Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur les 3 priorités de l'action du gouvernement pour 1997, "proximité, simplicité, participation", Paris le 8 janvier 1997.

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Circonstance : Séminaire de travail du gouvernement, à l'hôtel Matignon le 8 janvier 1997

Texte intégral

Je voudrais d'abord vous souhaiter une bonne année à chacune et à chacun d'entre vous. Voilà maintenant plus d'une année, plus d'une année et demi pour beaucoup, que nous travaillons ensemble et je crois qu'au fil du temps, nous avons su créer au sein de notre équipe un climat de bonne entente et d'amitié. Je souhaite bien sûr qu'il se renforce encore en 1997. Nous avons, les uns et les autres, c'est bien normal, un peu levé le pied en cette fin d'année, sans pour autant interrompre l'activité gouvernementale. Eh bien maintenant, il nous faut repartir de l'avant, et je souhaite que notre équipe soit plus présente que jamais sur le terrain. J'ai pensé qu'il était utile en ce tout début d'année que nous nous réunissions un moment pour essayer de définir ou de préciser ensemble, les priorités de notre action, de notre travail des tout prochains mois, et je voudrais vous en proposer trois qui ne sont pas nouvelles mais qui méritent d'être réaffirmées avec conviction et détermination.
D'abord bien sûr l'emploi, encore l'emploi, toujours l'emploi. J'ai eu l'occasion de dire que c'était d'une certaine manière notre obsession. Je n'entrerai pas ici dans les détails de la politique que nous menons dans ce domaine. Je voudrais simplement vous rappeler que nous avons un rendez-vous important au début du mois de février avec les partenaires sociaux et ce qu'on appelle les forces vives sur la question de l'emploi des jeunes, de manière à voir quelles initiatives nouvelles nous pouvons prendre et tout le mois de janvier sera consacré - notamment avec A.-M. Couderc et J. Barrot, mais aussi avec plusieurs autres ministres concernés, celui de l'Éducation nationale, F. Bayrou notamment - à préparer cette rencontre qui doit être un temps fort de notre action.
Deuxième priorité, le respect de nos engagements européens. De ce point de vue, 1997 est une année évidemment décisive - au sens propre du mot -. C'est là qu'un certain nombre de décisions importantes pour l'avenir de notre pays seront prises. J'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises que la réussite de la monnaie européenne n'était pas un simple enjeu technique, monétaire ou économique, mais qu'il y allait de l'avenir de nos enfants, de la stabilité de notre continent, de la croissance et donc de l'emploi. Il faut que nous réussissions cette grande affaire en 1997.
Et puis, troisième priorité que je vous propose : la poursuite et l'amplification de notre action de réforme. Le temps des réformes n'est pas derrière nous, il est devant nous. D'abord, parce que nous avons un certain nombre de réformes déjà engagées à poursuivre. Je suis frappé de voir qu'il est, d'une certaine manière, assez facile d'avoir des idées, mais beaucoup plus difficile d'avoir de la suite dans les idées. Ce que je voudrais, c'est que nous ayons de la suite dans les idées et que les réformes que nous avons engagées soient menées à terme. Je ne vais pas les énumérer ici, mais je vais le faire dans un instant en les reprenant département ministériel par département ministériel. Et puis, nous en avons de nouvelles à engager, conformément à la mission que nous a donnée le Président de la République. Dans cette action réformatrice de 1997, je voudrais que nous ayons en tête, les uns et les autres, deux ou trois préoccupations que je voudrais rapidement exprimer devant vous.
D'abord le souci de proximité avec les Français. Vous le sentez bien, vous le voyez bien puisque vous êtes pour la plupart d'entre vous des élus locaux, il y a encore trop de distance entre nous qui gouvernons et ceux pour qui nous gouvernons, alors il faut réduire cette distance et c'est la raison pour laquelle il faut que, dans vos secteurs respectifs, vous alliez plus loin dans la déconcentration. Il faut que vous me fassiez des propositions nouvelles de décentralisation. Il faut que vous alliez vous-mêmes sur le terrain -certains le font, et même avec leur directeur d'administration centrale, cela fait du bien au directeur d'administration centrale d'aller sur le terrain. Il faut également, dans cet esprit, davantage soigner vos relations, nos relations avec les élus qui sont le relais naturel entre nos concitoyens et le pouvoir central. Donc un souci de proximité.
Ensuite un souci de simplicité. Nous avons fait beaucoup de réformes. Nous avons fait adopter par le Parlement beaucoup de textes. Nous avons sorti beaucoup de décrets. Vous êtes bien conscients que quand on fait des textes nouveaux, on ne simplifie pas forcément, et on courre même souvent le risque de compliquer encore davantage. Or nos concitoyens ont le sentiment que les tracasseries et les complications de la bureaucratie ne cessent d'augmenter et gâchent leur vie quotidienne. Or il n'y a rien de plus compliqué que de simplifier - si vous me permettez cette formule. Mais je serais tenté de dire " stop " à l'inflation législative. Ce n'est pas parce qu'on fait un texte que l'on a réglé un problème. Il y a d'autres moyens de traiter les difficultés que de préparer un nouveau texte de loi, et je dirais la même chose pour les règlements. De ce point de vue, je voudrais que 1997 nous permette de concrétiser une idée importante qu'avait lancé le Président de la République et qui est celle de la charte des droits du citoyen dans ses relations avec l'administration. Nous avons déjà engagé le travail mais je voudrais que nous le complétions et que nous le formalisions davantage. Nous n'avons pas donné suffisamment de suites au séminaire que nous avions tenu le 28 août dernier, au cours duquel vous m'aviez proposé toute une série de mesures de simplification. Je voudrais que dès les prochaines semaines, sur le terrain, nous n'allions pas annoncer de futures simplifications, mais constater qu'un certain nombre de simplifications sont enfin opérationnelles.
Enfin troisième souci, après le souci de proximité et de simplicité au service des Français, c'est le souci de participation des Français. Je ne vous demande pas d'abdiquer votre pouvoir de décision. C'est notre rôle. Nous avons été élus pour cela. Mais il faut que nous inventions une nouvelle façon de préparer les décisions en associant davantage nos concitoyens qui le souhaitent, qui le demandent - et vous sentez bien que lorsqu'on procède comme cela, la préparation est un petit peu plus longue, mais ensuite l'acceptation de la décision est beaucoup plus facile. De ce point de vue, la méthode que nous allons suivre pour réformer la justice, avec la constitution dans les tout prochains jours d'une grande commission de réflexion sur la justice qui regroupera toutes les sensibilités du pays, est un peu une illustration de cette volonté de participation et l'invention d'une nouvelle manière de préparer les décisions.
Voilà un peu les orientations que je voulais vous donner pour les tout prochains mois. Nous allons maintenant entrer dans le détail ministère par ministère. En conclusion je voudrais - mais est-ce vraiment nécessaire - vous dire, à chacune et à chacun, que vous avez toute ma confiance dans ce travail. Et, en retour, je voudrais vous demander de vous comporter à la tête de vos administrations, en responsables politiques convaincus au service de leurs concitoyens et aussi comme membres d'une équipe gouvernementale. Il n'y a pas d'un côté un Premier ministre et des ministres de l'autre. Il faut que nous travaillons davantage en équipe et pour ma part, j'en suis bien décidé. J'entends beaucoup dire en ce début d'année que le plus dur est derrière nous, et qu'après avoir semé, nous allons maintenant récolter. Je l'espère, non pas pour nous, mais pour les Français. Nous avons tous un fond de culture paysanne. Je voudrais simplement rappeler que récolter c'est aussi travailler. Et puis, les difficultés ne manqueront pas en 1997. Le Président de la République l'a dit à deux reprises au cours du mois de décembre. Certes la France bouge, certes les choses changent, les adaptations se font, la modernisation avance, mais, en même temps, nous savons bien que dans les structures, dans les institutions, il y a des résistances au changement et nous rencontrerons en 1997 ces résistances. Il faudra que nous les vainquions avec sérénité, avec ouverture d'esprit, avec volonté de faire participer, mais avec détermination parce que la France a besoin que notre volonté réformatrice s'inscrive au fil des jours, au fil des semaines, au fil des mois, en 1997, dans la réalité. C'est notre vocation, c'est l'engagement que nous avons pris et c'est ce que nous allons faire tous ensemble. Quand on s'interroge sur ce que peut être, en 1997, le programme de travail du Gouvernement, eh bien je crois qu'il est là tout entier.