Texte intégral
Q - Merci d'être avec nous, Dominique de Villepin, vous êtes le ministre français des Affaires étrangères, vous êtes à ce poste depuis 4 mois, vous êtes l'un des plus jeunes ministres des Affaires étrangères que la France ait connu, vous avez moins de 50 ans. Vous avez travaillé pendant des années aux côtés de Jacques Chirac et aujourd'hui, vous conduisez la diplomatie.
Il y a bien sûr beaucoup de questions, compte tenu de l'état du monde, compte tenu du calendrier (11 septembre), à vous poser. Je vous propose peut-être de commencer par la situation en Afghanistan.
Vous étiez il y a quelques jours à Kaboul, vous espériez que, peu à peu, notamment les militaires français puissent passer le relais aux autorités de ce pays qui allaient remettre de l'ordre, du calme dans le pays et puis, hier, deux drames, un attentat à la voiture piégée et une tentative d'assassinat contre le président Karzaï.
Cela veut-il dire que, finalement, tout est à reconstruire ?
R - Pas du tout, je crois que cela rappelle fortement à la communauté internationale ce que nous avons nous-mêmes dit à Kaboul, rien n'est acquis. La situation internationale reste une situation dangereuse, le risque terroriste reste présent en Afghanistan. Il y a encore des groupes très actifs et ces attentats le montrent. A partir de là, la communauté internationale a besoin de détermination, de vigilance et de constance. Je l'ai dit à Kaboul, il faut inscrire notre action dans la durée, se concerter, travailler avec le gouvernement afghan et former une armée afghane. Cela était au cur de mes entretiens avec le président Karzaï.
Nous contribuons à la formation de cette armée : nous avons formé un premier bataillon et sommes en train d'en former un second pour, justement, permettre aux Afghans de prendre en charge cette sécurité, encourager la réconciliation et faire en sorte que les seigneurs de la guerre ne jouent pas le rôle déstabilisant qu'ils ont aujourd'hui encore en Afghanistan. Il y a là un travail de longue haleine qui nous concerne tous.
Q - Vous avez eu des entretiens avec le président Karzaï. Vous a-t-il semblé conscient du fait que, précisément, il y a une situation de grande fragilité, de vulnérabilité, y compris contre lui-même ?
R - Tout à fait. Le risque existe, même si le président Karzaï a bien indiqué qu'il lui paraissait que le risque politique pour l'Afghanistan semblait aujourd'hui s'éloigner. Il y a en permanence ce risque d'attentat et de mobilisation de forces terroristes, et c'est bien contre cela, dans un effort de sécurité, que la communauté internationale doit appuyer l'Afghanistan. Vous savez qu'il y a une force d'intervention en Afghanistan même qui contribue à sécuriser la ville de Kaboul et à aider les Afghans dans cette tâche.
Q - On se souvient que l'Afghanistan est revenu dans l'actualité de manière extrêmement forte voici un an, au moment du 11 septembre, alors que le monde entier et les Etats-Unis vont commémorer ces attentats. Pensez-vous que réellement le monde a changé ? On a dit, qu'après le 11 septembre, plus rien ne sera pareil, pourtant, on a parfois le sentiment qu'une sorte de politique américaine n'a pas complètement changé. Le monde n'est-il plus le même réellement ?
R - Je crois qu'il y a dans la communauté internationale aujourd'hui - le 11 septembre marque évidemment une date très importante, un tournant - la conscience d'une urgence très profonde qui s'appuie sur l'interdépendance du monde. Aucun d'entre nous, aujourd'hui, ne peut se désintéresser des crises régionales en Afghanistan comme au Proche-Orient ou dans les Balkans, où je dois me rendre aujourd'hui. Il y a donc urgence à agir sur l'ensemble de ces fronts et nous ne devons pas oublier le terreau, la situation générale et le contexte qui pèsent lourdement sur cette situation internationale. Les menaces anciennes, la famine, la pauvreté, l'injustice, nous devons nous attaquer à tous ces maux, à la racine, et cela implique un énorme travail de la part de la communauté internationale. Rien de tout cela ne peut se faire en un jour. Il y a évidemment la nécessité de se mobiliser au plan de la sécurité pour essayer parfois par des moyens militaires, de régler des situations, mais cela ne peut suffire. Il s'agit aussi d'ouvrir une perspective politique comme nous le voyons au Proche-Orient, en Afghanistan ou dans les Balkans. C'est très important d'avoir cet espoir pour ces peuples, ils en ont besoin et c'est tout le sens de la diplomatie française et de la diplomatie européenne.
Q - Vous connaissez bien les Etats-Unis, vous y étiez en poste en tant que diplomate, vous serez sur place le 11 septembre pour commémorer et montrer le poids et l'attachement de la France à cet exercice de mémoire, comment les Etats-Unis vivront-ils cela avec le reste du monde pour vous ? Un journaliste avait titré : "tous Américains" après les attentats. Ce jour-là, serons-nous tous américains ?
R - Il y a un sentiment de profonde solidarité face à ce tragique événement. Pour la première fois, l'Amérique découvre sa propre vulnérabilité et c'est un sentiment très fort qui conduit les autorités américaines à privilégier la sécurité des Etats-Unis. Il nous appartient, au-delà de cet impératif de sécurité, de prendre en compte les problèmes globaux du monde et de les intégrer dans un souci, à la fois de légitimité et d'efficacité. Nous sommes très soucieux que les décisions de la communauté internationale soient légitimes, fondées et discutées par cette communauté pour éviter d'aggraver le risque de fossé entre les uns et les autres. Il faut éviter les barrières, les ruptures si l'on veut véritablement progresser.
Q - Le monde est-il plus fragile depuis que le mur de Berlin est tombé ? Avant il y avait ces deux superpuissances que l'on connaît bien, aujourd'hui, il n'y en a qu'une, fragilisée, vulnérable ?
R - Plusieurs chocs se sont multipliés au cours des dernières années. Comme vous le rappelez, 1989 est bien sûr une date très importante. La mondialisation apporte à la fois le meilleur - beaucoup d'opportunités et beaucoup de chances pour le monde, des perspectives d'ouvertures, de développement et l'arrivée de nouvelles technologies -, et ce choc du 11 septembre qui sonne comme une sommation et nous rappelle la nécessité d'agir. Nous ne pouvons pas nous désintéresser du reste de la planète. C'est vrai des menaces anciennes, je le disais tout à l'heure, mais également des menaces nouvelles. Le Sommet de Johannesburg marque une étape importante dans cette prise de responsabilités de la communauté internationale. Après Rio, il s'agit de penser à l'avenir de la planète et faire en sorte de respecter les grands équilibres. Tout ceci pèse à long terme sur le devenir commun.
Q - Avant de parler des suites du 11 septembre, un mot sur Johannesburg, le Sommet de la Terre. C'est la réunion la plus importante jamais organisée par l'ONU en terme de participation de chefs d'Etat et de gouvernement et vous avez lu ce qu'écrivent un certain nombre de confrères, "un sommet pour pas grand chose". Jacques Chirac voulait entraîner un certain nombre de ses collègues à une plus grande solidarité. Il a été un peu seul non !
R - La France se veut à la pointe de ce combat pour la planète. Il y a bien sûr un impératif extrêmement important de sécurité générale de la planète, il faut défendre cette planète, aujourd'hui menacée par les excès des hommes, mais il faut aussi se soucier de la justice entre les hommes et c'est là où la perspective de développement représente un aspect très important. La France doit faire un effort particulier et mobiliser la communauté internationale. Nous l'avons fait à Monterrey, mais aussi au dernier Sommet du G8 à Kananaskis. Il ne faut pas négliger la progression de la mobilisation de cette communauté. A Johannesburg, non seulement les Etats se sont réunis, mais également les entreprises et les ONG. Ceci marque une prise de conscience. C'est forcément un long processus et nous aimerions que les déclarations politiques puissent être davantage exécutoires. Il faut tenir compte de la prise de conscience très importante de cette communauté qui découvre, aujourd'hui, qu'elle a finalement un destin commun. Il lui faut continuer d'oeuvrer et inscrire ces efforts dans un calendrier de long terme, même si évidemment, l'urgence nous est rappelée tous les jours.
Q - Nous parlions à l'instant du 11 septembre, des suites, et il y a l'affaire, la crise avec l'Iraq. Les Etats-Unis veulent "en découdre", le président Bush veut tourner la page de l'époque Saddam Hussein. Jacques Chirac, devant les ambassadeurs il y a quelques jours rappelait que c'est à l'ONU de dire le fait. Le président Bush va appeler un certain nombre de grands chefs d'Etat à travers la planète, la France va lui répéter la même chose, c'est-à-dire qu'il n'est pas question d'y aller de cette façon ?
R - Notre détermination à lutter, contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive est entière. Nous ne pouvons pas accepter le fait accompli iraquien. L'Iraq qui prend en otage ses populations et défie la loi internationale, doit se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et les appliquer. Nous voulons que le Secrétaire général des Nations unies puisse effectivement renvoyer les inspecteurs et nous le soutenons dans cette tâche. C'est là une exigence fondamentale. Mais, nous estimons que toute action doit être étudiée dans le cadre du Conseil de sécurité. Ce n'est pas du tout parce que nous ne sommes pas déterminés ou que nous nous refusons à l'action, c'est parce que nous pensons que la légitimité de l'action internationale est un point majeur. Il doit y avoir un consensus. Nous devons mobiliser la communauté internationale sur ce qui doit être fait et le Conseil de sécurité constitue l'instance appropriée. Le problème n'est pas tant de savoir s'il faut agir ou non - nous sommes déterminés -, mais il faut savoir comment agir et pour quoi faire. Notre objectif est clair, c'est écarter le risque de prolifération.
Q - Et si l'Amérique se passe de ce genre de mise en garde, de précautions sur l'ONU ou sur la parole des Européens ?
R - Justement, le travail diplomatique est là et les contacts qui existent aujourd'hui entre les chefs d'Etat sont très importants pour alimenter la réflexion et indiquer à chaque étape les risques qui existent. Nous devons faire ce travail ensemble et le faire avec responsabilité. Je rappelle que dans la position française il y a un impératif important de légitimité de l'action, et un impératif d'efficacité aussi. Il faut se préoccuper et vérifier que les décisions prises vont contribuer à un ordre international plus juste et plus stable. Nous voulons effectivement écarter les menaces mais également prendre en compte cet impératif d'efficacité et de légitimité pour la stabilité du monde.
Q - J'en reviens à ce que vous disiez sur la position française : les Européens ne sont-ils pas un peu divisés sur cette question ? La Grande-Bretagne semble plus attentive aux positions de l'Amérique, l'Italie l'Espagne peut-être aussi, l'Europe ne semble pas très soudée au niveau de sa politique extérieure.
R - Les Quinze étaient réunis le week-end dernier au Danemark et nous avons de façon très approfondie évoqué l'ensemble de ces questions : la situation de l'Iraq, celle du Proche-Orient et des crises dans d'autres régions du monde. Je crois qu'au-delà des sensibilités des Etats, il y a malgré tout une position européenne : le souci de faire en sorte que le Conseil de sécurité des Nations unies constitue véritablement la clef, l'endroit où doivent se discuter et s'envisager les différentes options. De ce point de vue, une communauté de vues se dégage.
Q - Lorsque l'on dit que l'Europe reste une sorte de nain diplomatique, qu'en pensez-vous ?
R - Je ne le crois pas. Je mesure le chemin parcouru au fil des dernières années et je crois, par ailleurs, que le 11 septembre vient rappeler à l'Europe ses devoirs. S'il y a une leçon à tirer de cet événement, c'est bien la nécessité de l'Europe, pour les Européens eux-mêmes bien sûr, mais pour le monde. Aucune puissance aujourd'hui ne peut, seule, assurer la stabilité et la sécurité du monde. Nous le voyons, c'est un monde qui connaît de grandes fractures ; chaque puissance doit assumer sa responsabilité. C'est particulièrement vrai pour les Etats-Unis, cela l'est aussi pour l'Europe, pour les autres grandes nations comme la Russie et la Chine mais également pour chaque Etat qui possède sa propre identité culturelle. Chacun doit contribuer, et nous découvrons au cours des dernières années que cette responsabilité est le fait des Etats, des entités, des entreprises, des organisations non gouvernementales et des citoyens. La communauté de destin du monde fait que chacun aujourd'hui possède une parcelle importante de responsabilités à assumer. On se rend compte à quel point chacun peut peser sur ces évolutions. On le voit particulièrement dans les problèmes d'environnement.
La conviction française aujourd'hui, ce n'est pas tant l'excès de la puissance qui menace la planète que le vide de la puissance, que le vertige, la peur qui peut gagner. Dans ce contexte, il est extrêmement important de garder la sérénité indispensable, une vision à long terme, l'idée d'un certain ordre international et aussi le respect de l'ensemble des grands partenaires de cette communauté. C'est l'importance du facteur culturel qui a émergé dans les derniers mois, après le 11 septembre. Nous devons respecter la diversité culturelle du monde, faire preuve de tolérance, éviter justement que des fractures ne s'accroissent, que l'Islam modéré ne soit chassé par un Islam radical. Nous devons éviter certaines tentations, certains replis sur soi, certains égoïsmes. C'est le vrai défi de la communauté internationale.
Q - A-t-on droit à l'espoir lorsque l'on fait votre métier ?
R - Bien sûr, et je pense que c'est même la condition sine qua non. Il faut l'espoir et il faut la volonté. Nous n'avons pas le droit de baisser les bras, c'est l'avenir de la planète et celui de nos enfants qui est en cause. La France, j'en suis convaincu, a une responsabilité particulière par son Histoire, son expérience, cette exigence culturelle, son rôle géographique - qui est aussi celui de l'Europe -, de trait d'union entre les cultures, de trait d'union entre l'Atlantique, la Méditerranée, l'Orient. L'histoire de l'Europe faite de guerres et de divisions parfois sanglantes, est là pour nous rappeler que de vieux ennemis veulent constituer de grands amis et qu'un pôle d'instabilité, comme elle l'a été durant des siècles, peut au contraire devenir un pôle d'excellence et de stabilité. Il faut aller plus loin. C'est évidemment le défi qui est devant nous. L'élargissement est un formidable choix politique.
Q - De ce point de vue-là, l'Europe ne serait-elle pas en panne ?
R - Le calendrier, tel qu'il est fixé, est au contraire un calendrier très rapide. D'ici la fin de l'année, nous devons boucler les négociations, obtenir que les traités puissent être signés l'an prochain par les nouveaux Etats candidats, et faire en sorte qu'en 2004, l'ensemble des nouveaux Etats puissent participer aux élections au Parlement européen. Le calendrier est accéléré et il faut prendre conscience effectivement que quelque chose change profondément dans la nature de cette Europe. Le choix politique, évidemment, exige que nous soyons à la hauteur. Il faut en tirer les conséquences sur le plan institutionnel, c'est tout l'objet de la Convention pour l'avenir de l'Europe, présidée par le président Giscard d'Estaing, qui a une responsabilité : faire en sorte que cette Europe soit capable non seulement, de relever le défi à 25 mais aussi, de fonctionner plus efficacement, d'assumer toute sa place sur la scène internationale. Le monde a besoin de l'Europe et nous avons besoin d'une Europe forte.
Q - Précisément, une Europe qui s'élargit, le risque n'est-il pas finalement une autorité diluée ?
R - C'est l'un des risques et nous sommes là pour faire en sorte que ce ne soit pas le cas, d'où l'importance de la réforme institutionnelle. Faire en sorte que nous ayons une Commission capable de jouer tout son rôle, une Commission plus forte, peut-être plus resserrée au niveau des différents commissaires. Faire en sorte que l'Europe puisse se doter d'un visage. Il faut un président à l'Europe, pas un président pour six mois, mais pour 4 ou 5 années, qui puisse inscrire son action dans la durée. Il faut un ministre des Affaires étrangères - le président de la République française l'a rappelé -, nous avons besoin véritablement de pouvoir peser davantage sur les affaires du monde, non seulement sur les affaires de politique étrangère, de sécurité et de défense, mais aussi sur les affaires qui concernent aujourd'hui tous les Français, les problèmes de justice, les affaires intérieures, l'immigration. Cette globalisation du monde fait qu'aujourd'hui les frontières s'effacent entre l'extérieur et l'intérieur, que nous devons être vigilants, défendre les intérêts de nos compatriotes afin que ces grandes évolutions ne se fassent pas au détriment de la sécurité de chacun.
Q - A l'instant, vous parliez de l'élargissement de l'Europe, vous êtes fréquemment en Afrique, vous savez ce que l'on y entend, des chefs d'Etat disent que la France a "les yeux de Chimène", elle regarde à l'Est et elle nous oublie un peu.
R - Les Africains constatent depuis plusieurs mois à quel point la France est désireuse de s'impliquer dans leurs affaires. L'affection et les relations entre la France et l'Afrique sont très anciennes ; ce sont des relations de l'histoire, de la géographie, du coeur. Nous connaissons et nous aimons l'Afrique. Cela, croyez-moi, les Africains le savent.
J'ai effectué, depuis quelques mois, trois voyages en Afrique, c'est vous dire à quel point c'est au cur des préoccupations de la diplomatie. Bien évidemment, nous essayons de contribuer au règlement des crises, mais aussi de nous attaquer aux problèmes de fond auxquels sont aujourd'hui confrontés les Africains : problèmes de la faim, des épidémies. L'Afrique ne doit pas être considérée par chacun d'entre nous comme un fardeau. Il y a là au contraire une chance, un véritable partenariat pour les communautés que nous formons, nous qui partageons les mêmes valeurs, les mêmes idéaux, c'est une chance que de pouvoir travailler ensemble, de s'agrandir dans le regard de l'autre.
Q - Vous parlez à l'instant de diversité culturelle, il y a dans quelques semaines le Sommet de la Francophonie à Beyrouth. Est-ce un espace qui marche pour résoudre des crises, pour exprimer la solidarité, pour se parler ?
R - C'est un espace qui se développe, le chemin parcouru par la Francophonie au cours des dernières années montre bien que cet espace vit de plus en plus intensément. C'est un espace de partage, partage d'une langue, partage de cultures et de valeurs. C'est la possibilité, avec nos amis francophones, de se retrouver, d'avoir des projets communs et de faire en sorte, je le disais tout à l'heure pour la Culture, qu'à partir d'une langue et d'une culture commune, nous essayions de dégager une vision commune pour peser davantage sur les affaires du monde. Il y a là une ambition évidemment très forte et qui doit être de longue haleine.
Q - Monsieur de Villepin, vous nous parliez tout à l'heure d'espoir, une sorte de ligne qui irait vers un monde plus vivable. Lorsque l'on regarde quotidiennement ce qui se passe au Proche-Orient, on est tenté de se dire que c'est un terrible contre-exemple. Dans les dernières années, il y a eu un certain nombre d'initiatives pour que les gens se rapprochent et malheureusement, rien ne se passe. Vous avez été le dernier ministre des Affaires étrangères à rencontrer le président Arafat il y a deux mois, le 25 juin, un nouveau contact a été pris avec l'Union européenne hier, cet isolement de Yasser Arafat est-il une fatalité ? La scène internationale doit-elle parler aujourd'hui avec M. Arafat, le désigner comme un interlocuteur incontournable ?
R - La position française à l'égard de Yasser Arafat est bien connue. Il est le représentant élu, légitime du peuple palestinien et il ne nous appartient pas de choisir en lieu et place des Palestiniens.
Q - Ce n'est pas toujours l'approche de l'Amérique, bien sûr pas d'Israël ?
R - Il y a une différence d'approche de ce point de vue mais nous devons nous mobiliser avec l'ensemble de nos partenaires. C'est aujourd'hui la vocation du Quartette qui réunit les Nations unies, l'Union européenne, la Russie et les Etats-Unis que d'essayer de faire avancer les choses. Il faut le faire en liaison avec nos amis arabes. Le plan de paix arabe de Beyrouth a marqué une date dans la volonté arabe qui s'est exprimée et nous avons vocation à essayer de sortir cette région du cercle infernal dans lequel elle s'est engagée : à la fois le terrorisme qui est une inquiétude quotidienne pour les Israéliens et l'absence d'avenir pour les Palestiniens. Nous avons donc le devoir d'agir. La conviction française, partagée à l'échelle européenne, c'était le sens de la déclaration de Séville, le sens de la feuille de route que nous avons étudiée au Danemark le week-end dernier : nous mobiliser bien évidemment pour essayer de faire progresser les choses sur le plan de la sécurité et sur le plan de la réforme institutionnelle de l'Autorité palestinienne, mais aussi ne pas oublier la nécessité d'avancer dans une perspective politique.
Cette région a besoin d'un espoir. L'objectif commun de la communauté internationale est de créer un Etat palestinien, qui puisse vivre en paix et en sécurité avec Israël. Ne perdons pas de vue cet objectif. Notre conviction est qu'il y a un outil qui peut nous permettre d'avancer, c'est le Quartette avec un instrument supplémentaire qui est la conférence internationale et la perspective d'élections palestiniennes au début de l'année prochaine. Nous devons avoir en mémoire ce calendrier, nous caler sur cette exigence et ne pas nous satisfaire d'une seule politique de sécurité mais progresser véritablement avec l'ambition de régler les crises.
L'une des grandes leçons à tirer du 11 septembre et qui se confirme aujourd'hui avec l'aggravation de la situation en Afghanistan, c'est que le but de la communauté internationale ne doit pas seulement être de stabiliser les crises dites pudiquement régionales mais bien d'essayer de contribuer à régler les problèmes. Sans quoi, l'on voit en permanence les problèmes remonter et s'aggraver. Le monde, fonctionnant de manière interdépendante et en réseau, fait que ce sont les groupes terroristes, les forces de déstabilisation qui s'unissent et profitent de ces situations de gangrène locale. Il faut donc passer un cap, transformer à l'échelon politique, faire en sorte que des pôles de désordre deviennent des pôles de stabilité. C'est une nécessité et je crois que, plus que jamais, la communauté internationale a la conviction de cette nécessité de régler les problèmes. Nous ne pouvons plus vivre avec ces crises comme si de rien n'était, en disant que nous contrôlons et maîtrisons la situation. Si nous nous contentons de cette ambition-là, nous serons rattrapés par le développement de ces crises.
Q - A propos du Proche-Orient, on dit tacitement que la seule voie diplomatique qui compte, c'est actuellement celle des Etats-Unis, la France et l'Europe soutiennent financièrement le développement sur place. Sur ce partage des rôles, vous n'êtes pas d'accord ?
R - Non, pas du tout et cela ne correspond pas à la réalité des derniers mois. A partir du discours du président des Etats-Unis, on a bien vu le chemin parcouru, l'évolution des positions. Il y a la capacité des Européens à se mobiliser et à faire bouger les choses. Je pense que la responsabilité de chacun, celle de l'Europe est immense. S'il y a une volonté européenne, s'il y a une détermination américaine, elle compte.
Nous le voyons aujourd'hui dans la feuille de route décidée par les Européens, cela crée véritablement une incitation à avancer, et nous sommes là pour agir avec cette exigence de la conscience et cette détermination. Nous ne pouvons pas nous accommoder d'un statu quo.
Q - Je le disais tout à l'heure en vous accueillant, vous partez dans cette région que l'on appelle les Balkans qui reste une sorte de ligne de fracture géopolitique d'où sont partis bien des conflits, aujourd'hui on ne parle plus guère de la Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, est-ce bon signe ou les médias ne sont-ils pas suffisamment attentifs ?
R - Non, c'est tout simplement une crise chassée par une autre crise. Je crois que beaucoup a été fait dans les Balkans mais les problèmes sont loin d'être réglés. Depuis qu'en 1995, la France, sous l'impulsion du président Chirac, décidait de la création d'une force de réaction rapide, beaucoup a été fait. En 2000, le Sommet de Zagreb a bien marqué l'européanisation des Balkans, la volonté européenne de jouer tout son rôle dans cette région. Mais tous les problèmes ne sont pas réglés et nous entrons dans une séquence électorale difficile dans cette région. Les problèmes de réconciliation, de démocratisation, le risque de voir cette région connaître de nouvelles dérives mafieuses est évidemment important. Nous devons faire en sorte que ces mouvements de démocratisation, de stabilisation, de réconciliation et de reconstruction s'amplifient, et nous avons donc vocation à continuer notre effort et à marquer notre engagement et c'est tout le sens de mon voyage là-bas.
Q - C'était une région très sensible, elle est aux portes de l'Europe, a-t-elle vocation un jour ou l'autre à rejoindre ce groupe de stabilité qu'est l'Europe ?
R - Des accords, un plan de stabilisation ont été décidés par les Européens, les liens sont extrêmement étroits ; de plus en plus l'Europe, par sa présence militaire sur place - les Européens occupent évidemment la première part -, affirme cette vocation européenne des Balkans. Nous devons continuer de façon à stabiliser la situation là-bas et passer de cette étape de stabilisation engagée à un processus de rapprochement avec l'Europe.
Q - J'aimerais que l'on dise un mot de votre méthode, de la méthode de Villepin. Vous faites de très nombreux voyages, une activité diplomatique intense. Qu'est-ce qui a changé sur la diplomatie de la France ?
On voit bien par exemple une alternance gauche droite au plan économique, y a-t-il une diplomatie de gauche, une diplomatie de droite ?
R - Non, je ne crois pas. Je pense surtout que le monde a changé et que l'exigence de la diplomatie française a changé. Nous l'avons vu après le 11 septembre, la responsabilité de chacune des diplomaties internationales est extrêmement forte. La France a particulièrement compris cette nécessité de l'urgence, de l'interdépendance. Nous sommes convaincus de la responsabilité de la France et de l'Europe, nous avons une vision du monde inspirée par une longue Histoire, nous sommes conscients de l'importance des facteurs humains, des facteurs culturels, politiques et nous voulons être à la pointe, aux avant-postes de cette action internationale. Nous estimons donc qu'il est important d'aller sur place, au contact avec les dirigeants, avec les populations pour dire la parole de la France, la parole de l'Europe, pour dire l'exigence qui est la nôtre et la rappeler aussi à la communauté internationale, c'est l'un des objectifs de ma visite en Afghanistan au début de cette semaine, de ma visite dans les Balkans : "ne soyons pas amnésiques, gardons cette exigence indispensable de contribuer au règlement des crises. Ne papillonnons pas, n'allons pas de l'une à l'autre, soyons soucieux d'inscrire nos actions dans la durée, dans la responsabilité surtout, soyons soucieux de l'efficacité."
Il y a des peuples qui attendent. Nous ne pouvons pas rester enfermés dans nos tours d'ivoire. Cette responsabilité, nous devons l'assumer ensemble, c'est un des grands messages de la France aujourd'hui.
Q - C'est important sur le terrain de parler de cette voix de la France. Est-elle entendue, attendue ?
R - Tout à fait, je suis frappé de voir partout, en Afrique australe, en Afrique de l'Ouest, en Asie - c'est très marqué -, un désir de France, une attente vis-à-vis de la France. La parole de la France aujourd'hui pèse davantage et doit peser encore davantage. Nous sommes là pour effectivement contribuer à faciliter des dialogues, à positiver des situations, à imaginer les solutions. C'est un travail patient, qui demande à la fois beaucoup d'ambition, mais aussi beaucoup d'humilité.
Q - Vous vous exprimez aujourd'hui sur l'antenne mondiale de TV-5, il y a dans notre public, des téléspectateurs auxquels nous sommes attentifs, ce sont les Français de l'étranger. Dans la diplomatie de la France, qui sont-ils ?
R - Ils sont des traits d'union, avec d'autres cultures, d'autres Etats et à ce titre, ils apportent énormément à la diplomatie française car ils sont des têtes de pont. Je me rends compte chaque fois que je les rencontre, en Afghanistan, au Mozambique, du rôle passionné, du rôle ardent de ces communautés qui donnent un grand visage de la France. Nos organisations en Afghanistan ont fait un travail admirable, pendant la période de la résistance, pendant la période des Taleban. Ils ont été là, au côté du peuple afghan et cela pèse lourd à l'heure où la diplomatie française veut agir - on se souvient du rôle fort de ces communautés, deux millions de Français sont présents à travers le monde. Nous avons évidemment un devoir de responsabilité très important pour assurer la sécurité de nos compatriotes dans un monde à la fois imprévisible et dangereux. Le gouvernement, le Premier ministre, le président de la République l'ont rappelé très fortement. Il faut se mobiliser. Nous avons donc décidé de multiplier les mesures pour assurer cette sécurité, des plans de sécurité dans chacune de nos ambassades, une mobilisation de nos consulats pour répondre aux problèmes particuliers de nos compatriotes. Il y a là un travail très important mais nous devons répondre aussi aux préoccupations concrètes de ces Français : l'éducation, la protection sociale. Nous sommes là pour faire en sorte que ces communautés puissent avoir les moyens d'agir dans les domaines qui sont les leurs : humanitaire, culturel, économique. Ils sont très importants pour la France.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2002)
Il y a bien sûr beaucoup de questions, compte tenu de l'état du monde, compte tenu du calendrier (11 septembre), à vous poser. Je vous propose peut-être de commencer par la situation en Afghanistan.
Vous étiez il y a quelques jours à Kaboul, vous espériez que, peu à peu, notamment les militaires français puissent passer le relais aux autorités de ce pays qui allaient remettre de l'ordre, du calme dans le pays et puis, hier, deux drames, un attentat à la voiture piégée et une tentative d'assassinat contre le président Karzaï.
Cela veut-il dire que, finalement, tout est à reconstruire ?
R - Pas du tout, je crois que cela rappelle fortement à la communauté internationale ce que nous avons nous-mêmes dit à Kaboul, rien n'est acquis. La situation internationale reste une situation dangereuse, le risque terroriste reste présent en Afghanistan. Il y a encore des groupes très actifs et ces attentats le montrent. A partir de là, la communauté internationale a besoin de détermination, de vigilance et de constance. Je l'ai dit à Kaboul, il faut inscrire notre action dans la durée, se concerter, travailler avec le gouvernement afghan et former une armée afghane. Cela était au cur de mes entretiens avec le président Karzaï.
Nous contribuons à la formation de cette armée : nous avons formé un premier bataillon et sommes en train d'en former un second pour, justement, permettre aux Afghans de prendre en charge cette sécurité, encourager la réconciliation et faire en sorte que les seigneurs de la guerre ne jouent pas le rôle déstabilisant qu'ils ont aujourd'hui encore en Afghanistan. Il y a là un travail de longue haleine qui nous concerne tous.
Q - Vous avez eu des entretiens avec le président Karzaï. Vous a-t-il semblé conscient du fait que, précisément, il y a une situation de grande fragilité, de vulnérabilité, y compris contre lui-même ?
R - Tout à fait. Le risque existe, même si le président Karzaï a bien indiqué qu'il lui paraissait que le risque politique pour l'Afghanistan semblait aujourd'hui s'éloigner. Il y a en permanence ce risque d'attentat et de mobilisation de forces terroristes, et c'est bien contre cela, dans un effort de sécurité, que la communauté internationale doit appuyer l'Afghanistan. Vous savez qu'il y a une force d'intervention en Afghanistan même qui contribue à sécuriser la ville de Kaboul et à aider les Afghans dans cette tâche.
Q - On se souvient que l'Afghanistan est revenu dans l'actualité de manière extrêmement forte voici un an, au moment du 11 septembre, alors que le monde entier et les Etats-Unis vont commémorer ces attentats. Pensez-vous que réellement le monde a changé ? On a dit, qu'après le 11 septembre, plus rien ne sera pareil, pourtant, on a parfois le sentiment qu'une sorte de politique américaine n'a pas complètement changé. Le monde n'est-il plus le même réellement ?
R - Je crois qu'il y a dans la communauté internationale aujourd'hui - le 11 septembre marque évidemment une date très importante, un tournant - la conscience d'une urgence très profonde qui s'appuie sur l'interdépendance du monde. Aucun d'entre nous, aujourd'hui, ne peut se désintéresser des crises régionales en Afghanistan comme au Proche-Orient ou dans les Balkans, où je dois me rendre aujourd'hui. Il y a donc urgence à agir sur l'ensemble de ces fronts et nous ne devons pas oublier le terreau, la situation générale et le contexte qui pèsent lourdement sur cette situation internationale. Les menaces anciennes, la famine, la pauvreté, l'injustice, nous devons nous attaquer à tous ces maux, à la racine, et cela implique un énorme travail de la part de la communauté internationale. Rien de tout cela ne peut se faire en un jour. Il y a évidemment la nécessité de se mobiliser au plan de la sécurité pour essayer parfois par des moyens militaires, de régler des situations, mais cela ne peut suffire. Il s'agit aussi d'ouvrir une perspective politique comme nous le voyons au Proche-Orient, en Afghanistan ou dans les Balkans. C'est très important d'avoir cet espoir pour ces peuples, ils en ont besoin et c'est tout le sens de la diplomatie française et de la diplomatie européenne.
Q - Vous connaissez bien les Etats-Unis, vous y étiez en poste en tant que diplomate, vous serez sur place le 11 septembre pour commémorer et montrer le poids et l'attachement de la France à cet exercice de mémoire, comment les Etats-Unis vivront-ils cela avec le reste du monde pour vous ? Un journaliste avait titré : "tous Américains" après les attentats. Ce jour-là, serons-nous tous américains ?
R - Il y a un sentiment de profonde solidarité face à ce tragique événement. Pour la première fois, l'Amérique découvre sa propre vulnérabilité et c'est un sentiment très fort qui conduit les autorités américaines à privilégier la sécurité des Etats-Unis. Il nous appartient, au-delà de cet impératif de sécurité, de prendre en compte les problèmes globaux du monde et de les intégrer dans un souci, à la fois de légitimité et d'efficacité. Nous sommes très soucieux que les décisions de la communauté internationale soient légitimes, fondées et discutées par cette communauté pour éviter d'aggraver le risque de fossé entre les uns et les autres. Il faut éviter les barrières, les ruptures si l'on veut véritablement progresser.
Q - Le monde est-il plus fragile depuis que le mur de Berlin est tombé ? Avant il y avait ces deux superpuissances que l'on connaît bien, aujourd'hui, il n'y en a qu'une, fragilisée, vulnérable ?
R - Plusieurs chocs se sont multipliés au cours des dernières années. Comme vous le rappelez, 1989 est bien sûr une date très importante. La mondialisation apporte à la fois le meilleur - beaucoup d'opportunités et beaucoup de chances pour le monde, des perspectives d'ouvertures, de développement et l'arrivée de nouvelles technologies -, et ce choc du 11 septembre qui sonne comme une sommation et nous rappelle la nécessité d'agir. Nous ne pouvons pas nous désintéresser du reste de la planète. C'est vrai des menaces anciennes, je le disais tout à l'heure, mais également des menaces nouvelles. Le Sommet de Johannesburg marque une étape importante dans cette prise de responsabilités de la communauté internationale. Après Rio, il s'agit de penser à l'avenir de la planète et faire en sorte de respecter les grands équilibres. Tout ceci pèse à long terme sur le devenir commun.
Q - Avant de parler des suites du 11 septembre, un mot sur Johannesburg, le Sommet de la Terre. C'est la réunion la plus importante jamais organisée par l'ONU en terme de participation de chefs d'Etat et de gouvernement et vous avez lu ce qu'écrivent un certain nombre de confrères, "un sommet pour pas grand chose". Jacques Chirac voulait entraîner un certain nombre de ses collègues à une plus grande solidarité. Il a été un peu seul non !
R - La France se veut à la pointe de ce combat pour la planète. Il y a bien sûr un impératif extrêmement important de sécurité générale de la planète, il faut défendre cette planète, aujourd'hui menacée par les excès des hommes, mais il faut aussi se soucier de la justice entre les hommes et c'est là où la perspective de développement représente un aspect très important. La France doit faire un effort particulier et mobiliser la communauté internationale. Nous l'avons fait à Monterrey, mais aussi au dernier Sommet du G8 à Kananaskis. Il ne faut pas négliger la progression de la mobilisation de cette communauté. A Johannesburg, non seulement les Etats se sont réunis, mais également les entreprises et les ONG. Ceci marque une prise de conscience. C'est forcément un long processus et nous aimerions que les déclarations politiques puissent être davantage exécutoires. Il faut tenir compte de la prise de conscience très importante de cette communauté qui découvre, aujourd'hui, qu'elle a finalement un destin commun. Il lui faut continuer d'oeuvrer et inscrire ces efforts dans un calendrier de long terme, même si évidemment, l'urgence nous est rappelée tous les jours.
Q - Nous parlions à l'instant du 11 septembre, des suites, et il y a l'affaire, la crise avec l'Iraq. Les Etats-Unis veulent "en découdre", le président Bush veut tourner la page de l'époque Saddam Hussein. Jacques Chirac, devant les ambassadeurs il y a quelques jours rappelait que c'est à l'ONU de dire le fait. Le président Bush va appeler un certain nombre de grands chefs d'Etat à travers la planète, la France va lui répéter la même chose, c'est-à-dire qu'il n'est pas question d'y aller de cette façon ?
R - Notre détermination à lutter, contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive est entière. Nous ne pouvons pas accepter le fait accompli iraquien. L'Iraq qui prend en otage ses populations et défie la loi internationale, doit se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et les appliquer. Nous voulons que le Secrétaire général des Nations unies puisse effectivement renvoyer les inspecteurs et nous le soutenons dans cette tâche. C'est là une exigence fondamentale. Mais, nous estimons que toute action doit être étudiée dans le cadre du Conseil de sécurité. Ce n'est pas du tout parce que nous ne sommes pas déterminés ou que nous nous refusons à l'action, c'est parce que nous pensons que la légitimité de l'action internationale est un point majeur. Il doit y avoir un consensus. Nous devons mobiliser la communauté internationale sur ce qui doit être fait et le Conseil de sécurité constitue l'instance appropriée. Le problème n'est pas tant de savoir s'il faut agir ou non - nous sommes déterminés -, mais il faut savoir comment agir et pour quoi faire. Notre objectif est clair, c'est écarter le risque de prolifération.
Q - Et si l'Amérique se passe de ce genre de mise en garde, de précautions sur l'ONU ou sur la parole des Européens ?
R - Justement, le travail diplomatique est là et les contacts qui existent aujourd'hui entre les chefs d'Etat sont très importants pour alimenter la réflexion et indiquer à chaque étape les risques qui existent. Nous devons faire ce travail ensemble et le faire avec responsabilité. Je rappelle que dans la position française il y a un impératif important de légitimité de l'action, et un impératif d'efficacité aussi. Il faut se préoccuper et vérifier que les décisions prises vont contribuer à un ordre international plus juste et plus stable. Nous voulons effectivement écarter les menaces mais également prendre en compte cet impératif d'efficacité et de légitimité pour la stabilité du monde.
Q - J'en reviens à ce que vous disiez sur la position française : les Européens ne sont-ils pas un peu divisés sur cette question ? La Grande-Bretagne semble plus attentive aux positions de l'Amérique, l'Italie l'Espagne peut-être aussi, l'Europe ne semble pas très soudée au niveau de sa politique extérieure.
R - Les Quinze étaient réunis le week-end dernier au Danemark et nous avons de façon très approfondie évoqué l'ensemble de ces questions : la situation de l'Iraq, celle du Proche-Orient et des crises dans d'autres régions du monde. Je crois qu'au-delà des sensibilités des Etats, il y a malgré tout une position européenne : le souci de faire en sorte que le Conseil de sécurité des Nations unies constitue véritablement la clef, l'endroit où doivent se discuter et s'envisager les différentes options. De ce point de vue, une communauté de vues se dégage.
Q - Lorsque l'on dit que l'Europe reste une sorte de nain diplomatique, qu'en pensez-vous ?
R - Je ne le crois pas. Je mesure le chemin parcouru au fil des dernières années et je crois, par ailleurs, que le 11 septembre vient rappeler à l'Europe ses devoirs. S'il y a une leçon à tirer de cet événement, c'est bien la nécessité de l'Europe, pour les Européens eux-mêmes bien sûr, mais pour le monde. Aucune puissance aujourd'hui ne peut, seule, assurer la stabilité et la sécurité du monde. Nous le voyons, c'est un monde qui connaît de grandes fractures ; chaque puissance doit assumer sa responsabilité. C'est particulièrement vrai pour les Etats-Unis, cela l'est aussi pour l'Europe, pour les autres grandes nations comme la Russie et la Chine mais également pour chaque Etat qui possède sa propre identité culturelle. Chacun doit contribuer, et nous découvrons au cours des dernières années que cette responsabilité est le fait des Etats, des entités, des entreprises, des organisations non gouvernementales et des citoyens. La communauté de destin du monde fait que chacun aujourd'hui possède une parcelle importante de responsabilités à assumer. On se rend compte à quel point chacun peut peser sur ces évolutions. On le voit particulièrement dans les problèmes d'environnement.
La conviction française aujourd'hui, ce n'est pas tant l'excès de la puissance qui menace la planète que le vide de la puissance, que le vertige, la peur qui peut gagner. Dans ce contexte, il est extrêmement important de garder la sérénité indispensable, une vision à long terme, l'idée d'un certain ordre international et aussi le respect de l'ensemble des grands partenaires de cette communauté. C'est l'importance du facteur culturel qui a émergé dans les derniers mois, après le 11 septembre. Nous devons respecter la diversité culturelle du monde, faire preuve de tolérance, éviter justement que des fractures ne s'accroissent, que l'Islam modéré ne soit chassé par un Islam radical. Nous devons éviter certaines tentations, certains replis sur soi, certains égoïsmes. C'est le vrai défi de la communauté internationale.
Q - A-t-on droit à l'espoir lorsque l'on fait votre métier ?
R - Bien sûr, et je pense que c'est même la condition sine qua non. Il faut l'espoir et il faut la volonté. Nous n'avons pas le droit de baisser les bras, c'est l'avenir de la planète et celui de nos enfants qui est en cause. La France, j'en suis convaincu, a une responsabilité particulière par son Histoire, son expérience, cette exigence culturelle, son rôle géographique - qui est aussi celui de l'Europe -, de trait d'union entre les cultures, de trait d'union entre l'Atlantique, la Méditerranée, l'Orient. L'histoire de l'Europe faite de guerres et de divisions parfois sanglantes, est là pour nous rappeler que de vieux ennemis veulent constituer de grands amis et qu'un pôle d'instabilité, comme elle l'a été durant des siècles, peut au contraire devenir un pôle d'excellence et de stabilité. Il faut aller plus loin. C'est évidemment le défi qui est devant nous. L'élargissement est un formidable choix politique.
Q - De ce point de vue-là, l'Europe ne serait-elle pas en panne ?
R - Le calendrier, tel qu'il est fixé, est au contraire un calendrier très rapide. D'ici la fin de l'année, nous devons boucler les négociations, obtenir que les traités puissent être signés l'an prochain par les nouveaux Etats candidats, et faire en sorte qu'en 2004, l'ensemble des nouveaux Etats puissent participer aux élections au Parlement européen. Le calendrier est accéléré et il faut prendre conscience effectivement que quelque chose change profondément dans la nature de cette Europe. Le choix politique, évidemment, exige que nous soyons à la hauteur. Il faut en tirer les conséquences sur le plan institutionnel, c'est tout l'objet de la Convention pour l'avenir de l'Europe, présidée par le président Giscard d'Estaing, qui a une responsabilité : faire en sorte que cette Europe soit capable non seulement, de relever le défi à 25 mais aussi, de fonctionner plus efficacement, d'assumer toute sa place sur la scène internationale. Le monde a besoin de l'Europe et nous avons besoin d'une Europe forte.
Q - Précisément, une Europe qui s'élargit, le risque n'est-il pas finalement une autorité diluée ?
R - C'est l'un des risques et nous sommes là pour faire en sorte que ce ne soit pas le cas, d'où l'importance de la réforme institutionnelle. Faire en sorte que nous ayons une Commission capable de jouer tout son rôle, une Commission plus forte, peut-être plus resserrée au niveau des différents commissaires. Faire en sorte que l'Europe puisse se doter d'un visage. Il faut un président à l'Europe, pas un président pour six mois, mais pour 4 ou 5 années, qui puisse inscrire son action dans la durée. Il faut un ministre des Affaires étrangères - le président de la République française l'a rappelé -, nous avons besoin véritablement de pouvoir peser davantage sur les affaires du monde, non seulement sur les affaires de politique étrangère, de sécurité et de défense, mais aussi sur les affaires qui concernent aujourd'hui tous les Français, les problèmes de justice, les affaires intérieures, l'immigration. Cette globalisation du monde fait qu'aujourd'hui les frontières s'effacent entre l'extérieur et l'intérieur, que nous devons être vigilants, défendre les intérêts de nos compatriotes afin que ces grandes évolutions ne se fassent pas au détriment de la sécurité de chacun.
Q - A l'instant, vous parliez de l'élargissement de l'Europe, vous êtes fréquemment en Afrique, vous savez ce que l'on y entend, des chefs d'Etat disent que la France a "les yeux de Chimène", elle regarde à l'Est et elle nous oublie un peu.
R - Les Africains constatent depuis plusieurs mois à quel point la France est désireuse de s'impliquer dans leurs affaires. L'affection et les relations entre la France et l'Afrique sont très anciennes ; ce sont des relations de l'histoire, de la géographie, du coeur. Nous connaissons et nous aimons l'Afrique. Cela, croyez-moi, les Africains le savent.
J'ai effectué, depuis quelques mois, trois voyages en Afrique, c'est vous dire à quel point c'est au cur des préoccupations de la diplomatie. Bien évidemment, nous essayons de contribuer au règlement des crises, mais aussi de nous attaquer aux problèmes de fond auxquels sont aujourd'hui confrontés les Africains : problèmes de la faim, des épidémies. L'Afrique ne doit pas être considérée par chacun d'entre nous comme un fardeau. Il y a là au contraire une chance, un véritable partenariat pour les communautés que nous formons, nous qui partageons les mêmes valeurs, les mêmes idéaux, c'est une chance que de pouvoir travailler ensemble, de s'agrandir dans le regard de l'autre.
Q - Vous parlez à l'instant de diversité culturelle, il y a dans quelques semaines le Sommet de la Francophonie à Beyrouth. Est-ce un espace qui marche pour résoudre des crises, pour exprimer la solidarité, pour se parler ?
R - C'est un espace qui se développe, le chemin parcouru par la Francophonie au cours des dernières années montre bien que cet espace vit de plus en plus intensément. C'est un espace de partage, partage d'une langue, partage de cultures et de valeurs. C'est la possibilité, avec nos amis francophones, de se retrouver, d'avoir des projets communs et de faire en sorte, je le disais tout à l'heure pour la Culture, qu'à partir d'une langue et d'une culture commune, nous essayions de dégager une vision commune pour peser davantage sur les affaires du monde. Il y a là une ambition évidemment très forte et qui doit être de longue haleine.
Q - Monsieur de Villepin, vous nous parliez tout à l'heure d'espoir, une sorte de ligne qui irait vers un monde plus vivable. Lorsque l'on regarde quotidiennement ce qui se passe au Proche-Orient, on est tenté de se dire que c'est un terrible contre-exemple. Dans les dernières années, il y a eu un certain nombre d'initiatives pour que les gens se rapprochent et malheureusement, rien ne se passe. Vous avez été le dernier ministre des Affaires étrangères à rencontrer le président Arafat il y a deux mois, le 25 juin, un nouveau contact a été pris avec l'Union européenne hier, cet isolement de Yasser Arafat est-il une fatalité ? La scène internationale doit-elle parler aujourd'hui avec M. Arafat, le désigner comme un interlocuteur incontournable ?
R - La position française à l'égard de Yasser Arafat est bien connue. Il est le représentant élu, légitime du peuple palestinien et il ne nous appartient pas de choisir en lieu et place des Palestiniens.
Q - Ce n'est pas toujours l'approche de l'Amérique, bien sûr pas d'Israël ?
R - Il y a une différence d'approche de ce point de vue mais nous devons nous mobiliser avec l'ensemble de nos partenaires. C'est aujourd'hui la vocation du Quartette qui réunit les Nations unies, l'Union européenne, la Russie et les Etats-Unis que d'essayer de faire avancer les choses. Il faut le faire en liaison avec nos amis arabes. Le plan de paix arabe de Beyrouth a marqué une date dans la volonté arabe qui s'est exprimée et nous avons vocation à essayer de sortir cette région du cercle infernal dans lequel elle s'est engagée : à la fois le terrorisme qui est une inquiétude quotidienne pour les Israéliens et l'absence d'avenir pour les Palestiniens. Nous avons donc le devoir d'agir. La conviction française, partagée à l'échelle européenne, c'était le sens de la déclaration de Séville, le sens de la feuille de route que nous avons étudiée au Danemark le week-end dernier : nous mobiliser bien évidemment pour essayer de faire progresser les choses sur le plan de la sécurité et sur le plan de la réforme institutionnelle de l'Autorité palestinienne, mais aussi ne pas oublier la nécessité d'avancer dans une perspective politique.
Cette région a besoin d'un espoir. L'objectif commun de la communauté internationale est de créer un Etat palestinien, qui puisse vivre en paix et en sécurité avec Israël. Ne perdons pas de vue cet objectif. Notre conviction est qu'il y a un outil qui peut nous permettre d'avancer, c'est le Quartette avec un instrument supplémentaire qui est la conférence internationale et la perspective d'élections palestiniennes au début de l'année prochaine. Nous devons avoir en mémoire ce calendrier, nous caler sur cette exigence et ne pas nous satisfaire d'une seule politique de sécurité mais progresser véritablement avec l'ambition de régler les crises.
L'une des grandes leçons à tirer du 11 septembre et qui se confirme aujourd'hui avec l'aggravation de la situation en Afghanistan, c'est que le but de la communauté internationale ne doit pas seulement être de stabiliser les crises dites pudiquement régionales mais bien d'essayer de contribuer à régler les problèmes. Sans quoi, l'on voit en permanence les problèmes remonter et s'aggraver. Le monde, fonctionnant de manière interdépendante et en réseau, fait que ce sont les groupes terroristes, les forces de déstabilisation qui s'unissent et profitent de ces situations de gangrène locale. Il faut donc passer un cap, transformer à l'échelon politique, faire en sorte que des pôles de désordre deviennent des pôles de stabilité. C'est une nécessité et je crois que, plus que jamais, la communauté internationale a la conviction de cette nécessité de régler les problèmes. Nous ne pouvons plus vivre avec ces crises comme si de rien n'était, en disant que nous contrôlons et maîtrisons la situation. Si nous nous contentons de cette ambition-là, nous serons rattrapés par le développement de ces crises.
Q - A propos du Proche-Orient, on dit tacitement que la seule voie diplomatique qui compte, c'est actuellement celle des Etats-Unis, la France et l'Europe soutiennent financièrement le développement sur place. Sur ce partage des rôles, vous n'êtes pas d'accord ?
R - Non, pas du tout et cela ne correspond pas à la réalité des derniers mois. A partir du discours du président des Etats-Unis, on a bien vu le chemin parcouru, l'évolution des positions. Il y a la capacité des Européens à se mobiliser et à faire bouger les choses. Je pense que la responsabilité de chacun, celle de l'Europe est immense. S'il y a une volonté européenne, s'il y a une détermination américaine, elle compte.
Nous le voyons aujourd'hui dans la feuille de route décidée par les Européens, cela crée véritablement une incitation à avancer, et nous sommes là pour agir avec cette exigence de la conscience et cette détermination. Nous ne pouvons pas nous accommoder d'un statu quo.
Q - Je le disais tout à l'heure en vous accueillant, vous partez dans cette région que l'on appelle les Balkans qui reste une sorte de ligne de fracture géopolitique d'où sont partis bien des conflits, aujourd'hui on ne parle plus guère de la Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, est-ce bon signe ou les médias ne sont-ils pas suffisamment attentifs ?
R - Non, c'est tout simplement une crise chassée par une autre crise. Je crois que beaucoup a été fait dans les Balkans mais les problèmes sont loin d'être réglés. Depuis qu'en 1995, la France, sous l'impulsion du président Chirac, décidait de la création d'une force de réaction rapide, beaucoup a été fait. En 2000, le Sommet de Zagreb a bien marqué l'européanisation des Balkans, la volonté européenne de jouer tout son rôle dans cette région. Mais tous les problèmes ne sont pas réglés et nous entrons dans une séquence électorale difficile dans cette région. Les problèmes de réconciliation, de démocratisation, le risque de voir cette région connaître de nouvelles dérives mafieuses est évidemment important. Nous devons faire en sorte que ces mouvements de démocratisation, de stabilisation, de réconciliation et de reconstruction s'amplifient, et nous avons donc vocation à continuer notre effort et à marquer notre engagement et c'est tout le sens de mon voyage là-bas.
Q - C'était une région très sensible, elle est aux portes de l'Europe, a-t-elle vocation un jour ou l'autre à rejoindre ce groupe de stabilité qu'est l'Europe ?
R - Des accords, un plan de stabilisation ont été décidés par les Européens, les liens sont extrêmement étroits ; de plus en plus l'Europe, par sa présence militaire sur place - les Européens occupent évidemment la première part -, affirme cette vocation européenne des Balkans. Nous devons continuer de façon à stabiliser la situation là-bas et passer de cette étape de stabilisation engagée à un processus de rapprochement avec l'Europe.
Q - J'aimerais que l'on dise un mot de votre méthode, de la méthode de Villepin. Vous faites de très nombreux voyages, une activité diplomatique intense. Qu'est-ce qui a changé sur la diplomatie de la France ?
On voit bien par exemple une alternance gauche droite au plan économique, y a-t-il une diplomatie de gauche, une diplomatie de droite ?
R - Non, je ne crois pas. Je pense surtout que le monde a changé et que l'exigence de la diplomatie française a changé. Nous l'avons vu après le 11 septembre, la responsabilité de chacune des diplomaties internationales est extrêmement forte. La France a particulièrement compris cette nécessité de l'urgence, de l'interdépendance. Nous sommes convaincus de la responsabilité de la France et de l'Europe, nous avons une vision du monde inspirée par une longue Histoire, nous sommes conscients de l'importance des facteurs humains, des facteurs culturels, politiques et nous voulons être à la pointe, aux avant-postes de cette action internationale. Nous estimons donc qu'il est important d'aller sur place, au contact avec les dirigeants, avec les populations pour dire la parole de la France, la parole de l'Europe, pour dire l'exigence qui est la nôtre et la rappeler aussi à la communauté internationale, c'est l'un des objectifs de ma visite en Afghanistan au début de cette semaine, de ma visite dans les Balkans : "ne soyons pas amnésiques, gardons cette exigence indispensable de contribuer au règlement des crises. Ne papillonnons pas, n'allons pas de l'une à l'autre, soyons soucieux d'inscrire nos actions dans la durée, dans la responsabilité surtout, soyons soucieux de l'efficacité."
Il y a des peuples qui attendent. Nous ne pouvons pas rester enfermés dans nos tours d'ivoire. Cette responsabilité, nous devons l'assumer ensemble, c'est un des grands messages de la France aujourd'hui.
Q - C'est important sur le terrain de parler de cette voix de la France. Est-elle entendue, attendue ?
R - Tout à fait, je suis frappé de voir partout, en Afrique australe, en Afrique de l'Ouest, en Asie - c'est très marqué -, un désir de France, une attente vis-à-vis de la France. La parole de la France aujourd'hui pèse davantage et doit peser encore davantage. Nous sommes là pour effectivement contribuer à faciliter des dialogues, à positiver des situations, à imaginer les solutions. C'est un travail patient, qui demande à la fois beaucoup d'ambition, mais aussi beaucoup d'humilité.
Q - Vous vous exprimez aujourd'hui sur l'antenne mondiale de TV-5, il y a dans notre public, des téléspectateurs auxquels nous sommes attentifs, ce sont les Français de l'étranger. Dans la diplomatie de la France, qui sont-ils ?
R - Ils sont des traits d'union, avec d'autres cultures, d'autres Etats et à ce titre, ils apportent énormément à la diplomatie française car ils sont des têtes de pont. Je me rends compte chaque fois que je les rencontre, en Afghanistan, au Mozambique, du rôle passionné, du rôle ardent de ces communautés qui donnent un grand visage de la France. Nos organisations en Afghanistan ont fait un travail admirable, pendant la période de la résistance, pendant la période des Taleban. Ils ont été là, au côté du peuple afghan et cela pèse lourd à l'heure où la diplomatie française veut agir - on se souvient du rôle fort de ces communautés, deux millions de Français sont présents à travers le monde. Nous avons évidemment un devoir de responsabilité très important pour assurer la sécurité de nos compatriotes dans un monde à la fois imprévisible et dangereux. Le gouvernement, le Premier ministre, le président de la République l'ont rappelé très fortement. Il faut se mobiliser. Nous avons donc décidé de multiplier les mesures pour assurer cette sécurité, des plans de sécurité dans chacune de nos ambassades, une mobilisation de nos consulats pour répondre aux problèmes particuliers de nos compatriotes. Il y a là un travail très important mais nous devons répondre aussi aux préoccupations concrètes de ces Français : l'éducation, la protection sociale. Nous sommes là pour faire en sorte que ces communautés puissent avoir les moyens d'agir dans les domaines qui sont les leurs : humanitaire, culturel, économique. Ils sont très importants pour la France.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2002)