Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, sur le rôle de l'Association nationale pour la recherche technique pour le développement de programmes de recherche au niveau international, de l'innovation et des technologies, sur l'importance de la stratégie économique et sur l'investissement et les créations d'entreprises, Paris le 31 janvier 2003.

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Circonstance : Réunion de l'Association nationale pour la recherche technique à Paris le 31 janvier 2003

Texte intégral

Merci beaucoup de votre invitation.
Je suis très heureux d'être ici, à l'ANRT, avec vous Monsieur le président, sachant tout le travail que F. Mer a fait avant vous dans cette direction. Je suis heureux de le saluer, ici, présent. Je vous avais dit qu'il avait élaboré un plan, avec des cahiers des charges, qu'il lui fallait trois jours pour s'exprimer. Je peux vous dire que dans l'organisation gouvernementale, il ne met pas trois jours pour se faire comprendre. Et d'ailleurs, j'en suis très heureux parce que je l'apprécie beaucoup, et j'apprécie sa force, sa loyauté et sa connaissance des sujets qu'il a à traiter et je suis très heureux qu'il soit ici, présent, je le salue avec N. Fontaine et avec C. Haigneré.
Je suis très heureux aussi, Monsieur le président, que vous ayez commencé votre discours par c'est normal que vous soyez là". D'habitude, les discours commencent par des hommages, et je n'oublie jamais cette phrase de Claude Brasseur : " Un homme qui reçoit une gifle est un homme giflé et un homme qui reçoit un hommage est un homme âgé". Donc, je suis content que vous ayez commencé par "c'est normal que vous soyez là".
Il se trouve que je partage cette analyse et je suis vraiment très heureux d'avoir avec vous cette discussion. Surtout que, je crois qu'il faut qu'on se bouge tous ! Il ne faut pas être quand même globalement satisfaits de la situation. Quand on regarde, j'y reviendrai, la dispersion organisée... J'ai bien vu que vous aviez des combats de simplification, mais j'ai bien vu aussi que vous défendiez quelques structures. Par moment, vous ressembliez presque à un député,... tellement vous étiez adroit dans la capacité d'être catalyseur, sans étouffer les structures. On aurait cru à un président de région parlant à des départements. Je pense que c'est très important pour nous tous de regarder les choses en face et je voudrais dire simplement que j'ai une grande considération pour l'action de l'ANRT. Je la connais, je l'ai vécue sur le terrain. Je sais notamment ce que vous faites avec les CIF, avec ces conventions très stratégiques, essentielles pour beaucoup de nos jeunes et de nos entreprises, et qu'il y a là un travail majeur important et je souhaite que nous puissions - je sais que
C. Haigneré y travaille - développer le nombre - puisqu'on doit être à 860 - pour qu'on dépasse les 1.000 et qu'on puisse aller au-delà. Je salue tout ce travail qui est un travail de qualité.
Vous avez commencé votre intervention par : "... Cette nouvelle donne". Je crois que c'est un point très important, et j'en ai changé mon propre discours pour répondre au vôtre. Parce que cette nouvelle donne, en fait, derrière, cache la crise du national. Au fond, vous avez développé ces nouvelles données et on ne dit pas clairement les choses sur ces sujets. Sur les sujets stratégiques, le national a quelque fois du mal à être assez grand pour être stratégique et à être assez petit pour être humain. On voit qu'un grand nombre de sujets doivent se décider au-delà du national, parce qu'on a besoin de partenariats, parce qu'on besoin de capacités de puissance, mais aussi de dimension. D'autres sujets sont à discuter dans l'infra. Et notre national, qui est le lieu de la cohérence politique, qui est le lieu de notre "vivre ensemble"; qui est le lieu de la République, est tiraillé. Parce que, quand on fait des programmes de recherche sérieux, il faut souvent dépasser le niveau national. Et quand il s'agit d'aller chercher des initiatives, il faut aller chercher l'enracinement. Et là, on est dans l'infra national. Et alors, on continue tous à considérer que le national est l'espace où tout se décide, mais en fait, cette nouvelle donne, cet ordre ancien dont vous parlez, c'est au fond un ordre qui fait du national la toute puissance. Et disons-le clairement : le national a évidemment son rôle, mais seul, il n'est pas toujours, pour tous les sujets que nous avons à traiter - et notamment les sujets de recherche, de développement et d'innovation des technologies - l'échelon pertinent. Il faut avoir le courage de le dire, parce que c'est la réalité. C'est donc un point très important de votre intervention sur cet ordre nouveau, qui est celui, aujourd'hui, auquel nous devons penser. Et c'est une réflexion quotidienne pour le Gouvernement, dans nos choix. Quand on est sur des choix très stratégiques, on voit bien qu'on est obligé d'associer un certain nombre de partenaires, sur des espaces plus grands que notre seul Etat. Et on voit bien aussi que, quand il s'agit de mobiliser les énergies, on est obligé de s'adresser à des personnes et à leur enracinement. Cet ordre ancien doit donc en effet être aujourd'hui pensé différemment. Il ne s'agit pas de remettre en cause le national, mais de bien voir qu'il est un échelon pivot, qui doit être "articulant" avec un échelon supra, avec un échelon infra. Mais c'est une rotule essentielle de notre mouvement. C'est un point très important, sur lequel, évidemment, des discours simplistes font l'impasse, faisant croire que le national a des réponses à tous les sujets, alors qu'il doit, pour répondre, s'associer au supra et s'associer à l'infra.
Deuxième réflexion que je tire de votre propos, c'est qu'on a négligé, dans le passé, la place de l'innovation, au coeur même de la stratégie économique nationale que nous avions à développer. Au fond, tout se passe comme si on avait laissé notre pensée économique et sociale dévorée par des messages venus de l'extérieur, notamment les messages du gigantisme, de la concentration, de la banalisation et de la standardisation. Nous nous mettons dans une compétition internationale - la mondialisation nous y invite évidemment -, dans laquelle on voit bien que nous manquons de message. Et, au fond, on a un message très prétentieux, en disant que nous allons, avec la diversité, être les rois du monde. Même si je crois à la diversité, et même si je crois à la francophonie, il faut être capable de mesurer la puissance de nos relais. Mais d'autre part, laisser penser que nous aurons, nous-mêmes, les mêmes réponses que des économies très différentes, comme notamment les économies anglo-saxonnes, et je pense à toutes les logiques de standardisation, c'est-à-dire de recherche systématique des prix les plus bas, nous voyons bien que dans cette logique économique, ce ne sont pas des territoires comme les nôtres qui seront les mieux placés. Nous voulons avoir l'un des systèmes sociaux les plus avancés du monde. Je salue d'ailleurs madame Notat pour sa contribution à ce système social. Nous avons un système social auquel nous sommes très attachés. Mais ce système social, l'un des plus avancés du monde, comment va-t-on le protéger avec la standardisation et la banalisation, c'est-à-dire avec des prix en permanence écrasés, et avec, au fond, une logique qui donne de moins en moins de place à l'humain ? Si on veut répondre à notre aspiration sociale, il faut avoir une logique de valeur ajoutée. C'est donc, en fait, une stratégie nationale pour le financement de notre "vivre ensemble" et de notre social, la capacité de financer tous ces équilibres. Et tout ceci, c'est une stratégie d'innovations, de recherches, de brevets, de technologies, tout ce qui peut injecter de l'humain dans l'économie, tout ce qui peut créer de la valeur. Et une économie comme la nôtre, en France mais aussi en Europe, n'a de l'avenir que si elle joue le talent humain dans le processus économique. Injecter de l'humain, c'est-à-dire injecter de la valeur dans l'économie, ce ne peut être que le coeur d'une stratégie nationale. C'est très important comme cap économique. Il faut faire en sorte que la valeur ajoutée soit notre priorité, parce que c'est notre réponse à la mondialisation. Notre réponse à la mondialisation, ce n'est pas "les prix les plus bas", car à force d'écraser les prix, on écrase les hommes. Et comme nous avons des aspirations sociales fortes. Dans une société comme la nôtre, notre seule chance, c'est de jouer la carte de l'intelligence, de la création, de la valeur. Il y a là une démarche très importante, qui va tout à fait dans le sens de votre mobilisation de l'ANRT. Pour sensibiliser la société à la science, il faut qu'on comprenne bien que la carte de la France, dans la mondialisation, c'est une carte de valeur ajoutée. Donc, c'est une carte de talents, qui est celle de l'innovation et de la recherche. C'est un élément très important de notre stratégie. Cela veut dire beaucoup de choses : d'abord, qu'on fasse de la valeur "création" une valeur fondamentale de notre Pacte républicain. Et il y a la valeur "partage", qui est au coeur. Mais à côté de la valeur "partage", il faut qu'il y ait la valeur "création". La valeur "création" n'est pas seulement création économique ; elle est aussi création sociale, création culturelle, création de richesses. Il faut donc placer tous nos dispositifs en situation où ils peuvent favoriser les créateurs et l'acte de création.
Je parle de stratégie, mais cela me paraît très important. Et la création, c'est d'abord l'intelligence, le choix de la formation, le choix de la recherche et l'attractivité de nos centres de formation et de recherche. Quand on regarde, aujourd'hui, l'avenir de nos universités, il n'est pas acquis durablement. Et même nos plus belles universités médiévales - prenons par exemple celle de Poitiers, formidable capitale de savoir - il y a un moment où la démographie va faire chanceler le savoir. Il y a un moment où on n'aura pas les étudiants pour supporter un rassemblement de la matière grise, qui est ici concentrée. Si nous ne sommes pas capables de pouvoir faire en sorte que nos universités n'aient pas un rayonnement régional, interrégional, mais aient vraiment un rayonnement européen et international... Quand je vois aujourd'hui les élites africaines partir vers Montréal, vers le Québec et ailleurs, je me dis que nous perdons une force d'attractivité, mais que dans cette force d'attractivité, ce sont nos centres d'intelligence qui sont fragilisés. Et si nous fragilisons nos centres d'intelligence, on aura du mal après à valoriser l'innovation et le développement des technologies. Il y a là des initiatives à prendre qui sont très importantes, pour valoriser l'ensemble des forces de création, et notamment nos dispositifs de formation. Je suis très sensibilisé à ces sujets. C'est un point stratégique de la France d'aujourd'hui. Parce que ce que je dis sur les universités, c'est vrai sur les lycées, sur les CFA. Si nous ne faisons pas en sorte que la formation tout au long de la vie, que la formation professionnelle, que cette exigence de formation dont notre pays a tellement besoin, soient assumées par nos appareils de formation d'aujourd'hui, on va se trouver dans cette situation paradoxale et absurde, où on sera obligé de fermer des outils de formation, alors que nous avons un besoin considérable de formation dans l'ensemble de la société. Les partenaires sociaux ont pris le sujet en main. Je suis donc tranquille sur la capacité à déboucher sur ce sujet, car je fais confiance au dialogue social. Et je crois vraiment qu'il faut que nous en fassions une priorité très importante. Dans les valeurs de la République, je voudrais vraiment qu'on puisse affirmer : "Liberté, Egalité, Fraternité", et qu'on n'oublie pas la création dans toute sa dimension : création et partage sont deux éléments majeurs de notre consensus politique et social. Oui au partage, mais oui aussi à la création.
Derrière cela, j'ai bien entendu que vous attendiez des choix stratégiques. Il est très important de confirmer ici l'objectif des 3 % de R D en 2010. C'est un cap qui a été fixé par le président de la République. C'est un cap auquel nous sommes très attachés et C. Haigneré, tous les matins, est sur son indicateur, pour vérifier si nous sommes en ligne, c'est pour cela que je la vois tous les deux jours ! Ce que vous avez appelé "convention" - ce mot "convention" qui était d'ailleurs un peu désuet : il a suffit de confier la Convention des institutions européennes à V. Giscard d'Estaing pour qu'il retrouve de l'allant -, est un mot intéressant et c'est en tout cas une méthode de travail importante, pour définir cette pensée de la science et de la technologie, cette perspective. Car aujourd'hui, ce qui manque en France, nos deux faiblesses, c'est la faiblesse de notre pensée en amont et c'est la dispersion de nos structures en aval. Il faut donc travailler sur les deux. D'abord sur la cohérence d'une pensée et ensuite sur la simplification au niveau des structures.
Pour ce qui concerne cette pensée, je pense que nous avons avec votre convention une dynamique très importante. Le Gouvernement lui-même fait ses propres démarches. Je ne veux pas dire qu'on ne vous pas attendu - ; nous travaillerons ensemble et nous avancerons ensemble. Je pense qu'il est très important que nous définissions un certain nombre de caps car évidemment, on ne peux pas jouer toutes les cartes. Il faut aussi avoir le courage politique de dire que dans les grands programmes de mobilisation scientifique, dont nous avons besoin pour notre pays, on ne pourra pas être les champions du monde dans toutes les catégories.
Il faut que l'on ait des options. Il est évident que quand on fait une option comme la loi de programmation militaire, qui est une option lourde, c'est une option stratégique qui nous engage et pour longtemps. Il est clair qu'il faut que cet engagement prenne tout son sens également au plan technologique et industriel. Car il doit prendre sa puissance dans la capacité que nous avons à défendre notre pays. Est-ce que l'on va croire que l'on va garder longtemps notre siège comme membre permanent au Conseil de sécurité si nous ne sommes pas capables, nous-mêmes, de faire les efforts de défense quand on demande à tout le monde de bien vouloir suivre l'exemple ?
Nous avons des efforts à faire mais autant faire en sorte que ces efforts d'investissements soient aussi des efforts d'investissements stratégiques, industriels, technologiques et scientifiques. C'est un élément très important de nos priorités et si nous avons inscrit ces moyens budgétaires pour la loi de programmation militaire, c'est à la fois dans un objectif de défense mais c'est aussi parce que c'est un sujet sur lequel la France à des positions et la France doit garder des positions d'excellence sur ces sujets.
Nous avons un certain nombre d'autres sujets sur lesquels il faut que l'on discute ensemble. J'aimerais bien avoir ce débat un jour avec vous, quand votre travail de convention sera élaboré pour que l'on définisse bien les atouts que nous pouvons essayer de développer.
On a lancé, à la demande du président de la République, un certain nombre de perspectives : je pense par exemple à la mobilisation que nous organisons sur le cancer en matière de santé. Cette mobilisation est très forte. C'est un des moyens importants que nous allons mettre dans les années qui viennent. Il faut que l'on articule cette mobilisation dans une mobilisation globale en matière de santé qui soit claire lisible et qui puisse consacrer les moyens budgétaires à nos objectifs identifiés par le président de la République.
Nous avons d'autres sujets qui sont très importants. On sent bien aujourd'hui que la parole de la France, par exemple, est entendue quand nous parlons à Johannesburg, que le président de la République [coupure de la cassette], dans un certain nombre de priorités nationales. Quand nous nous engageons comme nous nous sommes engagés hier soir, avec C. Haigneré, avec F. Mer et N. Fontaine sur le projet ITER à Cadarache, nous allons mettre tous les moyens nécessaires pour que ce grand projet mondial qui va mobiliser plus de 30 milliards de dollars puissent avoir comme développement et comme site la France et Cadarache. C'est un cap stratégique très important et nous y mettrons tous notre coeur, toute notre mobilisation parce que si nous nous engageons dans cette bataille internationale, c'est pour la gagner ! Et il va de soi que pendant que l'on se bat sur un sujet de cette nature, qu'il faut y mettre des moyens, des volontés, c'est pour gagner. On ne mène pas des batailles pour négocier, on mène des batailles pour gagner ! C'est un élément important, qui est très stratégique. Nous avons les savoir-faire en France sur ce sujet, on a fait nos démonstrations, on a les équipes techniques et scientifiques. On veut se battre sur ce sujet, mais évidemment, nous avons besoin de dispositifs de hiérarchisation de nos priorités parce qu'on ne peut pas se battre sur tous les terrains. Donc, à nous de bien organiser cette réflexion stratégique, cette pensée en matière de santé.
Pour ce qui concerne les moyens, sous toutes leurs formes, j'ai bien entendu les messages et je suis complètement d'accord avec vous sur les faux débats, ces débats que nous pouvons trouver dans notre pays et que nous aimons beaucoup : le débat public-privé, le débat entre les grands groupes et les PME, car en France, on aime beaucoup cloisonner pour régner. On voit bien que sur ces sujets, il faut décloisonner pour avancer. C'est donc très important de faire en sorte que nous puissions, pour ce qui concerne les petites et moyennes entreprises, mesurer toute l'importance des grands groupes et tout le rôle des grands groupes qu'il peut y avoir dans les relations avec les petites entreprises. Car on s'aperçoit que, dans le tissu de PME-PMI, il y a quand même des donneurs d'ordres et que de tout cela, l'économie n'est pas aussi séparée que l'on voudrait la présenter. Mais il est quand même très important d'avoir une dynamique de création d'entreprises parce que même si la création d'entreprise et un phénomène divers, finalement - je ne veux pas faire de politique devant vous, je sais que cela ne vous concerne pas -, on pourrait juger le passé, mais il y un point que je trouve inacceptable au plan des ratios économique, c'est qu'en période de croissance, pendant les 5 dernières années, la création d'entreprises ait diminué dans notre pays. Et aujourd'hui, à démographie humaine adaptée, corrigée, on a un million d'entreprises en moins en France qu'au Royaume-Uni. Quand vous voyez que l'économie détruit 1 million et demi d'emplois par an et qu'il faut créer ces emplois pour avoir un bénéfice net en ce qui concerne l'emploi, on voit bien qu'il y a des nécessités, certes, de créer des emplois dans les entreprises existantes - et c'est là où est évidemment la plus grande des réserves - mais on a aussi besoin de préparer toutes les créations d'entreprises pour l'avenir. Nous sommes à moins de 200 000 créations d'entreprises par an dans notre pays : c'est une pathologie nationale !
J'ai aussi besoin des créateurs d'entreprise pour qu'ils montrent - je l'ai dit à plusieurs reprises - leur bonheur : montrez que c'est bon, que ce n'est pas coupable, montrez qu'il y a quand même des choses formidables à exercer des responsabilités, à mener des aventures. Il faut faire partager cette joie d'entreprendre ; cette joie de guider son propre chemin il faut la faire partager aux jeunes. Il ne faut pas seulement donner le sentiment que l'action d'entreprendre est une action difficile avec des pouvoirs publics incompréhensifs qui finalement ne font que taxer et que tout cela est vraiment très lourd, et quand on a le niveau de charges sociales, comment voulez-vous que l'on soit un patron heureux ? C'est vrai qu'il y a des difficultés, cela ne m'échappe pas mais il y a quand même dans la liberté d'entreprendre des vrais bonheurs de profondeur.
Pour ce qui concerne cette dynamique, nous mettrons beaucoup de moyens et je crois vraiment que c'est la première fois depuis très longtemps qu'il y aura autant de dispositifs d'allégements fiscaux pour faire en sorte que l'on puisse aider à la création, à l'innovation au développement technologique. Nous avons un texte en préparation par C. Haigneré, par N. Fontaine sur les entreprises innovantes. Je sais ce n'est pas assez, mais nous avons fait un pas et nous allons encore avancer. Je sais que vous êtes actif au Parlement et que vous saurez défendre vos idées. Nous allons avoir un statut spécifique pour les entreprises innovantes, un statut spécifique. Nous avons un statut pour aider dans les biotechnologies, toutes les entreprises qui ont besoin d'un haut de bilan un peu chargé durablement pour pouvoir financer la recherche. Nous avons pour les investisseurs providentiels - traduction, après les accords de langues, de "business angels" -, nous avons la possibilité de permettre un vrai développement avec des vraies impulsions et de vraies incitations fiscales pour mettre l'argent dans les entreprises, dans l'investissement, dans l'emploi. C'est un vrai sujet. Je sais que dans notre pays ce débat est très idéologique ; Il faut faire partager ces causes - je le dis à tout le monde - parce qu'il est vraiment regrettable que dans notre pays, on mélange quelquefois, malgré les leçons que Monsieur a donné au pays sur l'argent qui dort et l'argent qui travaille. Je croyais que cela avais suffit pour faire comprendre. Mais non, cela n'a pas suffit ! Il faut faire en sorte que l'on puisse bien montrer que tout ce qui est ma mobilisation de l'argent pour l'emploi, l'innovation, pour l'intelligence pour la création, pour l'investissement, ce sont des flux financiers qui ont une grande dimension d'intérêt général. C'est d'autant plus pathologique quand ces flux partent à l'étranger pour aller financer la création, l'investissement à l'extérieur. Nous avons donc là, un certain nombre de moyens que nous voulons développer pour faire en sorte qu'on puisse vraiment donner la capacité à financer l'innovation et les technologies.
J'ai noté, "la simplification des structures". Il faut nous aider, parce que vraiment, c'est un peu compliqué. Et ici, vous êtes nombreux, chacun à la tête de son organisation. A vous voir comme cela, vous ressemblez à un "Sénat" - c'est pour moi un compliment. Mais chacun a sa structure, et naturellement, si sa structure était fragilisée pour aller regrouper un autre, ce serait vraiment une perte considérable pour notre dispositif. Vous n'avez pas voulu parler des statuts, je comprends votre présence, Monsieur le président, mais on a un système aujourd'hui où il va falloir quand même rendre les choses un peu plus fluides, qu'on passe du public au privé, du grand au petit, qu'on puisse bouger un peu avec plus de mobilité, avec un peu plus de capacité à sortir des structures et qu'on ne s'enferme pas vraiment que dans des procédures de contrat à long terme, et qui font que, systématiquement on rigidifie tous les systèmes, et les rigidifiant on les déshumanise. Et l'énergie elle est dans l'homme, elle n'est pas à l'extérieur : elle n'est pas dans la structure, elle n'est pas dans la procédure, elle est dans l'individu. Et si l'individu n'est pas libre de ses initiatives et si on ne trouve pas le moyen d'avoir un peu plus de fluidité dans les systèmes, on crée des cases - et ça on est très bons -il y a toutes le traces qu'il faut, il y en a qu'un qui souffre, c'est celui qui s'occupe du budgétaire parce que chaque case a sa subvention... parce que tout le monde, Monsieur le président, ne se contente pas d'un appel au soutien moral. Mais je crois qu'il faut aller vraiment à la simplification.
Je termine pour vous dire combien je crois que notre pays doit s'engager dans cette bataille de l'innovation, stratégiquement et même politiquement. Il faut faire en sorte que la création de richesses soit un objectif politique, que nous pensions à l'avenir de notre pays, à l'avenir des enfants, tous ceux qui aujourd'hui peuvent espérer de la France un grand pays du XXI ème siècle. Ce grand pays a le choix, soit d'être une des nations prolétaires, en consommant des produits inventés et produits par les autres, soit d'être un pays créateur, maître de sa création, naturellement avec les autres, mais avec la capacité de pouvoir vivre de son intelligence. Et c'est, je crois un cap politique important. C'est pour cela que, dans votre engagement il y a une très forte dimension politique.
Et je vais juste à l'étape d'après, celle où vous avez placé le débat sur la science, et je serai très prudent parce que j'ai noté la présence d'A. Kahn, dont j'ai lu les livres, mais que j'apprécie beaucoup, car je crois qu'au fond, la science réussira à être une valeur partagée dans notre société quand elle sortira un petit peu de ce matérialisme dans lequel on l'a enfermée. Ou que la science pouvait tout régler, programme les individus, et à un moment ou à un autre donner le sentiment qu'il y avait un déterminisme et que l'homme finissait par être innocent lui-même.
Quand la science - comme l'écrit A. Kahn - "est un facteur qui permet à l'homme de gagner sa liberté, d'assumer son indépendance vis-à-vis de la nature, quand elle permet à l'homme de se dépasser quelque peu", à ce moment-là, la science est une force considérable. C'est une force pour notre économie, c'est aussi une force pour notre pays et son peuple."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 11 février 2003)