Interview de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, au quotidien néerlandais "De Volksrant" le 29 avril 2003, sur le danger de prolifération des armes de destruction massive, la coopération avec les Etats-Unis, la position de l'Union européeenne et la force de frappe française.

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Média : De Volkrant

Texte intégral

Les Nations unies sont l'instrument par excellence de l'action internationale
Q - Comment analysez-vous le danger de la prolifération des armes de destruction massive dans le monde ? Quels pays sont les plus dangereux ?
R - Nous n'avons pas l'habitude de publier des listes de noms. Mais il est clair qu'aucune partie du monde n'est à l'abri de cette grave menace. Le danger s'est renforcé avec le développement des technologies et surtout avec le risque d'acquisition d'armes de destruction massive par des groupes terroristes. Il s'étend également en raison de la collaboration entre pays proliférants. La France a marqué à plusieurs reprises sa préoccupation face à ce danger.
Q - Quelles méthodes pourraient être utilisées afin de réduire le nombre d'armes de destruction massive dans le monde ? Est-ce qu'une guerre préventive serait une option ?
R - Non. Pour nous, la priorité va au renforcement du régime de non-prolifération. Il existe aujourd'hui un certain nombre de textes fondamentaux. Ce régime repose sur une approche coopérative et doit être renforcé, complété, universalisé. Il est le plus sûr garant de la sécurité collective. En tout état de cause, la gestion de ces crises revient au Conseil de sécurité des Nations unies. Je vous rappelle à cet égard que le président de la République, M. Jacques Chirac, a proposé que se tienne à ce sujet une réunion du Conseil de sécurité au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement en marge de la prochaine Assemblée générale des Nations unies.
Q - Comment voyez-vous la coopération avec les Etats-Unis ?
R - Notre coopération est excellente et nous y sommes profondément attachés.
La crise irakienne a eu le mérite de faire mesurer à quel point il est nécessaire d'avoir une évaluation commune de la menace par l'Europe et les Etats-Unis et de réfléchir ensemble sur la nature des instruments dont la communauté internationale dispose pour y faire face. Nous avons commencé à y travailler avec nos partenaires européens. Sur ces bases, l'Europe pourra développer plus largement son dialogue sur la question avec les Etats-Unis. Nous demeurons persuadés que les Nations unies restent l'instrument de légitimation par excellence de l'action internationale.
Q - Pourquoi l'Union européenne est-elle restée assez silencieuse en matière d'armes de destruction massive ces dernières années et pourquoi voit-elle maintenant la nécessité de prendre des initiatives dans ce domaine ? Est-ce pour éviter des divisions futures au sein de l'Europe, comme cela fut le cas avec l'Irak ?
R - L'Union européenne a, depuis longtemps, défini et mis en uvre des actions dans le domaine de la lutte contre la prolifération. Ainsi, à titre d'exemple, je vous rappellerai le programme de coopération technique qui existe avec la Russie - c'est une initiative concrète. Mais dans le nouveau contexte stratégique actuel, la menace de la prolifération des armes de destruction massive se renforce et change de nature. Les crises se multiplient et l'Europe se trouve donc de plus en plus directement menacée. Elle assume ses responsabilités en engageant aujourd'hui une réflexion globale pour adapter sa politique à ce nouveau contexte. Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont donc chargé M. Solana de mener cette réflexion. La France contribuera activement au débat.
Q - La France a sa force de frappe. Si elle veut réduire le nombre des armes de destruction massive dans le monde, pourquoi ne commence-t-elle pas par sa propre force de frappe ?
R - La France ne possède pas d'arme chimique ni d'arme biologique, mais elle fait partie des cinq Etats dotés d'armes nucléaires en conformité avec le traité de non-prolifération. Elle veille à maintenir son arsenal au niveau le plus bas nécessaire à sa sécurité. La dissuasion permet de garantir ses intérêts vitaux, face notamment aux menaces de prolifération des armes de destruction massive
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 avril 2003)