la table - encore une fois, ne commençons pas par ce sujet, on en parlera, il faudra en parler -, c'est pourquoi pas inventer un système de retraites à la carte, où des salariés puissent partir plus tôt en ayant connaissance des conséquences financières, ou plus tard, après quarante ans de cotisation, dans le privé par exemple, mais en améliorant leurs retraites. La plus grande inégalité aujourd'hui, et j'ai rencontré la semaine dernière, à Valenciennes, un salarié de 55 ans qui cotisait depuis quarante-et-un ans. Si on ne change rien, il va cotiser quarante-six ans ! Donc, on voit bien qu'entre les trente-sept ans et demi et les quarante-six ans du salarié que j'ai rencontré, il y a quand même des marges de manoeuvre en fonction du niveau de retraites que l'on veut financer."
On revient un peu sur le conflit des routiers, parce que vous étiez leader sur ce conflit, vous la CFDT. Franchement, on n'était pas habitué à une ligne dure comme celle qui a été conduite. C'est un changement de cap ? C'est une CFDT qui s'est durcie ?
- "Ce n'est pas un changement de cap. La CFDT voulait rentrer dans cette négociation, et est rentrée dans cette négociation, avec des objectifs effectivement bien identifiés, mais était prête bien sûr à les assouplir dans la négociation en fonction du délai. Par exemple, cette histoire de treizième mois, elle était prête à l'étaler sur plusieurs années. Mais on est restés bloqués autour du salaire de base qui n'évoluera que parallèlement au Smic. C'est-à-dire que les routiers demain auront leurs salaires qui évolueront en même temps que le Smic, c'est-à-dire qu'on ne fait que l'application de la loi. A partir de ce moment, on a eu du mal à rentrer sur le fond de la négociation. Et c'est une déception, parce que je fais la remarque suivante : les routiers sont rentrés cette fois-ci dans une négociation avant de bloquer les routes à la différence de 1997 où c'était l'inverse. J'ai peur qu'ils ne veuillent pas reproduire la méthode la prochaine fois et c'est dommage."
Franchement, pour vous qui êtes le nouveau patron de la CFDT, c'est le premier conflit. Cela ne se passe pas très bien. En fait, le Gouvernement l'a bien désamorcé et puis c'était un peu raté. C'est un échec personnel ?
- "C'est surtout un échec pour le résultat, pour les routiers qui vont rester au Smic d'une façon durable, et ils vont s'en rendre compte dans quelques mois, dans quelques années. Mais je ne choisis pas les conflits. Ces conflits arrivent selon les branches professionnelles. Mais je pense que le Gouvernement a fait une erreur sur la méthode : ce n'est pas en noyant un conflit et en donnant l'impression qu'on le règle d'une façon rapide qu'on règle le problème. Le problème resurgira dans quelques années et le Gouvernement se rendra compte que ce n'est pas en jouant la division syndicale qu'on règle le problème sur le long terme."
Ce n'est donc pas un échec personnel ? Je répète ma question.
- "Non, il n'y a pas d'échec personnel. Je suis déçu bien évidemment, en particulier pour les routiers. Mais si j'avais dû choisir la facilité, je ne serais pas devenu secrétaire général de la CFDT."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 décembre 2002)
- "C'est une bonne chose, en particulier pour les personnes qui en ont besoin. Mais je dois regretter qu'on ait plus de difficultés à ouvrir des négociations, par exemple avec le Medef, sur les sujets qui tournent autour de l'emploi, de la formation professionnelle, des plans sociaux, que de parler de la prime pour les chômeurs. Même si c'est une bonne chose, il serait quand même plus utile de travailler collectivement - syndicats, patrons - sur leur emploi et leur futur emploi, ce serait quand même mieux pour eux."
BNP-Paribas prend 16 % du Lyonnais aujourd'hui. Comment le chef de la CFDT regarde-t-il cette nouvelle ?
- "Avec inquiétude. On voit des démarches qui semblent vouloir rapprocher BNP-Paribas et Crédit Lyonnais. Pourquoi pas, mais pour quoi faire ? Et quel va être l'avenir des emplois, des doublons qui peuvent se créer entre ces deux banques ? Encore une fois, on travaille sur les éléments financiers mais on ne se pose pas par anticipation les problèmes de l'emploi. Et c'est quand même dommage que dans notre pays, on ne commence pas d'abord par cela."
On ouvre le dossier des retraites de fait, parce que chaque jour, il y a une petite phrase lâchée de-ci de-là, et ce week-end, de nouveau, J.-P. Raffarin, apparemment vendredi, a laissé entendre qu'il était pour l'alignement entre le public et le privé, puis il a démenti... Aujourd'hui, E. Guigou et F. Hollande, les dirigeants socialistes, disent que le Gouvernement a tout décidé et que c'est réglé. C'est votre avis ?
- "On va voir s'il a tout décidé. En tout cas, j'espère qu'on va rentrer dans une négociation. Mais le problème des retraites est un enjeu si important sur le contrat social dans notre pays qu'il serait dommage que ce soit l'enjeu d'une polémique politicienne. Ce que certains n'ont pas voulu faire ou osé faire, ils ne peuvent pas reprocher à d'autres de vouloir l'entamer."
Vous regrettez que le Parti socialiste ne l'ait pas fait ?
- "Par exemple. Si on est dans cette difficulté sur les retraites, c'est que personne n'a fait la réforme qu'il fallait faire avant. Maintenant, j'espère qu'on va avoir un consensus entre les partis politiques et avec les syndicats pour aller vers une réforme qui, je le répète, est nécessaire."
Vous dites au PS : "ne nous poussez pas au crime, ne faites pas d'excès, ne soyez pas trop radicaux sur cette question comme sur les autres" ?
- "Je répète : il faut rentrer dans le vif du sujet. Et cela, on ne peut pas le faire si on rentre uniquement par la durée de cotisation et qu'on essaye de faire de la surenchère de parti politique par rapport aux autres partis politiques. Il faut qu'on se fixe, d'une façon durable, quel est le niveau des pensions qu'on veut avoir pour les retraités de demain, et à partir de ce niveau de pension, qu'on discute des différents paramètres. C'est comme cela qu'il faut rentrer dans le sujet et non pas par le petit bout de la lorgnette. La durée, il faut en parler, mais ce n'est pas le sujet essentiel."
On dit que vous êtes d'accord, dans le fond, sur l'alignement entre le public et le privé à quarante ans de cotisation ?
- "Ce que je dis et je ne cesse de le répéter : ce sujet-là devra être discuté, bien évidemment, mais d'abord, il faut savoir quel est le niveau des pensions, parce que la durée de cotisation, le montant des cotisations, c'est ce qui permet de financer les retraites. Tant que je ne sais pas quel est le montant des retraites, c'est difficile d'y rentrer. Mais il faudra en parler, c'est bien évident, sinon on n'y arrivera pas. Mais maintenant, rentrons par le bon bout."
M. Blondel, de FO, annonce qu'il va prendre en main personnellement ce problème des retraites pour résister, pour défendre le statut des fonctionnaires. Cela vous inquiète ? Cela veut dire encore fois une désunion syndicale très forte.
- "La désunion syndicale, elle peut être apparente, effectivement, entre la CFDT et Force Ouvrière, parce qu'on n'est pas d'accord sur la façon de faire. D'un côté, le parti du statu quo, "il ne faut rien bouger", FO, et nous, nous pensons qu'il faut faire une réforme. Maintenant, nous travaillons avec la CGT depuis plusieurs mois sur quels doivent être les grands éléments de la réforme. Si on arrive, et j'espère bien qu'on y arrivera dans les semaines qui viennent, à définir les grandes lignes, même si sur d'autres points, on est en désaccord.."
Ensemble ? CFDT-CGT ? Vous croyez que vous pouvez y arriver ?
- "On est en train d'y travailler avec la CGT. Il n'y a pas de raison qu'on n'y travaille pas avec d'autres. Je sais que la CFTC est prête à travailler avec nous. Maintenant, si on est d'accord sur les grandes lignes, même si on a des désaccords sur certains points - c'est normal, c'est un sujet tellement complexe qu'il ne peut qu'y avoir quelques divergences -, on parlera ensemble, et si on y arrive, et pourquoi pas d'une façon ferme."
Mais lorsque le Medef, par exemple, avec lequel vous voulez négocier - vous l'avez dit et répété -, lorsque G. Sarkozy, par exemple, qui maintenant est un des responsables du Medef, dit qu'il faut encore six ou sept ans de plus de cotisation, c'est-à-dire quarante-six ou quarante-sept ans de cotisation pour arriver à l'équilibre, cela ne vous inquiète pas ? Vous n'avez pas l'impression que le dialogue peut être brouillé ?
- "Si on rentre par des provocations, inévitablement le dialogue sera brouillé. Ce qu'on veut amener sur la table - encore une fois, ne commençons pas par ce sujet, on en parlera, il faudra en parler -, c'est pourquoi pas inventer un système de retraites à la carte, où des salariés puissent partir plus tôt en ayant connaissance des conséquences financières, ou plus tard, après quarante ans de cotisation, dans le privé par exemple, mais en améliorant leurs retraites. La plus grande inégalité aujourd'hui, et j'ai rencontré la semaine dernière, à Valenciennes, un salarié de 55 ans qui cotisait depuis quarante-et-un ans. Si on ne change rien, il va cotiser quarante-six ans ! Donc, on voit bien qu'entre les trente-sept ans et demi et les quarante-six ans du salarié que j'ai rencontré, il y a quand même des marges de manoeuvre en fonction du niveau de retraites que l'on veut financer."
On revient un peu sur le conflit des routiers, parce que vous étiez leader sur ce conflit, vous la CFDT. Franchement, on n'était pas habitué à une ligne dure comme celle qui a été conduite. C'est un changement de cap ? C'est une CFDT qui s'est durcie ?
- "Ce n'est pas un changement de cap. La CFDT voulait rentrer dans cette négociation, et est rentrée dans cette négociation, avec des objectifs effectivement bien identifiés, mais était prête bien sûr à les assouplir dans la négociation en fonction du délai. Par exemple, cette histoire de treizième mois, elle était prête à l'étaler sur plusieurs années. Mais on est restés bloqués autour du salaire de base qui n'évoluera que parallèlement au Smic. C'est-à-dire que les routiers demain auront leurs salaires qui évolueront en même temps que le Smic, c'est-à-dire qu'on ne fait que l'application de la loi. A partir de ce moment, on a eu du mal à rentrer sur le fond de la négociation. Et c'est une déception, parce que je fais la remarque suivante : les routiers sont rentrés cette fois-ci dans une négociation avant de bloquer les routes à la différence de 1997 où c'était l'inverse. J'ai peur qu'ils ne veuillent pas reproduire la méthode la prochaine fois et c'est dommage."
Franchement, pour vous qui êtes le nouveau patron de la CFDT, c'est le premier conflit. Cela ne se passe pas très bien. En fait, le Gouvernement l'a bien désamorcé et puis c'était un peu raté. C'est un échec personnel ?
- "C'est surtout un échec pour le résultat, pour les routiers qui vont rester au Smic d'une façon durable, et ils vont s'en rendre compte dans quelques mois, dans quelques années. Mais je ne choisis pas les conflits. Ces conflits arrivent selon les branches professionnelles. Mais je pense que le Gouvernement a fait une erreur sur la méthode : ce n'est pas en noyant un conflit et en donnant l'impression qu'on le règle d'une façon rapide qu'on règle le problème. Le problème resurgira dans quelques années et le Gouvernement se rendra compte que ce n'est pas en jouant la division syndicale qu'on règle le problème sur le long terme."
Ce n'est donc pas un échec personnel ? Je répète ma question.
- "Non, il n'y a pas d'échec personnel. Je suis déçu bien évidemment, en particulier pour les routiers. Mais si j'avais dû choisir la facilité, je ne serais pas devenu secrétaire général de la CFDT."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 décembre 2002)