Texte intégral
Je viens à Stockholm avec beaucoup de plaisir. C'est un fait que les ministres des Affaires étrangères français, sont toujours par monts et par vaux, à tous les quatre coins du monde, et que du coup souvent, nous avons une tendance regrettable certainement, à sous-estimer l'importance d'un certain nombre de pays européens. Il faut dire que les ministres des Affaires étrangères se voient, tous les mois, au moins une fois par mois, à nos réunions ministérielles, et aussi à beaucoup d'autres rencontres internationales. Mais les relations entre nos deux pays sont un enjeu beaucoup plus vaste, beaucoup plus important, et je voudrais vous dire toute l'importance que j'y attache, que j'attache aux relations entre nos deux pays, la France et la Suède. Nous avons connu des heures un peu compliquées, il y a quelque dix-huit mois. J'ai compris qu'ici cela avait été assez chaud. J'espère que maintenant cela l'est moins. En tout cas, la décision française était ce qu'elle était et je crois qu'il n'y a rien à regretter pour tout vous dire, parce que je crois que c'était nécessaire sur le plan de notre sécurité, mais je crois aussi qu'en définitive dans le monde, en dépit des protestations que l'on a pu entendre, cela a contribué à marquer la détermination de notre pays à veiller à sa propre sécurité. Ceci étant, heureusement, cette décision est derrière, et je souhaite que nous consacrions tous nos efforts au développement des relations politiques avec la Suède, à nos relations économiques. Je sais que beaucoup d'entre vous ici êtes des représentants d'entreprises françaises et que par conséquent vous apportez une contribution très éminente au développement de nos échanges. Nous sommes toujours bons, vous êtes bons. Je constate que vous progressez, donc nous progressons, mais en même temps je crois que nous avons encore beaucoup de territoires inexplorés, que nous sommes encore loin de ce que nous devrions faire, obtenir, occuper comme place. Les produits français, les productions, les savoirs, les techniques, les technologies sont à un très haut niveau, un niveau mondial. On est tout à fait capable de s'imposer et donc nous avons tout à fait intérêt à "pousser les feux". Quand vous faites cela, vous savez bien ce que vous faites, c'est que vous défendez les emplois français ; la bataille des emplois français se joue assez largement, il faut bien le dire, dans la conquête de marchés internationaux et bien entendu d'abord de marchés européens. Et puis il faut développer nos relations culturelles avec la Suède. La Suède a une personnalité forte dans le paysage européen. C'est un de ces pays qui a toujours suivi son propre chemin. Qui a une légitime fierté de lui-même, qui se connaît bien et qui par conséquent à des raisons de s'apprécier. Nous aussi, nous apprécions la Suède et cet attachement à sa propre identité nationale que la Suède a. Après tout, nous comprenons bien cela, car nous nous-mêmes nous sommes très attachés à notre pays.
Nous avons devant nous quelques grands enjeux, nous allons les voir vivre en 997, même si tout ne sera pas réglé cette année. Nous avons les perspectives de l'élargissement de l'Union européenne qui sera engagé l'année prochaine et qui sans doute marquera la décennie qui vient. C'est un projet d'une grande importance, puisque, pour la première fois dans l'Histoire de l'Europe, nous avons un projet d'unité du continent européen. C'est très important. C'est un événement. En même temps c'est un grand enjeu parce qu' il y a une vraie difficulté : ce que nous avions envisagé de faire à six, que nous avons continué de faire vaille que vaille à neuf, puis à douze, puis à quinze, n'est plus tout à fait possible à vingt, vingt-cinq ou trente. Et donc l'enjeu de la Conférence intergouvernementale qui se réunit actuellement avec plus ou moins de bonheur, il faut bien le dire, l'enjeu c'est de savoir si nous sommes capables de modifier les règles internes de prise de décision dans l'Union européenne pour que nous soyons capables de continuer à agir à 20, 25 ou 30 sans être paralysés par le nombre. C'est cela l'enjeu. C'est un des sujets dont je vais parler avec le ministre des Affaires Etrangères suédois demain, de façon détaillée et approfondie, je dois vous dire en essayant de la convaincre du bien-fondé des vues françaises, ce qui n'est pas fait à l'heure actuelle. Ca c'est un premier enjeu très fort.
Nous en avons un deuxième : nous voulons faire la monnaie unique. Et nous sommes conscients que c'est un projet d'une grande importance. Aujourd'hui, il y a une monnaie mondiale, que je n'ai pas besoin de nommer ; quelques monnaies régionales parmi lesquelles le yen, le mark, peut être le franc, ça n'est pas sûr, et puis des monnaies locales, fortes, faibles, enfin des monnaies locales. L'usage ne dépasse pas les frontières de nos territoires. Et ce que nous avons comme projet, c'est de faire en sorte qu'il y ait deux monnaies mondiales : le dollar et l'euro. J'ai envie de dire l'euro et le dollar parce qu'évidemment, à partir du moment où il y aura deux monnaies mondiales, elles se regarderont, elles s'apprécieront mutuellement, les marchés les jugeront l'une par rapport à l'autre, et l'espèce de pouvoir souverain que fournit le fait d'être la seule monnaie mondiale aura disparu ; ce sera désormais un pouvoir négocié. C'est un élément d'une très grande importance pour nous, en terme d'influence dans le monde, en terme de puissance pour l'Europe, mais aussi en terme de succès pour nos économies. Regardez comment le fait que le dollar ait été sous-évalué pendant une longue période a pesé sur le succès d'Airbus et sur le succès aussi de beaucoup d'entreprises plus modestes qui devaient libeller leurs échanges en dollars. Demain, ces mêmes entreprises pourront les libeller en euro et seront donc dans une situation plus forte. Un grand projet, dont je vais parler ici aussi, et naturellement, pour essayer de convaincre nos amis suédois de ne pas rester sur le bord du chemin. Mais nous verrons bien. Il le faut, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure à la télévision suédoise. C'est un projet, pas une contrainte. C'est une idée ambitieuse, ça n'est pas la dure loi qu'on imposerait à ceux qui n'en veulent pas : qui m'aime me suive ! Et je crois que vous le verrez, beaucoup de pays européens monteront dans ce bateau dès qu'ils auront constaté, comme ils commencent à le constater, qu'il est absolument décidé à larguer les amarres.
Et puis nous avons toutes les questions de sécurité qui sont très importantes puisque nous allons parler de l'Alliance atlantique, des rapports avec la Russie, des rapports avec les Pays baltes sous l'angle de la sécurité. C'est l'un des grands sujets de l'armée 1997 et là aussi la Suède a une personnalité, des positions propres très anciennes, que nous respectons bien sûr, qui sont en train d'évoluer, parce que ce concept de neutralité avait un sens hier, quand il y avait des puissances qui se faisaient face, et qui n'a évidemment pas le même sens dans un monde sans conflit et sans tension que nous essayons d'organiser en Europe.
Voilà les grands sujets qui seront devant nous. Si je vous en parle, c'est parce que j'ai bien conscience que cette présence française en Suède, comme partout ailleurs, repose bien sur les épaules et le talent de l'ambassadeur, en qui j'ai évidemment toute confiance pour cela, sur son équipe, qui se dévoue et se donne à fond pour cette mission passionnante. Mais cela repose aussi beaucoup sur vous, Mesdames et Messieurs, sur la fierté que vous avez de votre propre pays, dont je ne doute pas, sur le rôle qui est le vôtre, comme acteur économique majeur et sur votre volonté de réussite professionnelle, qui est aussi la réussite de la France en Suède, et puis, sur votre amour du pays qui fait que, même ici, vous faites beaucoup de choses, vous prenez beaucoup d'initiatives, pour contribuer au rayonnement, au prestige et à la reconnaissance de notre pays. Je vous en remercie beaucoup.
Je souhaite le plein succès à l'amitié franco-suédoise. Je souhaite vraiment, du fond du coeur, que nos deux pays, se comprennent mieux, en tout cas intensifient leurs relations et aient dans l'idée que, chacun étant ce qu'il est, avec sa personnalité, avec ses différences, mérite considération, mérite respect, et qu'après tout sur cette base on peut certainement fonder des relations très étroites d'amitié pour l'avenir. Merci donc à vous.
Au commencement de ma visite à Stockholm, je souhaite vous exprimer mes remerciements pour la cordialité, la chaleur et la qualité de votre accueil, et tout particulièrement le vôtre, chère collègue.
La longue histoire de nos deux peuples nous rapproche. Figurez-vous que je pense à vous chaque fois que je suis dans ma commune : Saint-Florent est en surplomb de la Loire et, juste en bas, il y a une petite île qui s'appelle "l'île batailleuse". La légende raconte que les Vikings ont remonté la Loire et qu'il y a eu une bataille. Qui a gagné, qui a perdu, je ne le sais, mais nous appelons cette île, "l'île des Vikings".
Vous avez rappelé vous-même, chère Lena, quelques pages communes de notre histoire. Votre pays a été très proche du nôtre. Certains de vos héros d'autrefois, tels Gustave-Adolphe, Charles XII ou la Reine Christine, ont naguère fortement marqué les esprits chez nous, à une époque où les rapports culturels de la Suède et de la France ont connu une particulière vitalité. Et comment ignorerions-nous, enfin, l'origine française de la famille de vos souverains ?
Permettez-moi à cet égard de vous demander de bien vouloir transmettre à Sa Majesté le Roi Carl XVI Gustaf nos très respectueux hommages à la veille de sa fête célébrée, je crois, le 28 janvier.
Car j'ai une deuxième raison de penser à votre pays chaque fois que je reviens dans mon département. C'est une raison royale. Il se trouve en effet que la princesse Victoria a choisi le département du Maine-et-Loire pour y poursuivre ses études. Nous sommes très fiers qu'elle ait choisi la ville d'Angers.
Comme vous l'avez dit, nos relations ont connu un bref moment d'ombre. mais nous sommes d'accord pour établir un partenariat confiant et mutuellement prometteur au sein de l'Union européenne.
Je n'oublie pas qu'à peine deux mois après sa nomination à la tête de votre gouvernement, M. Goran Perssön nous a fait l'honneur d'une visite à Paris où il a rencontré le Président de la République française. Cette visite a été, en tout cas à nos yeux, une réussite complète.
C'est donc des réalités présentes et de nos projets européens que je suis venu m'entretenir avec les autorités suédoises et ma collègue.
Nous parlerons bien évidemment longuement de l'avenir de l'Union européenne. C'est un projet très important et le vrai projet européen. Je sais très bien que la Suède a une vraie identité. Vous avez votre façon d'aborder les problèmes européens. Soyez convaincus que les Français sont aussi fiers de leur identité nationale que vous de la vôtre. Deux nations qui ont une forte identité nationale ont d'excellentes raisons de s'entendre.
Le général de Gaulle recevait en mai 1963 Sa Majesté le Roi Gustave VI Adolphe et lui disait ceci : " Le fait que vous et nous sommes des Européens au milieu d'un monde dangereux et difficile établit, entre Stockholm et Paris, une solidarité profonde ".
A l'époque, nous n'avions aucun lien particulier. Aujourd'hui, nous sommes dans l'Union européenne. Nous avons de grands défis devant nous : la bataille pour l'emploi, la réussite économique de l'Europe de demain, peut-être la monnaie unique - je dis peut-être pour respecter votre position : quant à nous, nous n'avons aucun doute.
Je suis persuadé que tous les défis auxquels nous devons face ne peuvent être réglés que dans un cadre européen.
Nous allons aborder l'élargissement. Nous parlerons de la Conférence intergouvernementale. Je suis très intéressé d'entendre votre point de vue sur la sécurité européenne. Naturellement, nous parlerons de la région de la Baltique, où vous avez de grandes responsabilités. Voilà les sujets d'intérêt commun.
Il y a aussi l'approfondissement de nos relations dans les domaines économique et culturel, ainsi que dans le domaine audiovisuel - il faut que vous puissiez accéder à nos chaînes de télévision.
L'autorité et le prestige de votre pays augmentent sans cesse. La Suède a été élue au Conseil de sécurité : c'est un témoignage et un signe de votre autorité. Avec tous ces signes, je vois des raisons impérieuses de travailler
entre nous.
Je terminerai en formulant le voeu que nos deux pays puissent promouvoir, dans le cadre de l'Union européenne, une concertation bilatérale de plus en plus étroite au profit du développement de la construction européenne et avec l'ambition, face aux défis qui nous attendent à l'aube d'un nouveau millénaire, de conforter la place et le rôle de l'Europe sur la scène internationale, de renforcer la solidarité entre nos peuples et d'aider à préserver la paix dans le monde.
Je vous invite, Madame le Ministre, Mesdames et Messieurs, à lever votre verre en l'honneur de l'amitié entre la Suède et la France.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2001)