Déclaration de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur la politique culturelle, notamment la défense de la diversité culturelle, le pluralisme linguistique, paris le 5 février 2003.

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Circonstance : Rencontre du réseau international sur la politique culturelle (RIPC) à Paris le 5 février 2003

Texte intégral

Chers collègues,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Tout d'abord, je souhaite vous remercier d'avoir été si nombreux à répondre à l'invitation que Sheila Copps et moi-même vous avons adressée.
C'est au Cap que le principe et les objectifs de cette réunion ont été arrêtés. Nous avions décidé ensemble qu'il appartiendrait à l'UNESCO d'accueillir la négociation du projet de Convention sur la diversité culturelle. Si nous nous réunissons aujourd'hui à Paris, c'est aussi parce que les organisations professionnelles, qui ont tenu leurs rencontres au Caroussel du Louvre en début de semaine, demandent désormais aux politiques de soutenir le projet d'instrument.
Enfin, c'est à Paris que le Conseil exécutif de l'UNESCO, qui se tiendra dans quelques semaines, doit décider de mettre à l'ordre du jour de la Conférence générale de l'automne prochain la négociation d'une Convention sur la diversité culturelle. Nous devons donc ensemble rappeler au Directeur général de l'UNESCO la priorité que les gouvernements comme les créateurs accordent à cette Convention. Au Cap, nous nous sommes également mis d'accord sur les principaux éléments d'une telle Convention.
Elle doit concrétiser les droits et devoirs des États en matière de diversité culturelle, en affirmant notamment la nécessité de respecter le pluralisme linguistique et de se mobiliser pour enrayer la disparition des langues dans le monde. Elle doit rappeler le droit des États à soutenir la création par des actions appropriées et leur rôle légitime dans la préservation et la promotion de la diversité culturelle par le développement et la mise en uvre de politiques culturelles volontaristes.
Elle doit confirmer le caractère exceptionnel des biens et services culturels, qui ne sont pas des biens et services comme les autres et dont la spécificité doit être respectée. Ce texte ne doit pas se limiter à une série de principes, mais également reconnaître l'importance du dialogue des cultures pour promouvoir la paix à l'échelle mondiale. Il doit prendre en compte les besoins des pays en développement pour renforcer leur capacité dans le domaine du développement culturel. Cette convention permettrait de donner force de loi aux principes de la Déclaration de l'UNESCO sur la diversité culturelle. Pour la première fois, la culture ne serait pas considérée comme bénéficiant d'un régime d'exception par rapport à une règle générale et apparemment absolue.
Pour la première fois, des normes positives et contraignantes seraient adoptées dans le domaine culturel. Nous avions convenu au Cap que l'UNESCO était l'enceinte légitime pour prendre en charge la préparation et la négociation de cet instrument. En effet, par sa vocation universelle, l'UNESCO, forte à ce jour de 190 Etats membres, est à même d'assurer le plus grand nombre d'adhésions à la future Convention. Elle détient également la légitimité politique, puisqu'elle est l'organisation des Nations Unies en charge de la culture.
L'UNESCO a le mérite également de prendre en compte la spécificité des pays en développement. La question de la diversité culturelle ne doit pas se limiter à la seule confrontation d'intérêts entre les grands pays producteurs de biens culturels. Enfin, puisque nous souhaitons parvenir à un instrument contraignant, nous pouvons nous appuyer sur le pouvoir normatif dont cette organisation dispose. La négociation de l'instrument à l'UNESCO n'interdit en rien, bien au contraire, un travail et une réflexion continus dans d'autres enceintes (Organisation Internationale de la Francophonie, RIPC).
Cependant, dans le cadre plus global de l'UNESCO, ces démarches trouveront leur pleine efficacité, par la création d'un rapport de force favorable à la diversité culturelle. Il nous appartient, en unissant nos réseaux et nos influences géographiques, de promouvoir ce projet et de déterminer ensemble une stratégie.
Nous nous retrouverons à l'automne prochain en Croatie, pour examiner les progrès du texte, dans sa rédaction comme dans ses perspectives d'adoption.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 6 février 2003)