Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur l'apprentissage du langage et de la lecture, notamment la prise en charge des enfants en échec scolaire, Paris le 5 juillet 2000.

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Circonstance : Présentation du rapport de M. Jean-Charles Ringard sur la prise en charge des enfants dysphasiques et dyslexiques à Paris le 5 juillet 2000

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Je suis tout à fait heureuse d'être ici aujourd'hui avec Jack Lang pour vous présenter le rapport issu du groupe de travail piloté par Monsieur Ringard, inspecteur d'académie, qui porte sur les troubles d'apprentissage du langage, rapport qui est, je le sais par de nombreuses sources, très attendu.
Et ce pour trois raisons :
notre collaboration avec Jack Lang est un gage de la volonté gouvernementale de travailler de manière cohérente sur un sujet qui nous est commun, celui de la santé des enfants et des jeunes,
Les troubles de l'apprentissage du langage sont une de mes préoccupations de santé publique,
Les familles et leurs enfants qui en souffrent attendent beaucoup de ces travaux et de cette prise de conscience.
1 - Cette collaboration active et étroite que nous avons initié avec Jack Lang porte sur des problèmes aussi importants que la santé, l'intégration des élèves handicapés au sein de l'école ordinaire, le maintien de la scolarisation des enfants atteints de maladie grave ou chronique, les programmes de prévention et d'éducation pour la santé à destination de tous les jeunes, que ce soit dans le domaine de l'alimentation, des conduites addictives, de la contraception, de la sexualité
Au travers ce thème des troubles d'apprentissage du langage, on voit bien qu'il ne peut y avoir d'approche unique. Elle ne peut qu'être conjointe : éducative et sanitaire. C'est le cas pour l'ensemble des problèmes cités qui concernent la croissance, l'éducation, le devenir des jeunes (petit enfant, enfants, adolescents)
2 - la deuxième raison c'est que, personnellement, j'accorde une grande importance à la prise en charge adaptée et précoce des troubles d'apprentissage du langage oral et écrit. C'est effectivement l'une de mes priorités. Comme l'a bien mis en lumière, de manière volontariste et argumentée, le Haut Comité de santé publique, les troubles d'apprentissage sont devenus un véritable problème de santé publique. S'ils sont restés trop longtemps méconnus, c'est qu'en grande partie, ils faisaient l'objet, et font encore parfois l'objet, de controverses tant sur leur origine que sur les modalités de dépistage et de prise en charge. Et s'il est nécessaire encore et toujours d'approfondir la recherche et les études dans ce domaine, je pense qu'il est temps de regarder en face la réalité quotidienne des enfants et des familles confrontés à ce problème. Le repérage, le dépistage, la prise en charge tant éducative que sanitaire doivent désormais être l'affaire de tous les professionnels en contact avec les enfants et leurs familles.
L'importance de la maîtrise du langage comme élément de réussite scolaire, d'intégration sociale et d'insertion professionnelle est suffisamment reconnue aujourd'hui pour qu'avec Jack Lang nous redoublions d'effort pour prévenir, repérer le plus tôt possible, dépister et prendre en charge les enfants en difficulté mais en évitant tout déterminisme scolaire ou social.
3 - Enfin, je suis heureuse de participer à la présentation d'un travail qui résulte aussi de l'implication des familles elles-mêmes. Il s' agit d'une avancée tout à fait historique dans la prise de conscience de notre société sur ces troubles qui pèsent de manière très importante, mais négligée, sur les enfants et leurs familles. Ces nombreuses familles qui depuis des années se sont mobilisées au sein d'associations vont enfin voir leur combat aboutir : que la déficience de leur enfant soit enfin reconnue, avant même de devenir un trouble, par l'ensemble des professionnels et surtout prise en charge de façon adaptée. Je rends hommage à toutes ces associations qui se sont intelligemment mobilisées, qui ont su convaincre pour que leur combat soit le notre aujourd'hui. Les troubles d'apprentissage du langage feront désormais l'objet d'une attention particulière de nos deux ministères qui s'engagent à rechercher très rapidement les conditions d'application des recommandations du rapport de Monsieur Ringard.
Nous continuerons donc ensemble avec ces associations, avec les parents et avec l'ensemble des professionnels impliqués et concernés - enseignants, médecins, ré-éducateurs- pour que les dispositifs et les réponses attendues tant sur le plan éducatif que de la santé soient mises en place sur l'ensemble du territoire, au plus près des besoins des enfants en respectant leur devenir et la totalité de leurs potentialités même altérées temporairement par quelques retards constatés.
De manière pragmatique :
1 - Une cellule interministérielle - éducation nationale et santé - se réunit dès cet après midi. Elle a pour charge d'organiser la réflexion pour la mise en uvre des recommandations contenues dans ce rapport :
A savoir développer dès le plus jeune âge, des actions de stimulation, de prévention et de repérage des enfants qui présentent un risque,
systématiser le dépistage précoce de ces déficiences et de ces troubles,
et mieux les diagnostiquer,
enfin assurer une prise en charge, un suivi équitable et de qu alité sur l'ensemble du territoire,
mais aussi de manière plus générale, informer et sensibiliser notre société sur ces troubles afin qu'ils soient socialement mieux connus, acceptés et donc plus facilement repérés et pris en charge. Il y a encore en effet trop de gêne, voire de honte devant toute différence, même légère, devant toute difficulté de tel ou tel enfant qui se traduit par ce qui est perçu comme un retard d'apprentissage et donc une stigmatisation d'échec.
2 - J'ai d'ores et déjà installé la semaine dernière un groupe d'experts pluridisciplinaire, dont des médecins de santé scolaire, des médecins de PMI, des médecins libéraux, des hospitaliers, des orthophonistes afin qu'il " détermine le dispositif de soins le plus adapté au diagnostic et à la prise en charge des enfants repérés comme porteurs de troubles d'apprentissage du langage écrit et oral ". Ce groupe - piloté par le Dr Florence Veber, de la Direction des Hôpitaux - devra me remettre ses conclusions à l'automne. S'en suivra alors une organisation spécifique permettant d'améliorer l'offre de soins dans ce domaine.
3 - J'ai par ailleurs demandé au Comité français d'éducation pour la santé, de travailler sur la meilleure façon d'informer et de sensibiliser le public en général et plus particulièrement les familles, les éducateurs de la petite enfance mais aussi les professionnels de la santé et du médico-social sur la réalité de ces troubles d'apprentissage. Il s'agit de prendre conscience qu'il n'y a pas de fatalisme, que déceler la réalité permet d'éviter des retards de prise en charge et l'installation dans une situation de marginalité ou d'échec toujours préjudiciables. Mais c'est aussi et surtout lutter contre tout ce qui peut entraîner l'exclusion du fait de la méconnaissance, de la différence.
4 - Des actions ont déjà été innovées sur le terrain dont nous avons connaissance - je pense à l'Oise et à la Seine Saint Denis en particulier mais aussi à la Meurthe et moselle - qui s'appuyant sur les acquis professionnels multiples, permettent un meilleur accès aux soins des enfants identifiés comme porteurs de troubles du langage. Ces actions ont vocation à s'intégrer dans les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, d'autant qu'elles se développent en général au sein des zones d'éducation prioritaires, et qu'elles ont pour la plupart été conçus dans le cadre des contrats de développement urbains. Je souhaite que des initiatives de ce type trouvent leur pérennisation dans les nouveaux contrats ville, de manière cohérente avec les programmes régionaux de santé que je m'attache à développer.
Un dernier mot pour remercier Monsieur Ringard et tous ceux qui ont participé à son groupe de travail et surtout Jack Lang qui présente une réelle sensibilité à ces sujets si difficiles qu'ils imposent la coopération de nos deux ministères.
Je vous remercie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 10 juillet 2000)