Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la présence française au Japon, Tokyo le 17 décembre 1999.

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Circonstance : Voyage de M. Jospin au Japon du 16 au 18 décembre 1999-allocution devant la communauté française

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur l'Ambassadeur, Madame,
Mes chers compatriotes, C'est une joie pour moi, les membres du gouvernement, les personnalités qui m'accompagnent, et pour ma femme bien sûr, de venir vous saluer en cette résidence de France où l'ambassadeur et son épouse ont bien voulu nous réunir. Je les en remercie chaleureusement.
Au lendemain de mon arrivée à Tokyo, je suis particulièrement heureux de rencontrer ceux qui, chaque jour, incarnent et animent avec dynamisme et conviction la présence de la France au Japon. Vous représentez la continuité de la présence française au Japon, son passé et son avenir. Votre doyenne vient de fêter ses 102 ans. Elle s'est établie au Japon il y a 70 ans au service des plus démunis. Votre plus jeune membre est né il y a quelques semaines. Notre compatriote, M. Marc Dunoyer, reçoit cette année le prix du Commerce international décerné par le Premier ministre du Japon sur proposition du ministère du Commerce international et de l'Industrie. Motivée, qualifiée, votre communauté est l'une des plus importantes et dynamiques d'Asie et figurez en bonne place parmi les communautés étrangères implantées au Japon, l'une des premières des pays de l'Union Européenne.
Vous étiez quelques centaines au début du siècle à tenter l'aventure. Vous êtes plus de 6500 aujourd'hui. Vous êtes les dignes descendants d'Emile Guimet, un des premiers Français du Japon, qui sut à la fois témoigner à ce pays notre intérêt et faire connaître sa culture en France. Grâce à vous, la qualité de notre présence scientifique et culturelle et la renommée de nos Instituts à Tokyo, Kyoto, Fukuoka, de la Maison Franco-Japonaise, de l'Ecole Française d'Extrême-Orient ainsi que de nos centres de recherche scientifique dépassent très largement les frontières de l'archipel et sont autant de ponts entre la France et le Japon. Comme l'est depuis plus de 80 ans la chambre de Commerce et d'Industrie française du Japon.
Votre communauté est aujourd'hui jeune, dynamique, unie. Vos associations sont parmi les plus actives du monde. Vous vivez en osmose avec la société japonaise et pratiquez de plus en plus sa langue. Vous êtes nombreux à vous marier dans ce pays et ces unions sont un atout inestimable pour le développement de nos relations. Porteurs d'une double culture, les enfants qui en sont issus sont des intermédiaires précieux. Vous apportez la preuve que ce pays n'est pas impénétrable, contrairement à certaines idées reçues. Au Japon, plus qu'ailleurs sans doute, il faut faire un effort pour se connaître, pour se comprendre. Vous témoignez qu'il est possible de surmonter les barrières d'une culture dont l'identité est très forte mais qui présente avec la nôtre de nombreuses parentés. Nous ne pourrons réaliser nos ambitions sans développer des liens plus étroits, dans tous les domaines, politique et économique certes, mais aussi culturel, scientifique et humains. Nous avons donc besoin de vous. Car la France poursuit au Japon des objectifs ambitieux mais accessibles. Le cadre en a été tracé lors de la visite d'Etat effectuée par le Président de la République en 1996, qui a permis de définir les modalités d'un "plan d'action" conjoint entre nos deux pays. Ma première visite officielle au Japon a pour objectif d'en tirer un premier bilan ainsi que d'intensifier et de développer notre partenariat. J'ai eu le plaisir de recevoir à Paris, en janvier de cette année, M. Obuchi et l'ai revu hier soir pour une longue séance de travail. Les entretiens ouverts et confiants que j'ai eus avec mon homologue japonais ont permis de mettre en évidence une forte convergence de vues entre nos deux gouvernements sur de très nombreux domaines. Acteurs de poids dans le commerce international et dans les enceintes multilatérales, le Japon et la France, qui partagent des valeurs démocratiques et humaines, ont notamment le souci commun de maîtriser et d'ordonner la mondialisation, dans le respect des identités culturelles et aux bénéfice de tous. Pour marquer cette volonté de travailler étroitement ensemble, M. Obuchi et moi-même avons adopté quatre déclarations qui illustrent la densité de notre relation et portent sur le renforcement du cadre multilatéral, l'aide au développement, les investissements croisés et la coopération scientifique et technologique.
Votre présence ici est essentielle pour notre économie. Nous devons en effet poursuivre nos efforts pour assurer notre place au Japon et dans l'ensemble de l'Asie. La France est le 2ème pays exportateur au monde par habitant. Un Français sur quatre travaille pour l'exportation. 70 milliards de francs - 10 milliards d'euro - d'exportations représentent un point de croissance, et un point de croissance, c'est 250 000 emplois. C'est dire l'importance que revêt à nos yeux votre présence, vos efforts, au Japon, notre premier partenaire dans cette région du monde.
Le processus d'intégration européenne dans lequel notre pays s'est engagé nous ouvre en Asie de nouvelles perspectives. Vous avez pris toute la mesure du lancement de l'euro. C'est en tant que ressortissants français mais également en tant que citoyens européens, que nous sommes désormais perçus. C'est dans cette dimension nouvelle que s'inscrivent toutes nos actions. Vous pouvez représenter ici l'optimisme retrouvé de notre pays.
Nous avons renoué avec la croissance. La confiance des ménages français se situe à des niveaux historiques. Elle a encore atteint un record au mois de novembre. Le taux de chômage décroît presque continûment depuis trente mois. Sur les deux dernières années, plus de 800 000 emplois ont été créés. Les créations d'emplois salariés dans le seul secteur privé devraient s'élever à 300 000 cette année et poursuivre leur progression l'an prochain. La confiance des chefs d'entreprise s'est elle aussi fortement redressée et l'investissement a été peu affecté par la crise financière. Après avoir connu en 1998, avec 3,4 %, la plus forte croissance depuis la fin des années 1980, l'économie française devrait croître d' environ 2,8 % cette année et être égale ou supérieure à 3 % l'an prochain. C'est le rythme annuel le plus élevé parmi les grands pays de la zone euro et voire au sein du G7. Le dynamisme de l'économie française est lié, pour une part, à celui des autres économies européennes.
Il est surtout le fruit de la priorité donnée à la croissance et à l'emploi. La comparaison avec la situation de nos plus proches partenaires de la zone euro, qui connaissent le même environnement extérieur et monétaire, le démontre : la politique que nous avons conduite en France n'a pas été étrangère aux bons résultats que je viens d'évoquer. L'OCDE crédite notre pays, avec le FMI, de la plus forte croissance des grands pays industrialisés pour les deux années à venir. Elle souligne dans la dernière publication de ses perspectives économiques que "l'économie française est entrée dans un cercle vertueux de croissance, de confiance, de création d'emploi et de baisse du chômage".Nous avons reconquis des marges de manoeuvre. Entre 1997 et 2000, la France est le pays européen qui aura réalisé la plus forte réduction de son déficit public, même si nous partions, je le sais, d'un niveau plus élevé que d'autres. Nous l'avons fait en consolidant la croissance et en nous appuyant sur une programmation à moyen terme des dépenses publiques qui préserve notre capacité à financer les priorités de l'action gouvernementale. Nous continuerons dans cette voie. Cet effort est indispensable pour maîtriser, puis réduire notre dette publique. Une dette réduite c'est moins d'impôts pour financer la rente et plus de moyens pour les "dépenses d'avenir", notamment l'Education et la Recherche, décisives pour la croissance à long terme.
Je suis heureux en tout cas de voir, notamment à l'étranger, que la France a désormais l'image d'un pays qui a retrouvé de l'élan.
Le gouvernement n'ignore pas certaines difficultés auxquelles vous êtes parfois confrontés. Il est particulièrement attentif à la défense des intérêts des Français résidant à l'étranger. J'ai personnellement veillé à rappeler la priorité politique apportée aux action engagées en faveur de nos compatriotes expatriés à l'occasion, en septembre l'année dernière, de la célébration du 50ème anniversaire du CSFE, assemblée représentative des Français établis hors de France. Soyez tous assurés de la détermination du gouvernement, et en particulier du ministre des Affaires étrangères, M. Hubert Vedrine et du ministre de la Coopération et de la Francophonie, M. Charles Josselin, à moderniser et à améliorer son service aux usagers dans les domaines que vous jugez prioritaires.
Pour ce qui concerne vos préoccupations de sécurité, sous l'autorité de notre ambassadeur, le comité de sécurité de la communauté française au Japon est un des éléments essentiels du dispositif destiné à prévenir des risques sismiques.
S'agissant de l'enseignement français, j'ai demandé au ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, M. Claude Allègre, qui m'accompagne lors de ce déplacement, de procéder à une réforme de l'Agence pour l'Enseignement français à l'étranger afin de la mettre en mesure de continuer à remplir demain ses missions avec l'efficacité que vous attendez légitimement pour vos enfants. Un nouveau directeur a été nommé à la tête de l'Agence. Il a pour mission d'élaborer un projet d'entreprise. J'ai également rendu les arbitrages nécessaires pour que soient augmentés les crédits consacrés aux bourses scolaires. S'agissant de Tokyo, je me félicite de la récente décision d'accroître les capacités d'accueil du site principal du lycée français.
Dans le domaine social, le gouvernement est déterminé à lutter contre l'exclusion qui frappe certains de nos compatriotes. J'ai demandé à cette fin aux ministres compétents de me faire des propositions concrètes pour la mise en uvre des recommandations formulées par Mme Monique Ben Guiga, sénatrice des Français établis hors de France, dans le remarquable rapport qu'elle vient de me remettre. Nous conduisons notamment une réflexion sur les évolutions souhaitables du statut et de la gestion de la caisse de Français de l'étranger.
Enfin il s'attache actuellement en liaison avec les représentants des Français de l'étranger, à rechercher une solution aux problèmes nés du cumul des cotisations de retraite des fonctionnaires de l'Etat détachés à l'étranger, qu'ils exercent une mission d'enseignement ou d'intérêt public.
Mes chers compatriotes,
Je souhaite vous témoigner toute notre confiance. Votre action est irremplaçable au service de notre ambition commune : assurer le rayonnement de la France et défendre ses intérêts en Asie, oeuvrer au rapprochement des deux grands partenaires que sont la France et le Japon. Rien de tout cela ne serait possible sans le dévouement, la compétence, l'intelligence, le coeur des Françaises et des Français qui sont ici et à qui je veux dire mon estime, ma reconnaissance et mon amitié. En mon nom, au nom du gouvernement français et des Français de métropole, je veux vous adresser nos voeux les plus sincères, pour vous-mêmes, pour tous ceux que vous aimez et pour le succès de ce que vous entreprenez ici.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 décembre 1999)