Texte intégral
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais, Monsieur le Secrétaire Général, commencer par saluer l'initiative que vous avez prise d'organiser, pour la première fois, en parallèle avec la réunion ministérielle de l'OCDE, ce forum de discussion sur les grands problèmes économiques actuels.
Les sujets qui seront à l'ordre du jour de la réunion des ministres tout à l'heure et demain également, qu'il s'agisse des principes directeurs à l'attention des multinationales, de la concurrence fiscale dommageable, de la sécurité des nouveaux aliments, des mesures en faveur de la croissance et de la cohésion sociale, ont au moins un dénominateur commun : ils doivent être traités dans un contexte qui est aujourd'hui celui d'une économie mondialisée.
Une économie mondialisée, c'est à dire
(a) une économie de l'interdépendance,
(b) une économie dans laquelle les problèmes de cohésion sociale, de justice et d'équité, de gestion des biens collectifs comme l'environnement et la santé, jusque là principalement traités au niveau national ou régional doivent faire l'objet d'une coopération et d'une concertation internationale accrue
(c) mais aussi, de ce fait même, une économie dont les développements et les enjeux intéressent légitimement tous les acteurs de la société civile : les entreprises, les syndicats, les organisations non gouvernementales, et les citoyens, auquel ce Forum a largement ouvert ses portes.
Je trouve donc particulièrement important d'évoquer avec vous ce qui sera le mot d'ordre de cette ministérielle 2000 de l'OCDE : maîtriser la mondialisation, et notamment de préciser la manière dont la France entend faire sienne cet impératif, en participant à l'élaboration de nouvelles régulations.
1 - Je n'aurai ni le temps, ni l'audace, de définir en quelques formules la mondialisation, sa dynamique et ses effets. La mondialisation est diffuse. Nous en sommes les spectateurs et les acteurs. Une mondialisation " par le haut " s'impose à nous, par un mouvement irréversible d'intégration qui ne touche pas seulement l'économie et la finance, mais qui affecte les sociétés, les cultures, et les peuples. Une mondialisation " par le bas " se développe aussi, que nous initions par des demandes renouvelées de produits, d'informations et d'images
Les flux économiques, financiers, technologiques et culturels semblent dessiner une nouvelle géographie de réseaux et d'espaces interconnectés : les plus optimistes y verront un mouvement vers plus de libertés, plus de partenariats, sinon de partages, plus d'enrichissements mutuels. Mais force est de constater que ces fluxconfortent aussi une hiérarchie de pôles dominants et de territoires marginalisés.
Porteuse de risques et d'opportunités, la mondialisation ouvre un débat sur la croissance des inégalités, entre les pays en développement et les pays industrialisés, mais également au sein de chaque pays et de chaque société, et nourrit un fort sentiment d'injustice.
2- Ce sentiment d'injustice est d'autant plus profond qu'à la lecture de certains indicateurs, les résultats des politiques de développement laisse parfois croire à une irrémédiable fatalité. Ainsi, les efforts mis en uvre pour augmenter les revenus et diminuer la pauvreté, se sont traduits, et c'est là une grande déception, par des progrès très lents dans de nombreux pays en développement.
L'écart entre les plus riches et les pauvres a continué à s'élargir. En Afrique, le niveau du revenu réel par tête, est plus bas aujourd'hui qu'il y a 30 ans. Et si dans les pays en développement du Moyen-Orient et dans l'Hémisphère Ouest les revenus réels ont augmenté, c'est avec un taux de croissance inférieur à celui des pays industrialisés.
Seuls les pays en développement de l'Asie de l'Est, dont la Chine, les nouveaux pays industrialisés, et quelques rares autres pays ont connu des progrès soutenus et rapides de leurs positions relatives en termes de revenus, qui vont dans le sens d'une convergence avec les économies des pays développés.
Certes le pourcentage de la population vivant avec moins de 1 $ par jour (très pauvres) a récemment diminué, mais la croissance de la population mondiale implique que le nombre absolu de personnes vivant dans l'extrême pauvreté est restée au même niveau qu'en 1987, soit 1,2 milliards de personnes. Le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour est passé de 2,5 milliards en 1987 à 2,8 milliards en 1998, soit presque la moitié de la population mondiale.
Cependant, le revenu ne peut à lui seul prétendre exprimer et résumer l'évolution économique et sociale des pays en développement, ni fournir le seul critère d'évaluation des progrès accomplis. Une mesure plus large du bien être économique, qui prend en compte la dimension sociale montre en effet que les pays pauvres ont accompli des progrès considérables. Les indicateurs sociaux de certains pays à faible revenu, comme les Philippines, l'Indonésie ou encore le Paraguay, sont, à cet égard, révélateurs. Si on compare les pays en utilisant, comme l'a fait une récente étude, les indicateurs du développement humain (IDH) des Nations Unies, qui tiennent compte de l'éducation et de l'espérance de vie, les résultats sont moins pessimistes que ce que laissent entrevoir les seules statistiques de revenu.
L'une des conclusions frappantes de cette étude est justement le contraste entre ce que l'on peut appeler les " disparités de revenu "d'un côté, et, de l'autre, l' " écart entre les Indicateurs de Développement Humain ". Si le revenu dans les pays pauvres est aujourd'hui, comme je le rappelais à l'instant, encore inférieur à ce qu'il était dans les grands pays en 1870, si l'écart entre les revenus s'est creusé, toutefois les Indicateurs de Développement Humain des pays pauvres sont nettement meilleurs que ne l'étaient ceux des grandes puissances industrielles à la fin du XIXème siècle. Ce résultat tient essentiellement à ce que l'espérance de vie a sensiblement augmenté grâce aux progrès de la médecine et à l'amélioration du niveau de vie.
De ces derniers indicateurs, on ne doit tirer aucun satisfecit, car si l'écart entre les IDH se rétrécit à long terme, si l'espérance de vie a augmenté, la pauvreté reste un insupportable fléau.
De ces derniers indicateurs, nous devons cependant tirer la conviction qu'il n'y a pas de fatalité et que le fossé a été en partie comblé, c'est le signe que la lutte contre la pauvreté n'est pas un travail de Sisyphe. *
3- La France a la conviction que la mondialisation, par les opportunités qu'elle procure, doit être une chance pour tous, . Elle peut l'être mais à trois conditions: une reconnaissance partagée des nouveaux enjeux, une réflexion commune sur les objectifs prioritaires, et un consensus sur les méthodes.
A Les questions sont connues. Elles portent d'abord, et c'est par là que j'ai voulu commencer, sur l'exigence d'un développement équitable, mais elles portent aussi sur l'emploi, sur l'éducation, sur la santé , sur l'environnement.
Par leur ampleur, ces dernières questions suscitent la définition de normes nouvelles, nationales et internationales, contraignantes ou volontaires, qui s'appliquent aussi bien au comportement des compagnies multinationales que des consommateurs. Par leur complexité, elles soulèvent la question de l'articulation ou de la hiérarchie entre ces normes, et donc de la coordination des instances où de telles normes sont élaborées.
C'est d'abord aux gouvernements qu'incombe la tâche de traiter ces questions par des mesures qui permettent aux politiques nationales de mieux répondre au phénomène de la mondialisation. Ces politiques supposent non seulement des lois et des réglementations qui assurent le bien-être et garantissent la sécurité des individus, des consommateurs, et des citoyens, mais aussi de systèmes éducatifs et sociaux qui garantissent à chacun l'accès à la formation, et notamment à l'usage des nouvelles technologies, à la santé et à l'emploi.
Dans la mise en uvre de ces politiques, l'Union Européenne constitue, bien entendu, pour la France, un cadre de référence. L'expérience de la construction communautaire débouche sur une coordination étroite des politiques économiques, ainsi qu'une harmonisation des législations sociales ou fiscales qui doivent être considérées comme les instruments mis au service des orientations définies par les Chefs d'Etat et de Gouvernement, en faveur d'une Europe de la croissance et de l'emploi, plus solidaire et proche des préoccupations du citoyen.
En oeuvrant à la mise en place de ces nouvelles régulations , la France aura à cur, durant sa Présidence de l'Union Européenne, qui commence dans quelques jours, de poursuivre ces orientations qui sont au cur de la construction européenne, mais qui doivent aussi être au centre du travail de la communauté internationale.
B-C'est la raison pour laquelle cette Présidence sera également marquée par le souci de renforcer le rôle de l'Union européenne dans la régulation internationale. Les travaux sur la poursuite de la réforme du Fonds Monétaire international, le soutien aux pays en développement, la promotion de la dimension sociale dans les négociations internationales, ou la consolidation du principe de précaution dans les enceintes internationales relèvent de cette approche.
Les questions posées par la mondialisation ne peuvent toutes être traitées dans un cadre national ou régional. Leurs implications nombreuses requièrent une coopération internationale et appellent des réponses transversales.
Les enjeux liés au développement des biotechnologies en sont un bon exemple. Ils ne se résument pas uniquement aux problèmes soulevés par le commerce transfrontalier des organismes génétiquement modifiés. Il porte aussi sur l'impact des OGM sur l'environnement global, sur l'accès des pays en développement aux ressources génétiques, phytogénétiques, dès lors qu'elles deviennent des ressources technologiques et sur le droit à la sécurité alimentaire. Ils soulèvent aussi des questions sociales, juridiques et éthique essentielles, relatives à l'usage de l'information génétique relative aux individus, à l'avenir des politiques de santé publique, à la prévention des discriminations.
Ce seul exemple suffit à ouvrir la réflexion sur les objectifs auxquels renvoient chacun des sujets de la mondialisation. Le développement durable, avec ses principes d'équité, de solidarité, et de respect des équilibres pour les générations futures peut ici servir de référence. L'émergence du principe de précaution comme principe du droit international en est une autre illustration, récemment confirmée dans les négociations de Montréal sur le protocole biosécurité.
C - Ces observations conduisent à mon sens à une réflexion sur les méthodes. Au sein de chacun de nos pays, de nouvelles formes de concertation sont nées, fondées sur la transparence et sur un dialogue renforcé avec les organisations issues de la société civile.
De la même manière, les organisations internationales doivent s'ouvrir à la société civile, et apprendre à nouer entre elles des coopérations renforcées. La crise de légitimité qui touche nombre d'entre elles appelle des réformes, en termes d'organisation et de fonctionnement. La demande d'efficacité, de transparence, et de démocratie est pressante. Elle requiert une réflexion de fond, à laquelle la France entend apporter sa contribution.
La coordination des institutions internationales n'est pas moins nécessaire. En effet, l'ouverture des pays en développement aux échanges commerciaux et aux flux de capitaux est une condition nécessaire mais non suffisante pour favoriser la croissance. Elle est nécessaire car les expériences de protection des marchés nationaux et de politiques de substitution aux importations pratiquées par un certain nombre de pays ont dans l'ensemble échoué. De ce point de vue, l'accès aux marchés des pays développés est indispensable pour stimuler les exportations des PVD. Les intégrations régionales entre pays du sud sont utiles, mais restent complémentaires d'une meilleure intégration des échanges et des investissements avec les pays développés.
Néanmoins, cette intégration ne saurait être suffisante si elle ne s'inscrit pas dans une stratégie globale fondée sur la stabilité macro-économique, l'état de droit, des réformes structurelles, notamment en faveur de l'éducation et de l'innovation, et la réduction de l'endettement non soutenable. Une meilleure cohérence dans l'action des institutions multilatérales en faveur du développement est de ce point de vue essentielle.
C'est la raison pour laquelle les règles qui s'appliquent aux unes doivent être cohérentes avec celles des autres, tout comme les normes qu'elles édictent. Les règles financières ou commerciales ne peuvent plus ignorer les droits de l'homme, les droits sociaux, la défense de l'environnement, la nécessité de préserver la diversité culturelle. Chacune de ces organisations doit concourir aux objectifs du développement, et s'insérer dans un système coordonné.
Le renforcement de l'architecture du système international est un objectif, autant qu'une exigence en réponse à la mondialisation. C'est à l'émergence de formes nouvelles de gouvernance mondiale que nous sommes appelés.*
Comme l'a indiqué le Premier ministre français, M. Lionel Jospin, dans une allocution prononcée au Japon quelques jours après la conférence de Seattle sur la mondialisation et les régulations, " la question n'est pas aujourd'hui de savoir si nous voulons ou non la mondialisation. Elle est un fait. Mais nous sommes placés devant un choix. Nous pouvons chercher à gouverner les forces qui sont à l'uvre dans la globalisation de l'économie. Pour cela nous avons besoin de Nations pleinement conscientes des considérables enjeux de ce choix, de Gouvernements responsables déterminés à agir avec volontarisme, d'institutions multilatérales légitimes et transparentes qui respectent les droits de tous les Etats ".
Telle est la conception de la France de la mondialisation et des régulations. Ces enjeux sont connus. De cette prise de conscience, de nouvelles formes d'actions collectives au niveau national et international peuvent naître. Un forum tel que le vôtre, j'en suis sûr, ne manquera pas d'y contribuer.
Je vous remercie de votre attention, et souhaite plein succès à vos travaux.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 6 juillet 2000)
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais, Monsieur le Secrétaire Général, commencer par saluer l'initiative que vous avez prise d'organiser, pour la première fois, en parallèle avec la réunion ministérielle de l'OCDE, ce forum de discussion sur les grands problèmes économiques actuels.
Les sujets qui seront à l'ordre du jour de la réunion des ministres tout à l'heure et demain également, qu'il s'agisse des principes directeurs à l'attention des multinationales, de la concurrence fiscale dommageable, de la sécurité des nouveaux aliments, des mesures en faveur de la croissance et de la cohésion sociale, ont au moins un dénominateur commun : ils doivent être traités dans un contexte qui est aujourd'hui celui d'une économie mondialisée.
Une économie mondialisée, c'est à dire
(a) une économie de l'interdépendance,
(b) une économie dans laquelle les problèmes de cohésion sociale, de justice et d'équité, de gestion des biens collectifs comme l'environnement et la santé, jusque là principalement traités au niveau national ou régional doivent faire l'objet d'une coopération et d'une concertation internationale accrue
(c) mais aussi, de ce fait même, une économie dont les développements et les enjeux intéressent légitimement tous les acteurs de la société civile : les entreprises, les syndicats, les organisations non gouvernementales, et les citoyens, auquel ce Forum a largement ouvert ses portes.
Je trouve donc particulièrement important d'évoquer avec vous ce qui sera le mot d'ordre de cette ministérielle 2000 de l'OCDE : maîtriser la mondialisation, et notamment de préciser la manière dont la France entend faire sienne cet impératif, en participant à l'élaboration de nouvelles régulations.
1 - Je n'aurai ni le temps, ni l'audace, de définir en quelques formules la mondialisation, sa dynamique et ses effets. La mondialisation est diffuse. Nous en sommes les spectateurs et les acteurs. Une mondialisation " par le haut " s'impose à nous, par un mouvement irréversible d'intégration qui ne touche pas seulement l'économie et la finance, mais qui affecte les sociétés, les cultures, et les peuples. Une mondialisation " par le bas " se développe aussi, que nous initions par des demandes renouvelées de produits, d'informations et d'images
Les flux économiques, financiers, technologiques et culturels semblent dessiner une nouvelle géographie de réseaux et d'espaces interconnectés : les plus optimistes y verront un mouvement vers plus de libertés, plus de partenariats, sinon de partages, plus d'enrichissements mutuels. Mais force est de constater que ces fluxconfortent aussi une hiérarchie de pôles dominants et de territoires marginalisés.
Porteuse de risques et d'opportunités, la mondialisation ouvre un débat sur la croissance des inégalités, entre les pays en développement et les pays industrialisés, mais également au sein de chaque pays et de chaque société, et nourrit un fort sentiment d'injustice.
2- Ce sentiment d'injustice est d'autant plus profond qu'à la lecture de certains indicateurs, les résultats des politiques de développement laisse parfois croire à une irrémédiable fatalité. Ainsi, les efforts mis en uvre pour augmenter les revenus et diminuer la pauvreté, se sont traduits, et c'est là une grande déception, par des progrès très lents dans de nombreux pays en développement.
L'écart entre les plus riches et les pauvres a continué à s'élargir. En Afrique, le niveau du revenu réel par tête, est plus bas aujourd'hui qu'il y a 30 ans. Et si dans les pays en développement du Moyen-Orient et dans l'Hémisphère Ouest les revenus réels ont augmenté, c'est avec un taux de croissance inférieur à celui des pays industrialisés.
Seuls les pays en développement de l'Asie de l'Est, dont la Chine, les nouveaux pays industrialisés, et quelques rares autres pays ont connu des progrès soutenus et rapides de leurs positions relatives en termes de revenus, qui vont dans le sens d'une convergence avec les économies des pays développés.
Certes le pourcentage de la population vivant avec moins de 1 $ par jour (très pauvres) a récemment diminué, mais la croissance de la population mondiale implique que le nombre absolu de personnes vivant dans l'extrême pauvreté est restée au même niveau qu'en 1987, soit 1,2 milliards de personnes. Le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour est passé de 2,5 milliards en 1987 à 2,8 milliards en 1998, soit presque la moitié de la population mondiale.
Cependant, le revenu ne peut à lui seul prétendre exprimer et résumer l'évolution économique et sociale des pays en développement, ni fournir le seul critère d'évaluation des progrès accomplis. Une mesure plus large du bien être économique, qui prend en compte la dimension sociale montre en effet que les pays pauvres ont accompli des progrès considérables. Les indicateurs sociaux de certains pays à faible revenu, comme les Philippines, l'Indonésie ou encore le Paraguay, sont, à cet égard, révélateurs. Si on compare les pays en utilisant, comme l'a fait une récente étude, les indicateurs du développement humain (IDH) des Nations Unies, qui tiennent compte de l'éducation et de l'espérance de vie, les résultats sont moins pessimistes que ce que laissent entrevoir les seules statistiques de revenu.
L'une des conclusions frappantes de cette étude est justement le contraste entre ce que l'on peut appeler les " disparités de revenu "d'un côté, et, de l'autre, l' " écart entre les Indicateurs de Développement Humain ". Si le revenu dans les pays pauvres est aujourd'hui, comme je le rappelais à l'instant, encore inférieur à ce qu'il était dans les grands pays en 1870, si l'écart entre les revenus s'est creusé, toutefois les Indicateurs de Développement Humain des pays pauvres sont nettement meilleurs que ne l'étaient ceux des grandes puissances industrielles à la fin du XIXème siècle. Ce résultat tient essentiellement à ce que l'espérance de vie a sensiblement augmenté grâce aux progrès de la médecine et à l'amélioration du niveau de vie.
De ces derniers indicateurs, on ne doit tirer aucun satisfecit, car si l'écart entre les IDH se rétrécit à long terme, si l'espérance de vie a augmenté, la pauvreté reste un insupportable fléau.
De ces derniers indicateurs, nous devons cependant tirer la conviction qu'il n'y a pas de fatalité et que le fossé a été en partie comblé, c'est le signe que la lutte contre la pauvreté n'est pas un travail de Sisyphe. *
3- La France a la conviction que la mondialisation, par les opportunités qu'elle procure, doit être une chance pour tous, . Elle peut l'être mais à trois conditions: une reconnaissance partagée des nouveaux enjeux, une réflexion commune sur les objectifs prioritaires, et un consensus sur les méthodes.
A Les questions sont connues. Elles portent d'abord, et c'est par là que j'ai voulu commencer, sur l'exigence d'un développement équitable, mais elles portent aussi sur l'emploi, sur l'éducation, sur la santé , sur l'environnement.
Par leur ampleur, ces dernières questions suscitent la définition de normes nouvelles, nationales et internationales, contraignantes ou volontaires, qui s'appliquent aussi bien au comportement des compagnies multinationales que des consommateurs. Par leur complexité, elles soulèvent la question de l'articulation ou de la hiérarchie entre ces normes, et donc de la coordination des instances où de telles normes sont élaborées.
C'est d'abord aux gouvernements qu'incombe la tâche de traiter ces questions par des mesures qui permettent aux politiques nationales de mieux répondre au phénomène de la mondialisation. Ces politiques supposent non seulement des lois et des réglementations qui assurent le bien-être et garantissent la sécurité des individus, des consommateurs, et des citoyens, mais aussi de systèmes éducatifs et sociaux qui garantissent à chacun l'accès à la formation, et notamment à l'usage des nouvelles technologies, à la santé et à l'emploi.
Dans la mise en uvre de ces politiques, l'Union Européenne constitue, bien entendu, pour la France, un cadre de référence. L'expérience de la construction communautaire débouche sur une coordination étroite des politiques économiques, ainsi qu'une harmonisation des législations sociales ou fiscales qui doivent être considérées comme les instruments mis au service des orientations définies par les Chefs d'Etat et de Gouvernement, en faveur d'une Europe de la croissance et de l'emploi, plus solidaire et proche des préoccupations du citoyen.
En oeuvrant à la mise en place de ces nouvelles régulations , la France aura à cur, durant sa Présidence de l'Union Européenne, qui commence dans quelques jours, de poursuivre ces orientations qui sont au cur de la construction européenne, mais qui doivent aussi être au centre du travail de la communauté internationale.
B-C'est la raison pour laquelle cette Présidence sera également marquée par le souci de renforcer le rôle de l'Union européenne dans la régulation internationale. Les travaux sur la poursuite de la réforme du Fonds Monétaire international, le soutien aux pays en développement, la promotion de la dimension sociale dans les négociations internationales, ou la consolidation du principe de précaution dans les enceintes internationales relèvent de cette approche.
Les questions posées par la mondialisation ne peuvent toutes être traitées dans un cadre national ou régional. Leurs implications nombreuses requièrent une coopération internationale et appellent des réponses transversales.
Les enjeux liés au développement des biotechnologies en sont un bon exemple. Ils ne se résument pas uniquement aux problèmes soulevés par le commerce transfrontalier des organismes génétiquement modifiés. Il porte aussi sur l'impact des OGM sur l'environnement global, sur l'accès des pays en développement aux ressources génétiques, phytogénétiques, dès lors qu'elles deviennent des ressources technologiques et sur le droit à la sécurité alimentaire. Ils soulèvent aussi des questions sociales, juridiques et éthique essentielles, relatives à l'usage de l'information génétique relative aux individus, à l'avenir des politiques de santé publique, à la prévention des discriminations.
Ce seul exemple suffit à ouvrir la réflexion sur les objectifs auxquels renvoient chacun des sujets de la mondialisation. Le développement durable, avec ses principes d'équité, de solidarité, et de respect des équilibres pour les générations futures peut ici servir de référence. L'émergence du principe de précaution comme principe du droit international en est une autre illustration, récemment confirmée dans les négociations de Montréal sur le protocole biosécurité.
C - Ces observations conduisent à mon sens à une réflexion sur les méthodes. Au sein de chacun de nos pays, de nouvelles formes de concertation sont nées, fondées sur la transparence et sur un dialogue renforcé avec les organisations issues de la société civile.
De la même manière, les organisations internationales doivent s'ouvrir à la société civile, et apprendre à nouer entre elles des coopérations renforcées. La crise de légitimité qui touche nombre d'entre elles appelle des réformes, en termes d'organisation et de fonctionnement. La demande d'efficacité, de transparence, et de démocratie est pressante. Elle requiert une réflexion de fond, à laquelle la France entend apporter sa contribution.
La coordination des institutions internationales n'est pas moins nécessaire. En effet, l'ouverture des pays en développement aux échanges commerciaux et aux flux de capitaux est une condition nécessaire mais non suffisante pour favoriser la croissance. Elle est nécessaire car les expériences de protection des marchés nationaux et de politiques de substitution aux importations pratiquées par un certain nombre de pays ont dans l'ensemble échoué. De ce point de vue, l'accès aux marchés des pays développés est indispensable pour stimuler les exportations des PVD. Les intégrations régionales entre pays du sud sont utiles, mais restent complémentaires d'une meilleure intégration des échanges et des investissements avec les pays développés.
Néanmoins, cette intégration ne saurait être suffisante si elle ne s'inscrit pas dans une stratégie globale fondée sur la stabilité macro-économique, l'état de droit, des réformes structurelles, notamment en faveur de l'éducation et de l'innovation, et la réduction de l'endettement non soutenable. Une meilleure cohérence dans l'action des institutions multilatérales en faveur du développement est de ce point de vue essentielle.
C'est la raison pour laquelle les règles qui s'appliquent aux unes doivent être cohérentes avec celles des autres, tout comme les normes qu'elles édictent. Les règles financières ou commerciales ne peuvent plus ignorer les droits de l'homme, les droits sociaux, la défense de l'environnement, la nécessité de préserver la diversité culturelle. Chacune de ces organisations doit concourir aux objectifs du développement, et s'insérer dans un système coordonné.
Le renforcement de l'architecture du système international est un objectif, autant qu'une exigence en réponse à la mondialisation. C'est à l'émergence de formes nouvelles de gouvernance mondiale que nous sommes appelés.*
Comme l'a indiqué le Premier ministre français, M. Lionel Jospin, dans une allocution prononcée au Japon quelques jours après la conférence de Seattle sur la mondialisation et les régulations, " la question n'est pas aujourd'hui de savoir si nous voulons ou non la mondialisation. Elle est un fait. Mais nous sommes placés devant un choix. Nous pouvons chercher à gouverner les forces qui sont à l'uvre dans la globalisation de l'économie. Pour cela nous avons besoin de Nations pleinement conscientes des considérables enjeux de ce choix, de Gouvernements responsables déterminés à agir avec volontarisme, d'institutions multilatérales légitimes et transparentes qui respectent les droits de tous les Etats ".
Telle est la conception de la France de la mondialisation et des régulations. Ces enjeux sont connus. De cette prise de conscience, de nouvelles formes d'actions collectives au niveau national et international peuvent naître. Un forum tel que le vôtre, j'en suis sûr, ne manquera pas d'y contribuer.
Je vous remercie de votre attention, et souhaite plein succès à vos travaux.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 6 juillet 2000)