Texte intégral
M. Védrine - Charles Josselin et moi-même avons eu le plaisir d'accueillir, de présider et d'animer cette traditionnelle et très intéressante réunion de suivi qui a lieu entre les sommets Afrique-France. Ce qui était remarquable cette fois-ci, c'est que l'ensemble des pays d'Afrique, à l'exception de la Somalie qui n'est pas vraiment un Etat, était réuni. Il y avait toute l'Afrique.
L'Algérie était présente pour la première fois. D'abord et avant tout, parce qu'elle préside l'OUA mais elle était aussi présente en tant que pays et je salue à cet égard la présence de M. Ahmed Attaf qui est ici à ce double titre. D'autre part, les circonstances ayant évolué, nous avons été heureux de pouvoir, cette fois-ci, inviter la Libye et le Soudan. Ceci correspondait à un souhait général.
Nous avons débattu principalement de deux sujets : la question du lieu du prochain sommet et les questions de sécurité, ce qui s'inscrivait dans le suivi du sommet de Paris de novembre 1998. Il y a beaucoup d'autres sujets dont nous aurions aimé débattre entre nous car il y a une réelle atmosphère, amicale, très directe, dans ces rencontres qui ne ressemblent à aucune autre et nous aurions pu parler encore longuement sur les crises, sur les déclarations de Kofi Annan qui intéressent tout le monde, mais, malheureusement, l'emploi du temps des uns et des autres nous a obligé à resserrer l'ordre du jour plus encore que nous l'aurions voulu.
S'agissant du premier sujet, nous avons procédé à une consultation très large, dans un esprit démocratique. Nous avons d'abord entendu la déclaration malienne retirant la candidature du Mali. Un consensus est ensuite apparu dans le cadre du tour de table dans le sens d'une rotation géographique privilégiant l'Afrique centrale et, finalement, c'est autour du Cameroun que le consensus s'est établi. En même temps, nous avons noté la proposition qui a été faite par Madagascar d'accueillir un sommet prochainement. Cela nous est apparu logique et cohérent par rapport à cette idée de rotation régulière.
L'élégance de la démarche du Mali a été relevée et soulignée.
Voilà donc le constat qui a été fait au niveau des ministres et voilà ce qui constituera une prochaine étape.
En ce qui concerne le thème que nous allons soumettre aux chefs d'Etats, il sera "Afrique et mondialisation". En ce qui concerne la date de ce prochain sommet, ce sera soit fin 2000, soit, plus vraisemblablement, au début 2001, pour des raisons d'organisation du calendrier des uns et des autres.
Le débat a ensuite porté sur la sécurité avec les interventions du Togo, de l'Afrique du sud, de l'Egypte, du Mali et du Mozambique. Ce fut un échange de vues très intéressant, malheureusement parfaitement d'actualité, avec les crises fortes en Afrique, à commencer par celle de l'Afrique centrale, autour de la République démocratique du Congo. Il y en a d'autres aussi et ces questions ont été abordées avec la volonté de clarté et de franchise qui, comme je le disais tout à l'heure, préside à cet exercice.
Sur ces questions de sécurité, nous en parlons de rencontre en rencontre, de sommets en réunions ministérielles. Nous voulons les aborder par toutes les voies et le plus vite possible. Cela peut se faire crise par crise. Cela peut être une approche méthodologique sur le rôle de l'ONU, le rôle des organisations régionales, le rôle de l'Europe, de la France, le rôle de chaque pays concerné. Cela peut être une approche thématique comme, par exemple, ce qui est fait sur les petites armes, comme ce qui a été fait sur le plan mondial - mais cela s'applique malheureusement aussi à l'Afrique - à propos des mines antipersonnel. Il y a aussi le travail crise par crise où il faut bien analyser les origines des crises, les origines des drames pour essayer de convaincre chaque protagoniste qu'il a intérêt à arrêter cette évolution guerrière, militaire, agressive. Une fois que l'on a pu peser sur ces différentes choses, il faut organiser sur la forme de processus de paix qu'il faut ensuite conduire loin, consolider et garantir.
Ainsi, s'agissant de la crise des grands lacs, lorsque nous aurons réussi, tous, à aller loin à partir du processus de Lusaka, à un moment ou un autre, il faudra se grouper dans le cadre d'une conférence sur la stabilité et la sécurité dans cette région de l'Afrique. Nous ferons tout pour avancer.
Je voudrai souligner, avant de terminer, que nous avons observé, au cours de nos débats, la prise de conscience, en particulier des dirigeants africains, des enjeux de sécurité et de la volonté partagée par tous - on en a encore eu la confirmation ce matin - de s'impliquer vraiment dans la maîtrise de ces aspects multiples des crises et des problèmes de sécurité. C'est fondamental. Nous devons vraiment travailler ensemble, de façon très étroitement coordonnée, et je crois que la rencontre d'aujourd'hui est une bonne étape dans ce sens.
M. Josselin - Je me rends à Bruxelles tout à l'heure. C'est peut-être la dernière étape avant la conclusion des accords entre l'Union Européenne et les pays ACP en ce qui concerne le renouvellement des accords de Lomé et je ne vous cache pas que nous aimerions bien que Bruxelles soit le contrepoint de la rencontre de Seattle, que nous puissions faire la preuve à Bruxelles qu'avec une implication forte des pays en développement, une préparation attentive, on peut arriver à un accord Nord-Sud privilégiant une relation de solidarité entre l'Europe et les pays ACP avec 2 novations : sur le plan politique, c'est l'introduction beaucoup plus importante de ce que l'on appelle le dialogue politique dans la relation entre l'Europe et les pays ACP avec une cible, la corruption. La seconde novation, c'est le privilège clairement reconnu à l'intégration régionale comme moyen de passage en quelque sorte à l'économie mondiale.
Nous avons bon espoir que ces deux points en particulier soient retenus. Ayant ce matin présidé à la place d'Hubert Védrine une partie de la Conférence, j'ai pu bien sûr observer le regret d'un certain nombre de partenaires de ne pas avoir eu plus de temps pour poursuivre ce débat, dans un cadre très approprié et pour soulever des grandes questions comme la diplomatie préventive, la souveraineté nationale, questions qui pourraient, dans notre esprit, se retrouver lors d'une nouvelle conférence et pourquoi pas la prochaine. On verra avec notre collègue Camerounais qui va se préparer à nous accueillir dans un an - si les chefs d'Etats confirment et je ne doute pas qu'ils le fassent - si l'on pourra reprendre ces idées mais ce sont des thèmes qu'il sera intéressant de reprendre dans le cadre du dialogue entre la l'Afrique et la France.
Lorsque je vous aurais dit que les pays qui sont encore en guerre ont voulu s'exprimer ce matin, par la voix de leur ministre des Affaires étrangères, je pense à la République démocratique du Congo, à la République centrafricaine, à l'Angola, aux Comores, vous aurez compris que cette conférence ministérielle de suivi a évidemment rejoint totalement l'actualité.
Q - Ma question porte sur le conflit en République démocratique du Congo. Le cessez-le-feu a été signé, il n'a jamais été appliqué. En ce moment, l'ONU veut intervenir sur le terrain, avec une poignée de 500 observateurs, dans un conflit d'une telle dimension ! Ce matin, avez-vous débattu de la mise en place d'une véritable force d'interposition en République démocratique du Congo ?
R - M. Josselin - Nous voulons tous contribuer à améliorer les choses. Ce matin, la guerre en République démocratique du Congo a été évoquée, le dispositif de Lusaka. Dans le même temps, le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo a dit que sur le terrain, la situation n'avait pas bougé puisque ceux qu'il appelle les envahisseurs étaient toujours là et il nous mettait en garde contre le rêve qui peut parfois être synonyme de sommeil, pour reprendre l'image qu'il a employée ce matin. On ne peut que rappeler les efforts qui sont entrepris. L'OUA s'y implique et je laisserai tout à l'heure le soin à son président de dire ce que l'OUA fait à cet égard. la France, de son côté, exerce les pressions qu'elle est capable de mettre en oeuvre en direction des différents acteurs pour que les accords de Lusaka soient respectés. Et la France s'est, par ailleurs réjouie de la désignation d'un nouveau médiateur pour mettre en oeuvre le processus d'Arusha qui est un élément important. J'ajoute qu'au mois de janvier prochain, j'aurai l'occasion moi-même de retourner en Tanzanie, à Arusha et à Dar-Es-Salam et aussi en Ouganda, à Kampala où je rencontrerai le président Museveni. J'espère que d'ici là, les choses auront continué de s'améliorer, même s'il est vrai que, sur le terrain, l'amélioration est encore trop peu sensible./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 décembre 1999)
L'Algérie était présente pour la première fois. D'abord et avant tout, parce qu'elle préside l'OUA mais elle était aussi présente en tant que pays et je salue à cet égard la présence de M. Ahmed Attaf qui est ici à ce double titre. D'autre part, les circonstances ayant évolué, nous avons été heureux de pouvoir, cette fois-ci, inviter la Libye et le Soudan. Ceci correspondait à un souhait général.
Nous avons débattu principalement de deux sujets : la question du lieu du prochain sommet et les questions de sécurité, ce qui s'inscrivait dans le suivi du sommet de Paris de novembre 1998. Il y a beaucoup d'autres sujets dont nous aurions aimé débattre entre nous car il y a une réelle atmosphère, amicale, très directe, dans ces rencontres qui ne ressemblent à aucune autre et nous aurions pu parler encore longuement sur les crises, sur les déclarations de Kofi Annan qui intéressent tout le monde, mais, malheureusement, l'emploi du temps des uns et des autres nous a obligé à resserrer l'ordre du jour plus encore que nous l'aurions voulu.
S'agissant du premier sujet, nous avons procédé à une consultation très large, dans un esprit démocratique. Nous avons d'abord entendu la déclaration malienne retirant la candidature du Mali. Un consensus est ensuite apparu dans le cadre du tour de table dans le sens d'une rotation géographique privilégiant l'Afrique centrale et, finalement, c'est autour du Cameroun que le consensus s'est établi. En même temps, nous avons noté la proposition qui a été faite par Madagascar d'accueillir un sommet prochainement. Cela nous est apparu logique et cohérent par rapport à cette idée de rotation régulière.
L'élégance de la démarche du Mali a été relevée et soulignée.
Voilà donc le constat qui a été fait au niveau des ministres et voilà ce qui constituera une prochaine étape.
En ce qui concerne le thème que nous allons soumettre aux chefs d'Etats, il sera "Afrique et mondialisation". En ce qui concerne la date de ce prochain sommet, ce sera soit fin 2000, soit, plus vraisemblablement, au début 2001, pour des raisons d'organisation du calendrier des uns et des autres.
Le débat a ensuite porté sur la sécurité avec les interventions du Togo, de l'Afrique du sud, de l'Egypte, du Mali et du Mozambique. Ce fut un échange de vues très intéressant, malheureusement parfaitement d'actualité, avec les crises fortes en Afrique, à commencer par celle de l'Afrique centrale, autour de la République démocratique du Congo. Il y en a d'autres aussi et ces questions ont été abordées avec la volonté de clarté et de franchise qui, comme je le disais tout à l'heure, préside à cet exercice.
Sur ces questions de sécurité, nous en parlons de rencontre en rencontre, de sommets en réunions ministérielles. Nous voulons les aborder par toutes les voies et le plus vite possible. Cela peut se faire crise par crise. Cela peut être une approche méthodologique sur le rôle de l'ONU, le rôle des organisations régionales, le rôle de l'Europe, de la France, le rôle de chaque pays concerné. Cela peut être une approche thématique comme, par exemple, ce qui est fait sur les petites armes, comme ce qui a été fait sur le plan mondial - mais cela s'applique malheureusement aussi à l'Afrique - à propos des mines antipersonnel. Il y a aussi le travail crise par crise où il faut bien analyser les origines des crises, les origines des drames pour essayer de convaincre chaque protagoniste qu'il a intérêt à arrêter cette évolution guerrière, militaire, agressive. Une fois que l'on a pu peser sur ces différentes choses, il faut organiser sur la forme de processus de paix qu'il faut ensuite conduire loin, consolider et garantir.
Ainsi, s'agissant de la crise des grands lacs, lorsque nous aurons réussi, tous, à aller loin à partir du processus de Lusaka, à un moment ou un autre, il faudra se grouper dans le cadre d'une conférence sur la stabilité et la sécurité dans cette région de l'Afrique. Nous ferons tout pour avancer.
Je voudrai souligner, avant de terminer, que nous avons observé, au cours de nos débats, la prise de conscience, en particulier des dirigeants africains, des enjeux de sécurité et de la volonté partagée par tous - on en a encore eu la confirmation ce matin - de s'impliquer vraiment dans la maîtrise de ces aspects multiples des crises et des problèmes de sécurité. C'est fondamental. Nous devons vraiment travailler ensemble, de façon très étroitement coordonnée, et je crois que la rencontre d'aujourd'hui est une bonne étape dans ce sens.
M. Josselin - Je me rends à Bruxelles tout à l'heure. C'est peut-être la dernière étape avant la conclusion des accords entre l'Union Européenne et les pays ACP en ce qui concerne le renouvellement des accords de Lomé et je ne vous cache pas que nous aimerions bien que Bruxelles soit le contrepoint de la rencontre de Seattle, que nous puissions faire la preuve à Bruxelles qu'avec une implication forte des pays en développement, une préparation attentive, on peut arriver à un accord Nord-Sud privilégiant une relation de solidarité entre l'Europe et les pays ACP avec 2 novations : sur le plan politique, c'est l'introduction beaucoup plus importante de ce que l'on appelle le dialogue politique dans la relation entre l'Europe et les pays ACP avec une cible, la corruption. La seconde novation, c'est le privilège clairement reconnu à l'intégration régionale comme moyen de passage en quelque sorte à l'économie mondiale.
Nous avons bon espoir que ces deux points en particulier soient retenus. Ayant ce matin présidé à la place d'Hubert Védrine une partie de la Conférence, j'ai pu bien sûr observer le regret d'un certain nombre de partenaires de ne pas avoir eu plus de temps pour poursuivre ce débat, dans un cadre très approprié et pour soulever des grandes questions comme la diplomatie préventive, la souveraineté nationale, questions qui pourraient, dans notre esprit, se retrouver lors d'une nouvelle conférence et pourquoi pas la prochaine. On verra avec notre collègue Camerounais qui va se préparer à nous accueillir dans un an - si les chefs d'Etats confirment et je ne doute pas qu'ils le fassent - si l'on pourra reprendre ces idées mais ce sont des thèmes qu'il sera intéressant de reprendre dans le cadre du dialogue entre la l'Afrique et la France.
Lorsque je vous aurais dit que les pays qui sont encore en guerre ont voulu s'exprimer ce matin, par la voix de leur ministre des Affaires étrangères, je pense à la République démocratique du Congo, à la République centrafricaine, à l'Angola, aux Comores, vous aurez compris que cette conférence ministérielle de suivi a évidemment rejoint totalement l'actualité.
Q - Ma question porte sur le conflit en République démocratique du Congo. Le cessez-le-feu a été signé, il n'a jamais été appliqué. En ce moment, l'ONU veut intervenir sur le terrain, avec une poignée de 500 observateurs, dans un conflit d'une telle dimension ! Ce matin, avez-vous débattu de la mise en place d'une véritable force d'interposition en République démocratique du Congo ?
R - M. Josselin - Nous voulons tous contribuer à améliorer les choses. Ce matin, la guerre en République démocratique du Congo a été évoquée, le dispositif de Lusaka. Dans le même temps, le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo a dit que sur le terrain, la situation n'avait pas bougé puisque ceux qu'il appelle les envahisseurs étaient toujours là et il nous mettait en garde contre le rêve qui peut parfois être synonyme de sommeil, pour reprendre l'image qu'il a employée ce matin. On ne peut que rappeler les efforts qui sont entrepris. L'OUA s'y implique et je laisserai tout à l'heure le soin à son président de dire ce que l'OUA fait à cet égard. la France, de son côté, exerce les pressions qu'elle est capable de mettre en oeuvre en direction des différents acteurs pour que les accords de Lusaka soient respectés. Et la France s'est, par ailleurs réjouie de la désignation d'un nouveau médiateur pour mettre en oeuvre le processus d'Arusha qui est un élément important. J'ajoute qu'au mois de janvier prochain, j'aurai l'occasion moi-même de retourner en Tanzanie, à Arusha et à Dar-Es-Salam et aussi en Ouganda, à Kampala où je rencontrerai le président Museveni. J'espère que d'ici là, les choses auront continué de s'améliorer, même s'il est vrai que, sur le terrain, l'amélioration est encore trop peu sensible./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 décembre 1999)