Déclaration de M. Jean-François Lamour, ministre des sports, sur le modèle français d'organisation du mouvement sportif et du rôle de l'Etat, l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau, le mode de gouvernance des fédérations sportives et la fonction sociale et éducative du sport, Paris le 8 décembre 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conclusion des Etats généraux du sport à Paris le 8 décembre 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les ministres (cher Pierre),
Monsieur le président du comité national olympique (cher Henri SERANDOUR),
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les présidents de fédérations,
Chers amis,
Aujourd'hui, nous clôturons les Etats généraux du sport, co-organisés par le comité national olympique et sportif français et le ministère des sports, et voulus dès le mois d'avril par le président de la République.
Dans mon esprit, cette journée n'est pas une fin, elle est un commencement. Après le temps des idées, des propositions, des doléances aussi, vient celui des actes.
Mais des actes réfléchis, débattus, à partir d'une plate-forme issue de vos travaux et de vos réflexions.
Pendant cinq ans, le mouvement sportif a trop souvent eu l'impression de n'être pas réellement écouté et pourtant il avait depuis longtemps engagé cette réflexion. Nous avons renoué les fils épars du dialogue. Grâce à vous toutes et à vous tous, nous avons pu mener une large concertation.
Le rythme retenu se justifiait pleinement par l'urgence qu'il y avait à apporter des réponses concrètes aux difficultés d'application de textes souvent inadaptés car peu concertés, et coupés des réalités du terrain.
Telle n'est pas, vous l'avez compris, ma conception de la politique. Ce n'est pas celle du gouvernement, ni celle du Premier ministre, Jean-Pierre RAFFARIN.
Pendant ces quelques mois, le monde du sport, tourné par nature vers les autres, s'est livré à un exercice d'introspection, sans concessions, ni faux-semblants.
Cette journée est le fruit d'un processus de discussions menées activement, et, pourquoi ne pas le dire, de synthèses parfois difficiles à dégager. Plus de 10 000 participants se sont investis avec enthousiasme dans cette démarche et nous ont permis de recueillir des contributions de très grande qualité. Ces Etats généraux ont été de la démocratie en actes.
Je tiens à saluer avec chaleur le travail ainsi effectué tant au niveau des régions que par les groupes nationaux. Je vous en remercie tous.
J'ai voulu aller au devant de tous les acteurs du sport. A chacun de mes déplacements, j'ai senti la même motivation, le même désir de faire et de bien faire. Non pas pour tout révolutionner, mais pour améliorer, pour donner un souffle nouveau. Au fur et à mesure de mes visites, ma réflexion sur les réformes à mener s'est affinée : ces échanges m'ont conduit à évoluer, à préciser la méthode, à mieux définir les enjeux, à mieux baliser le chemin qu'avec vous je compte suivre.
Encore une fois, je vous remercie très sincèrement de tout cela. Ce travail ne restera pas lettre morte, croyez-le bien : j'ai déjà fait miennes certaines de vos propositions. Dès aujourd'hui, des choix ont été faits, ces choix ont été concertés.
D'autres propositions seront expertisées, car elles justifient avant leur mise en oeuvre une analyse plus approfondie. Mais toutes seront étudiées, toutes recevront une réponse, je m'y engage.
Lors des nombreux échanges auxquels j'ai participé, quelques questions ont été posées de façon récurrente. Les synthèses qui nous ont été présentées ce matin en témoignent.
Dans le monde du sport, quel doit être le rôle de l'Etat, et plus largement de l'ensemble des collectivités publiques ? Ce rôle doit-il évoluer ? De même, l'organisation du mouvement sportif est-elle aujourd'hui satisfaisante ? Quelle place donner respectivement aux structures associatives et au secteur marchand ? Comment réfléchir aux rapports entre le sport et la santé ?
On voit bien ce qui sous-tend l'ensemble de ces interrogations : l'organisation du sport est une réponse à la finalité qu'une société lui assigne.
Comme pour tous les grands phénomènes sociaux, chacun croit pouvoir facilement définir le sport : il est apparemment compris de tous ; mais pourtant, chacun en a une définition bien à lui. Pour certains, le sport est d'abord une activité de loisirs ; pour d'autres, il ne vaut que par l'effort physique auquel il contraint. Pour certains c'est un jeu, pour d'autres un travail, pratiqué de façon compétitive, voire professionnelle.
A force de rechercher une définition neutre, on finit par oublier l'essentiel : la finalité du sport. A mes yeux, et à la lumière de vos travaux, ce qui donne du sens au sport c'est d'abord sa fonction éducative et sociale.
C'est un choix de société. Le mode d'organisation du sport en France est spécifique. Il est à l'opposé d'un choix d'organisation purement concurrentielle et privée, comme c'est le cas notamment Outre Atlantique ; ou encore d'un choix de système purement étatique et planifié, comme naguère en Union soviétique et dans ses pays satellites. Notre modèle, c'est aussi notre patrimoine. Nous y sommes tous attachés. Il faut certes le faire évoluer. Mais il ne faut certainement pas le faire voler en éclats. Il faut le faire évoluer pour le préserver.
L'affirmation de l'importance de la fonction éducative et sociale du sport justifie la place de l'action publique. Le sport est un vecteur de valeurs. En tant que tel, il occupe une grande place dans la formation des femmes et des hommes.
Les Etat Généraux du Sport, et c'est un de leurs nombreux mérites, ont permis de remettre en perspective ce débat essentiel et premier - premier, parce qu'il fonde l'intérêt à agir des uns et des autres.
Cette option fondamentale a pour corollaire la nécessaire unité du mouvement sportif.
Les débats ont certes exprimé les dualités ressenties au sein du sport : dualité entre loisir de masse et haut niveau, passivité du spectateur et engagement fort du pratiquant, amateurisme et professionnalisme, valeurs techniques et valeurs morales On pourrait multiplier à l'infini les expressions de cette dialectique sportive.
On ne saurait cependant admettre que ces dualités se transforment en oppositions. Il faut les dépasser et au contraire réaffirmer l'unité du sport dont l'Etat et le mouvement sportif sont solidairement garants.
Cette volonté politique commune, ce modèle de société que nous défendons collectivement imposent certains principes qui guideront mon action et celle du ministère des Sports. Les différentes contributions, les débats qui ont eu lieu pendant la durée des Etats généraux y sont sans cesse revenu. Je souhaite les rappeler ici avec force.
En premier lieu, le principe d'unité : nous devons inclure et respecter toutes les formes de pratiques. Les structures fédérales doivent incarner cette unité.
Ensuite, le principe de solidarité : les différentes formes de pratique sont interdépendantes. C'est d'ailleurs très exactement ce que veut dire l'expression " mouvement sportif ". Cela impose une solidarité entre professionnels et amateurs, une solidarité entre les territoires, une solidarité entre les clubs.
En troisième lieu le principe d'engagement associatif : là encore, nous croyons au rôle irremplaçable du modèle associatif, socle de l'organisation du mouvement sportif. Individuellement aussi, le sportif doit s'inscrire dans un mouvement. Il n'est pas un simple consommateur de prestations sportives ! Acteur du sport, il doit être acteur au sein de son club.
Mais c'est aussi la réaffirmation du principe de service public : le développement du sport est un service public qui doit notamment garantir l'égal accès aux pratiques, sans discriminations sociales, physiques ou de sexe.
Enfin, le principe d'exigence : le sport n'a de sens qu'adossé à une éthique rigoureuse.
Dans le respect de ces principes, il importe de réaffirmer, en le clarifiant, le rôle de l'Etat. Le ministère des sports doit demeurer au coeur de la nouvelle articulation des pouvoirs qui se dessine aujourd'hui. Dans le domaine du sport, il ne s'agit d'ailleurs pas de décentraliser,- tout le monde sait que, quand l'Etat engage pour le sport six cents millions d'euros, les collectivités locales en mobilisent dix fois plus, sans que les lois de décentralisation n'aient défini expressément leurs compétences en ce domaine.
Ce dixième qui vient de l'Etat, il faut en effet l'utiliser au mieux, et sans doute, dans bien des cas, mieux l'utiliser. Il faut recentrer l'Etat sur ses missions : ce dixième-là n'est pas négligeable s'il redevient l'indispensable outil d'impulsion et de régulation. Cette action, comme l'a très justement rappelé Pierre MAZEAUD, est indispensable. L'Etat n'est pas un guichet qui distribuerait des aides minimales. A force de vouloir tout faire, il ferait tout médiocrement.
En revanche, son rôle est irremplaçable dans nombre de domaines : la protection des pratiquants et la promotion de la santé par le sport, le développement du sport de haut niveau, le rayonnement sportif international de notre pays, l'impulsion d'un aménagement harmonieux de notre territoire sportif.
Il en est de même pour l'égal accès de tous à la pratique, la définition et le contrôle des formations, et le soutien à l'emploi sportif.
Pour renforcer les capacités d'expertise des services de l'Etat il faut consacrer plus de moyens à la formation de ses agents. Je souhaite qu'un vrai plan de formation initiale et continue pour l'ensemble des personnels du ministère des sports soit mis en oeuvre. Ce plan concernera aussi bien l'administration centrale, que les établissements, les services déconcentrés ou les cadres placés auprès des fédérations sportives. Je connais leur qualité, leur sens du service public, je sais également leur attente dans ce domaine.
Les CREPS trouveront toute leur place dans ce mouvement, aux côtés des Ecoles nationales et des services déconcentrés du ministère. Ils ont vocation à demeurer des établissements d'Etat, car ils participent à la mise en oeuvre des politiques nationales. Leur développement passe également par des liens conventionnels plus étroits et plus systématiques avec les conseils régionaux.
Je voudrais maintenant m'arrêter quelques instants sur une question centrale, qui a été au coeur de beaucoup de débats, aussi bien dans les groupes nationaux que dans les Etats généraux en région. Il s'agit de l'avenir du Fonds National pour le Développement du Sport, c'est-à-dire des moyens et modalités de l'intervention financière de l'Etat. Je ne reviendrai pas sur les circonstances de la disparition programmée de ce fonds. Je rappellerai simplement les engagements que j'ai pris le 16 septembre dernier : il nous faut trouver une solution pour prolonger l'action du FNDS, en préservant son mode de gestion et sa dimension territoriale.
A la lumière des travaux des Etats généraux, j'ai décidé d'engager la création d'un Centre national de développement du sport. Ce centre aurait la forme juridique d'un établissement public. En son sein, un conseil d'orientation, composé sur le modèle de l'actuel conseil de gestion du FNDS, serait chargé de préparer la programmation des aides que l'établissement public apporterait au développement du sport. Des commissions régionales d'orientation arrêteraient, selon les mêmes processus, les programmations des politiques correspondant à l'actuelle part régionale du FNDS.
Mais ce Centre national pourrait être également chargé de la mise en oeuvre opérationnelle de certains projets. Il ne s'agit donc pas d'une simple " copie conforme " du FNDS : le projet est plus ambitieux. Son périmètre d'intervention sera mieux défini. C'est ainsi, par exemple que le financement du haut niveau, compétence centrale de l'Etat, serait progressivement intégré au budget du ministère des sports pour permettre au Centre de se concentrer sur les politiques concertées par l'Etat avec le mouvement sportif.
Ce dispositif devra succéder au FNDS au plus tard fin 2005.
Mais les liens financiers n'épuisent pas les relations entre l'Etat et le mouvement sportif. Le lien humain, incarné par les cadres techniques, est tout aussi important.
Sur ce point, je rappelle la situation : une évolution démographique préoccupante, une inadaptation de la formation initiale et continue, un déroulement de carrière parfois chaotique. Pour y faire face, j'ai décidé de mettre en place un plan sur cinq ans. Ce plan, que je présenterai à la fin du premier semestre de l'année prochaine, permettra une rénovation des formations. Il intégrera également une amélioration des conditions de gestion des ressources humaines, notamment des cadres techniques nationaux.
Sur la question du statut de ces personnels, je suis favorable au maintien du régime actuel, c'est-à-dire à la position de " placement auprès des fédérations " de ces acteurs reconnus du développement de la pratique - notamment en ce qui concerne le haut niveau-.
Permettez-moi par ailleurs de vous faire part de ma conviction sur la nécessité d'améliorer les dispositifs en faveur de la reconversion professionnelle de nos athlètes de haut niveau.
Il est en effet nécessaire d'intéresser davantage les entreprises à l'insertion professionnelle et à la formation des sportifs de haut niveau, de métropole et d'outre-mer, pendant leur carrière ou à l'issue de celle-ci. Cette évolution s'inscrira dans le cadre d'un système rénové de conventionnement.
Je suis très attentif aux réflexions engagées au sein de la commission des athlètes de haut niveau du CNOSF. Il convient d'améliorer le dispositif de suivi individuel de chaque sportif pour trouver des solutions adaptées. De même, leurs droits et obligations et leurs conditions d'emploi lorsqu'ils sont agents de l'Etat méritent d'être mieux définis. Enfin, l'insertion des sportifs de haut-niveau handisport justifie une attention toute particulière et un engagement plus fort des entreprises.
Mais on ne peut cependant aujourd'hui réfléchir au rôle de l'Etat et à ses modalités d'intervention, sans s'interroger sur la place et les principes d'organisation du sport au niveau européen.
Je souhaite que les principes et les valeurs dont nous débattons aujourd'hui soient partagés par nos partenaires européens.
Dans ce but, j'ai décidé, avec le soutien total du Président de la République et du Premier ministre, de proposer l'introduction dans le prochain traité d'une disposition pour faire du sport une compétence complémentaire au niveau de l'Union. Au-delà de la compétence de droit commun des Etats membres en matière de sport, il est nécessaire qu'une harmonisation et donc qu'une intervention communautaire soit rendue possible quand les sujets le justifient.
Tel est le sens de l'initiative européenne du gouvernement français.
Si le sport ne saurait être réduit à sa seule dimension économique, il ne doit cependant pas échapper aux réalités de son environnement. Je fais, au contraire, le choix d'un mouvement sportif acteur de ces réalités, au lieu d'en être un spectateur passif. Le ministère des sports doit s'ouvrir plus largement aux entreprises, et notamment aux entreprises françaises exportatrices, qui peuvent valoriser à travers le monde notre savoir-faire en matière d'équipement, d'organisation d'événements ou de conseil. Elles aussi sont des ambassadrices du sport français, et je veux qu'à ce titre elles trouvent un appui nouveau au sein des services du ministère des Sports.
Compétence de l'Etat, sujet européen, le sport doit être également ancré dans les territoires et redevenir un remarquable outil d'aménagement. Les collectivités locales jouent dans ce domaine un rôle irremplaçable.
L'absence de répartition explicite de compétences n'a pas nui au développement des politiques sportives territoriales. Bien au contraire, sur le fondement de l'intérêt local, les élus ont mis en oeuvre des politiques adaptées aux besoins et aux demandes des acteurs de proximité. Cette liberté de décision a toutefois engendré une grande diversité des moyens mobilisés, comme l'a très bien montré le rapport du groupe " Sport et territoires ".
Aujourd'hui chacun s'accorde sur un impératif : gagner en efficacité et en proximité. Il ne s'agit pas d'inventer de nouvelles contraintes : comme vos contributions l'ont montré, il faut au contraire " définir des compétences partagées".
Dans ce cadre, l'Etat doit rester le garant des solidarités et de l'équitable répartition des ressources entre territoires. Toutefois, il faut reconnaître le rôle assuré par les collectivités et mieux les associer aux politiques conduites. Cette exigence s'applique à l'Etat et au mouvement sportif. Il convient ainsi de réfléchir à la place des régions au sein de l'établissement public qui succédera au FNDS, et de favoriser les liens conventionnels entre collectivités locales et établissements de l'Etat, entre collectivités locales et mouvement sportif.
Afin de clarifier les compétences, les principes de subsidiarité et de collectivité chef de file doivent trouver à s'appliquer au domaine sportif. La collectivité chef de file pourra fixer les orientations et rechercher la cohérence et l'optimisation des moyens. Elle sera chargée de déterminer les modalités de l'action commune. Mais cela n'en fera pas pour autant la seule intervenante.
Le niveau local, grâce à sa proximité, permet une vision plus fine, une meilleure compréhension des enjeux. C'est pourquoi je souhaite la mise en place dans chaque région comme cela a été suggéré en Alsace et en Pays de Loire, d'un observatoire du sport. Leur mission serait d'analyser l'offre de pratiques sportives et d'étudier les besoins à la lumière des demandes formulées par les acteurs locaux eux-mêmes. Dans le même temps, je vais, avec l'aide et le soutien du Sénat, mettre en place un fichier national des équipements sportifs, qui recensera l'ensemble des équipements existants, ainsi que leur état et leur mode de gestion. Ce fichier permettra la mise en oeuvre de politiques cohérentes et complémentaires.
Je souscris à l'idée défendue par le mouvement sportif d'élaborer des schémas de développement du sport au niveau régional. Cette réflexion pourrait, comme vient de le souligner le Président SERANDOUR, être conduite par des conseils régionaux des sports.
Dans chaque région, ces conseils, que le Premier ministre a également appelés de ses voeux lors de son discours de Besançon, pourraient , s'appuyant sur les travaux des observatoires, formuler des propositions et éclairer ainsi les acteurs publics, associatifs ou privés.
Enfin, je crois qu'il est capital de promouvoir le développement durable dans le domaine du sport, et notamment celui des sports de pleine nature. C'est pourquoi je souhaite, me faisant par là même l'écho de propositions régionales, notamment en Auvergne ou en Bretagne, une prochaine généralisation, après évaluation, des Commissions Départementales des Espaces, Sites et Itinéraires sportifs (CDESI). Je salue les travaux conduits dans ce domaine par le CNAPS.
L'un des sujets de préoccupation souvent évoqué à l'occasion des Etats généraux est celui des rapports entre le sport et la santé.
Ces rapports sont extrêmement forts : qui ignore que la pratique du sport participe de façon considérable à la préservation de notre capital santé ?
Mais ces relations peuvent être dangereuses et indignes, comme dans le cas du dopage. Nous mènerons contre ce fléau une lutte résolue et sans concessions. C'est ainsi, comme je l'ai annoncé, que le décret relatif à la répression des trafics est aujourd'hui soumis aux phases ultimes d'analyse interministérielle.
Les règles doivent être claires et donc harmonisées au niveau européen et international. Il serait absurde - faute de cette nécessaire et préalable harmonisation - d'être dans l'obligation d'interpréter la loi dans le cadre de conventions passées avec les fédérations internationales pour des compétitions se déroulant en France. Pierre MAZEAUD ne manquerait pas de s'étonner d'une telle hiérarchie des normes. Je crains pourtant que nous ne soyons arrivés à cette situation très contestable.
Ces règles doivent ensuite être respectées. Aujourd'hui, du déclenchement du contrôle à la décision de sanction, cinq voire six acteurs sont susceptibles d'intervenir. Un effort de clarification mais aussi d'harmonisation internationale des protocoles de contrôle du dopage doit être engagé. Les compétences du C.P.L.D. - en raison de son indépendance - mériteraient à cet égard d'être renforcées. La définition des règles doit naturellement demeurer de la compétence des Etats. Une telle évolution devra préalablement être expliquée, comprise et admise par nos partenaires européens et par le mouvement sportif international. Agir seul, c'est en réalité mal agir, voire ne pas agir.
En attendant que les conditions d'une telle réforme soient réunies, j'entends mieux organiser cette fonction de contrôle au sein du ministère. Je suis en particulier favorable - sans plus attendre - à la mise en oeuvre d'un plan pluriannuel de ciblage et de répression du dopage, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.
Je vais également renforcer les capacités du suivi médical des sportifs. Mon ministère travaille activement, en liaison avec le CPLD, avec les ministères de la Santé et de la Recherche, pour stimuler la communauté scientifique dans le domaine encore trop mal exploré du sport et de la santé. Il s'agira, en particulier, de renforcer les liens avec les centres hospitalo-universitaires, et de redonner toute sa place à la médecine du sport. A titre d'exemple, nous préparons une convention qui pourrait lier l'INSEP et l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, pour structurer, en région parisienne un véritable réseau de médecine du sport et de recherche. Ce type de partenariat doit essaimer partout en France, sur le territoire métropolitain et outre-mer.
Je veillerai également à ce que le décret relatif au suivi des athlètes de haut-niveau soit élaboré en concertation avec les fédérations qui en ont la responsabilité, pour qu'il soit applicable dans de bonnes conditions et donc efficace.
J'ai souligné l'importance du principe d'unité. Le mode d'organisation du sport en France est intimement lié au modèle fédéral : plus que jamais, la fédération doit être au centre de notre dispositif. Elle est la garante de l'unité et de la cohésion du mouvement sportif. Elle fédère, au service du développement du sport et d'une discipline, les associations et clubs qui la composent.
Ma conviction, notre conviction, est que le club, sous sa forme associative et avec son projet spécifique, constitue le coeur du système, et que nous devons en conséquence le promouvoir. Certes, sans exclusive, car les structures de gestion des sports professionnels et les structures de type commercial doivent être représentées et trouver toute leur place dans les fédérations. Mais nous devons réaffirmer notre attachement au club, car il est le garant de la fonction sociale, de l'encadrement, de la progression des pratiquants, et donc in fine des valeurs éducatives auxquelles nous croyons.
Le mode de gouvernance des fédérations doit leur permettre de faire face à la très grande complexité des défis qu'elles ont à relever.
Il est indispensable, à mon sens, de repenser ce mode de gouvernance des fédérations, qui pourraient par exemple adopter une organisation avec un conseil de surveillance (élu et bénévole), et un directoire élu mais dont les membres pourraient être rémunérés : ainsi pourrions-nous enfin concilier la légitimité élective et la disponibilité des dirigeants. Bien entendu, les fédérations ne seraient pas obligées d'adopter ce nouveau type d'organisation. Mais préserver le modèle fédéral, c'est aussi savoir le faire évoluer.
Il est un principe auquel je tiens particulièrement : celui de la responsabilité. Force est de constater aujourd'hui que les statuts-types imposent aux fédérations une contrainte réglementaire trop forte. J'en tirerai très vite les conséquences pour leur redonner des marges. Tel est d'ailleurs le sens des propositions du groupe national " Avenir du modèle fédéral ".
Comme je l'ai dit, il ne faut pas ignorer les structures commerciales ou professionnelles de la pratique du sport.
Ces structures, il faut les intégrer dans le tissu fédéral, sinon le risque d'éclatement est grand. La solidarité indispensable entre le monde associatif et le monde professionnel doit être réaffirmée.
Il importe que le sport professionnel soit représenté par une ligue forte, reconnue, bien identifiée, au sein de la structure fédérale.
Il convient que les relations entre les fédérations et leurs ligues soient définies par des conventions organisant notamment les flux financiers.
Dans ce cas, alors, je suis favorable à ce que l'environnement juridique des sociétés sportives évolue afin de renforcer leur compétitivité.
S'agissant par exemple des droits de retransmission télévisuelle, dès lors qu'ils sont négociés et répartis par les ligues professionnelles, je ne suis pas opposé à ce que les clubs professionnels puissent les inscrire à l'actif de leur bilan.
De même, le droit des marques gagnerait à être aligné sur le droit commun. Une marque appartient à celui qui la dépose ; une marque peut être cédée.
Quant au numéro d'affiliation qui reste de la compétence de la Fédération, il doit pouvoir être délivré pour une période de 5 ans aux sociétés sportives dès lors qu'elles auront signé une convention de même durée avec leurs associations.
Vous le voyez, nulle prise de position idéologique en la matière. Je suis ouvert aux nécessaires évolutions du monde professionnel dès lors qu'elles s'inscrivent dans le respect des liens d'unité avec le monde amateur, au sein des fédérations. Je suis ainsi par exemple prêt à étudier l'évolution du droit à l'image des joueurs professionnels.
Permettez-moi maintenant de revenir sur la fonction sociale et éducative du sport.
Cette fonction est conditionnée en premier lieu par la question de l'accès aux pratiques. Le fait que des espaces sportifs manquent dans de trop nombreux quartiers, ou qu'ils sont insuffisamment ouverts à tous, doit nous conduire à agir. La prise en compte du handicap est tout aussi essentielle, car la pratique sportive est une source d'épanouissement pour tous et un creuset de solidarités irremplaçables.
Cette préoccupation sera une priorité du ministère, en concertation avec le mouvement sportif.
Cette solidarité, elle s'exprime avant tout au travers du bénévolat. Il nous faut mieux reconnaître le rôle et la fonction de ces deux millions de bénévoles qui ont permis de concilier le développement du sport et le respect des valeurs. Il importe de décharger les associations de tâches administratives qui les détournent de leur objet et découragent les meilleures volontés. C'est ainsi que sera progressivement créé dans chaque département, comme cela a été proposé en Rhône-Alpes ou en Provence Alpes Côte d'Azur, un lieu-ressources qui pourra prendre en charge la gestion de ces procédures pour le compte des associations sportives. Dans ce but, un appel à projets sera lancé début 2003 et cent premiers emplois dits " FONJEP SPORT " seront financés pour en permettre la réalisation.
Cette dimension du sport ne saurait par ailleurs être opposée au haut niveau ; la compétition ne nie pas l'éducation, elle en est un support précieux.
Je suis à cet égard particulièrement heureux que la France organise en 2003 plus d'une dizaine de championnats du Monde.
Notre pays est reconnu pour la qualité de son savoir -faire en ce domaine.
La valeur du sport réside dans la recherche de la progression individuelle ou collective.
Afin de permettre cette progression, il faut un encadrement de la pratique de grande qualité.
L'emploi sportif constitue ainsi l'une de mes priorités. Je poursuivrai la logique de professionnalisation du secteur sportif. Il faut cependant redonner plus de souplesse au système. Il importe donc de veiller à adapter les dispositions de l'article 43 de la loi sur le sport qui ne peut rester en l'état. Il faudra ainsi par exemple trouver une solution durable aux difficultés rencontrées par les diplômés fédéraux. Je ne souhaite pas être conduit à intervenir de nouveau dans l'urgence pour pallier les difficultés d'application d'un texte insuffisamment réfléchi.
Je serai par contre très attentif à la qualité de la formation, notamment pour la protection des pratiquants dans les environnements spécifiques.
Nous devons par ailleurs sortir de la confusion qui a été entretenue, entre emploi et insertion dans le cadre du dispositif des emplois-jeunes.
Le gouvernement a en effet hérité une situation difficile, économiquement délicate et socialement douloureuse pour tous ces jeunes qui ont cru pouvoir intégrer des structures alors même qu'aucune solution pérenne n'était envisagée pour leur avenir. Intentionnellement on a créé une confusion entre un dispositif d'insertion et une politique de soutien à l'emploi qui n'a en réalité jamais été mise en oeuvre, ni réfléchie dans la durée.
La logique de l'emploi repose sur un besoin des clubs clairement identifié, une exigence de qualification et enfin elle implique un financement durable, dès lors que l'intérêt général du projet est démontré, après, bien sûr, avoir été évalué.
La logique d'insertion est différente. Les quartiers en difficulté qui concentrent de nombreux jeunes en situation d'échec scolaire ou d'exclusion professionnelle doivent être considérés comme une terre de mission pour les métiers du sport.
C'est dans cet esprit que le volet emplois d'utilité sociale du CIVIS doit permettre l'insertion de jeunes en difficulté, au sein d'associations sportives.
Deux dispositifs distincts doivent donc exister à l'avenir dans le secteur sportif :
un dispositif d'insertion professionnelle de la responsabilité de mon collègue François FILLON, au bénéfice de jeunes rencontrant des difficultés particulières et qui pourraient ainsi bénéficier d'une première expérience.
d'autre part, un dispositif d'aide à l'emploi associatif pour soutenir, de matièr
Je voudrais terminer ces propos en vous faisant part d'une certitude qui s'est forgée en moi tout au long de ma carrière sportive.
Notre modèle français est indissociable d'une exigence d'éthique qu'il faut sans cesse réaffirmer.
Il y a quarante ans, entrant pour la première fois dans une salle d'escrime, mon maître d'armes m'avait fait lire la charte de l'escrimeur. Cette charte exprimait cette conception éthique du sport fondée sur le respect des autres. Cette habitude s'est perdue. Certaines fédérations s'efforcent de la maintenir. Je vous propose de renouer ensemble avec cette tradition.
L'essence du sport est sa vertu d'apprentissage progressif : on ne maîtrise une pratique que petit à petit, et cette progression, source parfois de frustrations, est aussi et surtout un apprentissage de la vie.
La singularité du sport tient en sa complexité. Le sport, c'est d'abord et avant tout un plaisir pur. Mais c'est aussi une somme de choix voire de sacrifices, à quelque niveau qu'on le pratique. C'est enfin le respect de règles non pas imposées mais qui devraient être librement consenties. La fonction arbitrale est à cet égard essentielle.
Vous savez à quel point je me suis engagé au côté du mouvement sportif pour reconnaître le rôle majeur de nos arbitres et de nos juges.
L'adversaire n'est jamais un ennemi : sans lui, pas de jeu, sans lui, pas de sport !
Le sport est une science du comportement. Respect, dignité de soi et des autres, plaisir, progression, honneur même. Ces mots ne sont pas des mots dépassés. Tous les sportifs les connaissent, ils trouvent un écho immédiat en nous, ils sont notre patrimoine commun. Ce sont des mots résolument modernes ! Ce sont des mots qu'il nous faut savoir transmettre, léguer aux générations futures. Je souhaite d'ailleurs en ce domaine saluer l'importance du sport scolaire et universitaire et des liens qu'il doit entretenir avec l'ensemble des composantes du mouvement sportif.
Permettez-moi de rappeler ce superbe témoignage d'Albert CAMUS : " Après beaucoup d'années où le monde m'a offert beaucoup de spectacles, ce que finalement je sais de plus sûr sur la morale et les obligations des hommes, c'est au sport que je le dois ".
Puisse le sport, tel que nous l'aimons et le défendons, durablement offrir ces repères.
Je vous remercie.
(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 9 décembre 2002)