Texte intégral
Françoise Laborde. Bonjour. Avec François Chérèque ce matin nous allons parler protestation, mouvement de protestation, si je puis dire, ça tombe bien puisque la contestation a franchi les portes de France 2 avec un mouvement de grève et de revendications autour des salaires. Alors, effectivement, sur les salaires, si je puis dire, c'est un des thèmes sur lesquels la contestation est la plus forte avec entre autres une journée d'action prévue le 26 novembre, essentiellement chez les cheminots.
François Chérèque. Eh bien la CFDT sera présente effectivement avec les cheminots le 26 novembre. C'est au départ une journée d'action des salariés de la SNCF, mais la CFDT ne va pas appeler l'ensemble des services publics et la Fonction publique à cette journée là. Je crois qu'il ne faut pas globaliser les demandes des différents services publics et des fonctions publiques, ce n'est pas leur rendre service de vouloir tout mélanger, et en même temps, il ne faut pas que les revendications ou les manifestations des services publics prennent le pas sur la priorité numéro 1 du moment qui est l'emploi dans le privé, qui doit être mis en avant actuellement.
Alors, François Chérèque, si je vous comprends bien, vous vous démarquez des autres syndicats qui eux ont tendance justement à vouloir globaliser, pour employer un mot à la mode, la revendication à l'ensemble du secteur public, c'est bien la position de vos concurrents, si je puis dire, FO et la CGT.
Oui, je répète, au départ, cette journée c'est une journée de manifestation des salariés de la SNCF avec tous les syndicats de la SNCF, mais les problèmes de la SNCF ne sont pas ceux d'EDF, ne sont pas ceux de la Fonction publique et globaliser le tout ce n'est pas rendre service, je le disais, aux uns et aux autres, ce n'est pas répondre à leurs besoins précis.
Alors, en termes justement, d'emploi, c'est là où se trouve votre préoccupation principale parce que les derniers chiffres montrent qu'il y a une grosse masse de licenciements économiques qui touchent essentiellement les petites entreprises.
On est aujourd'hui au 17ème mois d'augmentation du chômage, donc on n'est pas sur quelque chose de nouveau, on est sur une augmentation durable et importante. On a une augmentation de 20 % des licenciements économiques et 6 % des plans sociaux, ce qui veut dire que la majorité des licenciements se font dans les entreprises, les petites entreprises, qui représentent 85 % à peu près des licenciements économiques. Donc c'est bien sur les petites entreprises, auprès de ces salariés, qu'il faut porter notre effort.
Aujourd'hui, d'ailleurs, en Conseil des ministres, la loi de modernisation sociale que la CFDT avait défendue, va être suspendue. Comment tout cela va évoluer ? Il va y avoir une négociation entre les syndicats et le Medef ou pas ?
Tout d'abord, on ne va pas se plaindre de la suspension de cette loi, loi que tout le monde avait contestée à l'époque, aussi bien les syndicats de salariés que les organisations patronales. Donc, on va sortir de l'hypocrisie et dire : ce qui était mauvais avec l'ancien gouvernement deviendrait bon maintenant. Il faut ouvrir des négociations, et c'est pour ça que nous lançons un appel précis à nos partenaires syndicaux, que ce soit Marc Blondel, Bernard Thibault et les autres, mais aussi à monsieur Seillière : il faut ouvrir des négociations sur l'emploi, les partenaires sociaux doivent faire leurs preuves sur ce sujet là.
Quelles négociations pouvez-vous ouvrir sur l'emploi ?
Le gouvernement nous fait une passe et nous dit : réfléchissez sur le problème des plans sociaux. Il faut qu'on fasse le bilan de ce qui existe en termes de plans sociaux, qu'on en tire les leçons et qu'on fasse de nouvelles propositions. On ne va pas, nous, s'échapper dans notre principale responsabilité en tant que partenaires sociaux, si on doit faire l'unité syndicale un jour, c'est bien sur l'emploi qu'on doit la faire, autour de la table des négociations, sur ce sujet là, face au patronat.
D'ailleurs Bernard Thibault, enfin, pas ici même, aux " 4 vérités ", avait lancé un appel pour qu'il y ait une action commune. A votre avis, cette action commune elle doit porter sur l'emploi, sur les salaires, sur les retraites, sur tout ?
Sur l'emploi, il faut donc qu'on tire les leçons de ce qui se passe dans les entreprises pour faire des propositions, faire un bilan avec le patronat et là on peut pousser dans le même sens tous les syndicats. Sur les retraites, c'est un autre sujet. C'est un sujet compliqué, il y a d'un côté les syndicats qui ne veulent rien toucher et qui sont partisans du statu quo
Vous pensez à Marc Blondel.
Force Ouvrière par exemple. Avec ceux là je pense que l'on ne pourra pas faire une unité syndicale. Par contre, nous travaillons avec la CGT depuis plusieurs mois sur ce que doivent être les grandes lignes d'une réforme pour les retraites ; si nous trouvons des points de convergence sur ce sujet là, il n'y a pas de raison qu'on ne parle pas ensemble.
Parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait une ponction de 800 millions d'euros qui avait été faite dans le secteur privé des retraites pour financer les retraites de la Fonction publique ce qui est, passez-moi l'expression, un peu " croquignolet ". Donc vous, vous trouvez qu'effectivement c'est une mesure sur laquelle il faut, quoi, revenir ?
Le gouvernement, par cette ponction, vient de montrer qu'on ne peut pas rester sans rien faire. Il prend 800 millions d'euros, ce qui est quand même très important, c'est plus de 5 milliards de francs du régime du privé pour mettre à l'équilibre les régimes spéciaux. D'autre part, il vient de décider d'annuler la cessation progressive d'activités de la Fonction publique et il est en train de prendre, comme ça, par appartement, un sujet qui est les retraites, où il faut rénover l'immeuble en entier. Donc là nous lui disons : arrêtez de prendre les choses par les petits bouts, rentrons dans une négociation globale et décidons ensemble quelles vont êtres les grandes lignes d'une future réforme des retraites.
On a quand même le sentiment, François Chérèque, aujourd'hui, qu'un certain nombre de syndicats sont un peu arc-boutés sur le côté " préservons les avantages acquis " et ne veulent absolument pas négocier, même dans des secteurs où c'est un peu difficile de rester en l'état, et d'autres comme vous qui sont prêts à ouvrir un petit peu la négociation. Est-ce que vous ne risquez pas d'être à un moment donné en porte à faux ou est-ce que la France a changé ? C'est-à-dire ce que l'on a pu voir en 1995, la solidarité des salariés du privé à l'égard de ceux du public, disait-on, est-ce que ça pourrait se reproduire aujourd'hui ?
Mais vous savez, à vouloir globaliser par exemple les conflits dans le service public, la Fonction publique, c'est aussi monter les salariés du public contre ceux du privé ou vice-versa. Ce n'est pas la bonne solution. On le voit bien sur les retraites, on a actuellement deux régimes, celui du privé et celui des collectivités locales, des mairies et des hôpitaux, qui financent les autres régimes. Quand ces deux régimes ne vont pas pouvoir continuer à financer pour des raisons démographiques évidentes, il va bien falloir trouver une solution, donc dire : on ne fait rien, on reste bloqué sur quelques avantages. C'est mettre à mal le système et c'est provoquer des désastres, d'abord pour les retraités de demain qui n'auront pas des retraites d'un niveau suffisant. On voit bien que sur ce sujet là, il faut un peu de courage et aller vers une réforme qui de toute façon ne peut être que positive pour les salariés et pour les futurs retraités, parce que si on ne fait rien c'est les retraites qui sont en danger.
Est-ce que vous avez le sentiment que le gouvernement Raffarin teste auprès de l'opinion publique un certain nombre de sujets, d'idées qui sont lancés, alors on a vu par exemple les déclarations de Jacques Barrot sur la Sécurité sociale ou des choses comme ça, est-ce que vous avez le sentiment que c'est une politique un peu comme ça de ballon d'essai et est-ce qu'il faut s'en méfier ?
On a eu l'impression, effectivement, d'un côté, avec le président du principal groupe à l'Assemblée, d'un test. Ce n'est pas la bonne méthode. Nous, ce que l'on souhaite et ce que l'on nous a promis, c'est de revivifier le dialogue social. Ce n'est pas en lançant des provocations qu'on revivifie le dialogue social, donc il faut faire la preuve sur le sujet qui est central, nous les partenaires sociaux, sur l'emploi, qu'on est capable de négocier, et sur les retraites avec le gouvernement qu'on est capable de le faire, je crois que tout le monde s'en portera mieux.
Vous pensez qu'il faudrait que Jean-Pierre Raffarin organise une grande conférence sociale ou quelque chose d'approchant ou ça ne sert à rien ?
Sur les retraites, il faut commencer par ça, sur les retraites il faut voir le problème, globalement, dans son ensemble, sinon on va opposer les uns aux autres et c'est vraiment une réforme pour tout le monde que l'on veut et cela passe par une réforme globale.
(source http://www.cfdt.fr, le 13 novembre 2002)
François Chérèque. Eh bien la CFDT sera présente effectivement avec les cheminots le 26 novembre. C'est au départ une journée d'action des salariés de la SNCF, mais la CFDT ne va pas appeler l'ensemble des services publics et la Fonction publique à cette journée là. Je crois qu'il ne faut pas globaliser les demandes des différents services publics et des fonctions publiques, ce n'est pas leur rendre service de vouloir tout mélanger, et en même temps, il ne faut pas que les revendications ou les manifestations des services publics prennent le pas sur la priorité numéro 1 du moment qui est l'emploi dans le privé, qui doit être mis en avant actuellement.
Alors, François Chérèque, si je vous comprends bien, vous vous démarquez des autres syndicats qui eux ont tendance justement à vouloir globaliser, pour employer un mot à la mode, la revendication à l'ensemble du secteur public, c'est bien la position de vos concurrents, si je puis dire, FO et la CGT.
Oui, je répète, au départ, cette journée c'est une journée de manifestation des salariés de la SNCF avec tous les syndicats de la SNCF, mais les problèmes de la SNCF ne sont pas ceux d'EDF, ne sont pas ceux de la Fonction publique et globaliser le tout ce n'est pas rendre service, je le disais, aux uns et aux autres, ce n'est pas répondre à leurs besoins précis.
Alors, en termes justement, d'emploi, c'est là où se trouve votre préoccupation principale parce que les derniers chiffres montrent qu'il y a une grosse masse de licenciements économiques qui touchent essentiellement les petites entreprises.
On est aujourd'hui au 17ème mois d'augmentation du chômage, donc on n'est pas sur quelque chose de nouveau, on est sur une augmentation durable et importante. On a une augmentation de 20 % des licenciements économiques et 6 % des plans sociaux, ce qui veut dire que la majorité des licenciements se font dans les entreprises, les petites entreprises, qui représentent 85 % à peu près des licenciements économiques. Donc c'est bien sur les petites entreprises, auprès de ces salariés, qu'il faut porter notre effort.
Aujourd'hui, d'ailleurs, en Conseil des ministres, la loi de modernisation sociale que la CFDT avait défendue, va être suspendue. Comment tout cela va évoluer ? Il va y avoir une négociation entre les syndicats et le Medef ou pas ?
Tout d'abord, on ne va pas se plaindre de la suspension de cette loi, loi que tout le monde avait contestée à l'époque, aussi bien les syndicats de salariés que les organisations patronales. Donc, on va sortir de l'hypocrisie et dire : ce qui était mauvais avec l'ancien gouvernement deviendrait bon maintenant. Il faut ouvrir des négociations, et c'est pour ça que nous lançons un appel précis à nos partenaires syndicaux, que ce soit Marc Blondel, Bernard Thibault et les autres, mais aussi à monsieur Seillière : il faut ouvrir des négociations sur l'emploi, les partenaires sociaux doivent faire leurs preuves sur ce sujet là.
Quelles négociations pouvez-vous ouvrir sur l'emploi ?
Le gouvernement nous fait une passe et nous dit : réfléchissez sur le problème des plans sociaux. Il faut qu'on fasse le bilan de ce qui existe en termes de plans sociaux, qu'on en tire les leçons et qu'on fasse de nouvelles propositions. On ne va pas, nous, s'échapper dans notre principale responsabilité en tant que partenaires sociaux, si on doit faire l'unité syndicale un jour, c'est bien sur l'emploi qu'on doit la faire, autour de la table des négociations, sur ce sujet là, face au patronat.
D'ailleurs Bernard Thibault, enfin, pas ici même, aux " 4 vérités ", avait lancé un appel pour qu'il y ait une action commune. A votre avis, cette action commune elle doit porter sur l'emploi, sur les salaires, sur les retraites, sur tout ?
Sur l'emploi, il faut donc qu'on tire les leçons de ce qui se passe dans les entreprises pour faire des propositions, faire un bilan avec le patronat et là on peut pousser dans le même sens tous les syndicats. Sur les retraites, c'est un autre sujet. C'est un sujet compliqué, il y a d'un côté les syndicats qui ne veulent rien toucher et qui sont partisans du statu quo
Vous pensez à Marc Blondel.
Force Ouvrière par exemple. Avec ceux là je pense que l'on ne pourra pas faire une unité syndicale. Par contre, nous travaillons avec la CGT depuis plusieurs mois sur ce que doivent être les grandes lignes d'une réforme pour les retraites ; si nous trouvons des points de convergence sur ce sujet là, il n'y a pas de raison qu'on ne parle pas ensemble.
Parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait une ponction de 800 millions d'euros qui avait été faite dans le secteur privé des retraites pour financer les retraites de la Fonction publique ce qui est, passez-moi l'expression, un peu " croquignolet ". Donc vous, vous trouvez qu'effectivement c'est une mesure sur laquelle il faut, quoi, revenir ?
Le gouvernement, par cette ponction, vient de montrer qu'on ne peut pas rester sans rien faire. Il prend 800 millions d'euros, ce qui est quand même très important, c'est plus de 5 milliards de francs du régime du privé pour mettre à l'équilibre les régimes spéciaux. D'autre part, il vient de décider d'annuler la cessation progressive d'activités de la Fonction publique et il est en train de prendre, comme ça, par appartement, un sujet qui est les retraites, où il faut rénover l'immeuble en entier. Donc là nous lui disons : arrêtez de prendre les choses par les petits bouts, rentrons dans une négociation globale et décidons ensemble quelles vont êtres les grandes lignes d'une future réforme des retraites.
On a quand même le sentiment, François Chérèque, aujourd'hui, qu'un certain nombre de syndicats sont un peu arc-boutés sur le côté " préservons les avantages acquis " et ne veulent absolument pas négocier, même dans des secteurs où c'est un peu difficile de rester en l'état, et d'autres comme vous qui sont prêts à ouvrir un petit peu la négociation. Est-ce que vous ne risquez pas d'être à un moment donné en porte à faux ou est-ce que la France a changé ? C'est-à-dire ce que l'on a pu voir en 1995, la solidarité des salariés du privé à l'égard de ceux du public, disait-on, est-ce que ça pourrait se reproduire aujourd'hui ?
Mais vous savez, à vouloir globaliser par exemple les conflits dans le service public, la Fonction publique, c'est aussi monter les salariés du public contre ceux du privé ou vice-versa. Ce n'est pas la bonne solution. On le voit bien sur les retraites, on a actuellement deux régimes, celui du privé et celui des collectivités locales, des mairies et des hôpitaux, qui financent les autres régimes. Quand ces deux régimes ne vont pas pouvoir continuer à financer pour des raisons démographiques évidentes, il va bien falloir trouver une solution, donc dire : on ne fait rien, on reste bloqué sur quelques avantages. C'est mettre à mal le système et c'est provoquer des désastres, d'abord pour les retraités de demain qui n'auront pas des retraites d'un niveau suffisant. On voit bien que sur ce sujet là, il faut un peu de courage et aller vers une réforme qui de toute façon ne peut être que positive pour les salariés et pour les futurs retraités, parce que si on ne fait rien c'est les retraites qui sont en danger.
Est-ce que vous avez le sentiment que le gouvernement Raffarin teste auprès de l'opinion publique un certain nombre de sujets, d'idées qui sont lancés, alors on a vu par exemple les déclarations de Jacques Barrot sur la Sécurité sociale ou des choses comme ça, est-ce que vous avez le sentiment que c'est une politique un peu comme ça de ballon d'essai et est-ce qu'il faut s'en méfier ?
On a eu l'impression, effectivement, d'un côté, avec le président du principal groupe à l'Assemblée, d'un test. Ce n'est pas la bonne méthode. Nous, ce que l'on souhaite et ce que l'on nous a promis, c'est de revivifier le dialogue social. Ce n'est pas en lançant des provocations qu'on revivifie le dialogue social, donc il faut faire la preuve sur le sujet qui est central, nous les partenaires sociaux, sur l'emploi, qu'on est capable de négocier, et sur les retraites avec le gouvernement qu'on est capable de le faire, je crois que tout le monde s'en portera mieux.
Vous pensez qu'il faudrait que Jean-Pierre Raffarin organise une grande conférence sociale ou quelque chose d'approchant ou ça ne sert à rien ?
Sur les retraites, il faut commencer par ça, sur les retraites il faut voir le problème, globalement, dans son ensemble, sinon on va opposer les uns aux autres et c'est vraiment une réforme pour tout le monde que l'on veut et cela passe par une réforme globale.
(source http://www.cfdt.fr, le 13 novembre 2002)