Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. Staline demandait le Vatican... Combien de divisions, quelles armées ? L'Amérique ironise "Chirac, quelles armées ?", mais Chirac, plus Poutine, plus Schröder, plus les Chinois, plus Jean Paul II, plus L. Michel et la Belgique, plus tous les peuples silencieux ou dont la parole est confisquée, c'est une bonne partie de l'humanité. Pourtant, que pèsent plus de 2 milliards d'individus face à l'Amérique qui dispose d'une suprématie militaire sans exemple ? Peut-on lui résister longtemps ?
- "Ce qui se passe depuis six mois, montre que la volonté de paix, qu'exprime notamment la France, résiste. Et vous l'avez vu, les contacts qui ont eu lieu, hier, entre le Président Poutine et le Président Chirac, ont conforté ce que j'appellerai "le camp de la paix"."
Mais à trois jours de la remise du rapport Blix aux Nations unies, qui peut affirmer, ce matin que la guerre de Bagdad n'aura pas lieu ?
- "Personne, et je dirai même qu'il y a aujourd'hui plus de chance, plus de risque que la guerre ait lieu plutôt qu'elle n'ait pas lieu. Je voudrais simplement, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur la position française, rappeler une chose : c'est que pour nous, comme pour les Américains - et là c'est un point de convergence que nous avons -, S. Hussein est un tyran, S. Hussein et son régime sont une menace pour la paix mondiale. S. Hussein doit désarmer et se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Là-dessus, nous sommes d'accord."
Messieurs Chirac, Poutine et Schröder disent qu'il faut un désarmement pacifique de l'Irak.
- "Oui, c'est vrai."
Mais comment on l'imagine ? On va vers S. Hussein et on lui dit : rends, s'il te plaît, sois gentil, rends tes armes biologiques et chimiques ?!
- "Ce n'est pas exactement ce qu'on lui dit ; on lui envoie des inspecteurs, il vient d'accepter le survol d'avions dits "espions", U2, sur son territoire, et la France, l'Allemagne, la Russie proposent de renforcer les moyens des inspections. Donc, il ne s'agit pas de lui demander poliment, comme vous le dites, avec des gants, de se conformer aux Nations unies. Il s'agit de mettre sur lui une pression forte avec, au bout du chemin, s'il ne se conforme pas à ces injonctions de la communauté internationale, la France l'a toujours dit, le fait que nous étions prêts à examiner toutes les options. Je disais que nous avions un point de convergence avec les Etats-Unis, en revanche nous avons deux points de différence. Le premier, c'est que nous ne croyons pas à la guerre courte et propre. On nous a fait le coup en Europe, vous vous souvenez, au XXème siècle, et cela ne marche jamais comme ça. Le deuxième point de différence, qui est peut-être le fond du problème, c'est que nous ne croyons pas à la théorie des dominos démocratiques. Cette théorie a cours aujourd'hui à Washington et à New York ; que veut-elle dire quoi ? C'est qu'après avoir évincé S. Hussein, on va voir se propager au Proche-Orient, un processus de contagion démocratique qui va installer des régimes démocratiques, en Arabie Saoudite, en Syrie et dans d'autres pays. Il me semble que c'est méconnaître profondément les comportements, les traditions, la culture de ces pays. Et cette illusion nous paraît aujourd'hui dangereuse."
Mais attendre, réclamer plus d'inspecteurs et plus de temps encore pour les inspecteurs, n'est-ce pas renforcer la dictature irakienne et entrer dans le jeu de S. Hussein ?
- "Il ne s'agit pas d'attendre..."
Ca dure, ça dure...
- "Non, il ne s'agit pas d'attendre, il s'agit d'agir. Fait-on confiance ou pas aux inspecteurs nommés par le Conseil de sécurité, messieurs Blix et ElBaradei ? Que viennent-ils de déclarer à leur retour de Bagdad ? "Nous sommes optimistes - je les cite -, nous pensons que des progrès sont possibles". Ils constatent que l'Irak coopère davantage. Il faut accentuer la pression. De ce point de vue, je crois que l'initiative de la France, de l'Allemagne et de la Russie est un élément important. Je voudrais d'ailleurs ajouter qu'aujourd'hui, au Conseil de sécurité des Nations unies, d'après les informations dont je dispose - ça peut changer, j'en suis bien conscient, du jour au lendemain -, il n'y a pas de majorité pour décider, au moment où je parle, d'une intervention militaire, parce que la majorité de la communauté internationale croit que la paix a encore une chance."
Donc, vous dites qu'aux Nations unies, vendredi, il y aura, à propos d'une deuxième résolution, deux textes qui vont s'affronter : l'Amérique et la Grande-Bretagne, qui n'auront peut-être pas la majorité, puis la France, la Russie, la Chine et quelques autres ?
- "Nous ferons notre proposition qui, je le répète, n'est pas une proposition de faiblesse, mais il s'agit au contraire de renforcer par tous les moyen les inspections et de faire plier S. Hussein. Mais qui donne une ultime chance à la paix, parce que nous sommes tous convaincus que la guerre ne se passe jamais bien."
La gauche française - je lisais, hier, l'interview de F. Hollande au Monde, - trouve que la politique de Paris est ambiguë. Il conteste le courage à J. Chirac, qui a pourtant bien résisté ici et là, pendant des mois, d'appliquer aux Nations unies, le veto de la France.
- "Quand je lis la presse américaine, je ne trouve pas que notre politique soit ressentie comme ambiguë. Quant au droit de veto, je trouve que c'est d'une très grande maladresse, et je dirais même d'une certaine irresponsabilité, que de le brandir à tout propos et hors de propos. Tout dépendra de la situation au moment où le Conseil de sécurité en débattra. Si S. Hussein fait de la provocation, ce qui n'est pas exclu quand on connaît le personnage..."
Pour le moment il n'en fait pas, il cède, peu à peu...
- "Oui, c'est pour cela qu'il faut continuer à le faire céder, vous le dites vous-même. Si le constat des inspecteurs est négatif, alors ce sera un premier cas de figure. La diplomatie française a toujours dit que, dans ce cas-là, nous n'excluons aucune option. Ce sont les propres mots de notre ministre des Affaires étrangères. Si, en revanche, le cas de figure est différent, si S. Hussein cède et si les inspecteurs nous disent que cela progresse, pourquoi voulez-vous qu'à ce moment-là le problème du droit de veto ou de la guerre se pose ?"
L'Irak a déjà provoqué beaucoup de dégâts entre l'Europe et les Etats-Unis, au sein de l'OTAN, on le voit - et on va le voir aujourd'hui encore -, de la casse entre Européens, entre Paris, l'administration Bush et l'establishment américain. Est-ce que J. Chirac ne prend pas trop de risques ?
- "C'est un problème de fond : est-ce que, pour ne pas déplaire aux Américains, il faut que l'Europe s'aligne systématiquement sur leur position ? J'aime bien les Etats-Unis pour des tas de raisons historiques. Personne n'a oublié la dette de sang que nous avons envers eux, et le fait que nous nous soyons battus dans le même camp, celui de la liberté, pendant toute la Guerre froide. Donc, je ne fais pas preuve d'anti-américanisme. Mais il y a des moment où je pense que l'Europe et la France en tout cas, doivent pouvoir dire "là-dessus, on ne suit pas parce qu'on pense que ce n'est pas l'intérêt de la communauté internationale et de la paix". Je rêve d'une Europe partenaire et non pas d'une Europe vassale. Je reconnais qu'aujourd'hui c'est difficile et que nous avons beaucoup de progrès à faire dans cette direction."
L'Europe est particulièrement divisée, ça peut être sa chance aussi...
- "Oui, mais on peut en tirer deux conclusions : ou bien on peut baisser les bras ou bien on peut se dire que nous avons encore beaucoup d'efforts à faire. Je suis plutôt sur la deuxième ligne."
G. Bush qui déciderait la guerre, aidés par ceux qui veulent le suivre, sans les Nations unies, que dit-on ? Tant pis ? Mais il se met hors-la-loi internationale, hors du droit ?
- "Vous parliez tout à l'heure des opinions publiques, je crois comprendre ou je crois lire, ici ou là, que l'opinion publique américaine ne souhaite pas un tel cas de figure, ne souhaite pas que le gouvernement américain parte en guerre, seul, contre l'avis de la communauté internationale. Et ça, c'est aussi, sans pousser cocorico, une forme de succès de la diplomatie française."
Mais il y a une vague de nationalisme, de francophobie grossière aux Etats-Unis.
- "Oui. Je crois qu'il ne faut pas que nous entrions dans ce jeu, il faut continuer à expliquer notre position et le faire avec sérénité, rappeler à nos amis américains qu'ils sont précisément nos amis, mais que c'est parce qu'ils sont nos amis que nous sommes en droit de leur dire certaines vérités."
Beaucoup d'experts disent, comme F. Géré, dans Le Figaro ce matin : "En persistant dans son approche, la France pourrait se voir exclue du règlement de l'après-S. Hussein et de toute capacité d'action après au Proche-Orient ?
- "On verra. Tout dépendra de la façon dont les choses se passent. Il n'est pas complètement exclu non plus que la position française finalement, permette d'éviter la guerre. Là, ce sera un tout autre cas de figure. Je reconnais qu'il y a peu de chance aujourd'hui que ce soit ce scénario..."
Avec quelques héros nouveaux...
- "Mais cela ne doit pas nous dissuader de continuer à jouer notre rôle, qui est, d'une certaine manière, historique."
Mais par exemple, vous avez vu, hier soir, à l'Elysée, Poutine, vous le recevrez demain, chez vous, à Bordeaux. Il a signé une déclaration, etc., mais pour son pétrole, pour son économie. Mais pour avoir les mains libres en Tchétchénie, il a plus besoin des Américains que de nous, même s'il dit le contraire aujourd'hui à Paris.
- "J'ai écouté ce qu'il a dit hier, à Paris, et je crois que pour nous, c'est la démonstration que la France n'est pas seule, que la France est soutenue par une grande partie de la communauté internationale."
Je n'oublie pas que vous êtes le président de l'UMP. Cet après-midi, un débat va s'engager à l'Assemblée sur le projet de réforme des modes de scrutin pour les élections régionales et européennes de l'an prochain. Près de 12 000 amendements vont bloquer ce texte : plus de 8.000 venant du PS, plus de 1.000 amendements de l'UDF.
- "Il faut voir ce que sont ces amendements ; cela va être : "nous proposons, non pas le taux de 10 % pour se reporter au deuxième tour mais 10,1 %, 10,2 %, 10,3 %, 10,4..."
C'est le jeu ?
- "Oui, c'est un jeu, vous avez raison de le dire. Je demande s'il faut jouer, dans la situation de crise internationale où nous sommes aujourd'hui, en prenant le risque de bloquer le Parlement. Mais sur le fond..."
Fallait-il provoquer tous les partis politiques et les mettre sur son dos ?
- "Sur le fond, je voudrais dire quelque chose. J'entends répéter qu'aux élections régionales, les petits partis ne pourraient pas avoir d'élus dans les conseils régionaux. Ceci est faux. On peut parfaitement constituer au deuxième tour des listes d'alliance et l'UMP le propose à l'UDF qui est une formation de la majorité présidentielle et parlementaire, nous lui tendons la main. C'est une élection à deux tours : au premier tour on se compte, au deuxième tour, on se regroupe. Ce qui nous paraît contestable, c'est ce qui s'est passé en 1998, souvenez-vous : les combinaisons d'états-majors, au lendemain du deuxième tour en Rhône-Alpes, en région Centre, en Picardie etc."
Oui, mais là, on broie les petits partis !
- "Pas du tout, on propose la transparence démocratique. Nous ne voulons pas que les gouvernements des régions soient choisis dans les couloirs. Nous voulons qu'au deuxième tour, nous nous présentions ensemble, en faisant à l'UDF toute sa part sur les listes. Si elle fait 10, 15, 30, 40 % au premier tour, elle aura 10, 20, 30 40 % des sièges."
Mais l'objectif, c'est un UMP très fort !
- "Pas du tout. L'objectif c'est la cohérence et la transparence. Et dans tous les partis démocratiques aujourd'hui, on permet aux électrices et aux électeurs de savoir qui ils vont choisir pour les gouverner. C'est ça qui est l'enjeu, en toute sérénité, en toute tranquillité."
L'UMP acceptera de changer un peu le texte ?
- "On verra, le Parlement fera son travail. Si ce n'est pas un travail d'obstruction, le texte naturellement peut être amélioré, cela va de soi."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 février 2003
- "Ce qui se passe depuis six mois, montre que la volonté de paix, qu'exprime notamment la France, résiste. Et vous l'avez vu, les contacts qui ont eu lieu, hier, entre le Président Poutine et le Président Chirac, ont conforté ce que j'appellerai "le camp de la paix"."
Mais à trois jours de la remise du rapport Blix aux Nations unies, qui peut affirmer, ce matin que la guerre de Bagdad n'aura pas lieu ?
- "Personne, et je dirai même qu'il y a aujourd'hui plus de chance, plus de risque que la guerre ait lieu plutôt qu'elle n'ait pas lieu. Je voudrais simplement, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur la position française, rappeler une chose : c'est que pour nous, comme pour les Américains - et là c'est un point de convergence que nous avons -, S. Hussein est un tyran, S. Hussein et son régime sont une menace pour la paix mondiale. S. Hussein doit désarmer et se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Là-dessus, nous sommes d'accord."
Messieurs Chirac, Poutine et Schröder disent qu'il faut un désarmement pacifique de l'Irak.
- "Oui, c'est vrai."
Mais comment on l'imagine ? On va vers S. Hussein et on lui dit : rends, s'il te plaît, sois gentil, rends tes armes biologiques et chimiques ?!
- "Ce n'est pas exactement ce qu'on lui dit ; on lui envoie des inspecteurs, il vient d'accepter le survol d'avions dits "espions", U2, sur son territoire, et la France, l'Allemagne, la Russie proposent de renforcer les moyens des inspections. Donc, il ne s'agit pas de lui demander poliment, comme vous le dites, avec des gants, de se conformer aux Nations unies. Il s'agit de mettre sur lui une pression forte avec, au bout du chemin, s'il ne se conforme pas à ces injonctions de la communauté internationale, la France l'a toujours dit, le fait que nous étions prêts à examiner toutes les options. Je disais que nous avions un point de convergence avec les Etats-Unis, en revanche nous avons deux points de différence. Le premier, c'est que nous ne croyons pas à la guerre courte et propre. On nous a fait le coup en Europe, vous vous souvenez, au XXème siècle, et cela ne marche jamais comme ça. Le deuxième point de différence, qui est peut-être le fond du problème, c'est que nous ne croyons pas à la théorie des dominos démocratiques. Cette théorie a cours aujourd'hui à Washington et à New York ; que veut-elle dire quoi ? C'est qu'après avoir évincé S. Hussein, on va voir se propager au Proche-Orient, un processus de contagion démocratique qui va installer des régimes démocratiques, en Arabie Saoudite, en Syrie et dans d'autres pays. Il me semble que c'est méconnaître profondément les comportements, les traditions, la culture de ces pays. Et cette illusion nous paraît aujourd'hui dangereuse."
Mais attendre, réclamer plus d'inspecteurs et plus de temps encore pour les inspecteurs, n'est-ce pas renforcer la dictature irakienne et entrer dans le jeu de S. Hussein ?
- "Il ne s'agit pas d'attendre..."
Ca dure, ça dure...
- "Non, il ne s'agit pas d'attendre, il s'agit d'agir. Fait-on confiance ou pas aux inspecteurs nommés par le Conseil de sécurité, messieurs Blix et ElBaradei ? Que viennent-ils de déclarer à leur retour de Bagdad ? "Nous sommes optimistes - je les cite -, nous pensons que des progrès sont possibles". Ils constatent que l'Irak coopère davantage. Il faut accentuer la pression. De ce point de vue, je crois que l'initiative de la France, de l'Allemagne et de la Russie est un élément important. Je voudrais d'ailleurs ajouter qu'aujourd'hui, au Conseil de sécurité des Nations unies, d'après les informations dont je dispose - ça peut changer, j'en suis bien conscient, du jour au lendemain -, il n'y a pas de majorité pour décider, au moment où je parle, d'une intervention militaire, parce que la majorité de la communauté internationale croit que la paix a encore une chance."
Donc, vous dites qu'aux Nations unies, vendredi, il y aura, à propos d'une deuxième résolution, deux textes qui vont s'affronter : l'Amérique et la Grande-Bretagne, qui n'auront peut-être pas la majorité, puis la France, la Russie, la Chine et quelques autres ?
- "Nous ferons notre proposition qui, je le répète, n'est pas une proposition de faiblesse, mais il s'agit au contraire de renforcer par tous les moyen les inspections et de faire plier S. Hussein. Mais qui donne une ultime chance à la paix, parce que nous sommes tous convaincus que la guerre ne se passe jamais bien."
La gauche française - je lisais, hier, l'interview de F. Hollande au Monde, - trouve que la politique de Paris est ambiguë. Il conteste le courage à J. Chirac, qui a pourtant bien résisté ici et là, pendant des mois, d'appliquer aux Nations unies, le veto de la France.
- "Quand je lis la presse américaine, je ne trouve pas que notre politique soit ressentie comme ambiguë. Quant au droit de veto, je trouve que c'est d'une très grande maladresse, et je dirais même d'une certaine irresponsabilité, que de le brandir à tout propos et hors de propos. Tout dépendra de la situation au moment où le Conseil de sécurité en débattra. Si S. Hussein fait de la provocation, ce qui n'est pas exclu quand on connaît le personnage..."
Pour le moment il n'en fait pas, il cède, peu à peu...
- "Oui, c'est pour cela qu'il faut continuer à le faire céder, vous le dites vous-même. Si le constat des inspecteurs est négatif, alors ce sera un premier cas de figure. La diplomatie française a toujours dit que, dans ce cas-là, nous n'excluons aucune option. Ce sont les propres mots de notre ministre des Affaires étrangères. Si, en revanche, le cas de figure est différent, si S. Hussein cède et si les inspecteurs nous disent que cela progresse, pourquoi voulez-vous qu'à ce moment-là le problème du droit de veto ou de la guerre se pose ?"
L'Irak a déjà provoqué beaucoup de dégâts entre l'Europe et les Etats-Unis, au sein de l'OTAN, on le voit - et on va le voir aujourd'hui encore -, de la casse entre Européens, entre Paris, l'administration Bush et l'establishment américain. Est-ce que J. Chirac ne prend pas trop de risques ?
- "C'est un problème de fond : est-ce que, pour ne pas déplaire aux Américains, il faut que l'Europe s'aligne systématiquement sur leur position ? J'aime bien les Etats-Unis pour des tas de raisons historiques. Personne n'a oublié la dette de sang que nous avons envers eux, et le fait que nous nous soyons battus dans le même camp, celui de la liberté, pendant toute la Guerre froide. Donc, je ne fais pas preuve d'anti-américanisme. Mais il y a des moment où je pense que l'Europe et la France en tout cas, doivent pouvoir dire "là-dessus, on ne suit pas parce qu'on pense que ce n'est pas l'intérêt de la communauté internationale et de la paix". Je rêve d'une Europe partenaire et non pas d'une Europe vassale. Je reconnais qu'aujourd'hui c'est difficile et que nous avons beaucoup de progrès à faire dans cette direction."
L'Europe est particulièrement divisée, ça peut être sa chance aussi...
- "Oui, mais on peut en tirer deux conclusions : ou bien on peut baisser les bras ou bien on peut se dire que nous avons encore beaucoup d'efforts à faire. Je suis plutôt sur la deuxième ligne."
G. Bush qui déciderait la guerre, aidés par ceux qui veulent le suivre, sans les Nations unies, que dit-on ? Tant pis ? Mais il se met hors-la-loi internationale, hors du droit ?
- "Vous parliez tout à l'heure des opinions publiques, je crois comprendre ou je crois lire, ici ou là, que l'opinion publique américaine ne souhaite pas un tel cas de figure, ne souhaite pas que le gouvernement américain parte en guerre, seul, contre l'avis de la communauté internationale. Et ça, c'est aussi, sans pousser cocorico, une forme de succès de la diplomatie française."
Mais il y a une vague de nationalisme, de francophobie grossière aux Etats-Unis.
- "Oui. Je crois qu'il ne faut pas que nous entrions dans ce jeu, il faut continuer à expliquer notre position et le faire avec sérénité, rappeler à nos amis américains qu'ils sont précisément nos amis, mais que c'est parce qu'ils sont nos amis que nous sommes en droit de leur dire certaines vérités."
Beaucoup d'experts disent, comme F. Géré, dans Le Figaro ce matin : "En persistant dans son approche, la France pourrait se voir exclue du règlement de l'après-S. Hussein et de toute capacité d'action après au Proche-Orient ?
- "On verra. Tout dépendra de la façon dont les choses se passent. Il n'est pas complètement exclu non plus que la position française finalement, permette d'éviter la guerre. Là, ce sera un tout autre cas de figure. Je reconnais qu'il y a peu de chance aujourd'hui que ce soit ce scénario..."
Avec quelques héros nouveaux...
- "Mais cela ne doit pas nous dissuader de continuer à jouer notre rôle, qui est, d'une certaine manière, historique."
Mais par exemple, vous avez vu, hier soir, à l'Elysée, Poutine, vous le recevrez demain, chez vous, à Bordeaux. Il a signé une déclaration, etc., mais pour son pétrole, pour son économie. Mais pour avoir les mains libres en Tchétchénie, il a plus besoin des Américains que de nous, même s'il dit le contraire aujourd'hui à Paris.
- "J'ai écouté ce qu'il a dit hier, à Paris, et je crois que pour nous, c'est la démonstration que la France n'est pas seule, que la France est soutenue par une grande partie de la communauté internationale."
Je n'oublie pas que vous êtes le président de l'UMP. Cet après-midi, un débat va s'engager à l'Assemblée sur le projet de réforme des modes de scrutin pour les élections régionales et européennes de l'an prochain. Près de 12 000 amendements vont bloquer ce texte : plus de 8.000 venant du PS, plus de 1.000 amendements de l'UDF.
- "Il faut voir ce que sont ces amendements ; cela va être : "nous proposons, non pas le taux de 10 % pour se reporter au deuxième tour mais 10,1 %, 10,2 %, 10,3 %, 10,4..."
C'est le jeu ?
- "Oui, c'est un jeu, vous avez raison de le dire. Je demande s'il faut jouer, dans la situation de crise internationale où nous sommes aujourd'hui, en prenant le risque de bloquer le Parlement. Mais sur le fond..."
Fallait-il provoquer tous les partis politiques et les mettre sur son dos ?
- "Sur le fond, je voudrais dire quelque chose. J'entends répéter qu'aux élections régionales, les petits partis ne pourraient pas avoir d'élus dans les conseils régionaux. Ceci est faux. On peut parfaitement constituer au deuxième tour des listes d'alliance et l'UMP le propose à l'UDF qui est une formation de la majorité présidentielle et parlementaire, nous lui tendons la main. C'est une élection à deux tours : au premier tour on se compte, au deuxième tour, on se regroupe. Ce qui nous paraît contestable, c'est ce qui s'est passé en 1998, souvenez-vous : les combinaisons d'états-majors, au lendemain du deuxième tour en Rhône-Alpes, en région Centre, en Picardie etc."
Oui, mais là, on broie les petits partis !
- "Pas du tout, on propose la transparence démocratique. Nous ne voulons pas que les gouvernements des régions soient choisis dans les couloirs. Nous voulons qu'au deuxième tour, nous nous présentions ensemble, en faisant à l'UDF toute sa part sur les listes. Si elle fait 10, 15, 30, 40 % au premier tour, elle aura 10, 20, 30 40 % des sièges."
Mais l'objectif, c'est un UMP très fort !
- "Pas du tout. L'objectif c'est la cohérence et la transparence. Et dans tous les partis démocratiques aujourd'hui, on permet aux électrices et aux électeurs de savoir qui ils vont choisir pour les gouverner. C'est ça qui est l'enjeu, en toute sérénité, en toute tranquillité."
L'UMP acceptera de changer un peu le texte ?
- "On verra, le Parlement fera son travail. Si ce n'est pas un travail d'obstruction, le texte naturellement peut être amélioré, cela va de soi."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 février 2003