Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur la politique de l'énergie, Paris le 14 octobre 1999.

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Circonstance : 2e Rencontres parlementaires sur l'énergie à Paris le 14 octobre 1999

Texte intégral

S'il fallait une preuve de l'importance de l'énergie, l'ordre du jour de ces rencontres parlementaires et la qualité des intervenants suffiraient amplement. Il s'agit bien de l'un des sujets de fond pour l'avenir, de l'économique au social et à l'environnement, du local au global. Nous sommes tous, à des titres divers mais à tout moment, concernés.
Jusqu'au siècle dernier, les équilibres naturels furent peu perturbés, sinon de façon locale, par des déforestations abusives ou l'exploitation minière. Le développement de l'industrialisation s'est poursuivi, de façon inégale mais continue, sans que l'on se préoccupe de son impact sur l'environnement. La première alerte fut donnée par des savants soucieux de la dispersion dans la haute atmosphère des produits de fission liés aux essais nucléaires. L'état des climats et de la couche d'ozone, le constat de l'augmentation des émissions de CO2 ont ensuite conduit à se poser la question des liens entre développement et environnement.
Utiliser chaque source d'énergie pour ce qu'elle fait de mieux, permettre le développement des pays du Sud sans qu'ils aient à passer par les étapes les plus polluantes, lutter globalement contre l'augmentation de l'effet de serre, gérer les déchets nucléaires Telles sont quelques-unes des questions qui se posent à nous. Le charbon est l'énergie dont les réserves sont les plus importantes dans le monde. Il pourrait connaître une nouvelle jeunesse avec les progrès technologiques. Il serait hasardeux de penser que la Chine pourrait s'en passer dans les années à venir. Le pétrole et le gaz demeurent des énergies essentielles. Le nucléaire doit encore améliorer sa sûreté, comme le montre le récent accident survenu au Japon. Les énergies renouvelables méritent aussi d'être développées, Nous venons d'ailleurs d'inaugurer une nouvelle installation éolienne à Boulogne, ce qui constitue un premier pas, même si elle ne permet d'alimenter que quelques centaines de foyers. Enfin, il y a la maîtrise de la demande et les économies d'énergie, dont le potentiel immense est encore largement inexploité.
Quel sens une politique énergétique nationale pourrait-elle avoir dans un espace européen ouvert ? Il me semble que l'indépendance énergétique n'est plus le seul socle sur lequel nous devons fonder nos politiques. Premièrement, il n'y a pas de réponse universelle aux problèmes énergétiques. Ensuite, il y va de l'avenir de la planète que de maîtriser tant la consommation des ressources que leur impact sur l'environnement. Les travaux récents du Plan ou de la mission interministérielle sur l'effet de serre sont plus que jamais nécessaires pour nous aider à déterminer les grands axes de notre politique économique.
Comment aborde les grands défis qui sont devant nous ? Lors d'un récent colloque tenu la semaine dernière à Dunkerque, j'ai été agréablement surprise par la mobilisation des élus et l'implication des différents acteurs. Comment poursuivre le développement des renouvelables ? Comment gérer le stock des déchets nucléaires déjà accumulés ? Les engagements pris à Kyoto vont nous conduire à prendre des mesures déterminées. Il ne faut pas simplifier et caricaturer les données concernant l'effet de serre. Le recours au nucléaire n'est pas le seul recours. En matière d'effet de serre, ce sont les transports qui seront déterminants. Nous devrons donc aborder ce dossier en mettant en uvre des moyens multiples : taxation des énergies polluantes, PDU, intermodalité dans les transports, usage des meilleures technologies disponibles Rien ne sera inutile pour respecter ces engagements.
Le développement des énergies renouvelables doit jouer un rôle grandissant, ce qui suppose la mise en uvre de mesures réglementaires parallèlement à des objectifs économiques. Je me suis prononcée fermement contre les systèmes de tarifications vertes. Je pense en effet que le différentiel de prix existant entre une énergie polluante et une autre qui ne l'est pas doit être compensé par l'Etat. Voici venu le temps de la péréquation modale. A investissement égal, à encouragement public égal, je crois que les énergies renouvelables n'ont pas à rougir de la comparaison avec les énergies fossiles.
La maîtrise de l'énergie doit être relancée : je compte sur l'ADEME, dotée de nouveaux moyens, pour atteindre cet objectif. Les parlementaires ont adopté hier un amendement qui va dans le bon sens : la baisse de la taxation pesant sur les ampoules basse consommation. La maîtrise de l'énergie, comme le développement des ressources nouvelles, doivent se décliner à l'échelon local comme à l'international.
Enfin, en matière d'emploi, faut-il continuer, comme par le passé, à faire comme si de rien n'était ? Je ne le crois pas : les systèmes énergétiques décentralisés ont aussi des impacts positifs en matière d'emploi. Il faut prendre en compte l'intérêt général, aussi bien dans le domaine social que dans le domaine environnemental.
Le développement ne sera durable que s'il est démocratiquement choisi : c'est l'esprit du projet de loi sur la sûreté et la transparence que je prépare.
Le chantier est vaste, mais crucial pour l'avenir. Ces rencontres parlementaires ne peuvent que contribuer à enrichir cette réflexion. Préservation de l'environnement, justice sociale, développement économique et de l'emploi doivent nous guider dans nos démarches.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 3 novembre 1999)