Texte intégral
(Déclaration lors du déjeuner-débat de la chambre de commerce franco-thaie à Bangkok, le 21 novembre 2002) :
Monsieur le vice-Premier ministre,
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce franco-thaïe,
Monsieur le Président du Club des hommes d'affaires franco-thaïs,
Chers Amis,
C'est avec un grand plaisir que je suis aujourd'hui ici, parmi vous en Thaïlande. Je tiens à saluer tout particulièrement le vice-Premier ministre, M. Prommin Lertsuridej, les personnalités ici présentes, M. Jean-Paul Thévenin, président de la Chambre de Commerce franco-thaïe, Dr. Jingjaï, président du Club des hommes d'affaires franco-thaïs, et tous ceux qui uvrent pour que des relations privilégiées existent entre nos deux pays.
Je voudrais tout d'abord rappeler que ma mission, en tant que membre du nouveau gouvernement, est d'exposer très clairement la politique étrangère de la France dans un certain nombre de régions du monde. Le président Chirac s'est doté d'une majorité forte à l'Assemblée nationale et nous voulons imprimer notre marque diplomatique internationale dans le cadre de la Francophonie, de nos valeurs, de nos traditions et du respect des différences.
Au-delà des discours, il y a bien entendu les actes. Nous traversons une situation internationale difficile avec la question iraquienne et nous avons, depuis le mois de septembre, uvré pour qu'une résolution soit validée par l'ensemble des nations dans le cadre des Nations unies de façon à éviter une intervention unilatérale et automatique.
Nous effectuons donc, avec M. le Député Robert Lamy, président du Groupe d'amitié France-Thaïlande, et avec mes collaborateurs du Quai d'Orsay une tournée en Asie du Sud-Est, qui nous a conduit à Singapour, Kuala Lumpur et aujourd'hui, à Bangkok.
Le message que nous voulons transmettre à ces trois pays, dont le développement dans le cadre de l'ASEAN est essentiel pour la paix dans cette partie du monde, est un message de confiance de la part de la France qui construit l'Europe et de la part de l'Europe. Ceci s'adresse particulièrement à la Thaïlande qui progresse actuellement rapidement.
En ce qui concerne nos relations bilatérales et la lutte contre le terrorisme, les entretiens que j'ai eus avec les Premiers ministres de chacun des trois pays visités ont confirmé la position qui avait été la leur au sein des Nations unies et leur volonté de s'afficher très clairement contre le terrorisme. Il y va de la sécurité de nos peuples et de nos économies comme du combat collectif contre ce mal qui veut nous détruire.
J'ai eu le plaisir de rencontrer le Premier ministre, M. Thaksin Shinawatra, ce matin et nous sommes en parfait accord sur beaucoup de points. S'il est clair que nous devons faire en sorte de favoriser un libre accès et un libre échange entre l'ASEAN et l'Europe, ce qui pose encore quelques grosses difficultés, il est surtout absolument indispensable de développer nos relations bilatérales dans les plus brefs délais.
J'ai eu l'occasion de remettre au Premier ministre une invitation personnelle et officielle de Jean-Pierre Raffarin et il est vraisemblable qu'en fonction des calendriers, le Premier ministre thaïlandais se rendra en France début mars 2003.
Nous avons commencé à faire une liste, point par point, des améliorations qui pourraient être apportées à nos relations bilatérales et j'ai chargé M. l'Ambassadeur, les fonctionnaires du Quai d'Orsay, et vous-mêmes, chefs d'entreprise, de continuer à faire l'inventaire des différentes questions bilatérales qui pourraient être réglées dans le cadre de la visite du Premier ministre en France et qui seront les moyens de résoudre plus rapidement les difficultés que vous rencontrez au quotidien.
Je souhaiterais également saisir l'occasion de ma présence ici pour faire un point sur les perspectives de développement de la sous-région du Grand-Mékong dans laquelle le rôle de la Thaïlande est central et sur l'engagement de la France dans cette zone.
La sous-région du Grand-Mékong comprend les cinq pays du Nord de l'ASEAN : la Thaïlande, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et la Birmanie ainsi que la province du Yunnan en Chine.
Cette réflexion à l'échelon régional, déjà ancienne, s'est accélérée au début des années 1990 sous l'impulsion de la Banque asiatique de Développement. Forte de son expérience d'intégration régionale dans le cadre de la construction européenne, la France, qui constate l'existence de grandes similitudes entre les positions de la Thaïlande et de notre pays, face à la problématique régionale, ne peut qu'encourager toute initiative prise en ce sens.
Les pays dits "émergents" ont jusqu'ici centré leur développement sur un modèle autonome, les plaçant souvent en concurrence les uns avec les autres.
Cette situation constitue sans aucun doute une première étape nécessaire à leur éclosion économique. Mais la phase de maturité passe inévitablement par un renforcement des liens avec les pays voisins et une réflexion à un échelon régional, concourant par la suite à une véritable mutualisation des risques et garantissant la prise en compte des enjeux régionaux dans les débats internationaux.
Une telle approche dans la sous-région du Grand-Mékong m'apparaît pertinente à plusieurs égards. D'abord, parce que les liens culturels et commerciaux entre les différents pays traversés par ce fleuve sont anciens. Ensuite, parce que leurs économies sont à des stades de développement différents et la primauté d'un certain esprit de solidarité est un puissant facteur d'intégration. Enfin, parce que l'histoire démontre que lorsque les nations consacrent leurs forces vives à un projet économique d'une telle envergure, elles sont toujours gagnantes en termes de stabilité politique, à la fois sur le plan intérieur et avec leurs voisins.
Prendre acte d'une problématique spécifique au Grand-Mékong s'inscrit parfaitement dans le processus, plus large, d'intégration des pays de l'ASEAN. La province du Yunnan mise à part, tous les pays de la sous-région sont membres de cette organisation ; or la Birmanie, le Cambodge et le Laos comptent parmi les moins avancés économiquement. Les faire bénéficier d'une intégration "sous-régionale", c'est aussi accélérer l'intégration de toute l'Asie du Sud-Est.
A cet égard, le rôle de la Thaïlande est bien sûr essentiel, le Royaume étant de fait le moteur économique de la zone Grand-Mékong : il est déjà le premier fournisseur du Laos et de la Birmanie, le deuxième fournisseur du Cambodge et le cinquième du Vietnam. L'existence en Thaïlande d'un tissu d'entreprises (dont certaines de grande envergure) et l'implantation ancienne de nombreuses filiales de grandes multinationales (dont la zone de compétence englobe d'ailleurs souvent les autres pays de la sous-région) confèrent naturellement à la Thaïlande cette place de meneur.
Quel rôle la France peut-elle jouer pour soutenir cette dynamique régionale ? Avant tout, nous entendons rappeler que ces projets économiques prometteurs ne sauraient faire passer au second plan nos décisions politiques. L'implication de la France dans la sous-région du Mékong ne remet donc pas en cause son adhésion à la position de la communauté internationale vis-à-vis de la Birmanie.
D'un point de vue économique, nos relations sont évidemment anciennes avec les pays de la région, qu'il s'agisse de la péninsule indochinoise ou de la Thaïlande. Elles ont été renforcées par une coopération active dans de nombreux domaines : la France a ainsi dépensé un milliard d'euros dans la sous-région du Grand-Mékong depuis 1990, ce qui en fait le deuxième donateur bilatéral après le Japon.
D'ores et déjà, la France a mobilisé ses programmes de coopération franco-thaïs et ceux menés dans le cadre de l'Institut asiatique de Technologie pour des actions conjointes de formation et de recherche-développement en faveur des pays du Grand Mékong. Ces actions concernent les domaines des sciences de l'ingénieur, de l'innovation technologique, de la formation professionnelle, du droit et de l'urbanisme.
Forts de cette coopération étroite et ancienne, nous avons donc identifié des sujets prioritaires de façon à en débattre avec la Banque asiatique de Développement et à examiner, ensemble, comment inscrire efficacement l'action de la France dans des programmes à vocation régionale. Nous avons eu des contacts en ce sens lors de la réunion interministérielle des pays de la sous-région du Grand-Mékong qui s'est déroulée à Phnom-Penh les 23 et 24 septembre derniers.
Parmi ces projets, les entreprises françaises sont déjà bien positionnées dans les secteurs d'activités définis comme prioritaires pour la sous-région :
- le transport et les infrastructures avec Colas, Bouygues, TSO, Alstom, Cogifer, la SNCF, Railtech, Air France, Thales ;
- l'énergie avec TotalFinaElf, EDF, Schneider Electric, Suez ;
- les télécommunications avec France Télécom, Orange, Alcatel, Sofrecom ;
- l'environnement avec Vivendi, Suez, Spot Image ;
- le tourisme avec Air France, Accor, Club Med, Pansea ;
- les ressources humaines avec l'Asian Institute of Technology (AIT) et le Centre d'innovation franco-thaï (CIFT).
Leur connaissance du marché local rend indispensables leur implication et leur collaboration dans le développement des projets retenus.
Comme je l'ai rappelé précédemment, beaucoup d'entre elles sont déjà sensibilisées à cette problématique régionale puisqu'elles dirigent généralement, depuis la Thaïlande, leurs activités dans les pays voisins. Elles savent donc que la consolidation des liens économiques de la région exige un important travail d'harmonisation du cadre des affaires entre ces différents pays. La coopération institutionnelle de la France est déjà très axée sur ce domaine et notamment sur la mise à niveau des dispositifs de protection de la propriété intellectuelle.
A ce stade, il est encore trop tôt pour déterminer précisément quels sont les secteurs qui offriront les meilleurs débouchés. Je retiens cependant deux domaines qui paraissent présenter des perspectives intéressantes pour les pays de la région et pour nos entreprises :
- les infrastructures ferroviaires. Notre industrie dans ce domaine et nos sociétés de services disposent déjà d'excellentes références dans la région et nous avons noté l'attachement de la Thaïlande à la réalisation d'une ligne ferroviaire qui la relierait au Cambodge et au Vietnam. Le caractère prioritaire de ce projet a d'ailleurs été rappelé lors de la Conférence des directeurs des chemins de fer de l'ASEAN qui s'est tenue à Bangkok les 28, 29 et 30 octobre derniers.
Plusieurs projets dans des domaines de haute-technologie semblent aussi prometteurs. Il y a d'abord le vaste programme d'interconnexion et de mise à niveau des réseaux de télécommunications nationaux. Il y a aussi les applications des technologies spatiales. La France et la Thaïlande sont déjà engagées dans un programme de coopération dans ce domaine et plusieurs projets d'exploitation des données spatiales à l'échelon régional sont en cours d'examen, notamment dans le cadre de la lutte contre les cultures de produits illicites et la prévention des risques naturels.
En conclusion, des avancées concrètes qui permettront de déterminer précisément les modalités de l'engagement de la France dans la sous-région du Grand-Mékong devraient intervenir dans les mois qui viennent. Je compte sur la collaboration exemplaire des différents services de l'ambassade avec la communauté d'affaires française présente sur place pour nous aider dans ce projet.
A ce titre, je me réjouis de la création d'un groupe de travail "Grand-Mékong" au sein de la section locale des conseillers du commerce extérieur et vous rappelle qu'un réseau du même nom existe depuis plusieurs mois au sein de l'administration française, qui met en contact permanent le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ainsi que les ambassades de France des six pays concernés.
J'ajouterai enfin qu'une réunion de haut niveau se tiendra sur le thème du Grand-Mékong, le 6 mars 2003, à l'initiative du Club des hommes d'affaires franco-thaïs, à laquelle participeront des chefs d'entreprises.
Je vous encourage donc à organiser un échange systématique d'informations à ce sujet et à exploiter au mieux les synergies qui existent entre la communauté d'affaires et nos représentations officielles.
Voilà, Monsieur le vice-Ministre, Messieurs les Présidents, le message que je voulais vous faire passer sur le fond comme sur la forme. Nous sommes sereins et déterminés. Je crois que nous avons une politique internationale juste et équilibrée et que la France, à travers le monde, tient compte de ses compatriotes, de ses entreprises, défend son étendard dont elle est si fière.
Merci pour votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2002)
(Point de presse à Bangkok, le 22 novembre 2002) :
Merci à vous tous et à vous toutes d'être ici présents à la résidence de France. Je tiens tout particulièrement à saluer Monsieur l'Ambassadeur, qui est ici à mes cotés, car il a remarquablement organisé ma visite en Thaïlande.
En tant que secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, je dirige une délégation composée de diplomates du Quai d'Orsay, et qui comprend également M. Lamy, député à l'Assemblée nationale et président du Groupe d'amitié France-Thaïlande.
Nous repartons ce soir pour Paris, à l'issue d'une tournée d'une semaine en Asie du Sud-Est qui nous a permis de rencontrer les Premiers ministres de Singapour, de Malaisie et de Thaïlande.
J'ai été mandaté par le gouvernement français pour apporter un message très clair aux responsables politiques de ces trois pays. C'est un message bâti autour de la crédibilité et de la confiance. Nous avons confiance dans l'économie, nous avons confiance dans les responsables politiques, nous avons confiance dans l'avenir de ces pays. Pour nous, l'Asie du Sud-Est est un territoire stratégique : stratégique pour l'organisation de la lutte contre le terrorisme, stratégique dans le cadre du développement économique de cette partie du monde.
Hier, j'ai été reçu par le Premier ministre thaïlandais. Cet entretien a très clairement montré que de nombreux points d'accord existaient entre nos deux pays : sur la vision stratégique du développement de la Thaïlande - c'est le pays qui a la plus forte croissance économique cette année - sur l'organisation politique et le développement économique de l'ASEAN ; sur les projets régionaux dans la région du Grand-Mékong ; sur la nécessité de développer nos relations bilatérales et de faciliter la tâche de l'ASEAN dans le cadre de nos relations avec l'Union européenne.
J'ai eu la possibilité de remettre au Premier ministre une lettre d'invitation du Premier ministre français, M. Jean-Pierre Raffarin, pour une visite en France. Je peux vous annoncer dès à présent que M. Thaksin Shinawatra a accepté et qu'il se rendra vraisemblablement en France début mars 2003.
Nous avons défini, ensemble, une méthode de travail de façon à ce que nos ambassades, nos services, nos ministres, puissent travailler pour l'amélioration de nos relations bilatérales dans des domaines précis et que, au-delà des déplacements, nous puissions parvenir à des accords concrets lors de la venue du Premier ministre en France :
- rapprochement politique : M. Lamy a rencontré le président de la Chambre des représentants, M. Uthai Pimchaichon et le Président du groupe d'amitié France-Thaïlande, M. Rawang Nedphokeaew. Ils ont décidé d'étudier, ensemble, les moyens de multiplier les relations entres les deux Parlements. Le Sénat est également concerné puisque nous avons rencontré, hier, un Sénateur, M. Kraisak Choonavan, qui souhaite développer les relations avec le Sénat français.
- dans le domaine de la formation : nous avons Asian Institute of Technology (AIT) ici qui forme 700 étudiants, en partenariat avec un grand nombre d'universités françaises, dont l'Université de Lyon. Nous pouvons multiplier ces échanges, par le biais de bourses, notamment au niveau des 3ème cycle.
- culturel : le Ballet national de Marseille a présenté "Giselle" à Bangkok cette année ; les musées de Bordeaux, de Marseille sont également venus faire des expositions. Il faut voir comment nous pouvons accroître ce genre d'opérations.
- la construction d'un nouveau Lycée français à Bangkok représente également une voie possible d'accélération des échanges ;
- sur le plan économique, nous sommes le 16ème partenaire commercial de la Thaïlande alors que nous sommes le 5ème investisseur. Ceci est largement insuffisant. Nous avons ciblé des secteurs importants tels que les transports et les infrastructures, l'énergie, les télécommunications, l'environnement, le tourisme, et bien entendu l'aérospatial. Nous avons décidé, avec la Chambre de Commerce franco-thaïe, de travailler sur les projets dans la région du Grand-Mékong et des groupes de travail ont été mis en place ici à l'ambassade, et à Paris, qui regroupent notamment les six ambassadeurs des pays concernés afin de développer ensemble cette région.
- Enfin, nous avons bien entendu abordé la situation internationale. Concernant la question iraquienne, le Premier ministre M. Thaksin a félicité la France, et plus particulièrement le président Jacques Chirac, pour la position française au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous sommes parfaitement en phase sur le refus d'une décision unilatérale et automatique du recours à la force contre l'Iraq.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, nous sommes convenus d'améliorer nos capacités d'échanges d'informations qui nous permettront de mieux connaître les réseaux et de lutter contre la mondialisation du terrorisme. Ceci concorde avec les contacts que j'ai eus avec le Dr Mahathir à Kuala Lumpur. Le Centre régional de lutte contre le terrorisme, mis en place par les Américains en Malaisie, et auquel la France participera, permettra d'accroître la coopération régionale dans ce domaine.
Ces deux jours en Thaïlande furent intenses. Dès mon retour, je rendrai compte de tous ces éléments au président de la République, M. Chirac, au Premier ministre et au ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin. Nous avons renoué des liens historiques puisque tri-centenaires mais qui avaient été un peu distendus par manque de temps, peut-être, ou de disponibilité.
Q - En ce qui concerne les relations bilatérales, quels sont les accords qui seront signés lors de la visite du Premier ministre en France l'année prochaine ?
R - Nous avons mis en place, avec le Premier ministre, une méthode de travail qui consiste à lever, dans chacun de nos pays, toutes les difficultés qui font actuellement obstacle aux échanges entre nos deux pays.
Dans chacun des domaines que je vous ai cités, il y a un grand nombre de projets. Tous ne seront pas signés mais dans le domaine économique par exemple on peut citer les satellites, les projets Airbus, la proposition d'Air France de faire entrer la compagnie Thaï Airways dans l'alliance Skyteam. Il y a également la demande des chefs de petites entreprises françaises concernant la possibilité de pouvoir s'installer plus facilement dans ce pays. Il y a toute une série de questions, grandes et petites, qui méritent d'être traitées.
Des discussions importantes doivent avoir lieu à Bruxelles fin janvier entre l'Union européenne et l'ASEAN sur le principe du libre-échange. Parallèlement, le problème des taxes très élevées sur les spiritueux, qui concerne particulièrement la France, demeure sans véritable raison d'être.
Le développement des échanges touristiques et, plus généralement, tout ce qui concerne la multiplication des contacts, de l'échange d'informations, notamment dans la lutte contre le terrorisme, doit être envisagé. On ne réglera pas tout cela en six mois, mais je crois qu'une nouvelle phase dans le cadre de notre partenariat bilatéral vient de s'ouvrir. Aujourd'hui, c'est un moment important.
Q - En ce qui concerne les risques de terrorisme international, beaucoup de pays européens déconseillent à leurs citoyens de visiter la région du Sud-Est asiatique . Quelle est la position de la France sur ce sujet ?
R - Nous appelons cela, sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères, les "Conseils aux voyageurs". Si, dans les différents entretiens que j'ai eus, les responsables politiques et membres du gouvernement thaïlandais, ont fait référence à des messages émis par d'autres pays européens, ils n'ont jamais soulevé quoi que ce soit concernant la France. Nous avons dit ce qu'il fallait au moment où il le fallait et nous avons réagi avec justesse et équité.
La Thaïlande est une destination touristique pour 200.000 à 300.000 Français tous les ans. Nous souhaitons que ces chiffres augmentent, et ceci, en toute sécurité.
Q - Toujours sur le terrorisme, d'après vos entretiens avec les dirigeants de Singapour, de Malaisie et de Thaïlande, à part l'échange d'informations, y a-t-il des projets de collaboration ?
R - D'abord, il faut que vous vous rendiez compte de l'importance des échanges d'informations entre nos pays. Je suis de Marseille. Marseille a environ un million d'habitants dont 130.000 personnes d'origine Nord-africaine, de confession musulmane. Il faut, d'une part, faire la différence entre les musulmans, les intégristes et les terroristes. Ne jamais faire d'amalgame en ce qui concerne la religion. Dans le même temps, il faut essayer de comprendre pourquoi quelqu'un qui vient d'une de nos cités est susceptible d'aller à Londres, de passer par l'Allemagne, d'aller en Malaisie ou en Indonésie et de se retrouver par une formation en Afghanistan pour se suicider ensuite dans les tours jumelles du World Trade Center. Ce mécanisme là doit être démonté au niveau international et les informations que nous échangeons sont fondamentales.
Mais au-delà de la compréhension du mécanisme, il est indispensable de mettre en place des outils dans chacun des pays concernés en fonction de leur culture, de leur histoire, de leur fonctionnement politique, parce que nous sommes tous différents. Mais le principe est toujours le même : nous devons lutter tous ensemble pour détruire ce mal qui nous ronge. Ce qui veut dire que les services de police et les services de renseignement doivent travailler ensemble, et que le Centre régional contre le terrorisme, qui doit être installé à Kuala Lumpur est important dans le cadre des informations croisées. Et j'ai senti un engagement très fort de la part des différents responsables politiques que j'ai rencontrés durant cette semaine.
Q - Ce Centre de travail qu'on va créer à Kuala Lumpur, ça se passe comment ?
R - C'est un Centre régional de lutte contre le terrorisme mis en place par les Américains avec le soutien du gouvernement malaisien et les différents pays qui participent.
Q - Vous avez dit que la Thaïlande est le point stratégique contre le terrorisme ?
R - Non, non je n'ai pas du tout dit cela. La Thaïlande, à nos yeux, comme Singapour et la Malaisie, sont les trois piliers fondamentaux pour l'organisation de l'ASEAN.
Q - En ce qui concerne les projets dans la région du Mékong, quelle est la position de la France ?
R - La sous-région du Grand-Mékong comprend cinq pays : Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Laos et Birmanie, et la province du Yunnan en Chine. La Thaïlande est un moteur économique de la zone parce que c'est le premier fournisseur du Laos et de la Birmanie, le deuxième du Cambodge, le cinquième du Vietnam. L'implication de la France dans la région c'est bien entendu la connaissance du marché local, son histoire, son passé, son devenir, ses relations. Nous avons par conséquent ciblé certains projets dont je vous ai parlé tout à l'heure qui sont susceptibles d'être mis en place et qui sont très importants.
Un groupe de travail "Grand-Mékong" a été créé au sein de la section des conseillers du Commerce extérieur à Bangkok. Il existe, depuis plusieurs mois, au sein de l'administration française, un contact permanent entre le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, ainsi que les ambassades de France des 6 pays concernés.
Le 6 mars 2003, à l'initiative du Club des hommes d'affaires franco-thaïs, il y aura une réunion de haut niveau sur le thème du "Grand-Mékong".
Q - En ce qui concerne les relations bilatérales économiques, il est vrai que la France essaie de faire diminuer les taxes sur les vins par exemple et la Thaïlande, parallèlement, demande à la France, qui est un peu à la tête de l'Union européenne, d'agir en ce qui concerne les barrières tarifaires sur les crevettes. Concernant ces 2 produits, y a-t-il des avancées ?
R - Le problème des crevettes et des poulets est pratiquement réglé. Nous avions un problème de sécurité alimentaire sanitaire car les contrôles réalisés sur ces produits avaient montré qu'ils ne pouvaient être consommés. Nous pensons aujourd'hui que le problème a été traité en Thaïlande de façon satisfaisante et que les crevettes et les poulets pourront entrer dans les pays de l'Union européenne s'ils présentent les critères sanitaires requis.
Les questions que vous évoquez sont en fait différentes. D'un côté, il y a nos produits qui sont taxés et de l'autre côté il y a des produits que ne pouvaient pas être consommés à cause des risques qu'ils présentaient pour la santé des consommateurs. Aujourd'hui, vous êtes en train de régler ce problème, les produits sont revendus sur le marché français.
Merci beaucoup.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2002)
Monsieur le vice-Premier ministre,
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce franco-thaïe,
Monsieur le Président du Club des hommes d'affaires franco-thaïs,
Chers Amis,
C'est avec un grand plaisir que je suis aujourd'hui ici, parmi vous en Thaïlande. Je tiens à saluer tout particulièrement le vice-Premier ministre, M. Prommin Lertsuridej, les personnalités ici présentes, M. Jean-Paul Thévenin, président de la Chambre de Commerce franco-thaïe, Dr. Jingjaï, président du Club des hommes d'affaires franco-thaïs, et tous ceux qui uvrent pour que des relations privilégiées existent entre nos deux pays.
Je voudrais tout d'abord rappeler que ma mission, en tant que membre du nouveau gouvernement, est d'exposer très clairement la politique étrangère de la France dans un certain nombre de régions du monde. Le président Chirac s'est doté d'une majorité forte à l'Assemblée nationale et nous voulons imprimer notre marque diplomatique internationale dans le cadre de la Francophonie, de nos valeurs, de nos traditions et du respect des différences.
Au-delà des discours, il y a bien entendu les actes. Nous traversons une situation internationale difficile avec la question iraquienne et nous avons, depuis le mois de septembre, uvré pour qu'une résolution soit validée par l'ensemble des nations dans le cadre des Nations unies de façon à éviter une intervention unilatérale et automatique.
Nous effectuons donc, avec M. le Député Robert Lamy, président du Groupe d'amitié France-Thaïlande, et avec mes collaborateurs du Quai d'Orsay une tournée en Asie du Sud-Est, qui nous a conduit à Singapour, Kuala Lumpur et aujourd'hui, à Bangkok.
Le message que nous voulons transmettre à ces trois pays, dont le développement dans le cadre de l'ASEAN est essentiel pour la paix dans cette partie du monde, est un message de confiance de la part de la France qui construit l'Europe et de la part de l'Europe. Ceci s'adresse particulièrement à la Thaïlande qui progresse actuellement rapidement.
En ce qui concerne nos relations bilatérales et la lutte contre le terrorisme, les entretiens que j'ai eus avec les Premiers ministres de chacun des trois pays visités ont confirmé la position qui avait été la leur au sein des Nations unies et leur volonté de s'afficher très clairement contre le terrorisme. Il y va de la sécurité de nos peuples et de nos économies comme du combat collectif contre ce mal qui veut nous détruire.
J'ai eu le plaisir de rencontrer le Premier ministre, M. Thaksin Shinawatra, ce matin et nous sommes en parfait accord sur beaucoup de points. S'il est clair que nous devons faire en sorte de favoriser un libre accès et un libre échange entre l'ASEAN et l'Europe, ce qui pose encore quelques grosses difficultés, il est surtout absolument indispensable de développer nos relations bilatérales dans les plus brefs délais.
J'ai eu l'occasion de remettre au Premier ministre une invitation personnelle et officielle de Jean-Pierre Raffarin et il est vraisemblable qu'en fonction des calendriers, le Premier ministre thaïlandais se rendra en France début mars 2003.
Nous avons commencé à faire une liste, point par point, des améliorations qui pourraient être apportées à nos relations bilatérales et j'ai chargé M. l'Ambassadeur, les fonctionnaires du Quai d'Orsay, et vous-mêmes, chefs d'entreprise, de continuer à faire l'inventaire des différentes questions bilatérales qui pourraient être réglées dans le cadre de la visite du Premier ministre en France et qui seront les moyens de résoudre plus rapidement les difficultés que vous rencontrez au quotidien.
Je souhaiterais également saisir l'occasion de ma présence ici pour faire un point sur les perspectives de développement de la sous-région du Grand-Mékong dans laquelle le rôle de la Thaïlande est central et sur l'engagement de la France dans cette zone.
La sous-région du Grand-Mékong comprend les cinq pays du Nord de l'ASEAN : la Thaïlande, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et la Birmanie ainsi que la province du Yunnan en Chine.
Cette réflexion à l'échelon régional, déjà ancienne, s'est accélérée au début des années 1990 sous l'impulsion de la Banque asiatique de Développement. Forte de son expérience d'intégration régionale dans le cadre de la construction européenne, la France, qui constate l'existence de grandes similitudes entre les positions de la Thaïlande et de notre pays, face à la problématique régionale, ne peut qu'encourager toute initiative prise en ce sens.
Les pays dits "émergents" ont jusqu'ici centré leur développement sur un modèle autonome, les plaçant souvent en concurrence les uns avec les autres.
Cette situation constitue sans aucun doute une première étape nécessaire à leur éclosion économique. Mais la phase de maturité passe inévitablement par un renforcement des liens avec les pays voisins et une réflexion à un échelon régional, concourant par la suite à une véritable mutualisation des risques et garantissant la prise en compte des enjeux régionaux dans les débats internationaux.
Une telle approche dans la sous-région du Grand-Mékong m'apparaît pertinente à plusieurs égards. D'abord, parce que les liens culturels et commerciaux entre les différents pays traversés par ce fleuve sont anciens. Ensuite, parce que leurs économies sont à des stades de développement différents et la primauté d'un certain esprit de solidarité est un puissant facteur d'intégration. Enfin, parce que l'histoire démontre que lorsque les nations consacrent leurs forces vives à un projet économique d'une telle envergure, elles sont toujours gagnantes en termes de stabilité politique, à la fois sur le plan intérieur et avec leurs voisins.
Prendre acte d'une problématique spécifique au Grand-Mékong s'inscrit parfaitement dans le processus, plus large, d'intégration des pays de l'ASEAN. La province du Yunnan mise à part, tous les pays de la sous-région sont membres de cette organisation ; or la Birmanie, le Cambodge et le Laos comptent parmi les moins avancés économiquement. Les faire bénéficier d'une intégration "sous-régionale", c'est aussi accélérer l'intégration de toute l'Asie du Sud-Est.
A cet égard, le rôle de la Thaïlande est bien sûr essentiel, le Royaume étant de fait le moteur économique de la zone Grand-Mékong : il est déjà le premier fournisseur du Laos et de la Birmanie, le deuxième fournisseur du Cambodge et le cinquième du Vietnam. L'existence en Thaïlande d'un tissu d'entreprises (dont certaines de grande envergure) et l'implantation ancienne de nombreuses filiales de grandes multinationales (dont la zone de compétence englobe d'ailleurs souvent les autres pays de la sous-région) confèrent naturellement à la Thaïlande cette place de meneur.
Quel rôle la France peut-elle jouer pour soutenir cette dynamique régionale ? Avant tout, nous entendons rappeler que ces projets économiques prometteurs ne sauraient faire passer au second plan nos décisions politiques. L'implication de la France dans la sous-région du Mékong ne remet donc pas en cause son adhésion à la position de la communauté internationale vis-à-vis de la Birmanie.
D'un point de vue économique, nos relations sont évidemment anciennes avec les pays de la région, qu'il s'agisse de la péninsule indochinoise ou de la Thaïlande. Elles ont été renforcées par une coopération active dans de nombreux domaines : la France a ainsi dépensé un milliard d'euros dans la sous-région du Grand-Mékong depuis 1990, ce qui en fait le deuxième donateur bilatéral après le Japon.
D'ores et déjà, la France a mobilisé ses programmes de coopération franco-thaïs et ceux menés dans le cadre de l'Institut asiatique de Technologie pour des actions conjointes de formation et de recherche-développement en faveur des pays du Grand Mékong. Ces actions concernent les domaines des sciences de l'ingénieur, de l'innovation technologique, de la formation professionnelle, du droit et de l'urbanisme.
Forts de cette coopération étroite et ancienne, nous avons donc identifié des sujets prioritaires de façon à en débattre avec la Banque asiatique de Développement et à examiner, ensemble, comment inscrire efficacement l'action de la France dans des programmes à vocation régionale. Nous avons eu des contacts en ce sens lors de la réunion interministérielle des pays de la sous-région du Grand-Mékong qui s'est déroulée à Phnom-Penh les 23 et 24 septembre derniers.
Parmi ces projets, les entreprises françaises sont déjà bien positionnées dans les secteurs d'activités définis comme prioritaires pour la sous-région :
- le transport et les infrastructures avec Colas, Bouygues, TSO, Alstom, Cogifer, la SNCF, Railtech, Air France, Thales ;
- l'énergie avec TotalFinaElf, EDF, Schneider Electric, Suez ;
- les télécommunications avec France Télécom, Orange, Alcatel, Sofrecom ;
- l'environnement avec Vivendi, Suez, Spot Image ;
- le tourisme avec Air France, Accor, Club Med, Pansea ;
- les ressources humaines avec l'Asian Institute of Technology (AIT) et le Centre d'innovation franco-thaï (CIFT).
Leur connaissance du marché local rend indispensables leur implication et leur collaboration dans le développement des projets retenus.
Comme je l'ai rappelé précédemment, beaucoup d'entre elles sont déjà sensibilisées à cette problématique régionale puisqu'elles dirigent généralement, depuis la Thaïlande, leurs activités dans les pays voisins. Elles savent donc que la consolidation des liens économiques de la région exige un important travail d'harmonisation du cadre des affaires entre ces différents pays. La coopération institutionnelle de la France est déjà très axée sur ce domaine et notamment sur la mise à niveau des dispositifs de protection de la propriété intellectuelle.
A ce stade, il est encore trop tôt pour déterminer précisément quels sont les secteurs qui offriront les meilleurs débouchés. Je retiens cependant deux domaines qui paraissent présenter des perspectives intéressantes pour les pays de la région et pour nos entreprises :
- les infrastructures ferroviaires. Notre industrie dans ce domaine et nos sociétés de services disposent déjà d'excellentes références dans la région et nous avons noté l'attachement de la Thaïlande à la réalisation d'une ligne ferroviaire qui la relierait au Cambodge et au Vietnam. Le caractère prioritaire de ce projet a d'ailleurs été rappelé lors de la Conférence des directeurs des chemins de fer de l'ASEAN qui s'est tenue à Bangkok les 28, 29 et 30 octobre derniers.
Plusieurs projets dans des domaines de haute-technologie semblent aussi prometteurs. Il y a d'abord le vaste programme d'interconnexion et de mise à niveau des réseaux de télécommunications nationaux. Il y a aussi les applications des technologies spatiales. La France et la Thaïlande sont déjà engagées dans un programme de coopération dans ce domaine et plusieurs projets d'exploitation des données spatiales à l'échelon régional sont en cours d'examen, notamment dans le cadre de la lutte contre les cultures de produits illicites et la prévention des risques naturels.
En conclusion, des avancées concrètes qui permettront de déterminer précisément les modalités de l'engagement de la France dans la sous-région du Grand-Mékong devraient intervenir dans les mois qui viennent. Je compte sur la collaboration exemplaire des différents services de l'ambassade avec la communauté d'affaires française présente sur place pour nous aider dans ce projet.
A ce titre, je me réjouis de la création d'un groupe de travail "Grand-Mékong" au sein de la section locale des conseillers du commerce extérieur et vous rappelle qu'un réseau du même nom existe depuis plusieurs mois au sein de l'administration française, qui met en contact permanent le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ainsi que les ambassades de France des six pays concernés.
J'ajouterai enfin qu'une réunion de haut niveau se tiendra sur le thème du Grand-Mékong, le 6 mars 2003, à l'initiative du Club des hommes d'affaires franco-thaïs, à laquelle participeront des chefs d'entreprises.
Je vous encourage donc à organiser un échange systématique d'informations à ce sujet et à exploiter au mieux les synergies qui existent entre la communauté d'affaires et nos représentations officielles.
Voilà, Monsieur le vice-Ministre, Messieurs les Présidents, le message que je voulais vous faire passer sur le fond comme sur la forme. Nous sommes sereins et déterminés. Je crois que nous avons une politique internationale juste et équilibrée et que la France, à travers le monde, tient compte de ses compatriotes, de ses entreprises, défend son étendard dont elle est si fière.
Merci pour votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2002)
(Point de presse à Bangkok, le 22 novembre 2002) :
Merci à vous tous et à vous toutes d'être ici présents à la résidence de France. Je tiens tout particulièrement à saluer Monsieur l'Ambassadeur, qui est ici à mes cotés, car il a remarquablement organisé ma visite en Thaïlande.
En tant que secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, je dirige une délégation composée de diplomates du Quai d'Orsay, et qui comprend également M. Lamy, député à l'Assemblée nationale et président du Groupe d'amitié France-Thaïlande.
Nous repartons ce soir pour Paris, à l'issue d'une tournée d'une semaine en Asie du Sud-Est qui nous a permis de rencontrer les Premiers ministres de Singapour, de Malaisie et de Thaïlande.
J'ai été mandaté par le gouvernement français pour apporter un message très clair aux responsables politiques de ces trois pays. C'est un message bâti autour de la crédibilité et de la confiance. Nous avons confiance dans l'économie, nous avons confiance dans les responsables politiques, nous avons confiance dans l'avenir de ces pays. Pour nous, l'Asie du Sud-Est est un territoire stratégique : stratégique pour l'organisation de la lutte contre le terrorisme, stratégique dans le cadre du développement économique de cette partie du monde.
Hier, j'ai été reçu par le Premier ministre thaïlandais. Cet entretien a très clairement montré que de nombreux points d'accord existaient entre nos deux pays : sur la vision stratégique du développement de la Thaïlande - c'est le pays qui a la plus forte croissance économique cette année - sur l'organisation politique et le développement économique de l'ASEAN ; sur les projets régionaux dans la région du Grand-Mékong ; sur la nécessité de développer nos relations bilatérales et de faciliter la tâche de l'ASEAN dans le cadre de nos relations avec l'Union européenne.
J'ai eu la possibilité de remettre au Premier ministre une lettre d'invitation du Premier ministre français, M. Jean-Pierre Raffarin, pour une visite en France. Je peux vous annoncer dès à présent que M. Thaksin Shinawatra a accepté et qu'il se rendra vraisemblablement en France début mars 2003.
Nous avons défini, ensemble, une méthode de travail de façon à ce que nos ambassades, nos services, nos ministres, puissent travailler pour l'amélioration de nos relations bilatérales dans des domaines précis et que, au-delà des déplacements, nous puissions parvenir à des accords concrets lors de la venue du Premier ministre en France :
- rapprochement politique : M. Lamy a rencontré le président de la Chambre des représentants, M. Uthai Pimchaichon et le Président du groupe d'amitié France-Thaïlande, M. Rawang Nedphokeaew. Ils ont décidé d'étudier, ensemble, les moyens de multiplier les relations entres les deux Parlements. Le Sénat est également concerné puisque nous avons rencontré, hier, un Sénateur, M. Kraisak Choonavan, qui souhaite développer les relations avec le Sénat français.
- dans le domaine de la formation : nous avons Asian Institute of Technology (AIT) ici qui forme 700 étudiants, en partenariat avec un grand nombre d'universités françaises, dont l'Université de Lyon. Nous pouvons multiplier ces échanges, par le biais de bourses, notamment au niveau des 3ème cycle.
- culturel : le Ballet national de Marseille a présenté "Giselle" à Bangkok cette année ; les musées de Bordeaux, de Marseille sont également venus faire des expositions. Il faut voir comment nous pouvons accroître ce genre d'opérations.
- la construction d'un nouveau Lycée français à Bangkok représente également une voie possible d'accélération des échanges ;
- sur le plan économique, nous sommes le 16ème partenaire commercial de la Thaïlande alors que nous sommes le 5ème investisseur. Ceci est largement insuffisant. Nous avons ciblé des secteurs importants tels que les transports et les infrastructures, l'énergie, les télécommunications, l'environnement, le tourisme, et bien entendu l'aérospatial. Nous avons décidé, avec la Chambre de Commerce franco-thaïe, de travailler sur les projets dans la région du Grand-Mékong et des groupes de travail ont été mis en place ici à l'ambassade, et à Paris, qui regroupent notamment les six ambassadeurs des pays concernés afin de développer ensemble cette région.
- Enfin, nous avons bien entendu abordé la situation internationale. Concernant la question iraquienne, le Premier ministre M. Thaksin a félicité la France, et plus particulièrement le président Jacques Chirac, pour la position française au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous sommes parfaitement en phase sur le refus d'une décision unilatérale et automatique du recours à la force contre l'Iraq.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, nous sommes convenus d'améliorer nos capacités d'échanges d'informations qui nous permettront de mieux connaître les réseaux et de lutter contre la mondialisation du terrorisme. Ceci concorde avec les contacts que j'ai eus avec le Dr Mahathir à Kuala Lumpur. Le Centre régional de lutte contre le terrorisme, mis en place par les Américains en Malaisie, et auquel la France participera, permettra d'accroître la coopération régionale dans ce domaine.
Ces deux jours en Thaïlande furent intenses. Dès mon retour, je rendrai compte de tous ces éléments au président de la République, M. Chirac, au Premier ministre et au ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin. Nous avons renoué des liens historiques puisque tri-centenaires mais qui avaient été un peu distendus par manque de temps, peut-être, ou de disponibilité.
Q - En ce qui concerne les relations bilatérales, quels sont les accords qui seront signés lors de la visite du Premier ministre en France l'année prochaine ?
R - Nous avons mis en place, avec le Premier ministre, une méthode de travail qui consiste à lever, dans chacun de nos pays, toutes les difficultés qui font actuellement obstacle aux échanges entre nos deux pays.
Dans chacun des domaines que je vous ai cités, il y a un grand nombre de projets. Tous ne seront pas signés mais dans le domaine économique par exemple on peut citer les satellites, les projets Airbus, la proposition d'Air France de faire entrer la compagnie Thaï Airways dans l'alliance Skyteam. Il y a également la demande des chefs de petites entreprises françaises concernant la possibilité de pouvoir s'installer plus facilement dans ce pays. Il y a toute une série de questions, grandes et petites, qui méritent d'être traitées.
Des discussions importantes doivent avoir lieu à Bruxelles fin janvier entre l'Union européenne et l'ASEAN sur le principe du libre-échange. Parallèlement, le problème des taxes très élevées sur les spiritueux, qui concerne particulièrement la France, demeure sans véritable raison d'être.
Le développement des échanges touristiques et, plus généralement, tout ce qui concerne la multiplication des contacts, de l'échange d'informations, notamment dans la lutte contre le terrorisme, doit être envisagé. On ne réglera pas tout cela en six mois, mais je crois qu'une nouvelle phase dans le cadre de notre partenariat bilatéral vient de s'ouvrir. Aujourd'hui, c'est un moment important.
Q - En ce qui concerne les risques de terrorisme international, beaucoup de pays européens déconseillent à leurs citoyens de visiter la région du Sud-Est asiatique . Quelle est la position de la France sur ce sujet ?
R - Nous appelons cela, sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères, les "Conseils aux voyageurs". Si, dans les différents entretiens que j'ai eus, les responsables politiques et membres du gouvernement thaïlandais, ont fait référence à des messages émis par d'autres pays européens, ils n'ont jamais soulevé quoi que ce soit concernant la France. Nous avons dit ce qu'il fallait au moment où il le fallait et nous avons réagi avec justesse et équité.
La Thaïlande est une destination touristique pour 200.000 à 300.000 Français tous les ans. Nous souhaitons que ces chiffres augmentent, et ceci, en toute sécurité.
Q - Toujours sur le terrorisme, d'après vos entretiens avec les dirigeants de Singapour, de Malaisie et de Thaïlande, à part l'échange d'informations, y a-t-il des projets de collaboration ?
R - D'abord, il faut que vous vous rendiez compte de l'importance des échanges d'informations entre nos pays. Je suis de Marseille. Marseille a environ un million d'habitants dont 130.000 personnes d'origine Nord-africaine, de confession musulmane. Il faut, d'une part, faire la différence entre les musulmans, les intégristes et les terroristes. Ne jamais faire d'amalgame en ce qui concerne la religion. Dans le même temps, il faut essayer de comprendre pourquoi quelqu'un qui vient d'une de nos cités est susceptible d'aller à Londres, de passer par l'Allemagne, d'aller en Malaisie ou en Indonésie et de se retrouver par une formation en Afghanistan pour se suicider ensuite dans les tours jumelles du World Trade Center. Ce mécanisme là doit être démonté au niveau international et les informations que nous échangeons sont fondamentales.
Mais au-delà de la compréhension du mécanisme, il est indispensable de mettre en place des outils dans chacun des pays concernés en fonction de leur culture, de leur histoire, de leur fonctionnement politique, parce que nous sommes tous différents. Mais le principe est toujours le même : nous devons lutter tous ensemble pour détruire ce mal qui nous ronge. Ce qui veut dire que les services de police et les services de renseignement doivent travailler ensemble, et que le Centre régional contre le terrorisme, qui doit être installé à Kuala Lumpur est important dans le cadre des informations croisées. Et j'ai senti un engagement très fort de la part des différents responsables politiques que j'ai rencontrés durant cette semaine.
Q - Ce Centre de travail qu'on va créer à Kuala Lumpur, ça se passe comment ?
R - C'est un Centre régional de lutte contre le terrorisme mis en place par les Américains avec le soutien du gouvernement malaisien et les différents pays qui participent.
Q - Vous avez dit que la Thaïlande est le point stratégique contre le terrorisme ?
R - Non, non je n'ai pas du tout dit cela. La Thaïlande, à nos yeux, comme Singapour et la Malaisie, sont les trois piliers fondamentaux pour l'organisation de l'ASEAN.
Q - En ce qui concerne les projets dans la région du Mékong, quelle est la position de la France ?
R - La sous-région du Grand-Mékong comprend cinq pays : Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Laos et Birmanie, et la province du Yunnan en Chine. La Thaïlande est un moteur économique de la zone parce que c'est le premier fournisseur du Laos et de la Birmanie, le deuxième du Cambodge, le cinquième du Vietnam. L'implication de la France dans la région c'est bien entendu la connaissance du marché local, son histoire, son passé, son devenir, ses relations. Nous avons par conséquent ciblé certains projets dont je vous ai parlé tout à l'heure qui sont susceptibles d'être mis en place et qui sont très importants.
Un groupe de travail "Grand-Mékong" a été créé au sein de la section des conseillers du Commerce extérieur à Bangkok. Il existe, depuis plusieurs mois, au sein de l'administration française, un contact permanent entre le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, ainsi que les ambassades de France des 6 pays concernés.
Le 6 mars 2003, à l'initiative du Club des hommes d'affaires franco-thaïs, il y aura une réunion de haut niveau sur le thème du "Grand-Mékong".
Q - En ce qui concerne les relations bilatérales économiques, il est vrai que la France essaie de faire diminuer les taxes sur les vins par exemple et la Thaïlande, parallèlement, demande à la France, qui est un peu à la tête de l'Union européenne, d'agir en ce qui concerne les barrières tarifaires sur les crevettes. Concernant ces 2 produits, y a-t-il des avancées ?
R - Le problème des crevettes et des poulets est pratiquement réglé. Nous avions un problème de sécurité alimentaire sanitaire car les contrôles réalisés sur ces produits avaient montré qu'ils ne pouvaient être consommés. Nous pensons aujourd'hui que le problème a été traité en Thaïlande de façon satisfaisante et que les crevettes et les poulets pourront entrer dans les pays de l'Union européenne s'ils présentent les critères sanitaires requis.
Les questions que vous évoquez sont en fait différentes. D'un côté, il y a nos produits qui sont taxés et de l'autre côté il y a des produits que ne pouvaient pas être consommés à cause des risques qu'ils présentaient pour la santé des consommateurs. Aujourd'hui, vous êtes en train de régler ce problème, les produits sont revendus sur le marché français.
Merci beaucoup.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2002)