Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la commémoration de l'assassinat de Dulcie September, membre de l'ANC et sur son combat contre l'apartheid, Paris le 30 mars 1998.

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Circonstance : Inauguration d'une plaque à la mémoire de Dulcie September à Paris, le 30 mars 1998

Texte intégral

Madame l'Ambassadeur,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
Le 29 mars 1988, à l'endroit même ou nous sommes réunis aujourd'hui, Mme Dulcie September, représentante de l'ANC à Paris, tombait sous les balles de ses lâches assassins. Nul ne sait, encore aujourd'hui, qui étaient ces hommes mais l'on devine aisément qui avait armé leur bras. Acculé, le régime de l'apartheid donnait ses derniers coups de griffes sanglants. Nombreux furent les combattants de la liberté victimes des agissements de ces escadrons de la mort, en Afrique du Sud et dans le monde entier.
Dix ans, c'était hier. Et pourtant, au regard de la formidable révolution opérée en Afrique du Sud, qui force l'admiration de tous, cela parait aujourd'hui très lointain.
Le devoir de mémoire s'impose à tous et, par ma présence ici, le gouvernement français tient à exprimer son respect et sa reconnaissance pour l'action conduite par Dulcie September en France et réaffirmer solennellement son soutien à l'oeuvre remarquable réalisée par le peuple sud-africain sous la conduite éclairée du président Mandela et du vice-président Mbeki.
En dévoilant dans quelques instants cette plaque en l'honneur de Mme Dulcie September, la France tient tout d'abord à rendre hommage à une grande combattante de la liberté, victime de son engagement déterminé au service des idéaux que nous partageons tous.
Dulcie September avait rejoint très tôt la résistance à l'apartheid. Issue de la communauté métisse du Cap, elle avait vécu dans les années cinquante, le traumatisme qu'avait représenté la destruction du "district six", non loin du centre de la ville. Quartier mixte, riche de sa diversité, et par la même, symbole inadmissible pour les idéologues du racisme institutionnalisé qui déportèrent l'ensemble de sa population vers les townships et le rasèrent. Surveillée par la police, la jeune militante de l'ANC fut contrainte à l'exil en 1963. Elle ne devait plus jamais fouler sa terre natale.
Après un long séjour en Zambie, au siège de l'ANC à Lusaka, Dulcie September arriva à Paris en 1984 où elle avait été désignée par son mouvement numéro 2 du bureau de l'ANC, ouvert en 1981 avec le soutien du gouvernement français. Elle en prend la direction quelques années plus tard.
Tous ceux qui l'ont connue et dont elle sut se faire des amis, tous ceux qui soutenaient la lutte contre l'apartheid, se souviennent avec émotion de cette militante inlassable, courant de meetings en réunions, pour témoigner, pour faire connaître la terrible réalité de son pays que cherchait à masquer, avec d'énormes moyens, la propagande du gouvernement sud-africain. Dulcie September a ainsi puissamment contribué au renforcement des liens d'amitié qui unissent désormais les peuples français et sud-africains. Nous lui en sommes tous ici, profondément reconnaissants.
En assassinant Dulcie September, qui n'avait pour d'autre arme que le verbe, le régime de l'apartheid reconnaissait en quelque sorte la portée de son action. Mais il ne mesurait pas l'émotion que provoquerait cet acte ignoble et dont témoigna l'immense foule des anonymes qui se pressèrent sur les lieux du drame.
Dulcie September n'eut malheureusement pas la joie de connaître l'aboutissement de son long et difficile combat. C'est là probablement la vraie cruauté de sa destinée. Désormais, son nom s'inscrit sur la longue liste des martyrs de la liberté et de la dignité humaine.
En cette année 1998, ou nous célébrerons le cinquantenaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, mais aussi le cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage, nous ne pouvons dissocier l'hommage que nous rendons aujourd'hui à Dulcie September de celui qui est dû à la lutte du peuple sud-africain. Nous voulons l'assurer de la volonté de la France d'être à ses côtés. Nous savons les immenses difficultés qu'il doit affronter, fruits d'un héritage vicié. Mais nous voulons lui dire notre confiance en son avenir. La France, Madame l'Ambassadeur, continuera avec détermination à soutenir votre pays.
Madame l'Ambassadeur, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs,
En ce jour, la France se souvient avec émotion de Mme Dulcie September.
Que les Français, que les Françaises se souviennent aussi que le combat pour les Droits de l'Homme se poursuit dans de très nombreux pays, et que notre vigilance doit s'exercer à chaque instant car aucun pays, pas même la France, n'est à l'abri de la résurgence des plus abjectes idéologies.
En allant jusqu'au bout de son engagement, Dulcie September demeurera un exemple pour nous tous. La France s'honore d'avoir soutenu son combat, et la remercie de son message d'espoir pour tous les opprimés.
A la mémoire de cette femme d'exception, je vous propose d'observer une minute de silence et de recueillement./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2001)