Texte intégral
Mes chers amis radicaux,
S'il me fallait choisir un mot pour exprimer la foule des impressions que m'inspire notre Congrès, je dirais tout d'abord : gratitude.
Gratitude pour vous, délégués de toutes nos fédérations, qui montrez par votre seule présence en ces deux journées qu'il existe heureusement et quoi qu'on en dise, encore beaucoup de citoyens disponibles pour les grandes aventures collectives et pour le militantisme politique. Rien n'est beau comme l'assemblée des femmes et des hommes libres et responsables qui forment notre Congrès. Merci à vous.
Gratitude pour tous ceux, responsables nationaux, permanents du parti, dirigeants et militants de notre fédération de Haute-Garonne -et avec eux des fédérations du Grand sud ouest- qui ont su préparer et encadrer jusque dans le moindre détail un Congrès parfaitement réussi. C'est une fierté pour tous les radicaux de Toulouse et de notre Midi républicain de vous avoir accueillis. Merci à eux.
Gratitude encore pour les très nombreux radicaux, militants isolés ou regroupés, dirigeants nationaux ou fédéraux, parlementaires ou élus locaux, qui ont enrichi le contenu politique de notre Congrès par leurs contributions et motions préparatoires et par leurs interventions de qualité depuis hier matin. Ce grain fécond germera et produira, soyez en certains. Merci à tous.
Gratitude personnelle enfin puisque ce Congrès a permis l'officialisation et la ratification de votre vote massif et dépourvu de toute ambiguïté quant au choix de votre Président . Je vous en remercie très sincèrement dans la mesure où il s'agit, bien sûr, d'une marque de confiance, d'estime personnelle et -permettez-moi de le penser- d'amitié. Mais je vous remercie surtout parce que vous avez voulu, alors que nous sommes le premier parti de gauche à tenir notre Congrès depuis la catastrophe des présidentielles et la défaite des législatives et alors même que tous nos partenaires sont secoués, parfois même ballottés, par des crises de légitimité, oui vous avez voulu montrer votre souci premier, qui est aussi le mien, vous le savez : celui de l'unité du parti. Ne vous y trompez pas, notre unité sera notre force dans la période qui s'ouvre et nous en aurons grand besoin. Merci donc à vous tous pour l'amitié et pour l'unité.
Je ne m'appesantirai pas sur le bilan de ma présidence passée. Des fédérations actives, une administration efficace, des finances saines, une communication interne régulière et améliorée par son Internet, notre parti fonctionne bien et je vous en félicite. Au plan politique, nous avons eu la satisfaction -toute relative, j'en conviens- de passer mieux que nos partenaires les échéances électorales décisives qui nous attendaient au printemps dernier. J'en félicite aussi tous nos élus et tous nos candidats qui ont su, par leur talent personnel et par leur résistance de terrain, contribuer à endiguer la déferlante de droite et l'inondation d'extrême-droite et bien naturellement j'ai devant vous une pensée pour ceux qui ont connu un sort contraire.
Nous avons eu aussi la satisfaction, moins visible mais beaucoup plus importante qu'il n'y paraît, de constater en ce début de millénaire confus que la gauche ne pourrait plus, à l'avenir, dans notre pays ni dans les autres pays européens, se contenter des idéologies qui l'avaient jusque là nourrie et qui s'enracinaient toutes, plus ou moins, de très près ou de très loin, dans le postulat de la supériorité qu'aurait la collectivité sur les individus. Cet échec est, à bien des égards, prometteur : c'est à la gauche de l'individu libre, responsable et solidaire, qu'il appartient désormais de relever, dans la réflexion et dans l'action, les défis de l'époque. J'y reviendrai.
Notre bilan est plus qu'honorable ; il est bon. Et je n'oublierai certes pas d'y intégrer la contribution que les radicaux ont apportée, au Parlement comme au Gouvernement, aux progrès décisifs que l'ancienne majorité a portés. A cette action exemplaire, je suis persuadé que l'avenir rendra meilleure justice mais vous me permettrez d'ores et déjà, même et justement si ce n'est plus la mode, d'adresser ici, en votre nom, l'hommage des radicaux à Lionel Jospin. Lorsque le scrupule, l'honnêteté, la rigueur, le refus de la politique-spectacle deviennent, par le malheur des temps des handicaps électoraux, c'est bien la preuve que notre pays souffre d'une grave corruption de l'esprit public dont l'élection présidentielle a constitué une éclatante et déplorable manifestation. Merci donc à Lionel Jospin.
Mais si je suis, tout bien pesé, fier de notre bilan, je ne pense pas pour autant que tout ait été parfait et c'est pourquoi je veux surtout vous parler de l'avenir, de ces deux années pour lesquelles votre confiance m'a placé, une fois de plus, à la tête du Parti Radical de Gauche.
Précisément, c'est d'abord de notre parti et de la nécessaire amélioration de son action que je veux maintenant vous entretenir.
A propos du P.R.G., je veux placer la période à venir sous l'éclairage de quatre mots-clés, mots lourds de sens pour l'avenir et synonymes d'autant d'efforts collectifs : unité, collégialité, responsabilité, inventivité.
Je ne le dirai jamais assez, l'unité des radicaux restera mon objectif premier mais vous en êtes déjà persuadés.
Dans les partis, comme dans tous les groupes humains, la collégialité est désormais indispensable. Elle est, en termes d'organisation, la traduction de l'immense besoin de participation qu'expriment nos concitoyens. Si légitime qu'elle soit l'autorité ne peut suffire à diriger une organisation comme la nôtre si elle n'est aussitôt partagée, déléguée et surtout exercée collégialement.
J'entends dire, de temps à autre et comme une critique amicale, que j'aurais, pour ma part, une pratique autoritaire. J'accepte volontiers une partie de cette critique puisqu'en effet lorsqu'il s'agit de décider je le fais sans faiblesse. Mais je vous renvoie l'autre partie du reproche en vous demandant si les responsabilités qui sont sollicitées, parfois réclamées par les uns et les autres sont toujours pleinement assumées. Elles ne le sont pas et je veux que cette situation cesse. Lors de la mise en place des nouvelles instances, je ne veux pas distribuer des cartes de visite mais des responsabilités effectives. Sous l'autorité de notre Secrétaire Général et de notre trésorier -et je veux souligner ici le remarquable travail effectué par Elisabeth Boyer et Jean-Bernard Bros- le Secrétariat National doit redevenir l'organe d'exécution effective de toutes les décisions de nos instances politiques : Congrès, Comité Directeur, Bureau National.
Je vous proposerai donc une distribution des responsabilités exécutives selon un découpage correspondant aux grandes fonctions d'un parti moderne : administration générale, trésorerie, élections, études, relations extérieures, communication, action européenne. Et les secrétaires nationaux seront proposés à la nomination de notre Comité Directeur en fonction des projets précis qu'ils m'auront présentés.
Le découpage thématique qui doit permettre l'incessante élaboration programmatique est une autre affaire et je souhaite conserver une organisation qui a fait ses preuves avec autant de délégués que de secteurs verticaux pour l'action publique regroupés, au sein de l'Atelier, sous l'autorité intelligente et stimulante de Gérard Delfau et de Thierry Jeantet.
Enfin, il nous faudra retrouver les moyens d'un travail idéologique démontrant l'absolue modernité du radicalisme. J'ai demandé à Jean-François Hory, qui l'a accepté, de relever notre ancien Institut d'Etudes radicales que certains radicaux avaient déserté. Il le fera avec l'ambition que vous lui connaissez, celle d'instituer une grande Fondation Gambetta qui sera tout à la fois le conservatoire des anciennes et grandes idées radicales mais aussi l'observatoire des plus importantes des polémiques actuelles et le laboratoire où le radicalisme s'attachera à la prospective sociale. Nous en reparlerons très bientôt mais je veux vous demander pour aujourd'hui de saluer comme il se doit le retour de Jean-François au meilleur niveau de la réflexion de notre parti.
En évoquant la future Fondation Gambetta j'ai déjà commencé à explorer le dernier thème interne celui de l'inventivité puisqu'elle aura pour mission d'organiser aussi des échanges avec l'extérieur, des lieux de confrontation d'idées et de projets.
Mais mon ambition est beaucoup plus vaste. Je veux prendre au pied de la lettre le mot d'ordre de rénovation et d'innovation qui a été lancé avec force par des millions de citoyens après le 21 avril. Il nous faut changer, innover en effet, aller là où nous ne sommes pas attendus, répondre à des demandes qui ne sont pas entendues, modifier profondément notre comportement pour l'adapter à une urgence sociale qui se transformera en désespoir si nous ne savons pas la voir.
Les institutions de la gauche tout en répétant qu'elles ont bien compris le message que leur envoyait le pays sont retombées tout aussitôt dans les ornières qui les ont pourtant conduites à la catastrophe électorale. Les radicaux eux-mêmes ne sont pas à l'abri de la critique.
Je suis capable de noter, dans le regard de nos partenaires, dans le regard de nos adversaires, sans parler de celui des journalistes, qu'ils ne voient pas le Parti Radical de Gauche comme le lieu privilégié de la rénovation. Eh bien, nous allons les détromper ! En leur rappelant qu'en 1969 lorsque la gauche s'était déjà trouvée dans une situation similaire nul n'escomptait que la rénovation politique viendrait de la SFIO. Et pourtant deux ans plus tard les espoirs de la gauche et les espérances de la France s'enracinaient là précisément et pour trente ans. Devant nous sont des temps nouveaux et l'on pourra compter sur les radicaux.
La réponse la plus forte que nous puissions apporter à ce puissant besoin de rénovation de la pensée et de l'action nous avons commencé à la livrer lors de l'élection présidentielle avec Christiane Taubira. " Somptueuse audace " nous disait Christiane lorsque vous l'avez désignée.
Elle disait implicitement toutes les difficultés de l'entreprise, toutes les embûches du parcours, toutes les hostilités qu'il nous faudrait affronter. Et nous les avons rencontrées parfois même à l'intérieur de notre parti. Et nous les avons surmontées.
Car elle disait aussi, en deux mots puissants, tous les espoirs que nous pouvions faire lever, toute l'originalité de notre démarche commune, tout le potentiel qu'elle renfermait et tous les espaces abandonnés que la politique pourrait ainsi réoccuper. Et ce pari nous l'avons gagné.
Nous aurions pu faire beaucoup plus si les médias nous avaient manifesté le dixième de la complaisance qu'ils montraient pour certains. Mais à la fin, chacun a pu voir que le mariage entre la tradition radicale la plus ancienne et la modernité républicaine et humaniste portée par notre candidate était capable de rendre compte d'aspirations civiques jusque là ignorées ou méprisées.
Présentée comme une candidate ethnique, elle a fait entendre la voix de la République à une France désormais plurielle. Présentée comme une manifestation de communautarisme, elle a réclamé les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous à l'égard de la loi. Caricaturée en candidate marginale, elle a imposé dans le débat nos thèmes de campagne. Brocardée comme une tenante de l'identitarisme elle a su démontrer que notre conception de l'universalisme s'enrichissait -plutôt que de s'en effrayer- de la multitude des identités, des cultures, des territoires sous l'éclairage d'une laïcité exigeante. Bravo, Christiane, tu as fait une campagne magnifique et nous avons été fiers de la faire avec toi.
Mais ce que tu as présenté, par anticipation lors de notre Convention du 29 juin, comme des "épousailles" n'était encore que fiançailles.
Aujourd'hui le pas est franchi. Tu as deviné l'attente de tous nos militants. Tu les as vus sur le terrain et tu as éprouvé leur confiance. Tu as su qu'ils se reconnaissaient dans ton visage - pour eux le plus inattendu - dans ton discours pour eux le plus lyrique et le plus imprévu - mais surtout dans tes idées comme s'ils t'avaient toujours connue.
Et tu l'as dit. Tu es des nôtres. Et je suis très fier, là encore, d'être celui qui t'accueille dans ce parti qui est désormais le tien pour de nouvelles, de grandes et de très belles aventures.
J'aurais voulu -hommage à ton immense talent, à ton verbe vibrant, à tes discours envoûtants- te demander de devenir notre porte-parole. Tes scrupules que je respecte t'ont empêchée d'accepter, peu sûre que tu étais d'avoir assez d'ancienneté parmi nous pour exprimer la pensée radicale.
Eh bien, je te le dis, tu porteras quand même notre parole autant que tu le voudras. Mais tu feras beaucoup plus. Tu débroussailleras les terrains que notre démocratie a laissés en jachère, tu iras à la rencontre de ces catégories entières de Français que les pouvoirs ont oubliés, tu iras porter le message de la fraternité là où elle est chaque jour mise en échec, tu proposeras, comme tu l'as écrit, d'entrer en République à tous ceux qui avaient fini par en désespérer.
Je te propose, Christiane, d'être notre première Vice-présidente chargée de l'innovation politique et de l'intégration civique et je demande au Congrès de te confier cette mission par acclamation.
Mais nous savons -et tu nous l'as dit- que, si tu es aujourd'hui radicale, tu as d'autres qualités aussi. Tu es un des visages que le public donne à la rénovation politique, tu incarnes les espoirs de citoyens délaissés, tu sais parler de justice à ceux qui éprouvent les plus terribles injustices de la société. Ton identité, ton parcours personnel, ta sensibilité te font vibrer au souvenir perpétué de l'esclavage et des violences coloniales.
Il n'est pas de ta volonté et il ne serait pas de notre intérêt d'enfermer ce potentiel, cette richesse politique dans les strictes limites de l'action radicale traditionnelle. Tu veux sauvegarder ta liberté et, d'ailleurs, qui serait capable d'emprisonner une telle liberté ?
Je veux au contraire t'encourager à l'utiliser. D'abord en te rappelant que ta capacité à fédérer des citoyens d'horizons divers nous sera extrêmement utile dès notre prochain grand rendez-vous électoral national : les élections européennes dans moins de deux ans. Pour cette échéance les radicaux devront rassembler des militants de l'Europe politique et des citoyens venus de plusieurs horizons. Tu peux organiser ce rassemblement. J'ai d'ores et déjà demandé à Catherine Lalumière et à Claude Brunet-Lechenault de te prêter la main forte de deux réseaux, l'un européen, l'autre national pour relever ce défi. Je remercie nos amis radicaux italiens et radicaux du parti transnational d'être venus ici pour nous dire par les voix de Gianfranco Dell'Alba et d'Olivier Dupuis qu'ils partageaient ces objectifs et qu'ils y travailleraient avec nous. Avec l'aide de tous les radicaux qui ont ta confiance personnelle, Bernard Castagnède dont je salue le travail qu'il a fait auprès de toi, et tous les autres aussi, tu peux demain doubler, tripler, ton capital de la présidentielleEt qui sait ? Soyez certains mes amis qu'on parlera des radicaux lors des européennes, je vous le promets.
Encore ne s'agit-il que d'un rassemblement proposé par les radicaux. Mais tu dois aussi, Christiane, développer d'autres initiatives. Tu restes membre de ton parti guyanais " Walwari " et je proposerai au P.R.G de passer avec lui un contrat d'association, gage d'un partenariat équilibré et respectueux. Tu as aussi créé, à Paris, une association " L'Eventail " pour fédérer tous ceux, radicaux ou non radicaux, qui se reconnaissent dans ton slogan de République fraternelle. Là encore, je souhaite que tu poursuives cet effort qui est utile à notre vie publique.
Je vais plus loin. En dehors de Christiane Taubira, mais souvent à côté d'elle et avec elle, je vois se lever des initiatives portées par de jeunes et ardents responsables politiques qui ne se résignent pas plus que nous à voir le puissant appel à la rénovation se figer en vagues incantations ou en figures rhétoriques manipulées par tous les archaïsmes. Ainsi d'Arnaud Montebourg et de sa Convention pour la VIè République. Ainsi de Christian Paul et de son cercle Galilée. A l'égard de ces initiatives nous avons deux attitudes possibles. Nous pourrions revendiquer une sorte d'antériorité qu'il s'agisse de la réforme institutionnelle pour le premier ou de l'humanisme encadrant enfin l'économie et la mondialisation pour le second ; nous pourrions nous lamenter que les idées originellement radicales soient utilisées par d'autres. Ce serait ridicule et vain ; je veux, tout au contraire, que nous encouragions ces initiatives, que les radicaux individuellement y participent et qu'ils aident à la convergence des innovations politiques car, c'est là, n'en doutez pas que les Français nous attendent : serons-nous capables de transformer le désarroi du 21 avril en une vraie prise de conscience et en un véritable projet de rénovation de la gauche ?
Lorsque nous aurons démontré, avec Christiane et avec vous tous, la capacité des radicaux à participer à ce puissant mouvement, il nous restera à faire ce que l'opposition de gauche a le double devoir de faire : nous opposer à la droite et nous rassembler, nous la gauche.
Et d'abord, nous opposer fermement en gardant à l'esprit que le temps politique n'est jamais tout à fait celui des calendriers, qu'il peut connaître des ruptures imprévues et des accélérations brutales.
Ne nous installons donc pas, pour cinq ans, dans la quiète opposition que nous dicterait notre lassitude résignée à l'euphorie impudique de M. Chirac et au style patelin et bonasse de son Premier Ministre, modeste autoproclamé.
Ils essaient d'accréditer les figures improbables d'un Don Quichotte tout pétri de grands idéaux le voici désormais en super-écolo allant, de château en château, rompre des lances contre tous les moulins à vent et d'un Sancho Pansa, pragmatique et réaliste, tout en rondeur campagnarde rappelant son maître aux préoccupations prosaïques de la France d'en bas.
Ce couple caricatural n'est pas la réalité du pouvoir actuel. Quand à Jacques Chirac, son euphorie du moment provient de son soulagement étonné. Il peut encore jouir pour cinq ans de son impunité. Il n'en revient pas. Je n'oublie pas, pour ma part, que les manquements personnels de M. Chirac à la morale publique ont mécaniquement fait monter, sur le thème du " tous pourris " le score de M. Le Pen et que, par un paradoxe honteux, M. Chirac a encaissé la prime électorale de ses propres turpitudes en devenant -peut-il en être fier ?- le pis-aller de tous les républicains. Il a raison d'abandonner aujourd'hui la référence au gaullisme car à De Gaulle, que nous avons toujours combattu, nous avons toujours reconnu une vision élevée de la politique et de son éthique.
Quant à M. Raffarin, on a vu rapidement, dans l'affaire du SMIC, son intérêt pour les gens d'en bas ; mais pour les réformes fiscales on peut voir qu'il s'intéresse plutôt aux revenus du haut de la France d'en bas. Il prétend relancer la décentralisation et nous sommes décentralisateurs autant et plus que lui, mais nous ne voulons pas d'une décentralisation où les ducs et les comtes de la pseudo France d'en bas viendraient simplement remplacer les petits marquis sévissant à Paris. Monsieur Raffarin n'a qu'un truc : la communication. Il a des formules et des mines pour toutes les situations. Seule pour lui importe l'image. A-t-il, avec Madame Alliot-Marie, une ministre désuvrée parce qu'on lui a retiré le R.P.R et la gendarmerie ? Il l'envoie faire, à nos frais et sous les caméras de télévision, son baptême de l'air en avion à réaction de la Patrouille de France Dans une telle gesticulation, un seul mot a un sens : réaction. Et s'il faut vous en convaincre il vous suffira d'observer M. Sarkozy tout occupé, sous l'il des caméras lui aussi, à faire régresser d'un siècle toutes nos libertés publiques et à désigner des catégories entières de la population -enfants absents, parents défaillants, mendiants, mineurs délinquants, gens du voyage, pauvres en un mot- à la réprobation des conformismes bien-pensants et à la répression d'un législateur plus réactionnaire qu'il ne l'a jamais été. M. Sarkozy veut nous ficher, nous fliquer, nous espionner. A-t-on jamais vu une réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale préparée par le Ministre de l'Intérieur sans même que le Ministre de la Justice élève la moindre protestation ? Mais puisque M. Sarkozy veut traquer le criminel comme autrefois son ancien mentor voulait " terroriser les terroristes ", j'ai un conseil à lui donner : plutôt que de chercher les délinquants à l'école primaire, il ferait mieux de les chercher dans l'ancien R.P.R.
La réaction, qu'il nous faut combattre vigoureusement, a désormais un outil, l'U.M.P. On nous dit à droite qu'on a bien entendu l'immense clameur des aspirations populaires. Foi de quoi, on fabrique l'U.M.P. qui doit mettre en orbite présidentielle M. Juppé. On croit rêver. Mais peut-être le deuxième rêve de M. Juppé sera-t-il brisé comme l'a été, en 1997, le premier. Il se dit ces jours-ci que M. Chirac, ministre de Pompidou en 1967 pourrait être à nouveau candidat en 2007. Certains en sourient ; d'autres en rient franchement. N'en riez pas. Au cur des tensions internationales les plus vives, face à une problématique européenne de plus en plus complexe, devant des revendications sociales montant jour après jour, la fonction présidentielle de M. Chirac ne lui sert plus que de rempart.
Et le plus sûr moyen pour la gauche de combattre et, à la fin, de vaincre cette droite-là n'est pas d'attendre une alternance mécanique que rien n'annonce aujourd'hui. Le plus sûr moyen, c'est le rassemblement.
Je sais qu'il en coûte à nos vieilles maisons, à nos vénérables traditions, à notre indépendance farouche, à l'idée que nous cultivons de notre diversité et, plus encore chez les radicaux, à la fierté légitime que nous avons de notre identité, mais le chemin est là : tout nous impose le rassemblement.
Les institutions nous y condamnent avant même leur aggravation par les modes de scrutin qu'on nous promet, les simplifications audiovisuelles nous l'imposent quelles que soient nos réticences à la médiatisation de la vie publique, mais surtout les citoyens l'attendent qui veulent qu'on revienne à l'opposition claire et lisible entre les projets dictés par l'ordre et ceux qui sont inspirés par le progrès. Il y a, je le sais, mille arguments à opposer au rassemblement. Mais en politique, comme ailleurs, on peut avoir de bonnes raisons et n'avoir pas raison . Michel Crépeau le savait qui nous rappelait toujours cette règle simple : la politique n'est pas l'art des divisions mais l'art des additions. La gauche doit se rassembler, c'est une urgence.
Dès demain, les radicaux donneront un premier signe de cette volonté. Après m'en être entretenu avec nos députés et après avoir salué les efforts méritoires, conduits sans exclusive aucune par Roger-Gérard Schwartzenberg pour constituer un groupe parlementaire indépendant, je pense que nous devons dès cette rentrée parlementaire montrer notre volonté de faire bloc face à la droite.
Mais l'essentiel reste à faire car le regroupement des forces de progrès ne sera pas mené facilement ni rapidement.
Il faudra, d'abord et surtout, le situer sur le terrain des idées. Les réponses de la gauche à l'attente de la société sont entièrement à reforger et c'est un chantier immense.
Confrontons nos idées, élaborons des projets communs sur des concepts nouveaux. Cet effort sera sans doute plus fécond que l'échange d'invectives à l'intérieur du même camp. Comme vous sans doute, j'ai été consterné par ce que j'ai entendu de la réunion tenue à Argelès la semaine dernière. " Naf-naf, nif-nif, solférinodactyleetc" Si c'est ainsi qu'on veut renouveler la politique, autant décréter qu'elle sera, dans l'avenir, un simple spectacle comique, une parodie des Guignols ou des anciens chansonniers. L'almanach Vermot regorge de ressources pour ceux qui prétendent ainsi rénover " les blairistes sont des blaireaux qui ne peuvent pas se blairer ", " Feu sur Solférinoland ", " Jean-Luc et Henri sont dans un bateau, l'archaïsme tombe à l'eau " etc. Ne mélenchons pas les genres. Réservons à la droite nos piques polémiques, notre ironie et, pour ceux qui en ont, les réserves de méchanceté. Et sachons instaurer entre les familles, les partis et les personnalités de la gauche l'échange des idées.
Echange d'idées modernes cependant car nous ne devons pas nous laisser enfermer dans l'opposition caricaturale entre un social-libéralisme qui ne serait que résignation à la mondialisation ou préparation de compromis centristes et une gauche incantatoire qui n'opposerait que ses discours à la réalité du monde. De ce faux débat entre des conceptions qui ont déjà fait la preuve de leur inanité il faut sortir par le haut en dégageant des idées authentiquement nouvelles.
J'en prends deux exemples seulement. On a mobilisé ces derniers jours pour la défense légitime de services publics effectivement menacés. Mais on ne sauvera le service public, garant de l'intérêt général et de l'égalité des citoyens ni en le soumettant à l'idéologie libérale de la concurrence ni en invoquant une culture spécifiquement française qui le mettrait à l'abri de toute interrogation. C'est seulement en instaurant un véritable pouvoir politique européen avec ses propres leviers économiques, sa propre fiscalité, ses propres marges de manuvres budgétaires, qu'on pourra opposer la nécessité de grands services publics européens à l'idéologie de la déréglementation et de la concurrence sans principes.
Autre exemple, le financement des retraites. La réalité est devant nous, incontournable : avec l'allongement très bénéfique de la durée des études, avec l'allongement très heureux de l'espérance de vie moyenne, avec la réduction très souhaitable dans le long terme du temps de travail, il ne sera évidemment plus possible de financer dans l'avenir les retraites par la seule répartition des cotisations assises sur le travail. Evidemment. Et cependant, chacun va récitant son catéchisme, liberté et assurance personnelle pour les uns, solidarité et répartition universelle pour les autres. D'ailleurs, on le récite sans y croire puisque, dans la pratique, chacun l'écorne quand il est au pouvoir. La solution est pourtant celle du pragmatisme qui emprunte à tous les systèmes et y ajoute les ressources de l'inventivité. Un système ingénieux tel que l'ont proposé les radicaux pendant la campagne présidentielle : un étage de sécurité financé par l'impôt, un étage de solidarité financé par les cotisations et un étage de responsabilité financé par l'épargne salariale, voilà qui sauverait le système. Est-il seulement possible d'en parler ?
Ensuite, il nous faudra bien parler aussi des modalités et des cadres du rassemblement.
On pense facilement à des cadres de coopération politique limités à la préparation des échéances électorales. C'est une vision commode, et nous y sacrifierons, mais elle est déjà insuffisante et dépassée. Les citoyens n'attendent pas simplement des accords d'états-majors.
On pense, avec plus d'effort, à des cadres permanents : confédération, fédération et, le moment venu, contre-gouvernement. Nous les avons déjà expérimentés et parfois avec succès. Il ne faut donc pas les écarter.
Mais on ne pense pas sans réelles difficultés au moment pourtant inéluctable où il faudra bien qu'il y ait dans ce pays, et à l'exception peut-être des groupes extrêmistes irresponsables et démagogiques, un seul grand parti progressiste qui pourrait s'appeler " La Gauche " et qui viendrait enfin offrir au peuple épris de justice une alternative moderne à une droite qui, elle, n'hésite pas à se donner pour ce qu'elle est.
Pour moi, je n'ai pas tranché entre ces différentes formes d'organisation et je connais vos réticences, je devine vos résistances. Radical entre les radicaux, j'en partage plus d'une, vous le savez, mais ma conviction est ferme : nous n'éviterons pas de poser ces questions.
Et je veux vous proposer de les poser de la façon la plus originale et aussi la plus démocratique. Le parti socialiste porte incontestablement une responsabilité centrale dans le nécessaire rassemblement. Ce qu'il n'a pas su faire, malgré nos objurgations, avant l'élection présidentielle, il doit impérativement le faire demain si nous voulons éviter d'autres catastrophes politiques.
Eh bien, je vous propose une procédure inédite. Sur les préalables -respect mutuel, échange d'idées, élaboration d'un projet commun- et sur les modalités -cadres et calendriers- du rassemblement je vous propose d'aller présenter une motion radicale au Congrès de nos amis socialistes.
Nous la bâtirons dans le cadre de nos instances politiques, dans la transparence, et nous la soumettrons à leur congrès en leur disant : " Voici les conditions politiques de nos futurs efforts communs, voici les conditions incontournables de la victoire de la gauche ; " et nous verrons bien alors qui veut véritablement le rassemblement et qui veut replâtrer les vieilles façades.
En conduisant cette démarche parfaitement originale, nous aurons à l'esprit et au cur le souvenir de François Mitterrand qui a su nous offrir de grandes et belles victoires parce qu'il avait su nous rassembler au-delà de toutes nos différences.
Et en rendant cet hommage au passé, j'entends indiquer les chemins de l'avenir pour que jamais nos enfants ne viennent à douter de la République.
Allons, mes chers amis radicaux, le travail ne va pas nous manquer !
Allons, radicaux, devons-nous hésiter parce que la tâche est difficile ?
Allons, Roger-Gérard, Yvon, Emile, Jean-François, mes amis et prédécesseurs, ne sommes-nous pas toujours sur le même chemin, celui que vous aviez emprunté ?
Allons, parlementaires, élus régionaux et locaux, sommes-nous plus attachés à l'intérêt de notre groupe qu'à celui de notre parti, à celui de notre parti qu'à celui de la gauche, à celui de la gauche qu'à celui de la France ? Non, les radicaux seront toujours du côté de l'intérêt général et du bien public !
Allons, vous tous, militants radicaux, serviteurs aimés de la République, allez-vous préférer les institutions qui figent et enferment vos idées au grand mouvement qui redonnera vie à nos idéaux ?
Allons, Christiane et vous nouveaux radicaux qui vous reconnaissez en elle, ne trouverez-vous pas dans l'audace ancienne des pères du radicalisme l'inspiration qui vous dictera des formes nouvelles d'engagement politique ?
Allons, vous les plus jeunes des radicaux, vous que je regarde avec l'espoir et l'affection que l'on doit à l'avenir, ne saurez-vous pas nous pousser à inventer des réponses modernes au désarroi de la société telle que vous la vivez ?
Allons, radicaux, serions-nous effrayés de sortir des sentiers battus par le conformisme et la résignation ? Ne serions-nous pas capables de faire claquer au grand vent de la modernité les drapeaux du progrès, des libertés, de la justice et de la fraternité ?
Vous en êtes capables et nous allons le faire. C'est pour bientôt . C'est pour demain. C'est urgent. Droit devant. Les grands radicaux d'autrefois nous montrent le chemin. Car l'avenir vient de loin. Il vous appartient.
En avant.
(source http://www.planeteradicale.org, le 8 octobre 2002)
S'il me fallait choisir un mot pour exprimer la foule des impressions que m'inspire notre Congrès, je dirais tout d'abord : gratitude.
Gratitude pour vous, délégués de toutes nos fédérations, qui montrez par votre seule présence en ces deux journées qu'il existe heureusement et quoi qu'on en dise, encore beaucoup de citoyens disponibles pour les grandes aventures collectives et pour le militantisme politique. Rien n'est beau comme l'assemblée des femmes et des hommes libres et responsables qui forment notre Congrès. Merci à vous.
Gratitude pour tous ceux, responsables nationaux, permanents du parti, dirigeants et militants de notre fédération de Haute-Garonne -et avec eux des fédérations du Grand sud ouest- qui ont su préparer et encadrer jusque dans le moindre détail un Congrès parfaitement réussi. C'est une fierté pour tous les radicaux de Toulouse et de notre Midi républicain de vous avoir accueillis. Merci à eux.
Gratitude encore pour les très nombreux radicaux, militants isolés ou regroupés, dirigeants nationaux ou fédéraux, parlementaires ou élus locaux, qui ont enrichi le contenu politique de notre Congrès par leurs contributions et motions préparatoires et par leurs interventions de qualité depuis hier matin. Ce grain fécond germera et produira, soyez en certains. Merci à tous.
Gratitude personnelle enfin puisque ce Congrès a permis l'officialisation et la ratification de votre vote massif et dépourvu de toute ambiguïté quant au choix de votre Président . Je vous en remercie très sincèrement dans la mesure où il s'agit, bien sûr, d'une marque de confiance, d'estime personnelle et -permettez-moi de le penser- d'amitié. Mais je vous remercie surtout parce que vous avez voulu, alors que nous sommes le premier parti de gauche à tenir notre Congrès depuis la catastrophe des présidentielles et la défaite des législatives et alors même que tous nos partenaires sont secoués, parfois même ballottés, par des crises de légitimité, oui vous avez voulu montrer votre souci premier, qui est aussi le mien, vous le savez : celui de l'unité du parti. Ne vous y trompez pas, notre unité sera notre force dans la période qui s'ouvre et nous en aurons grand besoin. Merci donc à vous tous pour l'amitié et pour l'unité.
Je ne m'appesantirai pas sur le bilan de ma présidence passée. Des fédérations actives, une administration efficace, des finances saines, une communication interne régulière et améliorée par son Internet, notre parti fonctionne bien et je vous en félicite. Au plan politique, nous avons eu la satisfaction -toute relative, j'en conviens- de passer mieux que nos partenaires les échéances électorales décisives qui nous attendaient au printemps dernier. J'en félicite aussi tous nos élus et tous nos candidats qui ont su, par leur talent personnel et par leur résistance de terrain, contribuer à endiguer la déferlante de droite et l'inondation d'extrême-droite et bien naturellement j'ai devant vous une pensée pour ceux qui ont connu un sort contraire.
Nous avons eu aussi la satisfaction, moins visible mais beaucoup plus importante qu'il n'y paraît, de constater en ce début de millénaire confus que la gauche ne pourrait plus, à l'avenir, dans notre pays ni dans les autres pays européens, se contenter des idéologies qui l'avaient jusque là nourrie et qui s'enracinaient toutes, plus ou moins, de très près ou de très loin, dans le postulat de la supériorité qu'aurait la collectivité sur les individus. Cet échec est, à bien des égards, prometteur : c'est à la gauche de l'individu libre, responsable et solidaire, qu'il appartient désormais de relever, dans la réflexion et dans l'action, les défis de l'époque. J'y reviendrai.
Notre bilan est plus qu'honorable ; il est bon. Et je n'oublierai certes pas d'y intégrer la contribution que les radicaux ont apportée, au Parlement comme au Gouvernement, aux progrès décisifs que l'ancienne majorité a portés. A cette action exemplaire, je suis persuadé que l'avenir rendra meilleure justice mais vous me permettrez d'ores et déjà, même et justement si ce n'est plus la mode, d'adresser ici, en votre nom, l'hommage des radicaux à Lionel Jospin. Lorsque le scrupule, l'honnêteté, la rigueur, le refus de la politique-spectacle deviennent, par le malheur des temps des handicaps électoraux, c'est bien la preuve que notre pays souffre d'une grave corruption de l'esprit public dont l'élection présidentielle a constitué une éclatante et déplorable manifestation. Merci donc à Lionel Jospin.
Mais si je suis, tout bien pesé, fier de notre bilan, je ne pense pas pour autant que tout ait été parfait et c'est pourquoi je veux surtout vous parler de l'avenir, de ces deux années pour lesquelles votre confiance m'a placé, une fois de plus, à la tête du Parti Radical de Gauche.
Précisément, c'est d'abord de notre parti et de la nécessaire amélioration de son action que je veux maintenant vous entretenir.
A propos du P.R.G., je veux placer la période à venir sous l'éclairage de quatre mots-clés, mots lourds de sens pour l'avenir et synonymes d'autant d'efforts collectifs : unité, collégialité, responsabilité, inventivité.
Je ne le dirai jamais assez, l'unité des radicaux restera mon objectif premier mais vous en êtes déjà persuadés.
Dans les partis, comme dans tous les groupes humains, la collégialité est désormais indispensable. Elle est, en termes d'organisation, la traduction de l'immense besoin de participation qu'expriment nos concitoyens. Si légitime qu'elle soit l'autorité ne peut suffire à diriger une organisation comme la nôtre si elle n'est aussitôt partagée, déléguée et surtout exercée collégialement.
J'entends dire, de temps à autre et comme une critique amicale, que j'aurais, pour ma part, une pratique autoritaire. J'accepte volontiers une partie de cette critique puisqu'en effet lorsqu'il s'agit de décider je le fais sans faiblesse. Mais je vous renvoie l'autre partie du reproche en vous demandant si les responsabilités qui sont sollicitées, parfois réclamées par les uns et les autres sont toujours pleinement assumées. Elles ne le sont pas et je veux que cette situation cesse. Lors de la mise en place des nouvelles instances, je ne veux pas distribuer des cartes de visite mais des responsabilités effectives. Sous l'autorité de notre Secrétaire Général et de notre trésorier -et je veux souligner ici le remarquable travail effectué par Elisabeth Boyer et Jean-Bernard Bros- le Secrétariat National doit redevenir l'organe d'exécution effective de toutes les décisions de nos instances politiques : Congrès, Comité Directeur, Bureau National.
Je vous proposerai donc une distribution des responsabilités exécutives selon un découpage correspondant aux grandes fonctions d'un parti moderne : administration générale, trésorerie, élections, études, relations extérieures, communication, action européenne. Et les secrétaires nationaux seront proposés à la nomination de notre Comité Directeur en fonction des projets précis qu'ils m'auront présentés.
Le découpage thématique qui doit permettre l'incessante élaboration programmatique est une autre affaire et je souhaite conserver une organisation qui a fait ses preuves avec autant de délégués que de secteurs verticaux pour l'action publique regroupés, au sein de l'Atelier, sous l'autorité intelligente et stimulante de Gérard Delfau et de Thierry Jeantet.
Enfin, il nous faudra retrouver les moyens d'un travail idéologique démontrant l'absolue modernité du radicalisme. J'ai demandé à Jean-François Hory, qui l'a accepté, de relever notre ancien Institut d'Etudes radicales que certains radicaux avaient déserté. Il le fera avec l'ambition que vous lui connaissez, celle d'instituer une grande Fondation Gambetta qui sera tout à la fois le conservatoire des anciennes et grandes idées radicales mais aussi l'observatoire des plus importantes des polémiques actuelles et le laboratoire où le radicalisme s'attachera à la prospective sociale. Nous en reparlerons très bientôt mais je veux vous demander pour aujourd'hui de saluer comme il se doit le retour de Jean-François au meilleur niveau de la réflexion de notre parti.
En évoquant la future Fondation Gambetta j'ai déjà commencé à explorer le dernier thème interne celui de l'inventivité puisqu'elle aura pour mission d'organiser aussi des échanges avec l'extérieur, des lieux de confrontation d'idées et de projets.
Mais mon ambition est beaucoup plus vaste. Je veux prendre au pied de la lettre le mot d'ordre de rénovation et d'innovation qui a été lancé avec force par des millions de citoyens après le 21 avril. Il nous faut changer, innover en effet, aller là où nous ne sommes pas attendus, répondre à des demandes qui ne sont pas entendues, modifier profondément notre comportement pour l'adapter à une urgence sociale qui se transformera en désespoir si nous ne savons pas la voir.
Les institutions de la gauche tout en répétant qu'elles ont bien compris le message que leur envoyait le pays sont retombées tout aussitôt dans les ornières qui les ont pourtant conduites à la catastrophe électorale. Les radicaux eux-mêmes ne sont pas à l'abri de la critique.
Je suis capable de noter, dans le regard de nos partenaires, dans le regard de nos adversaires, sans parler de celui des journalistes, qu'ils ne voient pas le Parti Radical de Gauche comme le lieu privilégié de la rénovation. Eh bien, nous allons les détromper ! En leur rappelant qu'en 1969 lorsque la gauche s'était déjà trouvée dans une situation similaire nul n'escomptait que la rénovation politique viendrait de la SFIO. Et pourtant deux ans plus tard les espoirs de la gauche et les espérances de la France s'enracinaient là précisément et pour trente ans. Devant nous sont des temps nouveaux et l'on pourra compter sur les radicaux.
La réponse la plus forte que nous puissions apporter à ce puissant besoin de rénovation de la pensée et de l'action nous avons commencé à la livrer lors de l'élection présidentielle avec Christiane Taubira. " Somptueuse audace " nous disait Christiane lorsque vous l'avez désignée.
Elle disait implicitement toutes les difficultés de l'entreprise, toutes les embûches du parcours, toutes les hostilités qu'il nous faudrait affronter. Et nous les avons rencontrées parfois même à l'intérieur de notre parti. Et nous les avons surmontées.
Car elle disait aussi, en deux mots puissants, tous les espoirs que nous pouvions faire lever, toute l'originalité de notre démarche commune, tout le potentiel qu'elle renfermait et tous les espaces abandonnés que la politique pourrait ainsi réoccuper. Et ce pari nous l'avons gagné.
Nous aurions pu faire beaucoup plus si les médias nous avaient manifesté le dixième de la complaisance qu'ils montraient pour certains. Mais à la fin, chacun a pu voir que le mariage entre la tradition radicale la plus ancienne et la modernité républicaine et humaniste portée par notre candidate était capable de rendre compte d'aspirations civiques jusque là ignorées ou méprisées.
Présentée comme une candidate ethnique, elle a fait entendre la voix de la République à une France désormais plurielle. Présentée comme une manifestation de communautarisme, elle a réclamé les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous à l'égard de la loi. Caricaturée en candidate marginale, elle a imposé dans le débat nos thèmes de campagne. Brocardée comme une tenante de l'identitarisme elle a su démontrer que notre conception de l'universalisme s'enrichissait -plutôt que de s'en effrayer- de la multitude des identités, des cultures, des territoires sous l'éclairage d'une laïcité exigeante. Bravo, Christiane, tu as fait une campagne magnifique et nous avons été fiers de la faire avec toi.
Mais ce que tu as présenté, par anticipation lors de notre Convention du 29 juin, comme des "épousailles" n'était encore que fiançailles.
Aujourd'hui le pas est franchi. Tu as deviné l'attente de tous nos militants. Tu les as vus sur le terrain et tu as éprouvé leur confiance. Tu as su qu'ils se reconnaissaient dans ton visage - pour eux le plus inattendu - dans ton discours pour eux le plus lyrique et le plus imprévu - mais surtout dans tes idées comme s'ils t'avaient toujours connue.
Et tu l'as dit. Tu es des nôtres. Et je suis très fier, là encore, d'être celui qui t'accueille dans ce parti qui est désormais le tien pour de nouvelles, de grandes et de très belles aventures.
J'aurais voulu -hommage à ton immense talent, à ton verbe vibrant, à tes discours envoûtants- te demander de devenir notre porte-parole. Tes scrupules que je respecte t'ont empêchée d'accepter, peu sûre que tu étais d'avoir assez d'ancienneté parmi nous pour exprimer la pensée radicale.
Eh bien, je te le dis, tu porteras quand même notre parole autant que tu le voudras. Mais tu feras beaucoup plus. Tu débroussailleras les terrains que notre démocratie a laissés en jachère, tu iras à la rencontre de ces catégories entières de Français que les pouvoirs ont oubliés, tu iras porter le message de la fraternité là où elle est chaque jour mise en échec, tu proposeras, comme tu l'as écrit, d'entrer en République à tous ceux qui avaient fini par en désespérer.
Je te propose, Christiane, d'être notre première Vice-présidente chargée de l'innovation politique et de l'intégration civique et je demande au Congrès de te confier cette mission par acclamation.
Mais nous savons -et tu nous l'as dit- que, si tu es aujourd'hui radicale, tu as d'autres qualités aussi. Tu es un des visages que le public donne à la rénovation politique, tu incarnes les espoirs de citoyens délaissés, tu sais parler de justice à ceux qui éprouvent les plus terribles injustices de la société. Ton identité, ton parcours personnel, ta sensibilité te font vibrer au souvenir perpétué de l'esclavage et des violences coloniales.
Il n'est pas de ta volonté et il ne serait pas de notre intérêt d'enfermer ce potentiel, cette richesse politique dans les strictes limites de l'action radicale traditionnelle. Tu veux sauvegarder ta liberté et, d'ailleurs, qui serait capable d'emprisonner une telle liberté ?
Je veux au contraire t'encourager à l'utiliser. D'abord en te rappelant que ta capacité à fédérer des citoyens d'horizons divers nous sera extrêmement utile dès notre prochain grand rendez-vous électoral national : les élections européennes dans moins de deux ans. Pour cette échéance les radicaux devront rassembler des militants de l'Europe politique et des citoyens venus de plusieurs horizons. Tu peux organiser ce rassemblement. J'ai d'ores et déjà demandé à Catherine Lalumière et à Claude Brunet-Lechenault de te prêter la main forte de deux réseaux, l'un européen, l'autre national pour relever ce défi. Je remercie nos amis radicaux italiens et radicaux du parti transnational d'être venus ici pour nous dire par les voix de Gianfranco Dell'Alba et d'Olivier Dupuis qu'ils partageaient ces objectifs et qu'ils y travailleraient avec nous. Avec l'aide de tous les radicaux qui ont ta confiance personnelle, Bernard Castagnède dont je salue le travail qu'il a fait auprès de toi, et tous les autres aussi, tu peux demain doubler, tripler, ton capital de la présidentielleEt qui sait ? Soyez certains mes amis qu'on parlera des radicaux lors des européennes, je vous le promets.
Encore ne s'agit-il que d'un rassemblement proposé par les radicaux. Mais tu dois aussi, Christiane, développer d'autres initiatives. Tu restes membre de ton parti guyanais " Walwari " et je proposerai au P.R.G de passer avec lui un contrat d'association, gage d'un partenariat équilibré et respectueux. Tu as aussi créé, à Paris, une association " L'Eventail " pour fédérer tous ceux, radicaux ou non radicaux, qui se reconnaissent dans ton slogan de République fraternelle. Là encore, je souhaite que tu poursuives cet effort qui est utile à notre vie publique.
Je vais plus loin. En dehors de Christiane Taubira, mais souvent à côté d'elle et avec elle, je vois se lever des initiatives portées par de jeunes et ardents responsables politiques qui ne se résignent pas plus que nous à voir le puissant appel à la rénovation se figer en vagues incantations ou en figures rhétoriques manipulées par tous les archaïsmes. Ainsi d'Arnaud Montebourg et de sa Convention pour la VIè République. Ainsi de Christian Paul et de son cercle Galilée. A l'égard de ces initiatives nous avons deux attitudes possibles. Nous pourrions revendiquer une sorte d'antériorité qu'il s'agisse de la réforme institutionnelle pour le premier ou de l'humanisme encadrant enfin l'économie et la mondialisation pour le second ; nous pourrions nous lamenter que les idées originellement radicales soient utilisées par d'autres. Ce serait ridicule et vain ; je veux, tout au contraire, que nous encouragions ces initiatives, que les radicaux individuellement y participent et qu'ils aident à la convergence des innovations politiques car, c'est là, n'en doutez pas que les Français nous attendent : serons-nous capables de transformer le désarroi du 21 avril en une vraie prise de conscience et en un véritable projet de rénovation de la gauche ?
Lorsque nous aurons démontré, avec Christiane et avec vous tous, la capacité des radicaux à participer à ce puissant mouvement, il nous restera à faire ce que l'opposition de gauche a le double devoir de faire : nous opposer à la droite et nous rassembler, nous la gauche.
Et d'abord, nous opposer fermement en gardant à l'esprit que le temps politique n'est jamais tout à fait celui des calendriers, qu'il peut connaître des ruptures imprévues et des accélérations brutales.
Ne nous installons donc pas, pour cinq ans, dans la quiète opposition que nous dicterait notre lassitude résignée à l'euphorie impudique de M. Chirac et au style patelin et bonasse de son Premier Ministre, modeste autoproclamé.
Ils essaient d'accréditer les figures improbables d'un Don Quichotte tout pétri de grands idéaux le voici désormais en super-écolo allant, de château en château, rompre des lances contre tous les moulins à vent et d'un Sancho Pansa, pragmatique et réaliste, tout en rondeur campagnarde rappelant son maître aux préoccupations prosaïques de la France d'en bas.
Ce couple caricatural n'est pas la réalité du pouvoir actuel. Quand à Jacques Chirac, son euphorie du moment provient de son soulagement étonné. Il peut encore jouir pour cinq ans de son impunité. Il n'en revient pas. Je n'oublie pas, pour ma part, que les manquements personnels de M. Chirac à la morale publique ont mécaniquement fait monter, sur le thème du " tous pourris " le score de M. Le Pen et que, par un paradoxe honteux, M. Chirac a encaissé la prime électorale de ses propres turpitudes en devenant -peut-il en être fier ?- le pis-aller de tous les républicains. Il a raison d'abandonner aujourd'hui la référence au gaullisme car à De Gaulle, que nous avons toujours combattu, nous avons toujours reconnu une vision élevée de la politique et de son éthique.
Quant à M. Raffarin, on a vu rapidement, dans l'affaire du SMIC, son intérêt pour les gens d'en bas ; mais pour les réformes fiscales on peut voir qu'il s'intéresse plutôt aux revenus du haut de la France d'en bas. Il prétend relancer la décentralisation et nous sommes décentralisateurs autant et plus que lui, mais nous ne voulons pas d'une décentralisation où les ducs et les comtes de la pseudo France d'en bas viendraient simplement remplacer les petits marquis sévissant à Paris. Monsieur Raffarin n'a qu'un truc : la communication. Il a des formules et des mines pour toutes les situations. Seule pour lui importe l'image. A-t-il, avec Madame Alliot-Marie, une ministre désuvrée parce qu'on lui a retiré le R.P.R et la gendarmerie ? Il l'envoie faire, à nos frais et sous les caméras de télévision, son baptême de l'air en avion à réaction de la Patrouille de France Dans une telle gesticulation, un seul mot a un sens : réaction. Et s'il faut vous en convaincre il vous suffira d'observer M. Sarkozy tout occupé, sous l'il des caméras lui aussi, à faire régresser d'un siècle toutes nos libertés publiques et à désigner des catégories entières de la population -enfants absents, parents défaillants, mendiants, mineurs délinquants, gens du voyage, pauvres en un mot- à la réprobation des conformismes bien-pensants et à la répression d'un législateur plus réactionnaire qu'il ne l'a jamais été. M. Sarkozy veut nous ficher, nous fliquer, nous espionner. A-t-on jamais vu une réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale préparée par le Ministre de l'Intérieur sans même que le Ministre de la Justice élève la moindre protestation ? Mais puisque M. Sarkozy veut traquer le criminel comme autrefois son ancien mentor voulait " terroriser les terroristes ", j'ai un conseil à lui donner : plutôt que de chercher les délinquants à l'école primaire, il ferait mieux de les chercher dans l'ancien R.P.R.
La réaction, qu'il nous faut combattre vigoureusement, a désormais un outil, l'U.M.P. On nous dit à droite qu'on a bien entendu l'immense clameur des aspirations populaires. Foi de quoi, on fabrique l'U.M.P. qui doit mettre en orbite présidentielle M. Juppé. On croit rêver. Mais peut-être le deuxième rêve de M. Juppé sera-t-il brisé comme l'a été, en 1997, le premier. Il se dit ces jours-ci que M. Chirac, ministre de Pompidou en 1967 pourrait être à nouveau candidat en 2007. Certains en sourient ; d'autres en rient franchement. N'en riez pas. Au cur des tensions internationales les plus vives, face à une problématique européenne de plus en plus complexe, devant des revendications sociales montant jour après jour, la fonction présidentielle de M. Chirac ne lui sert plus que de rempart.
Et le plus sûr moyen pour la gauche de combattre et, à la fin, de vaincre cette droite-là n'est pas d'attendre une alternance mécanique que rien n'annonce aujourd'hui. Le plus sûr moyen, c'est le rassemblement.
Je sais qu'il en coûte à nos vieilles maisons, à nos vénérables traditions, à notre indépendance farouche, à l'idée que nous cultivons de notre diversité et, plus encore chez les radicaux, à la fierté légitime que nous avons de notre identité, mais le chemin est là : tout nous impose le rassemblement.
Les institutions nous y condamnent avant même leur aggravation par les modes de scrutin qu'on nous promet, les simplifications audiovisuelles nous l'imposent quelles que soient nos réticences à la médiatisation de la vie publique, mais surtout les citoyens l'attendent qui veulent qu'on revienne à l'opposition claire et lisible entre les projets dictés par l'ordre et ceux qui sont inspirés par le progrès. Il y a, je le sais, mille arguments à opposer au rassemblement. Mais en politique, comme ailleurs, on peut avoir de bonnes raisons et n'avoir pas raison . Michel Crépeau le savait qui nous rappelait toujours cette règle simple : la politique n'est pas l'art des divisions mais l'art des additions. La gauche doit se rassembler, c'est une urgence.
Dès demain, les radicaux donneront un premier signe de cette volonté. Après m'en être entretenu avec nos députés et après avoir salué les efforts méritoires, conduits sans exclusive aucune par Roger-Gérard Schwartzenberg pour constituer un groupe parlementaire indépendant, je pense que nous devons dès cette rentrée parlementaire montrer notre volonté de faire bloc face à la droite.
Mais l'essentiel reste à faire car le regroupement des forces de progrès ne sera pas mené facilement ni rapidement.
Il faudra, d'abord et surtout, le situer sur le terrain des idées. Les réponses de la gauche à l'attente de la société sont entièrement à reforger et c'est un chantier immense.
Confrontons nos idées, élaborons des projets communs sur des concepts nouveaux. Cet effort sera sans doute plus fécond que l'échange d'invectives à l'intérieur du même camp. Comme vous sans doute, j'ai été consterné par ce que j'ai entendu de la réunion tenue à Argelès la semaine dernière. " Naf-naf, nif-nif, solférinodactyleetc" Si c'est ainsi qu'on veut renouveler la politique, autant décréter qu'elle sera, dans l'avenir, un simple spectacle comique, une parodie des Guignols ou des anciens chansonniers. L'almanach Vermot regorge de ressources pour ceux qui prétendent ainsi rénover " les blairistes sont des blaireaux qui ne peuvent pas se blairer ", " Feu sur Solférinoland ", " Jean-Luc et Henri sont dans un bateau, l'archaïsme tombe à l'eau " etc. Ne mélenchons pas les genres. Réservons à la droite nos piques polémiques, notre ironie et, pour ceux qui en ont, les réserves de méchanceté. Et sachons instaurer entre les familles, les partis et les personnalités de la gauche l'échange des idées.
Echange d'idées modernes cependant car nous ne devons pas nous laisser enfermer dans l'opposition caricaturale entre un social-libéralisme qui ne serait que résignation à la mondialisation ou préparation de compromis centristes et une gauche incantatoire qui n'opposerait que ses discours à la réalité du monde. De ce faux débat entre des conceptions qui ont déjà fait la preuve de leur inanité il faut sortir par le haut en dégageant des idées authentiquement nouvelles.
J'en prends deux exemples seulement. On a mobilisé ces derniers jours pour la défense légitime de services publics effectivement menacés. Mais on ne sauvera le service public, garant de l'intérêt général et de l'égalité des citoyens ni en le soumettant à l'idéologie libérale de la concurrence ni en invoquant une culture spécifiquement française qui le mettrait à l'abri de toute interrogation. C'est seulement en instaurant un véritable pouvoir politique européen avec ses propres leviers économiques, sa propre fiscalité, ses propres marges de manuvres budgétaires, qu'on pourra opposer la nécessité de grands services publics européens à l'idéologie de la déréglementation et de la concurrence sans principes.
Autre exemple, le financement des retraites. La réalité est devant nous, incontournable : avec l'allongement très bénéfique de la durée des études, avec l'allongement très heureux de l'espérance de vie moyenne, avec la réduction très souhaitable dans le long terme du temps de travail, il ne sera évidemment plus possible de financer dans l'avenir les retraites par la seule répartition des cotisations assises sur le travail. Evidemment. Et cependant, chacun va récitant son catéchisme, liberté et assurance personnelle pour les uns, solidarité et répartition universelle pour les autres. D'ailleurs, on le récite sans y croire puisque, dans la pratique, chacun l'écorne quand il est au pouvoir. La solution est pourtant celle du pragmatisme qui emprunte à tous les systèmes et y ajoute les ressources de l'inventivité. Un système ingénieux tel que l'ont proposé les radicaux pendant la campagne présidentielle : un étage de sécurité financé par l'impôt, un étage de solidarité financé par les cotisations et un étage de responsabilité financé par l'épargne salariale, voilà qui sauverait le système. Est-il seulement possible d'en parler ?
Ensuite, il nous faudra bien parler aussi des modalités et des cadres du rassemblement.
On pense facilement à des cadres de coopération politique limités à la préparation des échéances électorales. C'est une vision commode, et nous y sacrifierons, mais elle est déjà insuffisante et dépassée. Les citoyens n'attendent pas simplement des accords d'états-majors.
On pense, avec plus d'effort, à des cadres permanents : confédération, fédération et, le moment venu, contre-gouvernement. Nous les avons déjà expérimentés et parfois avec succès. Il ne faut donc pas les écarter.
Mais on ne pense pas sans réelles difficultés au moment pourtant inéluctable où il faudra bien qu'il y ait dans ce pays, et à l'exception peut-être des groupes extrêmistes irresponsables et démagogiques, un seul grand parti progressiste qui pourrait s'appeler " La Gauche " et qui viendrait enfin offrir au peuple épris de justice une alternative moderne à une droite qui, elle, n'hésite pas à se donner pour ce qu'elle est.
Pour moi, je n'ai pas tranché entre ces différentes formes d'organisation et je connais vos réticences, je devine vos résistances. Radical entre les radicaux, j'en partage plus d'une, vous le savez, mais ma conviction est ferme : nous n'éviterons pas de poser ces questions.
Et je veux vous proposer de les poser de la façon la plus originale et aussi la plus démocratique. Le parti socialiste porte incontestablement une responsabilité centrale dans le nécessaire rassemblement. Ce qu'il n'a pas su faire, malgré nos objurgations, avant l'élection présidentielle, il doit impérativement le faire demain si nous voulons éviter d'autres catastrophes politiques.
Eh bien, je vous propose une procédure inédite. Sur les préalables -respect mutuel, échange d'idées, élaboration d'un projet commun- et sur les modalités -cadres et calendriers- du rassemblement je vous propose d'aller présenter une motion radicale au Congrès de nos amis socialistes.
Nous la bâtirons dans le cadre de nos instances politiques, dans la transparence, et nous la soumettrons à leur congrès en leur disant : " Voici les conditions politiques de nos futurs efforts communs, voici les conditions incontournables de la victoire de la gauche ; " et nous verrons bien alors qui veut véritablement le rassemblement et qui veut replâtrer les vieilles façades.
En conduisant cette démarche parfaitement originale, nous aurons à l'esprit et au cur le souvenir de François Mitterrand qui a su nous offrir de grandes et belles victoires parce qu'il avait su nous rassembler au-delà de toutes nos différences.
Et en rendant cet hommage au passé, j'entends indiquer les chemins de l'avenir pour que jamais nos enfants ne viennent à douter de la République.
Allons, mes chers amis radicaux, le travail ne va pas nous manquer !
Allons, radicaux, devons-nous hésiter parce que la tâche est difficile ?
Allons, Roger-Gérard, Yvon, Emile, Jean-François, mes amis et prédécesseurs, ne sommes-nous pas toujours sur le même chemin, celui que vous aviez emprunté ?
Allons, parlementaires, élus régionaux et locaux, sommes-nous plus attachés à l'intérêt de notre groupe qu'à celui de notre parti, à celui de notre parti qu'à celui de la gauche, à celui de la gauche qu'à celui de la France ? Non, les radicaux seront toujours du côté de l'intérêt général et du bien public !
Allons, vous tous, militants radicaux, serviteurs aimés de la République, allez-vous préférer les institutions qui figent et enferment vos idées au grand mouvement qui redonnera vie à nos idéaux ?
Allons, Christiane et vous nouveaux radicaux qui vous reconnaissez en elle, ne trouverez-vous pas dans l'audace ancienne des pères du radicalisme l'inspiration qui vous dictera des formes nouvelles d'engagement politique ?
Allons, vous les plus jeunes des radicaux, vous que je regarde avec l'espoir et l'affection que l'on doit à l'avenir, ne saurez-vous pas nous pousser à inventer des réponses modernes au désarroi de la société telle que vous la vivez ?
Allons, radicaux, serions-nous effrayés de sortir des sentiers battus par le conformisme et la résignation ? Ne serions-nous pas capables de faire claquer au grand vent de la modernité les drapeaux du progrès, des libertés, de la justice et de la fraternité ?
Vous en êtes capables et nous allons le faire. C'est pour bientôt . C'est pour demain. C'est urgent. Droit devant. Les grands radicaux d'autrefois nous montrent le chemin. Car l'avenir vient de loin. Il vous appartient.
En avant.
(source http://www.planeteradicale.org, le 8 octobre 2002)