Texte intégral
C'est un honneur et un plaisir pour nous de vous accueillir ici, Monsieur le Président, à l'occasion d'une visite à Paris où vous êtes particulièrement le bienvenu. Nous sommes en effet très heureux d'honorer aujourd'hui l'Allemagne et ses Länder, l'amitié franco-allemande au service de la construction européenne, et bien évidemment l'engagement d'un homme aussi éminent que vous à travers vos multiples fonctions.
Comme ministre-président du Bade-Würtemberg d'abord, puisque ce Land qui vous a vu naître puis vous engager, tout jeune, dans la politique (dois-je rappeler que vous avez été, en 1964, le plus jeune maire d'Allemagne ?), vous a depuis plus de cinq ans à sa tête.
Remarquable, votre région l'est a plus d'un titre.
Permettez-moi tout d'abord un instant de rêve en évoquant les paysages du pays de Bade et du Würtemberg. La contribution de ses terroirs féconds et de ses populations industrieuses à la vie et à la pensée allemandes est renommée.
Je pense en particulier à sa riche tradition culturelle et universitaire, puisqu'elle a vu naître Schiller, Hölderlin, Hegel, et qu'elle est le berceau des universités de Tübingen, de Heidelberg ou de Fribourg, parmi les plus anciennes et les plus renommées d'Allemagne.
Par son dynamisme économique, qui en fait aujourd'hui la terre d'accueil de grands noms de l'industrie allemande et un pionnier des technologies de l'avenir.
Et aussi, permettez-moi de le souligner, parce que votre Land fait figure de modèle pour la coopération transfrontalière. S'y révèle la proximité qui existe entre nos deux pays. En termes d'échanges commerciaux, mais aussi dans le domaine linguistique et scolaire, comme l'illustre le lycée franco-allemand de Fribourg, le premier du genre, et dans celui des échanges universitaires. Plus généralement, le Bade-Wurtemberg s'affirme comme l'un des acteurs les plus dynamiques de la relation franco-allemande.
La coopération franco-allemande, vous la servez également, Monsieur le Président, comme plénipotentiaire des Länder pour les relations culturelles franco-allemandes.
C'est en effet le remarquable travail des Länder, dont je voudrais saluer les représentants ici présents, qui assure à la coopération culturelle et éducative entre nos deux pays sa traduction concrète dans la vie quotidienne de vos concitoyens. Dans le cadre du Traité de l'Elysée, la fonction de plénipotentiaire a été créée il y a trente-quatre ans afin de coordonner leurs initiatives et de développer ces liens entre nos peuples qui forment la substance et le fondement de notre entente au plus haut niveau politique.
Alors que cette nouvelle année verra se tenir deux événements marquants destinés à développer encore davantage les liens entre les "forces vives" de nos sociétés, nous sommes particulièrement heureux d'avoir en vous un interlocuteur qui partage pleinement cet objectif ambitieux.
En septembre, dans une grande ville de l'Ouest, les Assises franco-allemandes mettront a l'honneur tous les acteurs qui animent au quotidien la relation franco-allemande, et les associeront à une réflexion sur les moyens d'intensifier encore davantage les échanges entre nos deux pays.
J'aimerais ici souligner l'ampleur sans comparaison possible de ces échanges. Je tiens à le faire parce qu'on entend dire parfois que la relation franco-allemande tient plus a des affinités en haut lieu qu'à des liens profonds et populaires. Sans même mentionner le domaine de l'économie, où la France et l'Allemagne sont l'un pour l'autre le premier partenaire, j'aimerais parler de ces 1800 jumelages de communes françaises et allemandes, de ces 5 millions de jeunes qui ont participé à pas moins de 183000 programmes d'échanges, depuis la création de l'Office franco-allemand pour la jeunesse ! On a du mal à mesurer, par exemple, ce que le soutien des organismes bilatéraux d'échanges représente, au niveau local, pour les professeurs de langue : dans la région où j'exerce des responsabilités, les pays de la Loire, la seule académie de Nantes a enregistré près de 7000 échanges entre jeunes en 1995. Mais il est vrai que ce travail est, par nature, discret, loin des feux des media, dont on connaît l'attrait pour le sensationnel.
C'est dans cet esprit que se tiendront, non seulement les Assises dont je viens de parler, mais aussi, à l'automne, le Sommet à dominante culturelle dont nous attendons, comme vous, beaucoup. Dans les domaines cruciaux de l'enseignement des langues, de la formation professionnelle, de la coopération universitaire, avec en particulier notre grand projet d'université franco-allemande. Cette initiative très ambitieuse permettra à nos étudiants d'obtenir des diplômes des deux pays. L'université devra être un partenaire du monde économique et mènera, je l'espère, des actions internationales vers les pays tiers.
En ces matières, les progrès se décrètent encore moins qu'ailleurs, et en tout cas moins que nous, Français, parfois trop centralisateurs et jacobins à mon goût, avons tendance à le croire. C'est par la persuasion, par des actions continues, impliquant des acteurs locaux que nous réussirons à avancer. Votre engagement dans la coopération franco-allemande, comme votre profond attachement à l'ordre constitutionnel fédéral, vous désignaient tout particulièrement pour assurer, côté allemand, cette haute et exaltante mission.
Président du Bundesrat, assemblée au sein de laquelle vous présidez le groupe d'amitié France-Allemagne, vous incarnez en effet, Monsieur le Président, cette Allemagne chère à notre coeur, riche de ses différences et résolument européenne, socialement généreuse et économiquement performante. Cette étonnante capacité à allier l'unité à la diversité qui, au moment où la construction de l'Europe entre dans une phase décisive, donne au terme un peu théologique de "subsidiarité" toute sa signification. Car telle sera l'Europe que nous construisons : respectueuse des Etats et néanmoins unie, fière de son modèle social et naturellement compétitive.
Monsieur le Président, je lève mon verre en l'honneur de l'homme de fidélité que vous êtes. Fidélité à l'idéal de justice sociale que vous poursuivez dans votre vie comme dans votre action politique. Fidélité à l'objectif européen. Fidélité à la fraternité franco-allemande dont vous êtes, avec cet alliage de passion et de réalisme qui vous caractérise, l'un des plus brillants représentants.
Je vous invite également, Mesdames et Messieurs, à lever votre verre au bonheur et à la prospérité du peuple allemand, à l'amitié entre Allemagne et la France et à l'avènement de notre projet européen commun.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 octobre 2001)