Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Avant notre rendez-vous ce soir, j'ai déjà eu l'occasion de découvrir cette remarquable Odyssée Végétale en compagnie du Président de la République et, comme lui, j'ai été frappé, samedi mais aujourd'hui encore, par la démarche commune dans laquelle se sont investies les onze filières végétales que vous représentez.
Au-delà de son caractère fédérateur, ce projet me paraît exemplaire car il incarne en soi l'esprit qui anime ce salon et ceux qui s'y mobilisent.
Sans renier la rigueur technique à laquelle obéissent aujourd'hui toutes vos productions, cette Odyssée Végétale se veut en même temps pédagogique et séductrice. Or, cela me paraît essentiel à l'heure où notre agriculture a besoin de l'adhésion de tous.
Rapprocher les visiteurs, rapprocher les Français de leur agriculture, de leurs agricultures, leur réapprendre le rythme, la couleur, le goût et la saveur de la terre et de ses saisons : voilà un ambitieux projet que vous avez réussi à concrétiser ici, collectivement, avec cette idée très symbolique du " jardin des sens ". Mais un jardin mérite une attention de tous les instants, et en premier lieu la qualité des semences et des plants qui porte en germe la diversité des produits de la terre.
Et quoi de plus intimement lié à la Terre que le végétal qui y plonge ses racines, dans toutes ses formes et dans toute sa diversité ?
Céréales, oléagineux, protéagineux, betteraves, pommes de terre, vignes, vergers, légumes, horticulture, semences et plants : le végétal c'est près des 2/3 de la SAU française avec le poids territorial, économique et social que représentent vos filières, souvent complexes et élaborées comme le montrent tous les produits finis mis en valeur dans les animations présentées ici.
Mais le végétal, par ce lien brut et direct à la Terre, c'est aussi un monde fragile, tributaire des caprices du climat - les événements de septembre nous l'ont tragiquement rappelé - comme de ceux de la conjoncture.
A cet égard, l'année 2002, nous aura apporté son lot de difficultés sur à peu près tous les fronts : les fruits et légumes, dont les prix ont été malmenés, le vin aussi, dont le marché déprimé a imposé le recours à plusieurs distillations successives, et évidemment les céréales pour lesquelles la période qui vient de s'écouler, avec ses contradictions, ses chiffres aberrants et ses hésitations communautaires, a pu ébranler les plus confiants.
Après des mois de discussions, où la France - disons-le franchement - n'a pas toujours été très soutenue dans ses inquiétudes comme dans ses demandes, nous disposons enfin depuis quelques semaines d'un nouveau régime d'importation pour le blé.
Chacun sait qu'il ne s'agit pas de la solution que nous privilégions au départ. Mais je crois que tout le monde est aussi d'accord pour reconnaître que la nécessité urgente de stopper cette spéculation débridée imposait de soutenir ce dispositif et surtout sa mise en oeuvre immédiate.
Cela étant, nous devrons rester vigilants. Et quelle que soit l'efficacité du système, nous devrons désormais compter avec cette concurrence avérée. Plus encore qu'avant, cette nouvelle donne exige les efforts de tous pour valoriser les atouts de l'offre française, c'est-à-dire la qualité, le classement et la traçabilité.
Je sais, vous l'avez dit, Monsieur le Président, que beaucoup d'effort ont été accomplis ces dernières années, pour relever ce défi et passer d'une simple logique d'écoulement à une véritable démarche marketing.
Cette ambition, que sert la qualité exceptionnelle - ce n'est pas un hasard - de la moisson 2002 est plus indispensable encore cette année, alors que l'équilibre de la campagne va clairement se jouer à l'exportation.
Or, si les pouvoirs publics et notamment la Commission doivent jouer leur partition, soyons clairs, ce sont toujours in fine les opérateurs qui se battent et qui font le marché.
Ces marchés sont de plus en plus durs, et pas seulement celui des céréales, le Président VERDIER sait de quoi je parle !
S'agissant du vin, il faut se garder de tomber dans le pessimisme noir qui semble tenter certains. Mais en même temps, c'est indéniable, notre leadership, s'il demeure incontestable, est de plus en plus disputé.
Là encore, l'émergence de nouveaux pays producteurs a changé la face du marché et nous oblige à d'autant plus d'efforts que notre consommation intérieure régresse de façon régulière.
Or, l'agressivité commerciale de nos challengers exige aujourd'hui une véritable dynamique opérationnelle, si nous voulons poursuivre la course en tête.
La filière a engagé depuis plusieurs mois un travail de réflexion. Il l'a fait avec d'autant plus de lucidité que la conjoncture est bonne, ce qui facilite rarement la mobilisation des énergies pour traiter le long terme. J'y vois un signe fort de l'engagement professionnel à répondre au défi que nous lance le Nouveau monde, et nous travaillerons ensemble au cours des prochaines semaines pour donner un contenu concret à ce travail.
Et puis, nous aurons besoin de la même mobilisation pour réussir le rendez-vous important que la Commission annonce avec la réforme de l'OCM, afin de donner à la production communautaire les moyens de réaffirmer ses positions commerciales sur les marchés.
Pour d'autres secteurs importants du monde végétal, nous attendons une initiative de la part de la Commission : je pense au secteur des protéagineux pour lequel les propositions faites à ce stade sont très largement insuffisantes.
Je pense également aux fruits et légumes dont différentes filières connaissent des difficultés répétées depuis plusieurs années.
Au-delà des ajustements sur l'OCM dont nous attendons à la fois simplification, clarification et compléments opérationnels, la situation concurrentielle du secteur, le durcissement de son environnement réglementaire et les crispations de ses relations avec l'aval rendent aujourd'hui nécessaire d'engager un travail d'analyse sur les forces et les faiblesses de la filière.
Un audit - demandé unanimement par tous les acteurs du secteur - se met en place, dans le cadre d'un Comité de pilotage. Il fait appel à des analystes indépendants, et les professionnels seront appelés à y apporter leur contribution.
Ce travail, que je souhaite mener d'une façon innovante et collective, ne doit pas se conclure par un rapport supplémentaire. Ce n'est pas - en tout cas - ainsi que je vois les choses. Vous non plus, je le sais.
S'agissant de l'horticulture dont chacun peut apprécier autour de nous les réalisations spectaculaires, la filière doit aujourd'hui répondre aux enjeux de conquête des marchés, de diversification des produits, de positionnement du savoir-faire français et d'innovation technologique. Cela suppose, en particulier, le renforcement de l'interprofession comme vous l'avez évoqué.
Enfin, je ne voudrais pas finir sans évoquer les biocarburants et plus généralement toutes les valorisations non alimentaires, dont nous allons voir tout à l'heure quelques illustrations très pratiques.
En ce domaine, les termes du débat sont clairs. Ils ont d'ailleurs été précisés par le dernier bilan énergétique de l'ADEME : les biocarburants présentent de véritables atouts énergétiques et environnementaux. Ils peuvent utilement participer à la lutte contre l'effet de serre et poursuivre une logique de développement durable, à laquelle le Président de la République, vous le savez, est très attaché.
Je crois également, et je sais que je n'ai pas besoin de vous convaincre, que nous devons mieux prendre en compte les perspectives qu'ils offrent aux agriculteurs : améliorer les revenus, conforter la contribution à la protection de l'environnement, favoriser un aménagement du territoire équilibré et soutenir la création d'emplois.
Pour toutes ces raisons, je plaiderai pour que les avantages de ces productions soient dûment reconnus et pris en compte tant dans les évolutions communautaires en discussion que dans les différentes politiques gouvernementales qui seront engagées dans les prochains mois sur l'énergie, la lutte contre le changement climatique ou la stratégie nationale de développement durable.
L'accompagnement de cette diversification des débouchés me paraît important pour conforter l'implication déjà très forte de toutes vos filières dans la mutation d'une agriculture européenne qui, tout en préservant sa compétitivité, se doit aujourd'hui de proposer des produits de qualité, de préserver un environnement rural dynamique et " écologiquement responsable ", en particulier au regard des intrants.
Bref, ce modèle d'agriculture auquel nous sommes attachés et que nous entendons défendre face aux assauts d'une pensée libérale qu'on voudrait nous faire passer pour généreuse et tiers-mondiste.
Il nous faut désormais sortir de l'ambiguïté, pour ne pas dire de l'hypocrisie d'un débat trop longtemps caricaturé à nos dépens.
La question est de savoir si nous voulons conserver une agriculture humaine, faite d'entrepreneurs équitablement rémunérés pour leur production et toutes les fonctions qu'ils assument en milieu rural ou si nous acceptons une agriculture désincarnée, où la terre et les hommes seraient de simples variables d'ajustement permettant de produire des commodities à bas prix.
La réponse ne fait aucun doute, ni pour le Président de la République, ni pour son gouvernement, et nous allons nous battre avec énergie contre les idées, comme le découplage, qui menacent ce en quoi nous croyons.
Voilà, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, ce que je voulais vous dire en quelques mots, en formant le voeu que la référence à l'Odyssée soit de bonne augure pour les mois qui nous attendent.
L'Odyssée, ce fut une longue aventure, parsemée d'embûches et d'épreuves, parfois même de pièges et de leurres, mais à la fin, souvenez-vous, Ulysse finit par retrouver Pénélope, en ayant raison de tous ses prétendants ...
Chacun, je pense, aura reconnu qui sont les prétendants modernes de la PAC .... !
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 27 février 2003)