Déclaration de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur les grandes lignes du budget du ministère de la santé pour l'année 2003, Paris le 26 septembre 2002.

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Circonstance : Conférence de presse de présentation du projet de loi de finances 2003 du ministère de la santé à Paris le 26 septembre 2002

Texte intégral

Je suis heureux de vous présenter les grandes lignes du budget du Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, deux jours après avoir évoqué, lors de la réunion de la Commission des Comptes de la sécurité sociale, les principaux aspects du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la philosophie de la nouvelle politique de santé et d'assurance maladie que nous allons mettre en oeuvre sur la législature.
Le Projet de loi de finances 2003, pour le Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées intègre trois des priorités du Gouvernement :
- La santé publique, avec des moyens nouveaux dégagés pour renforcer l'action collective, (+40 millions d'euros), j'y reviendrais car c'est pour moi la priorité des priorités,
- Le handicap, l'un des grands chantiers du quinquennat. La politique définie par le gouvernement veut permettre aux personnes handicapées de participer pleinement à la vie en société. Dans le budget 2003 sont prévus 63 millions d'euros de mesures d'amélioration des structures d'aide et de prise en charge, hors revalorisation des dépenses solidaires AAH et FSI.
- La coopération internationale qui progresse de 30% (8,2 millions d'euros) l'accent étant porté sur l'aide publique au développement dans le domaine de la santé.
Le projet de budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées s'élève donc à 9,4 milliards d'euros dans le PLF 2003, en progression de 4,4% par rapport à 2002, en intégrant les crédits de gestion des politiques de santé et solidarité. J'ai tout lieu d'être satisfait de cette hausse qui traduit la priorité accordée au Ministère dans un contexte fortement contraint.
Avant de présenter ce qui constitue les traits saillants de ce projet de budget de l'Etat en matière de santé, je souhaite préciser une question de principe. La santé publique, ce n'est pas l'intervention du Ministère dans les affaires des médecins ni la santé individuelle. Non ! La santé publique, c'est la nécessité de comprendre et de résoudre les problèmes de santé à l'échelle de la population. C'est donc avant tout une exigence politique et un devoir que l'Etat doit prendre en charge. C'est pour cela que je souhaite clarifier les choses entre l'Etat et l'Assurance Maladie non seulement du point de vue des rôles et des responsabilités bien entendu, mais aussi du point de vue des financements. A l'Etat et au PLF, le financement de la politique publique de santé, à l'Assurance Maladie et au PLFSS celui de l'offre de soins, les professionnels de santé, les produits de santé, les établissements hospitaliers publics et privés et les dépenses sanitaires du secteur médico-social. Aujourd'hui la confusion est beaucoup trop grande et je mettrai tout en oeuvre pour y remédier.
Je souhaite donc insister sur trois aspects majeurs de l'action de l'Etat en matière de santé car ils traduisent des changements importants dans la manière de concevoir et de mettre en oeuvre cette politique de santé : je veux parler de la sécurité sanitaire, de la santé publique et de la lutte contre le sida.
1. La sécurité sanitaire est une exigence et une ardente obligation de ma politique de santé
La sécurité sanitaire est un combat permanent qui appelle une vigilance de tous les instants. Je me réjouis du fait que collectivement, nous avons su tirer les leçons des erreurs du passé et que nous bénéficions aujourd'hui d'un dispositif de sécurité sanitaire nettement plus performant que celui dont nous disposions il y a dix ou quinze ans.
Le budget 2003 intègre le financement des agences qui assurent la veille et la sécurité sanitaires : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement, Institut de veille sanitaire, Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, Institut national de prévention en santé, Etablissement français de greffes. Ces agences sont financées à la fois par leurs fonds propres et par le budget de l'Etat, à hauteur de 53 millions d'euros en 2003. Le recours à ces deux sources de financement permettra de financer 10 millions d'euros de mesures nouvelles en 2003, en particulier l'embauche de 150 personnes.
Dans ce domaine de la sécurité sanitaire comme dans les autres, la question de la clarification des responsabilités est première. Nombre d'erreurs du passé étaient liées à ce que, en matière de sécurité sanitaire, on confondait évaluation et gestion des risques. Plus exactement, on mélangeait les fonctions d'expertise scientifique et les fonctions de décisions politiques.
Les progrès sont ici indéniables et la manière dont la question de l'embargo sur les produits bovins d'origine britannique est gérée l'illustre très bien. L'AFFSA, l'agence de sécurité sanitaire en charge des questions d'alimentation, a eu le temps d'analyser la question posée en profondeur sous ses aspects scientifiques. Elle a rendu son avis qui est fondé sur des considérations scientifiques.
Forts de cet avis, les pouvoirs publics analysent maintenant la question sous ses différents aspects. La décision sera rendue au début de la semaine prochaine.
La séparation de ces deux fonctions, expertise d'une part et décision politique, d'autre part, est essentielle pour garantir la pleine prise en compte du risque sanitaire dans le processus de décision. Il ne faut pas faire peser sur l'évaluation des risques les contraintes de leur gestion. Si l'on ne fait pas cela, la population ne peut pas avoir confiance et l'on s'enfonce dans la crise.
Je note que le coût de ces crises est souvent disproportionné au regard des risques réellement encourus par les populations. Ces crises, dont l'affaire de la vache folle est emblématique, signent une gestion qui ne répondait pas suffisamment aux attentes de la population.
C'est pourquoi, nous allons continuer l'effort de développement des agences sanitaires chargées de donner au gouvernement les éléments d'expertise nécessaire pour protéger correctement la santé. Nous allons compléter le dispositif et donner vie à l'Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale. Cette AFSSE qui n'était que virtuelle à mon arrivée sera installée et en mesure de commencer son travail dès le début octobre.
Cette pièce manquante du puzzle est d'importance. Nombre de sujets de préoccupation de nos concitoyens concernent la qualité de leur environnement immédiat et de ses liens avec des problèmes de santé. C'est pour cela que les moyens du ministère sont renforcés dans le PLF 2003 (+ 7 millions d'euros) en matière de prévention et de lutte contre les risques sanitaires liés aux facteurs d'environnement (pesticides, mercure, qualité des eaux, risques sanitaires liés aux bâtiments).
Il suffit de regarder l'actualité : dioxines, plomb, mercure, pollution atmosphérique, rayonnements électromagnétiques, éthers de glycol. C'est une véritable litanie et nous ne pouvons à l'heure actuelle avoir une idée claire ni de l'ampleur des risques sanitaires liés à ces expositions, ni de leurs hiérarchie. Cette absence de quantification, cette absence de hiérarchisation contribuent à une représentation fantasmatique de ces problèmes dans notre société. Je veux en sortir. Je veux fournir à chacun les moyens de se forger une opinion étayée sur les risques qu'il court et qu'il subit. Et j'entends que cette transparence favorise le débat démocratique sur des sujets souvent complexes.
Tout en adhérant à l'idée de précaution, je considère que le principe de précaution n'est pas une formule magique permettant de résoudre tous les problèmes. Le contenu de ce principe doit faire l'objet d'un vaste débat dans la société.
Pour cela, l'expertise des agences doit être mise à la disposition de la population. Maintenant que le dispositif d'expertise est complété, ma politique de sécurité sanitaire s'articulera autour de ces préoccupations.
2. La santé publique est ma priorité

Les crédits du PLF 2003 pour les programmes de santé publique ciblés sur la prévention, en particulier le cancer et les maladies transmissibles sont en forte progression de 30% entre 2002 et 2003. Cela représente 173 millions d'euros dans le PLF 2003.
Cette forte progression répond au caractère prioritaire de la santé publique dans la politique de santé du gouvernement. Il s'agit de renforcer l'action collective pour donner à nos concitoyens les conditions de vivre en bonne santé. Cette action manque à ce jour de détermination, de cohérence et de moyens. Les crédits sont en forte hausse à la fois en prévision de la loi de programmation en santé publique que je souhaite déposer et pour renforcer la lutte contre le cancer
La loi de programmation de santé publique
Le gouvernement déposera en 2003 un projet de loi de programmation quinquennale en santé publique sur le bureau de l'Assemblée. C'est ma priorité. Et j'ai d'ores et déjà " provisionné ", pour cela, 5 millions d'euros à cet effet dans le PLF 2003.
Comme je l'ai indiqué, en matière de santé publique, il appartient à l'Etat, pour une garantie de cohérence et d'homogénéité, de définir la politique nationale de santé publique ; il incombe au niveau local de mettre en oeuvre cette politique. La proximité est une garantie de meilleure efficacité et de plus grande adaptation aux différences d'une région à l'autre.
La loi de programmation définira, avec des indicateurs détaillés, les objectifs prioritaires de santé publique pour les cinq années à venir. Le suivi des indicateurs assurera le contrôle par le Parlement et, au-delà, par les citoyens eux-mêmes, du respect de ces objectifs.
Il faut, en prolongement, ériger la prévention en impératif. Le choix implicite du curatif par rapport au préventif explique le niveau relativement élevé de mortalité prématurée (avant 65 ans) dans notre pays alors même que nos indicateurs de santé globaux sont excellents.
Mon objectif est de développer une véritable culture de la prévention. La responsabilité de chacun doit être engagée pour préserver son patrimoine santé.
Il s'agit d'adopter une politique générale qui sera déclinée en fonction des différentes pathologies considérées. Elle s'appuiera sur des actions de communication, d'information et d'éducation ainsi que sur des stratégies de dépistage et de prise en charge précoce.
Il faut enfin combattre tout particulièrement un fléau spécifique comme nous y a invité le Président de la République le 14 juillet dernier. Ce fléau, c'est le cancer qui est la première cause de mortalité prématurée en France, avec700 000 personnes atteintes d'une maladie cancéreuse et, chaque année, 250 000 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués.
Il faut agir efficacement et c'est possible. La commission d'orientation sur le cancer, mise en place le 9 septembre 2002, va dresser un bilan des forces et faiblesses du dispositif de lutte existant puis identifier les priorités d'une politique volontaire organisée et nationale de lutte contre le cancer, dans le domaine de la prévention, de l'information et du dépistage aussi bien que dans l'organisation et le fonctionnement du système de soins.
Ce travail servira de base à la concertation avec tous les acteurs du dispositif, y compris naturellement les associations de patients, pour fonder, dans ce domaine, les options de la loi de programmation de santé publique.
D'ores et déjà, quelques orientations peuvent être indiquées. Outre une hausse très forte des crédits budgétaires affectés à la lutte contre le cancer (35millions d'euros en plus dans le PLF 2003 soit une multiplication par quatre en un an), le dépistage intra-familial des femmes à risque pour le cancer du sein débutera en 2003. Les moyens destinés à contribuer à la généralisation du dépistage seront arrêtés en 2003 pour une complète mise en oeuvre en 2004. A titre expérimental, vingt départements sélectionnés en 2002 poursuivront la mise en oeuvre du dépistage organisé du cancer colo-rectal.
3. Je souhaite renforcer la lutte contre le sida et l'intégrer dans une action internationale
La politique du ministère pour la lutte contre le SIDA répond à l'engagement présidentiel, exprimé à nouveau avec force au cours de la 14ème conférence internationale sur le sida à Barcelone. Au total, l'effort du ministère pour la lutte contre le SIDA représente 62 millions d'euros dans le PLF 2003.
La politique définie intègre les nouvelles données épidémiologiques mais aussi sociologiques et thérapeutiques disponibles. Cette politique vise en 2003 à :
renforcer les programmes de prévention en direction des populations prioritaires. Grâce à la prévention, la progression de l'épidémie peut-être maîtrisée. Et en l'absence de vaccin ou de traitement totalement efficace, elle demeure la seule réponse sûre au risque d'infection.
maintenir un haut niveau d'information et de vigilance, et faciliter l'accès aux dispositifs de prévention ; Ceci passe par l'éducation et l'information, y compris par des campagnes ciblées en direction des jeunes, scolarisées ou non, des femmes et des personnes particulièrement exposées. Elle doit s'accompagner d'une politique pragmatique de réduction des risques, de diffusion du préservatif et d'un effort particulier contre la transmission du virus de la mère à l'enfant ;
veiller à la qualité de la prise en charge extra-hospitalière globale des personnes atteintes. C'est une question d'humanité, de respect des personnes et de qualité de leur vie autant qu'une question sanitaire ;
développer la formation des professionnels, en particulier sanitaires et sociaux.
Parallèlement, je suis convaincu que la lutte contre le sida doit s'inscrire dans un contexte international. Dès mon arrivée au Ministère de la Santé, de la Famille et des personnes handicapée, j'ai voulu conforter les initiatives françaises en matière de lutte contre le sida, en particulier le groupement d'intérêt public ESTHER , après le lancement en 1997 du Fonds de Solidarité thérapeutique International car je suis convaincu que la lutte contre le sida doit accorder une place prioritaire à l'action internationale. ESTHER, c'est la création d'un réseau :
qui s'appuie sur les établissements hospitaliers du Nord et du Sud ;
qui se veut l'expression de partenariats entre les gouvernements du Nord, du Sud, de la société civile et du monde des affaires ;
à travers des mécanismes de fonctionnement fonctionnels et pragmatiques.
J'entends également développer notre engagement au sein du Fonds mondial à l'OMS et à ONUSIDA dans l'année à venir.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 2 octobre 2002)