Texte intégral
Monsieur le Premier ministre,
Madame la Rapporteuse,
Mesdames, Messieurs,
C'est à un moment hautement symbolique de la volonté du Président de la République et de l'action de votre Gouvernement que vous nous avez conviés, Monsieur le Premier Ministre, et auquel je suis heureuse de participer.
Pour le caractère solennel que vous avez voulu donner à l'installation des membres de l'Observatoire de la Parité récemment renouvelé, je voudrais très sincèrement, vous remercier.
J'aimerais, si vous le voulez bien, revenir un instant sur les mots. Si le mot parité est ancien dans la langue française, puisqu'il date du XIV° siècle, son acception, dans ce titre d'Observatoire de la parité, est beaucoup plus récente. Elle signifie la représentation égale entre deux groupes, et en l'occurrence la répartition égale entre les hommes et les femmes, qui sont à part égale dans notre société et se partagent l'humanité.
La parité, telle que nous la comprenons, n'est devenue un terme politique qu'à partir de 1992. Dix ans plus tard, cette signification trouve sa consécration dans l'intitulé même d'un ministère. C'est que la parité, en 2003, n'est plus seulement un mot. C'est un concept qui permet de mesurer le chemin parcouru en un quart de siècle et d'afficher un objectif pour l'action qui reste à mener sur cette voie qui n'est pas encore totalement dégagée.
Comment, en cet instant, ne pas penser à Françoise GIROUD, dont l'esprit lucide a marqué notre vie culturelle et politique, et qui fut la première secrétaire d'Etat chargée de la Condition Féminine, jeune ancêtre de l'actuel ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle.
Tout ceci concorde pour manifester notre entrée dans une ère nouvelle, qui n'est plus celle des prémices et de l'innovation, mais bien celle de l'installation et de la confirmation.
Il ne s'agit plus seulement de défendre les droits des femmes, mais de structurer la société toute entière autour de ce gène organisateur qui, au même titre que l'égalité, constitue une donnée essentielle de la modernité de notre démocratie.
La parité n'est pas seulement une exigence sociétale et une règle de droit électoral, c'est une approche différente de la dynamique nouvelle hommes/femmes, génératrice de dynamisme, d'équilibre et de progrès. Il ne faut plus que ce soit une approche comptable, mais bien une approche globale, qui fasse de l'équilibre dans la représentation politique un moteur et un vecteur d'harmonie pour la société toute entière.
Dans les textes constitutifs, la mission de l'Observatoire est définie en termes très généraux : "Il est chargé de faire toutes recommandations et propositions (.) afin de prévenir et de résorber les inégalités entre les sexes". Dès sa création, en 1995, l'Observatoire a consacré l'essentiel de ses travaux au problème de la parité politique. Il a, d'ailleurs, bien joué son rôle d'instance de proposition, puisque des réflexions ont inspiré le texte de la loi du 6 juin 2000 favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives et que de nouvelles propositions ont été présentées. Il a également rempli la mission d'évaluation, puisqu'il a réalisé un important travail d'appréciation de la mise en uvre de cette loi.
Il a donc rempli sa fonction. Et je veux remercier l'ancienne Rapporteuse, et les membres renouvelés de cette instance et, à travers eux, toutes celles et tous ceux qui ont participé à ses travaux.
Cela ne signifie évidemment pas que le combat pour la parité, qui constitue l'un des aspects de la lutte pour l'égalité des sexes, doit se limiter au champ politique. Car il y a aussi beaucoup à faire en ce qui concerne notamment la formation et l'égalité des chances, l'égalité dans l'accès aux droits et la lutte contre les violences, et l'égalité et la parité dans la vie professionnelle. Mais dans ces différents domaines, la concertation est organisée au sein d'instances consultatives spécialisées que sont, le Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, et la Commission nationale de lutte contre les violences envers les femmes.
J'attache une égale importance aux travaux de toutes ces instances. Chacune, dans le domaine qui lui est propre, contribue à faire avancer la réflexion sur les moyens de prévenir et de résorber les inégalités entre les hommes et les femmes.
L'Observatoire de la Parité a pleine vocation à aborder toutes les questions concernant la participation des femmes à la vie publique.
C'est une lourde tâche, car le chantier de la parité politique est l'un des plus difficiles. L'expérience montre, en effet, que dans les pays de culture latine, comme le nôtre, l'accès des femmes aux instances élues se heurte à toutes sortes d'obstacles de nature culturelle, politique ou sociologique.
Alors que les femmes sont majoritaires au sein du corps électoral, la classe politique française est à très forte prépondérance masculine. Ce décalage entre le pays politique et le pays réel est nuisible à l'harmonie de la société, car les idées, l'expérience et la sensibilité d'une moitié de ses membres ne sont pas suffisamment prises en compte.
Les spécialistes des sciences humaines ne s'y trompent d'ailleurs pas. La représentation des femmes au sein des parlements est l'un des indicateurs couramment utilisés pour déterminer la place d'un pays sur l'échelle de la modernité sociale. Si l'on en juge par ce critère, le retard de la France saute aux yeux, car elle ne se classe qu'au douzième rang des pays de l'Union européenne.
Le scrutin majoritaire uninominal et la pratique du cumul des mandats, qui favorisent le maintien du personnel politique en place, expliquent en partie cette situation, sans pour autant la justifier.
La loi du 6 juin 2000 sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a inscrit la parité comme objectif. Mais les moyens mis en uvre ont été plus ou moins efficaces selon les types d'élections. Et les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur de l'ambition.
Pour les élections qui ont lieu au scrutin de liste, la loi impose la mixité des listes et les résultats ont été, dans l'ensemble, satisfaisants. Les élections municipales de mars 2001, les premières qui se soient déroulées sous le régime institué par cette loi, ont marqué un progrès considérable : dans les conseils municipaux des communes de 3500 habitants et plus, la proportion de femmes a pratiquement doublé, passant de 25 % à 47,5 %. Ce progrès est essentiel, car les communes sont le cur de notre démocratie et le maillage finement tissé de notre nation. Les conseils municipaux sont le vivier de base où se recrute la classe politique nationale. Ils constituent, par ailleurs, l'élément principal du collège électoral sénatorial, et c'est sans doute par cette voie que la mixité s'installera dans la haute assemblée.
Pour les élections législatives, qui ont lieu au scrutin uninominal, la loi a prévu un système d'incitations financières qui aurait dû convaincre les partis d'investir autant de candidats de chacun des deux sexes. Je déplore le manque d'efficacité de ce système. Les grands partis ont généralement préféré perdre de l'argent plutôt que d'investir un nombre suffisant de femmes. Je regrette que l'on ait pu monnayer l'insuffisante place des femmes. A tout prendre, j'aurais préférer une prime à leur meilleure représentation.
Et puis, la parité des candidatures ne garantit pas la parité des élus, car les femmes se voient souvent attribuer des circonscriptions que les partis savent perdues d'avance.
Aujourd'hui, nous devons d'abord préserver les acquis, en veillant à ce que la nécessaire réforme des modes de scrutin ne remette pas en cause les avancées sur la voie de la parité.
Le Gouvernement a préparé un projet de loi qui prévoit la modification du mode d'élection des conseillers régionaux et des représentants de la France au Parlement européen, en affichant le double objectif d'améliorer la lisibilité du scrutin pour les électeurs et de favoriser l'expression de la parité entre les hommes et les femmes.
Pour ce qui est de la lisibilité, la présentation des listes en sections départementales ou régionales doit permettre aux citoyens de voter pour des candidats ancrés dans les territoires correspondants et qui ne soient pas pour eux des inconnus. Elle aura donc pour effet de rapprocher les électeurs des élus.
Pour ce qui est de la parité, les dispositions concernant la composition des listes devraient permettre de maintenir ou de renforcer la parité entre les hommes et les femmes.
Pour les élections européennes, la règle de l'alternance par groupe de deux a été maintenue.
Et j'ai proposé que, pour chaque liste, dans chaque circonscription, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe placés en tête d'une section régionale ne soit pas supérieur à un. Ces deux dispositions combinées devraient permettre de renforcer la parité.
Pour les élections régionales, le projet prévoit que la parité s'applique au maximum par tranche de 4 candidats, au lieu de 6 dans le système ancien, de sorte qu'il y ait davantage de femmes en position éligible.
C'est un progrès. Mais le dispositif pourrait encore être amélioré au cours de la discussion devant le Parlement.
Le Gouvernement ne s'opposerait certainement pas à un amendement qui prévoirait l'alternance pure et simple d'un homme et d'une femme.
Cette disposition aurait l'avantage de la simplicité. Je souhaite qu'elle soit introduite et adaptée.
On mesure, à l'évidence, la volonté du Gouvernement de progresser, par des dispositions législatives appropriées, sur la voie de la parité.
Mais les dispositions législatives, aussi bonnes soient-elles, ne valent que par l'application qui en est faite.
Si, au terme de la procédure d'examen de ce projet, la réforme est adoptée telle que nous le souhaitons, elle laissera une large marge d'action aux partis politiques pour faire en sorte que la parité soit bien réelle.
Je compte donc sur la volonté de modernité des partis politiques pour mettre à profit les dispositions législatives, afin de faire effectivement progresser la parité dans notre pays.
Nous devons tout faire pour préparer de nouvelles avancées afin de permettre à la France de conquérir une meilleure place au sein de l'Union européenne.
La dimension européenne ne doit pas servir seulement à établir une échelle comparative, mais aussi à confronter des expériences pour en tirer des enseignements.
A l'heure où nous célébrons le 40ème anniversaire du traité franco-allemand, il est utile de savoir que le Bundestag comprend proportionnellement presque trois fois plus de femmes que l'Assemblée Nationale française et que ce résultat a été obtenu sans aucune contrainte législative, grâce au sens des responsabilités dont les partis allemands font preuve.
Sans doute, les hommes politiques français ont-ils, dans ce domaine, quelque chose à apprendre de leurs collègues d'Outre-Rhin.
Ce constat n'est qu'un exemple et j'attends de l'Observatoire des enseignements fondés sur l'expérience de nos voisins européens, mais aussi du reste du monde.
Je sais que la Rapporteuse, dont je connais le dynamisme, aura à cur d'élargir le champ des investigations de l'Observatoire à l'Europe et au monde.
J'engage, de mon côté, un dialogue entre les pays d'Europe du Sud et du Maghreb, autour du thème " Parité et diversité culturelle ".
Il me semble important qu'aujourd'hui, on s'étonne ou on s'indigne du décalage entre le pays légal et le pays réel. Ce décalage ne passe plus inaperçu. Il choque les hommes comme les femmes. Et l'opinion publique nous attend sur ce terrain.
C'est pour répondre à cette attente que nous devons coordonner nos efforts. Le rôle de l'Observatoire est bien d'associer la société civile à l'action gouvernementale.
Je tiens à souligner l'apport considérable de toutes les associations qui travaillent, dans l'ombre ou dans la lumière, pour que la parité devienne une évidence, pour que la prise de conscience soit totale.
L'Observatoire de la parité est un trait d'union entre la société civile et le Gouvernement.
Instrument d'analyse, il doit permettre au ministère de la parité et au Gouvernement tout entier de mieux préparer et mener son action. Par ses études, son recul et son questionnement sur la parité, il doit faciliter la mission que le Président de la République et vous-même, Monsieur le Premier Ministre, m'avez confiée, d'avancer résolument sur la voie de l'égalité et de la parité.
Je vous remercie par avance, Madame la Rapporteuse, Mesdames, Messieurs, de votre contribution qui sera précieuse.
L'Observatoire que nous installons aujourd'hui est un peu plus nombreux que le précédent : 33 membres au lieu de 30. Ses membres ont été choisis de manière à lui donner la plus large représentativité. Il comprend non seulement des élus, des spécialistes des élections et des représentants du monde associatif, mais aussi des journalistes, des membres du barreau, des chefs d'entreprises et même une illustre championne sportive. La diversité des sensibilités, des métiers et des catégories représentées est essentielle, non pas parce que l'Observatoire doit s'occuper de tout ce qui concerne les femmes, mais bien parce que toutes les femmes sont intéressées par la parité politique.
Tous les hommes aussi, d'ailleurs.
Paradoxalement, l'Observatoire de la parité n'a jamais été lui-même paritaire. On pourrait même dire qu'il l'est de moins en moins : 7 hommes sur 19 membres en 1995 ; 5 sur 30 en 1998, et seulement 4 sur 33 en 2003. Mais cette sur-représentation des femmes peut être considérée comme une " discrimination positive ", destinée à compenser leur sous-représentation dans la plupart des instances politiques. Proportionnellement, les hommes sont encore plus nombreux à l'Observatoire que les femmes à l'Assemblée Nationale et au Sénat.
Toutes proportions gardées, la situation des femmes aujourd'hui est proche de celle du Tiers état telle que la décrivait Siéyès, il y a plus de deux siècles :
Si, alors, le tiers-état était tout parce qu'il représentait la presque totalité des forces vives de la nation, il n'était cependant rien dans l'ordre politique et aspirait à y devenir quelque chose.
Les femmes aujourd'hui constituent une bonne moitié des forces vives de la nation, elles ne sont cependant que très peu représentées dans l'ordre politique et aspirent à y trouver la place qui leur est due.
Satisfaire cette aspiration, tel est le sens du combat pour la parité.
Car elle est vitale pour l'équilibre de notre société.
(source http://www.social.gouv.fr, le 10 février 2003)
Madame la Rapporteuse,
Mesdames, Messieurs,
C'est à un moment hautement symbolique de la volonté du Président de la République et de l'action de votre Gouvernement que vous nous avez conviés, Monsieur le Premier Ministre, et auquel je suis heureuse de participer.
Pour le caractère solennel que vous avez voulu donner à l'installation des membres de l'Observatoire de la Parité récemment renouvelé, je voudrais très sincèrement, vous remercier.
J'aimerais, si vous le voulez bien, revenir un instant sur les mots. Si le mot parité est ancien dans la langue française, puisqu'il date du XIV° siècle, son acception, dans ce titre d'Observatoire de la parité, est beaucoup plus récente. Elle signifie la représentation égale entre deux groupes, et en l'occurrence la répartition égale entre les hommes et les femmes, qui sont à part égale dans notre société et se partagent l'humanité.
La parité, telle que nous la comprenons, n'est devenue un terme politique qu'à partir de 1992. Dix ans plus tard, cette signification trouve sa consécration dans l'intitulé même d'un ministère. C'est que la parité, en 2003, n'est plus seulement un mot. C'est un concept qui permet de mesurer le chemin parcouru en un quart de siècle et d'afficher un objectif pour l'action qui reste à mener sur cette voie qui n'est pas encore totalement dégagée.
Comment, en cet instant, ne pas penser à Françoise GIROUD, dont l'esprit lucide a marqué notre vie culturelle et politique, et qui fut la première secrétaire d'Etat chargée de la Condition Féminine, jeune ancêtre de l'actuel ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle.
Tout ceci concorde pour manifester notre entrée dans une ère nouvelle, qui n'est plus celle des prémices et de l'innovation, mais bien celle de l'installation et de la confirmation.
Il ne s'agit plus seulement de défendre les droits des femmes, mais de structurer la société toute entière autour de ce gène organisateur qui, au même titre que l'égalité, constitue une donnée essentielle de la modernité de notre démocratie.
La parité n'est pas seulement une exigence sociétale et une règle de droit électoral, c'est une approche différente de la dynamique nouvelle hommes/femmes, génératrice de dynamisme, d'équilibre et de progrès. Il ne faut plus que ce soit une approche comptable, mais bien une approche globale, qui fasse de l'équilibre dans la représentation politique un moteur et un vecteur d'harmonie pour la société toute entière.
Dans les textes constitutifs, la mission de l'Observatoire est définie en termes très généraux : "Il est chargé de faire toutes recommandations et propositions (.) afin de prévenir et de résorber les inégalités entre les sexes". Dès sa création, en 1995, l'Observatoire a consacré l'essentiel de ses travaux au problème de la parité politique. Il a, d'ailleurs, bien joué son rôle d'instance de proposition, puisque des réflexions ont inspiré le texte de la loi du 6 juin 2000 favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives et que de nouvelles propositions ont été présentées. Il a également rempli la mission d'évaluation, puisqu'il a réalisé un important travail d'appréciation de la mise en uvre de cette loi.
Il a donc rempli sa fonction. Et je veux remercier l'ancienne Rapporteuse, et les membres renouvelés de cette instance et, à travers eux, toutes celles et tous ceux qui ont participé à ses travaux.
Cela ne signifie évidemment pas que le combat pour la parité, qui constitue l'un des aspects de la lutte pour l'égalité des sexes, doit se limiter au champ politique. Car il y a aussi beaucoup à faire en ce qui concerne notamment la formation et l'égalité des chances, l'égalité dans l'accès aux droits et la lutte contre les violences, et l'égalité et la parité dans la vie professionnelle. Mais dans ces différents domaines, la concertation est organisée au sein d'instances consultatives spécialisées que sont, le Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, et la Commission nationale de lutte contre les violences envers les femmes.
J'attache une égale importance aux travaux de toutes ces instances. Chacune, dans le domaine qui lui est propre, contribue à faire avancer la réflexion sur les moyens de prévenir et de résorber les inégalités entre les hommes et les femmes.
L'Observatoire de la Parité a pleine vocation à aborder toutes les questions concernant la participation des femmes à la vie publique.
C'est une lourde tâche, car le chantier de la parité politique est l'un des plus difficiles. L'expérience montre, en effet, que dans les pays de culture latine, comme le nôtre, l'accès des femmes aux instances élues se heurte à toutes sortes d'obstacles de nature culturelle, politique ou sociologique.
Alors que les femmes sont majoritaires au sein du corps électoral, la classe politique française est à très forte prépondérance masculine. Ce décalage entre le pays politique et le pays réel est nuisible à l'harmonie de la société, car les idées, l'expérience et la sensibilité d'une moitié de ses membres ne sont pas suffisamment prises en compte.
Les spécialistes des sciences humaines ne s'y trompent d'ailleurs pas. La représentation des femmes au sein des parlements est l'un des indicateurs couramment utilisés pour déterminer la place d'un pays sur l'échelle de la modernité sociale. Si l'on en juge par ce critère, le retard de la France saute aux yeux, car elle ne se classe qu'au douzième rang des pays de l'Union européenne.
Le scrutin majoritaire uninominal et la pratique du cumul des mandats, qui favorisent le maintien du personnel politique en place, expliquent en partie cette situation, sans pour autant la justifier.
La loi du 6 juin 2000 sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a inscrit la parité comme objectif. Mais les moyens mis en uvre ont été plus ou moins efficaces selon les types d'élections. Et les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur de l'ambition.
Pour les élections qui ont lieu au scrutin de liste, la loi impose la mixité des listes et les résultats ont été, dans l'ensemble, satisfaisants. Les élections municipales de mars 2001, les premières qui se soient déroulées sous le régime institué par cette loi, ont marqué un progrès considérable : dans les conseils municipaux des communes de 3500 habitants et plus, la proportion de femmes a pratiquement doublé, passant de 25 % à 47,5 %. Ce progrès est essentiel, car les communes sont le cur de notre démocratie et le maillage finement tissé de notre nation. Les conseils municipaux sont le vivier de base où se recrute la classe politique nationale. Ils constituent, par ailleurs, l'élément principal du collège électoral sénatorial, et c'est sans doute par cette voie que la mixité s'installera dans la haute assemblée.
Pour les élections législatives, qui ont lieu au scrutin uninominal, la loi a prévu un système d'incitations financières qui aurait dû convaincre les partis d'investir autant de candidats de chacun des deux sexes. Je déplore le manque d'efficacité de ce système. Les grands partis ont généralement préféré perdre de l'argent plutôt que d'investir un nombre suffisant de femmes. Je regrette que l'on ait pu monnayer l'insuffisante place des femmes. A tout prendre, j'aurais préférer une prime à leur meilleure représentation.
Et puis, la parité des candidatures ne garantit pas la parité des élus, car les femmes se voient souvent attribuer des circonscriptions que les partis savent perdues d'avance.
Aujourd'hui, nous devons d'abord préserver les acquis, en veillant à ce que la nécessaire réforme des modes de scrutin ne remette pas en cause les avancées sur la voie de la parité.
Le Gouvernement a préparé un projet de loi qui prévoit la modification du mode d'élection des conseillers régionaux et des représentants de la France au Parlement européen, en affichant le double objectif d'améliorer la lisibilité du scrutin pour les électeurs et de favoriser l'expression de la parité entre les hommes et les femmes.
Pour ce qui est de la lisibilité, la présentation des listes en sections départementales ou régionales doit permettre aux citoyens de voter pour des candidats ancrés dans les territoires correspondants et qui ne soient pas pour eux des inconnus. Elle aura donc pour effet de rapprocher les électeurs des élus.
Pour ce qui est de la parité, les dispositions concernant la composition des listes devraient permettre de maintenir ou de renforcer la parité entre les hommes et les femmes.
Pour les élections européennes, la règle de l'alternance par groupe de deux a été maintenue.
Et j'ai proposé que, pour chaque liste, dans chaque circonscription, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe placés en tête d'une section régionale ne soit pas supérieur à un. Ces deux dispositions combinées devraient permettre de renforcer la parité.
Pour les élections régionales, le projet prévoit que la parité s'applique au maximum par tranche de 4 candidats, au lieu de 6 dans le système ancien, de sorte qu'il y ait davantage de femmes en position éligible.
C'est un progrès. Mais le dispositif pourrait encore être amélioré au cours de la discussion devant le Parlement.
Le Gouvernement ne s'opposerait certainement pas à un amendement qui prévoirait l'alternance pure et simple d'un homme et d'une femme.
Cette disposition aurait l'avantage de la simplicité. Je souhaite qu'elle soit introduite et adaptée.
On mesure, à l'évidence, la volonté du Gouvernement de progresser, par des dispositions législatives appropriées, sur la voie de la parité.
Mais les dispositions législatives, aussi bonnes soient-elles, ne valent que par l'application qui en est faite.
Si, au terme de la procédure d'examen de ce projet, la réforme est adoptée telle que nous le souhaitons, elle laissera une large marge d'action aux partis politiques pour faire en sorte que la parité soit bien réelle.
Je compte donc sur la volonté de modernité des partis politiques pour mettre à profit les dispositions législatives, afin de faire effectivement progresser la parité dans notre pays.
Nous devons tout faire pour préparer de nouvelles avancées afin de permettre à la France de conquérir une meilleure place au sein de l'Union européenne.
La dimension européenne ne doit pas servir seulement à établir une échelle comparative, mais aussi à confronter des expériences pour en tirer des enseignements.
A l'heure où nous célébrons le 40ème anniversaire du traité franco-allemand, il est utile de savoir que le Bundestag comprend proportionnellement presque trois fois plus de femmes que l'Assemblée Nationale française et que ce résultat a été obtenu sans aucune contrainte législative, grâce au sens des responsabilités dont les partis allemands font preuve.
Sans doute, les hommes politiques français ont-ils, dans ce domaine, quelque chose à apprendre de leurs collègues d'Outre-Rhin.
Ce constat n'est qu'un exemple et j'attends de l'Observatoire des enseignements fondés sur l'expérience de nos voisins européens, mais aussi du reste du monde.
Je sais que la Rapporteuse, dont je connais le dynamisme, aura à cur d'élargir le champ des investigations de l'Observatoire à l'Europe et au monde.
J'engage, de mon côté, un dialogue entre les pays d'Europe du Sud et du Maghreb, autour du thème " Parité et diversité culturelle ".
Il me semble important qu'aujourd'hui, on s'étonne ou on s'indigne du décalage entre le pays légal et le pays réel. Ce décalage ne passe plus inaperçu. Il choque les hommes comme les femmes. Et l'opinion publique nous attend sur ce terrain.
C'est pour répondre à cette attente que nous devons coordonner nos efforts. Le rôle de l'Observatoire est bien d'associer la société civile à l'action gouvernementale.
Je tiens à souligner l'apport considérable de toutes les associations qui travaillent, dans l'ombre ou dans la lumière, pour que la parité devienne une évidence, pour que la prise de conscience soit totale.
L'Observatoire de la parité est un trait d'union entre la société civile et le Gouvernement.
Instrument d'analyse, il doit permettre au ministère de la parité et au Gouvernement tout entier de mieux préparer et mener son action. Par ses études, son recul et son questionnement sur la parité, il doit faciliter la mission que le Président de la République et vous-même, Monsieur le Premier Ministre, m'avez confiée, d'avancer résolument sur la voie de l'égalité et de la parité.
Je vous remercie par avance, Madame la Rapporteuse, Mesdames, Messieurs, de votre contribution qui sera précieuse.
L'Observatoire que nous installons aujourd'hui est un peu plus nombreux que le précédent : 33 membres au lieu de 30. Ses membres ont été choisis de manière à lui donner la plus large représentativité. Il comprend non seulement des élus, des spécialistes des élections et des représentants du monde associatif, mais aussi des journalistes, des membres du barreau, des chefs d'entreprises et même une illustre championne sportive. La diversité des sensibilités, des métiers et des catégories représentées est essentielle, non pas parce que l'Observatoire doit s'occuper de tout ce qui concerne les femmes, mais bien parce que toutes les femmes sont intéressées par la parité politique.
Tous les hommes aussi, d'ailleurs.
Paradoxalement, l'Observatoire de la parité n'a jamais été lui-même paritaire. On pourrait même dire qu'il l'est de moins en moins : 7 hommes sur 19 membres en 1995 ; 5 sur 30 en 1998, et seulement 4 sur 33 en 2003. Mais cette sur-représentation des femmes peut être considérée comme une " discrimination positive ", destinée à compenser leur sous-représentation dans la plupart des instances politiques. Proportionnellement, les hommes sont encore plus nombreux à l'Observatoire que les femmes à l'Assemblée Nationale et au Sénat.
Toutes proportions gardées, la situation des femmes aujourd'hui est proche de celle du Tiers état telle que la décrivait Siéyès, il y a plus de deux siècles :
Si, alors, le tiers-état était tout parce qu'il représentait la presque totalité des forces vives de la nation, il n'était cependant rien dans l'ordre politique et aspirait à y devenir quelque chose.
Les femmes aujourd'hui constituent une bonne moitié des forces vives de la nation, elles ne sont cependant que très peu représentées dans l'ordre politique et aspirent à y trouver la place qui leur est due.
Satisfaire cette aspiration, tel est le sens du combat pour la parité.
Car elle est vitale pour l'équilibre de notre société.
(source http://www.social.gouv.fr, le 10 février 2003)