Déclaration de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la politique sociale communautaire, notamment la participation des partenaires sociaux au processus emploi (PNAE) au niveau national et européen, Bruxelles le 15 juin 2000.

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Circonstance : Forum de tous les acteurs de la stratégie européenne de croissance "de haut niveau" à Bruxelles le 15 juin 2000

Texte intégral

MM. les présidents,
chers collègues,
Mesdames et Messieurs
Permettez-moi tout d'abord de vous transmettre les regrets de M. le Premier ministre, M. Jospin, de ne pas être parmi vous aujourd'hui en raison du débat en cours sur le quinquennat. Mon collègue François Huwart pour le ministère des finances et moi-même pour le ministère de l'emploi le représentons aujourd'hui.
La France se félicite de la tenue de ce forum, première rencontre de ce niveau entre tous les acteurs de la stratégie européenne de croissance : conseil, commission, Etats membres, partenaires sociaux, Banque centrale européenne, parlement européen.
La présidence souhaite aborder aujourd'hui deux aspects essentiels : la contribution des différents acteurs à la stratégie de Lisbonne, et les nouvelles dimensions du dialogue social, de la concertation et du partenariat. Vous me permettrez d'aborder ces deux questions, très liées l'une à l'autre, d'une manière synthétique.
Réjouissons nous, d'abord, du fait que le principe de l'implication des partenaires sociaux dans les différents aspects de la politique sociale communautaire ait pu progressivement prendre un tour consensuel ces dernières années. Il est une époque où le dialogue social était un sujet controversé, qui faisait l'objet d'un simple protocole entre certains Etats membres. Le renforcement de la concertation avec les partenaires s'est fait, depuis quelques années, sans difficulté. Je pense, par exemple, à l'instauration du dialogue macro-économique ou encore à la réforme du comité de l'emploi.
Si le principe même de cette association a beaucoup progressé, l'enjeu de leur implication doit être précisé, pour donner sa pleine efficacité. Je n'évoquerai ici que pour mémoire la participation des partenaires sociaux au processus normatif par l'intermédiaire du titre 11 du traité. Les accords déjà négociés (sur le congé parental, le travail à temps partiel et le travail à durée déterminée) constituent la preuve de la capacité de la CES et de l'UNICE à mener à bien la construction de garanties collectives au niveau communautaire. C'est dans ce sens qu'il faut progresser.
Je voudrais maintenant aborder la participation des partenaires sociaux au processus emploi. Dans plusieurs Etats membres, les plans nationaux d'action pour l'emploi ont constitué le cadre d'accueil des négociations annuelles de pactes nationaux ou d'alliances. En France, l'élaboration du P.N.A.E. a été un élément important de l'approfondissement du dialogue social : d'abord, les partenaires sociaux sont bien évidemment largement consultés sur les mesures proposées par l'Etat. D'autre part, pour la première fois en l'an 2000, les partenaires sociaux ont souhaité avoir une contribution commune spécifique intégrée au P.N.A.E., clarifiant le cadre de leur participation et définissant certains sujets soumis à la négociation.
Malgré ces progrès, il faut aller nettement plus loin. Les PNAE restent encore largement l'affaire des Etats. Ils ne sont pas toujours l'occasion pour les partenaires sociaux de se saisir, au plan national, des sujets de négociation que leur soumettent les lignes directrices.
Il nous paraît essentiel d'envisager concrètement l'association des partenaires sociaux européens à l'élaboration elle-même des lignes directrices pour l'emploi. Si cette idée recueille un consensus, la future Présidence française est disposée à rechercher les moyens d'une telle participation aux travaux dès l'exercice à conduire pour les lignes directrices de 2001.
C'est particulièrement évident pour le " troisième pilier " des lignes directrices sur l'adaptabilité : c'est par la négociation que les partenaires peuvent trouver les éléments d'un équilibre entre la souplesse nécessaire à une économie en pleine évolution et le besoin de sécurité de chaque travailleur pour qu'il puisse donner le meilleur de lui-même. C'est pourquoi, j'accueille avec beaucoup d'intérêt la déclaration conjointe de la CES, de l'UNICE et du CEEP sur ce point. La Présidence française sera très attentive à la négociation que vous comptez engager sur le travail intérimaire et à votre réflexion sur le télé-travail.
Mais je voudrais souligner plus particulièrement votre proposition de groupe de travail sur le développement de la formation tout au long de la vie. C'est, depuis l'origine, un des enjeux majeurs des lignes directrices pour l'emploi. Depuis, Lisbonne en a fait la clé de voûte de la société de la connaissance. C'est pourquoi je souhaite que nous n'en restions pas longtemps au stade d'un groupe de travail. Je crois indispensable que, de façon complémentaire avec les réformes qu'entreprennent les pouvoirs publics, les acteurs sociaux puissent s'engager vigoureusement à négocier dans ce domaine. C'est d'ailleurs l'ambition que je poursuis, en tant que ministre en charge de la formation professionnelle dans mon pays.
Mais notre réunion d'aujourd'hui doit également permettre, au-delà des échanges de points de vue sur nos priorités respectives, de clarifier également les procédures.
Inutile de nous le cacher : même si les efforts d'organisation ont été importants ces derniers temps, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous et la bureaucratie nous guette, au détour de réunions trop formelles.
Quel est l'état des lieux ? Concernant le processus de Luxembourg, le nouveau Comité de l'Emploi constitue le lieu naturel de concertation. Encore faut-il mieux définir ensemble le calendrier et le contenu précis de la concertation.
Concernant le processus de Cologne, l'instauration du dialogue macro-économique est trop récente pour que l'on puisse déjà juger de ses résultats. Mais j'ai pris note, tout comme mon collègue M. Huwart, du souhait des partenaires sociaux d'une plus grande interactivité dans ce dialogue.
Les partenaires sociaux évoquent également longuement le processus de Cardiff et les réformes structurelles et je m'en réjouis. Je partage, comme eux, le souci d'un meilleur suivi de ce processus, au-delà du rapport annuel, et incluant la dimension sociale. A cet égard, je partage totalement votre proposition de mener à bien la mise en place de " l'observatoire des mutations industrielles ". L'actualité n'est faite que de fusions d'entreprises, avec d'importantes conséquences sociales et territoriales. Or, on ne peut préparer, anticiper et accompagner que les évolutions que l'on observe. La balle est, sur ce point, dans le camp de la Commission. La future présidence française a déjà eu l'occasion de le dire aux partenaires sociaux et à la Commission : c'est un dossier pour nous prioritaire et nous souhaitons que la Commission s'y investisse désormais activement.
Mais, à côté de Luxembourg, Cologne et Cardiff, le Conseil européen a encore repoussé les frontières de l'ambition de l'Union européenne en matière sociale. Nous nous sommes fixés de nouveaux objectifs en matière de lutte contre l'exclusion, de protection sociale Nous avons convenu de ne pas lancer de nouveaux processus supplémentaires à cette occasion. Mais il reste, comme le proposent les partenaires sociaux, à trouver un mode d'association qui leur permette de contribuer à l'effort commun. J'ai bien pris note de leur demande de travail conjoint avec le nouveau comité de la protection sociale.
Une réflexion globale est donc nécessaire, pour améliorer encore l'association des partenaires sociaux à ces nouveaux processus, qui relèvent de la convergence plus que de la négociation de normes contraignantes. C'est le mérite de ce forum d'en dégager les principaux éléments. A mon sens, l'agenda social, pour lequel la plupart de nos institutions se retrouveront ensemble, à Paris, le 8 juillet à l'occasion du Conseil informel Emploi et politiques sociales, devra permettre d'arrêter les réponses appropriées.
Je voudrais, pour terminer, aborder la question du forum et de son avenir. Comme vous le savez, le Premier ministre français, Lionel Jospin avait émis l'idée d'une Conférence annuelle lors du Congrès du Parti socialiste européen à Milan en 1999.
Il nous semble, en effet, nécessaire, au-delà des différents processus de concertation existants sur des points particuliers, qu'il puisse y avoir, une fois par an, un bilan politique, global, de " l'Etat de l'Union " et de ses grandes orientations économiques et sociales (GOPE, Lignes directrices pour l'emploi). Il s'agit tout à la fois d'évaluer, ensemble et au plus haut niveau, l'efficacité des mesures décidées et des impulsions ou corrections à y apporter.
Prenons l'exemple de l'objectif 3% de croissance annuelle et d'un taux d'emploi de 70 % à 10 ans décidé à Lisbonne : chacun des partenaires doit pouvoir indiquer l'appréciation qu'il en fait, les Etats membres et la Commission pour la politique de l'emploi, le budget et la fiscalité, les partenaires sociaux dans leurs négociations (salaires, formation), la banque centrale pour la politique monétaire. Il n'est pas question de mettre en cause l'autonomie et la responsabilité de quiconque. Mais il peut s'agir là d'un point d'ancrage fort pour le Pacte européen pour l'Emploi dont nous avons adopté le principe à Cologne.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 22 juin 2000)