Déclaration de M. Alain Carignon, ministre de l'environnement, sur la gestion de l'eau, Grenoble le 1er octobre 1986.

Prononcé le 1er octobre 1986

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Circonstance : Conférence annuelle des organismes de bassin à Grenoble le 1er octobre 1986

Texte intégral

C'est avec un très grand plaisir que je participe aujourd'hui à votre conférence annuelle. J'attache en effet une grande importance à vos travaux car j'ai déjà pu apprécier la place qu'occupent les organismes de bassin dans le dispositif de gestion de l'eau en France lors de ma première rencontre avec les Présidents de comité de bassin en juin dernier.
J'ai pu apprécier surtout l'efficacité de leur intervention dans ce domaine. Je vois à celle-ci trois origines :
1° Le dynamisme de la participation, souvent militante, pourrais-je ajouter, des élus et des usagers à la conduite des organismes de bassin. Cette participation a permis la réussite de l'entreprise' de décentralisation heureusement introduite dans nos institutions par la loi de 1964.
Comme vous le savez, le décret modifiant les textes relatifs aux conseils d'administration et aux comités de bassin vient d'être publié au Journal Officiel. Ses arrêtés d'application sont prêts : j'ai tenu, ainsi que vous le constatez, le plus grand compte des observations que vous aviez faites à mon prédécesseur.
2° Le cadre du bassin hydrographique est adapté à la recherche et à la mise en uvre de solutions cohérentes aux problèmes de l'eau.
3° Enfin la technicité acquises par les agences de bassin et leur personnel. Il me semble que, de ce point de vue, les agences ont su, en quelques années, acquérir une autorité certaine dans ce secteur complexe.
Je voudrais maintenant aborder devant vous quelques thèmes qui me tiennent à cur et dont je souhaite qu'ils sous-tendent votre action tout au long du 5ème programme que vous allez bientôt aborder. J'évoquerai successivement :
les priorités d'intervention,
la gestion intégrée de l'eau,
le développement de la compétence technique.
Les priorités d'intervention :
Je commencerai par citer le plus important de nos objectifs : celui de l'assainissement. Le constat de notre retard dans ce domaine est, hélas, quelque peu coutumier. Vous avez déjà pris des mesures qui vont dans le bon sens notamment à la suite de l'introduction du coefficient de collecte. Votre intervention sur les réseaux d'assainissement doit s'amplifier en veillant à la qualité, donc à l'efficacité, des réalisations que vous aidez. Je ne peux que vous confirmer l'intérêt que le Ministre de l'Environnement porte à la sélectivité des interventions dans ce secteur car l'objectif n'est pas de construire des canalisations, mais de contribuer à l'élimination de la pollution. De même, la politique de contrat d'agglomération entreprise par les agences me paraît être une très bonne voie.
Cet effort de base dans la lutte contre la pollution doit être complété par des actions dans les domaines suivants :
la lutte contre les pollutions accidentelles : il est en effet vraiment trop regrettable de voir anéantir en quelques instants les effets d'une longue et coûteuse reconquête.
Sur ce point, particulièrement important, j'avais attiré l'attention des industriels au début de l'été. Je note, avec plaisir, votre sensibilisation à ce sujet à travers vos interventions techniques et financières ;
l'assainissement autonome est un complément nécessaire de l'assainissement collectif. De nombreuses expériences ont été menées par certaines agences à cet égard. Comme je l'ai dit devant le comité national de l'eau les dispositions législatives qui permettront aux communes et aux agences d'intervenir sont pratiquement prêtes : le Parlement devrait pouvoir être saisi très prochainement;
la sécurité de l'alimentation en eau potable.
Je sais que là aussi vous avez déjà beaucoup entrepris. La persistance de micro polluants et l'extension de la pollution diffuse rendent nécessaire une intervention vigilante.
Enfin, je constate que les problèmes de sécheresse sont parfois aigus : cette année nous en a apporté une fois de plus la preuve. Ils nous ramènent sans doute à la sécurité de l'alimentation en eau potable mais dépassent ce seul souci. Ministre de l'eau et de l'environnement, j'ai la préoccupation de voir rétablis des débits suffisants au maintien d'une vie aquatique et d'un patrimoine naturel : je souhaite que vous puissiez intervenir dans ce domaine là où se rencontrent de graves difficultés.
Bien entendu, ces orientations ne pourront être mises en uvre que si vous avez la possibilité de mobiliser les indispensables moyens financiers.
Sur ce plan, j'ai eu, après avoir examiné attentivement les éléments financiers de vos projets de Sème programmes d'intervention, un premier entretien avec le Ministre délégué chargé du budget. Je lui ai rappelé le caractère autonome et responsable compte tenu du rôle de décideur donné par la loi aux usagers de l'eau - qu'ont les organismes de bassin. J'ai exposé à mon collègue la place qu'occupent, à côté de celle de l'États les organismes de bassin dans la politique de lutte contre la pollution et de préservation de la ressource en eau.
Celui-ci m'a, quant à lui, expliqué la contribution qu'il attendait vous voir apporter à la politique nationale de limitation des prélèvements : cette préoccupation me parait légitime de sa part.
Au terme de ce premier échange Monsieur JUPPE souhaiterait que la progression des redevances soit limitée globalement à 2 % par an à comparer à 4,7 % qui serait nécessaire pour financer le programme tel que vous l'avez défini.
Je voudrais recueillir votre avis sur cette position afin que nous puissions poursuivre le dialogue en vue de l'examen du programme de mission interministérielle de l'eau au cours de l'automne 1986.
La gestion intégrée de l'eau.
Je suis frappé par l'état dans lequel se trouve certaines rivières en même temps que par la sollicitude des nombreux textes qui organisent leur préservation : il y a là un paradoxe.
C'est pourquoi j'ai demandé lors de la dernière réunion du Comité Interministériel pour la Qualité de la Vie, la mise en place d'un groupe de travail entre toutes les administrations concernées. Ce groupe aura pour mission de recenser toutes les procédures susceptibles de contribuer à la sauvegarde et à la gestion du milieu aquatique puis de les améliorer et de proposer une directive orientée vers la gestion globale des cours d'eau.
J'ai demandé que des directeurs d'agence soient associés aux travaux du groupe.
Au-delà de cette réflexion, qui devra aboutir rapidement il m'apparaît indispensable de faciliter l'émergence d'entités regroupant les intéressés aux problèmes de l'eau et capables de gérer les rivières considérées comme un patrimoine qu'il convient de protéger, conserver et mettre en valeur : je souhaite ainsi que je l'ai dit au Comité National de l'eau en mai dernier -que les collectivités locales aient un rôle accru dans la gestion des cours d'eau - non domaniaux en particulier.
Dans ce cadre, la politique des contrats de rivières conduite par le ministre de l'environnement est un outil d'incitation à ce regroupement que je souhaite voir mobiliser avec un appui très actif des agences.
La réflexion menée à ce sujet aura un prolongement dans le travail entrepris par ailleurs, d'adaptation du droit de l'eau. L'instauration de véritables outils de gestion de l'eau, par sous-bassin hydrographique m'apparaît en effet comme une nécessité.
Il n'est sans doute ni nécessaire ni souhaitable de procéder à une construction théorique qui prétendrait fournir un modèle unique de gestion mais une démarche pragmatique est certainement possible. Vos suggestions et votre aide me seront précieuses à ce sujet.
Rigueur et développement de la compétence technique
L'efficacité de nos actions, actions des administrations de l'État, actions des agences de bassin, mais aussi actions des collectivités, des organismes de recherches ou des industriels de l'eau, exige une rigueur de gestion autant chacun en ce qui le concerne que globalement.
En ce qui concerne la gestion proprement dite je ne souhaite pas que le Ministre de l'Environnement exerce une tutelle tatillonne et paralysante mais il est indispensable, j'en suis convenu avec le ministère chargé du budget, d'exercer un contrôle sérieux, notamment des engagements, pour éviter des accidents et des situations auxquelles il peut être difficile de remédier.
Au demeurant une tutelle convenablement exercée dans ce domaine, en collaboration étroite avec les agences, doit fournir un moyen de gestion autant que de contrôle. C'est déjà en soi un exercice de rigueur.
J'en terminerai en évoquant un projet très important à mes yeux, celui de l'institut de l'eau. Il s'agit en pratique, à travers cette création de donner une impulsion à la politique technique collective e et à l'action internationale ainsi que de rationaliser l'organisation et la mobilisation des moyens dans le cadre d'une politique concertée entre l'État les agences et les professionnels de l'eau.
En pratique, après examen des résultats des premiers contrats établis par Monsieur DECOCQ, que j'ai chargé de cette mission il y a quelques mois je souhaite que, d'un commun accord entre les parties, soit créée :une association absorbant les 3 associations existantes. Bien entendu cet objectif, que je considère comme préférable à la création d'une fédération, ne pourra être atteint que si les modalités d'absorption sont adaptées à la réalité de chaque association : je souhaite que nous parvenions aujourd'hui à un accord sur le principe de cette action commune entre l'État et vous-mêmes, qui se traduira par la définition de programmes d'action pluriannuels (formation, valorisation de la recherche, études, promotion de la technologie française, etc ...) autour duquels se mobiliseront nos financements.
Je vous remercie pour votre attention et vous invite à engager le débat autour de nos préoccupations.