Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, à "Sud-Ouest" le 3 octobre 2002, sur la stratégie indépendante de l'UDF au sein de la majorité.

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Média : Sud Ouest

Texte intégral

Sud-Ouest : Vous faites une tournée des fédérations UDF qui passe aujourd'hui par Bordeaux. N'y a-t-il pas trop de défections ? Quelle impression en tirez-vous ?
François Bayrou : Il y a aussi des défections dans l'autre sens. Ce sont des réajustements légitimes. Mais la quasi-totalité des adhérents et militants est décidée à faire vivre l'UDF dans la majorité. C'est plus difficile du côté des élus, parce qu'ils ont l'impression qu'ils seront mieux protégés au sein d'une grosse machine. C'est différent pour les militants, surtout pour les nouveaux qui s'engagent, 4 000 depuis le printemps dernier. Ils sont étonnés et apprécient la façon dont nous résistons. Pour eux, cette volonté de ne pas céder est la preuve que nous portons quelque chose, qui les intéresse.
Vous avez critiqué l'hypothèse de taux de croissance retenue par Jean-Pierre Raffarin pour la loi de finances. N'est-ce pas une façon de contribuer à son échec ?
Pas du tout. J'avais proposé que le premier ministre présente un budget à plusieurs hypothèses de croissance forte, moyenne et basse , de manière à mettre les Français devant le caractère nécessaire des changements à accomplir. La réalité, tout le monde la voit bien, elle est assez inquiétante. Il est légitime de demander au gouvernement quelle serait sa stratégie si les difficultés qui s'annoncent se précisaient. La vérité, c'est la première étape du changement. Personne ne change jamais par plaisir. Je ne suis pas en contradiction avec le gouvernement, mais on peut avoir des nuances de stratégie.
Cela sous-entend lutter contre le déficit budgétaire. En réduisant la dépense publique ou en augmentant les impôts ?
La nécessité du changement est dans cette question. Après une longue période de croissance, nous ne devrions pas être en déficit, mais à l'équilibre. C'est la faute du gouvernement précédent d'avoir laissé se creuser le déficit. Il y a des dépenses publiques indispensables, comme l'éducation, pour apprendre à lire à tous les enfants. Il y a aussi de l'argent dépensé en pure perte dans l'" administration de papier ", pour un résultat très faible.
Alain Juppé ne conteste pas votre droit légitime à une existence indépendante, mais il s'inquiétait récemment de votre " durcissement ". Vous n'êtes pas un opposant ?
Sûrement pas. Je suis dans la majorité. J'ai l'intention d'y jouer tout mon rôle. Mais être dans la majorité, ce n'est pas être " aligné ". Il faut des voix libres pour faire entendre une différence. Selon moi, le jour vient nécessairement pour un tel dialogue. Il ne faut pas que tout le monde soit dans le même moule. En Allemagne, la différence entre les vainqueurs et les perdants s'est faite non pas sur les deux grands partis, mais sur leurs alliés. Personne ne peut gagner tout seul.
Avez-vous l'intention de jouer un jour un rôle plus important en Aquitaine ? Notamment à la région ?
(Rires.) Le temps est long !
(source http://www.udf.org, le 7 octobre 2002)