Déclaration de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur l'ancienneté des relations entre la France et l'Ukraine et sur le développement de leur coopération économique, Paris le 30 janvier 1997.

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Circonstance : Visite en France du Président de l'Ukraine, M. Leonid Koutchma à Paris le 30 janvier 1997

Texte intégral

C'est un honneur pour nous, Monsieur le Président, de vous recevoir, ici, au Palais des Affaires étrangères, à l'occasion de votre première visite officielle en France, la seconde d'un chef d'Etat ukrainien depuis l'indépendance de votre pays.

La France accueille aujourd'hui le représentant d'une nation avec laquelle elle a toujours entretenu, au travers des vicissitudes de l'Histoire, des liens marqués d'un profond attachement réciproque. Si le mariage d'Henri 1er avec Anne de Kiev en 1051 est l'acte fondateur de cette relation particulière, nos deux pays n'ont cessé depuis lors d'être proches l'un de l'autre. Le premier ouvrage sur l'Ukraine est dû à un Français. Guillaume Levasseur de Beauplan, qui séjourna longtemps aux bords du Dniepr et Bogdan Khmelnitski envoya en 1645 ses cosaques combattre au siège de Dunkerque pour le compte du roi de France.

De très nombreuses grandes figures de la culture française ont été fascinées par le courage, l'esprit de liberté et la volonté d'exister du peuple ukrainien : Mme de Staël, Balzac, Mérimée, Déroulède, Delacroix, Géricault, Victor Hugo enfin qui a chanté en Mazeppa l'un des grands héros de l'Histoire européenne.

Tarass Chevchvenko, symbole de la lutte du peuple ukrainien pour la liberté et la justice, a sa statue au coeur de Paris et est le point de ralliement de tous les Ukrainiens - et ils sont plusieurs dizaines de milliers - pour qui la France est une terre d'asile et d'accueil.

Lorsqu'en 1917, l'Ukraine arracha, pour hélas trop peu de temps, son indépendance, la France fut la première à reconnaître son nouveau gouvernement. C'est avec le sentiment de renouer avec une chaîne injustement interrompue, que la France a salué voilà cinq ans la renaissance de l'Ukraine et son indépendance recouvrée, cette indépendance qu'il s'agit, pour nous comme pour vous, de conforter désormais car elle joue un rôle essentiel pour la stabilité de notre continent.

L'avenir est à une Ukraine forte et stable ayant repris la place qui lui revient au coeur du continent européen. C'est dans cet esprit que nous avons soutenu activement l'adhésion de votre pays au Conseil de l'Europe. C'est dans cet esprit aussi que nous souhaitons la poursuite d'un dialogue confiant et régulier entre l'Union européenne et l'Ukraine. C'est enfin tout le sens de ce grand projet des années à venir qu'est la construction d'une architecture européenne qui a pour ambition essentielle d'assurer la sécurité de tous au siècle prochain.

Nous savons quelle contribution votre pays apporte aujourd'hui à la sécurité et à la paix dans cette région d'Europe qui fut si souvent l'enjeu de l'affrontement des grandes puissances et un tragique champ de bataille. Nous sommes également profondément convaincus que seul le respect de l'autre, qu'il s'agisse de son territoire, de ses frontières, de sa culture, de sa langue, de son identité nationale, peut permettre à l'Europe de progresser dans la voie de son unité et de répondre à ce que nos peuples attendent d'elle.

Outre leurs affinités, la France et l'Ukraine ont beaucoup de points communs : comparables par leurs dimensions, par leurs populations, elles ont toutes deux une façade maritime importante, gage d'ouverture au monde ; elle sont toutes deux au confluent de différentes influences et sensibilités. Elles se doivent de donner à leurs relations l'impulsion et l'élan qui porteront celles-ci au niveau qui doit être le leur. Nous voyons, Monsieur le Président, dans votre première visite officielle en France, l'expression de la volonté de l'Ukraine de donner une nouvelle dimension à notre relation bilatérale. C'est également, soyez en persuadés, notre détermination. La France et l'Ukraine ont besoin l'une de l'autre.

Il fut un temps où la France, au début de ce siècle, était le premier investisseur dans cette région, et le riche potentiel industriel et agricole qui s'est alors constitué et qui reste l'atout essentiel de l'Ukraine, porte la marque de nos industriels et de nos banquiers. Il n'est peut-être pas illusoire de penser qu'aujourd'hui nous pouvons ensemble renouer avec cette tradition. Avec deux banques de plein exercice et soixante quinze entreprises implantées en Ukraine, la France a accompli une partie du chemin. Ses investissements ont doublé en 1996 et nos échanges progressent à un rythme soutenu.

Ce soir sont réunis les plus hauts représentants des entreprises françaises qui manifestent un intérêt marqué pour l'Ukraine et pour son développement, dans des secteurs essentiels où notre savoir-faire est reconnu à travers le monde : agro-alimentaire, télécommunications, transports, énergie, banque... Nous nous félicitons que votre séjour soit l'occasion de rencontrer demain - plus longuement sûrement - les représentants des milieux économiques et financiers, tant il est clair que l'un des piliers de notre relation mutuelle doit être une coopération industrielle dynamique, s'étendant aux petites et moyennes entreprises, qui puisse être le pendant des liens déjà étroits que nous avons noués dans le domaine culturel et scientifique.

L'Ukraine est engagée dans un processus complexe et courageux de réformes économiques, dont nous mesurons l'ampleur et l'ambition. Comme vous l'avez souvent répété, ce ne sont pas seulement les structures et les mécanismes qu'il faut changer mais les mentalités et les schémas de pensée. Le chemin qui conduit à l'économie de marché, à la responsabilité individuelle et à l'initiative privée comporte, dans un premier temps, des contraintes et des sacrifices lourds à supporter, notamment sur le plan social.

La France, Monsieur le Président, continuera à vous aider dans la voie que vous avez choisie car elle est la seule possible pour le développement d'une Ukraine stable, d'une Ukraine forte, d'une Ukraine indépendante et définitivement européenne.

Monsieur le Président, je lève mon verre au peuple ukrainien, dont Voltaire rappelait qu'il a toujours aspiré à la liberté, à l'Ukraine, élément fondamental de la stabilité et de la sécurité en Europe, à votre bonheur personnel et à l'amitié entre nos deux pays.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2001)