Texte intégral
L'ÉTAT ACTUEL DE LA CAMPAGNE
J'ai déjà participé à de nombreuses campagnes municipales à Paris, je n'en ai pas encore vu d'aussi singulière. Certains, comme Jean TIBERI et Bertrand DELANOË, se sont très précocement déclarés candidats, puis les Verts se sont mis dans la course, suivis par le RPR avec Philippe SEGUIN, tandis que le PCF se bat pour un siège supplémentaire mais signera en toute hypothèse avec le PS. Moi-même et le MDC avons désigné des chefs de file pour de futures listes, les Radicaux s'annoncent.
Pour la première fois depuis 1977, les élections municipales peuvent et doivent permettre à la gauche de l'emporter à Paris. Cela dépend d'abord de ses responsables, mais aussi de l'investissement de tous. Les Parisiens veulent le changement. A nous de le favoriser, de le permettre.
Il y aura donc deux candidats à droite issus du même parti, et au moins deux au sein de la gauche plurielle, peut-être davantage si l'union ne progresse pas. Quant à Monsieur BORLOO, il est pris de démangeaisons irrépressibles !
La vraie campagne n'a pas encore commencé. Pendant ce temps, la justice travaille, perquisitionne et met en examen, ce qui affaiblit le RPR et semble laisser sans voix le PS. Mener campagne avec cette épée de Damoclès qui frappe de plus en plus fréquemment est une situation parfaitement inédite, vous en conviendrez aisément.
Dans ce contexte Haussmann revient, Haussmann est de retour. Vous l'avez sûrement remarqué. Depuis quelques semaines, Haussmann fait l'objet d'une étonnante sollicitude médiatique. Un jour un hebdomadaire livre tout un dossier à sa gloire. Un autre jour, un quotidien publie une longue tribune dressant l'éloge de son urbanisme. Un troisième jour, parait un ouvrage sur " Haussmann le Grand " titre renvoyant à un autre ouvrage paru il y a 10 ans "Louis Napoléon le GRAND" dont l'auteur est un homme politique français cheminant d'Epinal à Paris. Car dans ce retour d'Haussmann, il n'y a rien de fortuit, il n'y a rien de gratuit. Haussmann sert d'ange annonciateur. Haussmann doit préfigurer Philippe SEGUIN. Philippe SEGUIN se placera dans le sillage d'Haussmann. Haussmann eut un projet pour Paris. Haussmann transforma Paris. Vous verrez à l'automne, Philippe SEGUIN présentera un programme pour les Parisiens et il le placera dans la continuité d'Haussmann... après cent trente ans d'interruption.
Vous le constatez, Philippe SEGUIN se trompe, se trompe de siècle. Mais il est vrai qu'il est plus gratifiant de se placer dans la continuité d'Haussmann que dans celle des deux derniers maires de Paris.
Quelle est finalement la légitimité de Philippe SEGUIN ? C'est un parfait parachuté dont la seule légitimité est d'avoir été désigné à l'issue d'une procédure ubuesque et pas du tout démocratique. C'est une légitimité bien faible, insuffisante pour lui permettre de s'imposer dans son propre parti et dans l'ensemble de la droite. Face à lui, Jean TIBERI peut se prévaloir de sa gestion habile et se présenter en victime qui refuse de porter seul le chapeau. Il vient de présenter ses têtes de liste, il est au moins aussi légitime que SEGUIN, il n'a aucune raison de s'effacer.
Faisons un rapide bilan de la droite au pouvoir à Paris.
En un quart de siècle ou presque, qu'ont-ils fait pour Paris Jacques Chirac et Jean Tibéri ? Rien, si ce n'est la politique du chien crevé au fil de l'eau, ou, si vous préférez, la soumission de la ville au marché, c'est-à-dire à la spéculation et, souvenez-vous, à certaines époques, à la spéculation la plus effrénée. Pour le reste, quel serait le contenu de ce "bon" bilan autoproclamé ? Des pistes cyclables et des dossiers brûlants, ces dossiers que les compagnons désormais ennemis s'envoient à la figure devant des citoyens médusés, ahuris par ce climat de méchanceté. Nous sommes bien loin de la République. Je n'ose même pas évoquer ici le nom du général de Gaulle, de peur de porter atteinte à sa mémoire.
En quatre mandats, qu'ont-ils construit ces messieurs et dames du RPR ? Rien, à l'exception du Palais Omnisports de Bercy. C'est vrai, ils ont construit Bercy, chacun s'en souvient ; il est toujours facile de se souvenir d'une exception, d'un objet unique. Tout le reste, c'est l'État, les grands travaux de François Mitterrand, de la Pyramide du Louvre à la Villette en passant par l'Opéra-Bastille. Même le musée des Arts premiers, c'est encore l'État ; c'est certes Jacques Chirac, mais en tant que Président de la République.
N'oublions pas toutefois combien cette droite municipale sut être mesquine et politicienne, refusant le centre international de conférence, refusant à Paris un équipement nécessaire à sa vocation, à son ambition.
Oui, il faut une ambition pour Paris, une véritable ambition, une ambition qui ne se confonde pas avec l'ambition d'un homme. Paris ne peut plus continuer à servir de socle et de piédestal, à servir d'étape vers un autre podium, un podium élyséen. Pas pour 2002, bien sûr, mais pour l'élection d'après, celle de 2007 ou de 2009, nous verrons bien ! Nous payons encore les dégâts de cette stratégie personnelle, de cette stratégie présidentielle qui a duré dix huit ans : la paralysie pour ne mécontenter personne, le " système " pour s'assurer des moyens, ce système que certains font aujourd'hui mine de découvrir et croient habile de dénoncer.
Oui, il faut une ambition pour Paris, une véritable ambition, une ambition qui ne se résume pas à une dissimulation, à un cache-misère pour couvrir des listes électorales trafiquées. Il n'y a pas de délit plus grave dans la République que celui de truquer le suffrage universel. C'est un véritable délit de lèse république. La République doit mériter la confiance du citoyen, et le citoyen doit être assuré de l'honnêteté et de la sincérité des scrutins.
Oui, il faut une ambition pour Paris, une véritable ambition, une ambition qui ne se limite pas à une image d'Épinal, à une ville muséifiée pour touristes pressés. La France a besoin d'une agglomération qui compte au niveau mondial. Un lieu où l'on pense, où l'on crée, où l'on décide. Un lieu où bouillonne la vie. Un lieu où s'établissent des liens entre toutes les facettes de l'activité humaine. Paris et le désert français : thème vieilli, rengaine plus que cinquantenaire. Aujourd'hui, à l'heure d'Internet et de la mondialisation, c'est Paris pour irriguer le territoire français, Paris pour entraîner la France. Ce n'est pas Paris pour les seuls Parisiens, c'est Paris pour tous les Français, pour en finir avec cette querelle archaïque qui voudrait opposer les Parisiens aux autres Français.
Qui peut porter une telle ambition pour Paris ? Une ambition pour la capitale de la France ? Les Verts ? Cohn-Bendit entouré de ses amis Madelin et Bayrou ? Pourquoi pas un attelage Contassot et Borloo ? " Plus politicien, tu meurs ". Les Verts n'ont aucune ambition pour Paris, car ils veulent dissoudre la France dans une Europe fédérale des régions. Paris, à leurs yeux, n'est qu'une addition de quartiers et non le levier d'une nation. Paris doit être banalisé pour que Paris ne soit plus Paris, c'est-à-dire le coeur de la République française.
Bertrand Delanoë doit prendre garde. On dirait que les socialistes parisiens se rejouent en sourdine le congrès de Rennes. D'un côté, les orphelins de Blois. Ils ne se sont pas encore remis d'un départ impromptu en rase compagne. Mais, écoutez-les, lisez-les, jamais ils ne citent le nom de Bertrand Delanoë. De l'autre coté, les anciens de la gauche " morale ", de la génération " morale " derrière Jean-Marie Le Guen et Jean Christophe Cambadélis. Que dire ? C'est attristant. C'est désolant. C'est affligeant. Le gag de l'arroseur arrosé n'est pas toujours désopilant. Oh, ce n'est pas tragique ! C'est seulement attristant pour qui, comme moi, s'est toujours fait une idée exigeante de la gauche.
Et le Mouvement des Citoyens dans tout cela ?
Le Mouvement des Citoyens présente une ambition pour Paris, une ambition pour la France. Paris doit redevenir la métropole de la créativité mondiale. Paris doit s'affirmer comme la capitale de la connaissance en liaison avec son extraordinaire réseau universitaire. Paris doit se coordonner avec sa banlieue à travers un Haut conseil de l'agglomération pour constituer un ensemble urbain dynamique de dimension planétaire.
Le Mouvement des Citoyens propose un programme aux Parisiens. D'abord, désencombrer Paris pour dépolluer en réduisant la pression automobile. Ensuite, aérer, revitaliser le centre de Paris, le coeur de Paris, le rendre à ses habitants. Enfin, ouvrir l'hôpital sur la ville, sur la vie, par la médecine de proximité et avec des centres de santé intégrés.
Le Mouvement des Citoyens indique les moyens de ses objectifs. D'une part, mettre en oeuvre une réforme de la fiscalité et avoir un recours intelligent à l'emprunt. D'autre part, associer largement les citoyens afin de mieux gérer dans la transparence et la démocratie.
Pour gagner, l'union de l'opposition est nécessaire. Plus précoce et plus large elle sera, plus les chances de l'emporter seront grandes. Je n'approuve donc pas la course solitaire des Verts pour le premier tour et je ne souhaite pas être obligé d'en faire autant. L'union n'est pas une formule magique ni un gri-gri, elle n'est qu'un arrangement électoraliste si elle n'est pas fondée sur un accord de programme et un accord de gouvernement avant toute répartition des places ou des fonctions. L'union avant le premier tour oui, mais pas à la sauvette sur un coin de table, pas à des conditions léonines à prendre ou à laisser. Je viens de parler d'un accord de programme, il est indispensable pour que les électeurs sachent ce que nous ferons en cas de victoire. L'accord de gouvernement est non moins indispensable pour que les mêmes électeurs soient au courant de la manière dont nous redresserons la gestion municipale.
Nous sommes encore loin de tels accords, raison de plus pour s'y mettre puisque l'opposition actuelle se retrouvera forcément à gouverner ensemble en cas de victoire. Encore faut-il avoir chacun un programme. Or j'observe que, dans ce début de campagne, les propositions sont rares et peu articulées. Il est question de tout, sauf de Paris et des Parisiens. Ici encore, je regrette le silence du PS qui semble agir comme si le programme n'était qu'un exercice ennuyeux, pas très utile, à faire le plus tard possible.
Un programme n'est pas un catalogue. Il faut dire clairement à quels problèmes on veut s'attaquer et comment on mettra en oeuvre des solutions réalistes. Tout le monde vous dira, par exemple, qu'il faut diminuer la pression automobile, c'est tellement évident. Mais regardez bien ce qui suivra. Il ne suffit pas en effet de dire ensuite que l'on interdira la circulation ou le stationnement dans le centre. Car, dans ce cas, que feront les millions de véhicules qui pénètrent chaque jour dans Paris ? Les bonnes solutions sont forcément complexes, elles doivent concilier des intérêts divers, être à la mesure des possibilités financières des pouvoirs publics et des attentes des Parisiens. Il faut donc établir un programme à temps pour pouvoir le diffuser, l'expliquer et en débattre. Le premier acte de rupture avec la gestion RPR, le premier acte de la démocratisation de cette gestion; la première démarche citoyenne, c'est bien le programme qui doit l'incarner.
ORIENTATION POUR UN PROGRAMME
A partir de mon expérience d'élu parisien, d'homme à la fois de terrain et de dossiers, je discerne trois orientations principales pour un programme. Je n'entrerai pas aujourd'hui dans le détail, je le ferai à la rentrée, mais il est temps de dire quelles sont les priorités essentielles du MDC, car elles sont, à mes yeux, une base possible pour un accord de programme avec les autres formations de la gauche plurielle.
En premier lieu, il faut clairement rompre avec une municipalité travaillant dans le secret et la solitude, autoritaire et enfermée à l'Hôtel de Ville, utilisant Paris au seul profit d'un parti dominant. La gestion nouvelle sera transparente, participative et partenariale, c'est-à-dire tout le contraire de l'actuelle. Il faudra rétablir l'effort d'investissement au lieu de le freiner comme l'a fait TIBERI. Une gestion transparente : chacun doit savoir qui décide de quoi, il faut mettre fin à la confusion des responsabilités entre la Ville, le département, les nombreuses sociétés d'économie mixte et les délégataires de services publics. Une gestion participative : les Parisiens ont le droit d'être pleinement informés et consultés sur les projets de la Ville dès le stade des avant-projets. Tout ceci mènera à revoir les compétences et les moyens des arrondissements. Une gestion partenariale enfin : Paris doit créer et entretenir une relation permanente avec les communes limitrophes et les départements voisins, avec l'Université et les représentants socioprofessionnels, sans omettre l'État et la Région. La Ville doit clarifier ses relations avec le monde associatif sur la base d'appels d'offres et de contrats d'objectifs. Aux effets d'annonce chers à Jean TIBERI, il faut substituer un travail patient et honnête de programmation réaliste, sincère et public.
En second lieu, il faut rendre Paris plus facile à vivre, moins pollué et encombré, plus sûr. Ceci passe d'abord par un urbanisme privilégiant la réhabilitation au détriment des lourdes ZAC. Il faut aérer Paris, notamment son centre, offrir des alternatives à la voiture sans la proscrire totalement. Cette nouvelle libération de Paris ne sera possible qu'avec une nouvelle politique des déplacements allant bien au-delà du périphérique. La sécurité forme un tout : elle concerne aussi bien celle des personnes dans la rue que le traitement des urgences médicales, la lutte contre l'exclusion que la possibilité pour tous de se loger décemment. Ceci m'amène à préciser que je ne suis pas partisan d'une police municipale, car elle ne résoudrait rien, tout en brouillant les responsabilités. Dans Paris, siège du gouvernement et des principaux pouvoirs nationaux, l'État doit rester le garant de l'ordre public, directement ou en partenariat avec la Ville et les communes voisines.
En troisième lieu, nous devons tout mettre en oeuvre pour que Paris demeure une métropole globale à d'échelle du monde. La véritable richesse et la véritable source d'emploi sont maintenant la connaissance et la matière grise ainsi que la capacité à communiquer. Paris a tous les moyens nécessaires, encore faut-il les utiliser et coordonner les efforts de tous. Il y a là un rôle nouveau pour une municipalité de progrès. Grâce au TGV, à l'avion et aux lignes de transfert d'informations à grand débit, Paris s'inscrit maintenant dans une véritable région urbaine intégrant aussi bien Londres que Bruxelles. Face à ces perspectives, Paris ne peut se limiter au rôle de capitale mondiale des cultures du passé et des musées, sous peine à terme de devenir elle-même un vaste musée de sa propre histoire.
Tels sont pour moi les axes essentiels d'un programme ambitieux et réaliste pour notre capitale. Je souhaite que les socialistes, les communistes et les radicaux ne tardent pas trop à faire des propositions, à se montrer plus dynamiques, face à une droite empêtrée dans les conséquences de sa gestion passée et dans ses contradictions internes. Chacun doit être bien persuadé que nous sommes devant une chance unique, historique même : celle de pouvoir mettre fin à quatre mandatures de pouvoir RPR. Si nous échouons, rien ne dit que cette chance se reproduira. Nous réussirons ensemble ou nous perdrons ensemble, telle est ma conviction.
Chers amis, nous, le MDC, nous nous engageons résolument dans cette bataille des municipales pour 2001, parce que, pour la première fois depuis plus de vingt ans, nous savons que la gauche peut gagner, pas seulement quelques arrondissements, mais la Mairie de Paris elle-même.
Pour cela, il faut que la gauche le veuille. Nous le voulons.
(source http://www.mdc-France.org, le 30 décembre 2002)
J'ai déjà participé à de nombreuses campagnes municipales à Paris, je n'en ai pas encore vu d'aussi singulière. Certains, comme Jean TIBERI et Bertrand DELANOË, se sont très précocement déclarés candidats, puis les Verts se sont mis dans la course, suivis par le RPR avec Philippe SEGUIN, tandis que le PCF se bat pour un siège supplémentaire mais signera en toute hypothèse avec le PS. Moi-même et le MDC avons désigné des chefs de file pour de futures listes, les Radicaux s'annoncent.
Pour la première fois depuis 1977, les élections municipales peuvent et doivent permettre à la gauche de l'emporter à Paris. Cela dépend d'abord de ses responsables, mais aussi de l'investissement de tous. Les Parisiens veulent le changement. A nous de le favoriser, de le permettre.
Il y aura donc deux candidats à droite issus du même parti, et au moins deux au sein de la gauche plurielle, peut-être davantage si l'union ne progresse pas. Quant à Monsieur BORLOO, il est pris de démangeaisons irrépressibles !
La vraie campagne n'a pas encore commencé. Pendant ce temps, la justice travaille, perquisitionne et met en examen, ce qui affaiblit le RPR et semble laisser sans voix le PS. Mener campagne avec cette épée de Damoclès qui frappe de plus en plus fréquemment est une situation parfaitement inédite, vous en conviendrez aisément.
Dans ce contexte Haussmann revient, Haussmann est de retour. Vous l'avez sûrement remarqué. Depuis quelques semaines, Haussmann fait l'objet d'une étonnante sollicitude médiatique. Un jour un hebdomadaire livre tout un dossier à sa gloire. Un autre jour, un quotidien publie une longue tribune dressant l'éloge de son urbanisme. Un troisième jour, parait un ouvrage sur " Haussmann le Grand " titre renvoyant à un autre ouvrage paru il y a 10 ans "Louis Napoléon le GRAND" dont l'auteur est un homme politique français cheminant d'Epinal à Paris. Car dans ce retour d'Haussmann, il n'y a rien de fortuit, il n'y a rien de gratuit. Haussmann sert d'ange annonciateur. Haussmann doit préfigurer Philippe SEGUIN. Philippe SEGUIN se placera dans le sillage d'Haussmann. Haussmann eut un projet pour Paris. Haussmann transforma Paris. Vous verrez à l'automne, Philippe SEGUIN présentera un programme pour les Parisiens et il le placera dans la continuité d'Haussmann... après cent trente ans d'interruption.
Vous le constatez, Philippe SEGUIN se trompe, se trompe de siècle. Mais il est vrai qu'il est plus gratifiant de se placer dans la continuité d'Haussmann que dans celle des deux derniers maires de Paris.
Quelle est finalement la légitimité de Philippe SEGUIN ? C'est un parfait parachuté dont la seule légitimité est d'avoir été désigné à l'issue d'une procédure ubuesque et pas du tout démocratique. C'est une légitimité bien faible, insuffisante pour lui permettre de s'imposer dans son propre parti et dans l'ensemble de la droite. Face à lui, Jean TIBERI peut se prévaloir de sa gestion habile et se présenter en victime qui refuse de porter seul le chapeau. Il vient de présenter ses têtes de liste, il est au moins aussi légitime que SEGUIN, il n'a aucune raison de s'effacer.
Faisons un rapide bilan de la droite au pouvoir à Paris.
En un quart de siècle ou presque, qu'ont-ils fait pour Paris Jacques Chirac et Jean Tibéri ? Rien, si ce n'est la politique du chien crevé au fil de l'eau, ou, si vous préférez, la soumission de la ville au marché, c'est-à-dire à la spéculation et, souvenez-vous, à certaines époques, à la spéculation la plus effrénée. Pour le reste, quel serait le contenu de ce "bon" bilan autoproclamé ? Des pistes cyclables et des dossiers brûlants, ces dossiers que les compagnons désormais ennemis s'envoient à la figure devant des citoyens médusés, ahuris par ce climat de méchanceté. Nous sommes bien loin de la République. Je n'ose même pas évoquer ici le nom du général de Gaulle, de peur de porter atteinte à sa mémoire.
En quatre mandats, qu'ont-ils construit ces messieurs et dames du RPR ? Rien, à l'exception du Palais Omnisports de Bercy. C'est vrai, ils ont construit Bercy, chacun s'en souvient ; il est toujours facile de se souvenir d'une exception, d'un objet unique. Tout le reste, c'est l'État, les grands travaux de François Mitterrand, de la Pyramide du Louvre à la Villette en passant par l'Opéra-Bastille. Même le musée des Arts premiers, c'est encore l'État ; c'est certes Jacques Chirac, mais en tant que Président de la République.
N'oublions pas toutefois combien cette droite municipale sut être mesquine et politicienne, refusant le centre international de conférence, refusant à Paris un équipement nécessaire à sa vocation, à son ambition.
Oui, il faut une ambition pour Paris, une véritable ambition, une ambition qui ne se confonde pas avec l'ambition d'un homme. Paris ne peut plus continuer à servir de socle et de piédestal, à servir d'étape vers un autre podium, un podium élyséen. Pas pour 2002, bien sûr, mais pour l'élection d'après, celle de 2007 ou de 2009, nous verrons bien ! Nous payons encore les dégâts de cette stratégie personnelle, de cette stratégie présidentielle qui a duré dix huit ans : la paralysie pour ne mécontenter personne, le " système " pour s'assurer des moyens, ce système que certains font aujourd'hui mine de découvrir et croient habile de dénoncer.
Oui, il faut une ambition pour Paris, une véritable ambition, une ambition qui ne se résume pas à une dissimulation, à un cache-misère pour couvrir des listes électorales trafiquées. Il n'y a pas de délit plus grave dans la République que celui de truquer le suffrage universel. C'est un véritable délit de lèse république. La République doit mériter la confiance du citoyen, et le citoyen doit être assuré de l'honnêteté et de la sincérité des scrutins.
Oui, il faut une ambition pour Paris, une véritable ambition, une ambition qui ne se limite pas à une image d'Épinal, à une ville muséifiée pour touristes pressés. La France a besoin d'une agglomération qui compte au niveau mondial. Un lieu où l'on pense, où l'on crée, où l'on décide. Un lieu où bouillonne la vie. Un lieu où s'établissent des liens entre toutes les facettes de l'activité humaine. Paris et le désert français : thème vieilli, rengaine plus que cinquantenaire. Aujourd'hui, à l'heure d'Internet et de la mondialisation, c'est Paris pour irriguer le territoire français, Paris pour entraîner la France. Ce n'est pas Paris pour les seuls Parisiens, c'est Paris pour tous les Français, pour en finir avec cette querelle archaïque qui voudrait opposer les Parisiens aux autres Français.
Qui peut porter une telle ambition pour Paris ? Une ambition pour la capitale de la France ? Les Verts ? Cohn-Bendit entouré de ses amis Madelin et Bayrou ? Pourquoi pas un attelage Contassot et Borloo ? " Plus politicien, tu meurs ". Les Verts n'ont aucune ambition pour Paris, car ils veulent dissoudre la France dans une Europe fédérale des régions. Paris, à leurs yeux, n'est qu'une addition de quartiers et non le levier d'une nation. Paris doit être banalisé pour que Paris ne soit plus Paris, c'est-à-dire le coeur de la République française.
Bertrand Delanoë doit prendre garde. On dirait que les socialistes parisiens se rejouent en sourdine le congrès de Rennes. D'un côté, les orphelins de Blois. Ils ne se sont pas encore remis d'un départ impromptu en rase compagne. Mais, écoutez-les, lisez-les, jamais ils ne citent le nom de Bertrand Delanoë. De l'autre coté, les anciens de la gauche " morale ", de la génération " morale " derrière Jean-Marie Le Guen et Jean Christophe Cambadélis. Que dire ? C'est attristant. C'est désolant. C'est affligeant. Le gag de l'arroseur arrosé n'est pas toujours désopilant. Oh, ce n'est pas tragique ! C'est seulement attristant pour qui, comme moi, s'est toujours fait une idée exigeante de la gauche.
Et le Mouvement des Citoyens dans tout cela ?
Le Mouvement des Citoyens présente une ambition pour Paris, une ambition pour la France. Paris doit redevenir la métropole de la créativité mondiale. Paris doit s'affirmer comme la capitale de la connaissance en liaison avec son extraordinaire réseau universitaire. Paris doit se coordonner avec sa banlieue à travers un Haut conseil de l'agglomération pour constituer un ensemble urbain dynamique de dimension planétaire.
Le Mouvement des Citoyens propose un programme aux Parisiens. D'abord, désencombrer Paris pour dépolluer en réduisant la pression automobile. Ensuite, aérer, revitaliser le centre de Paris, le coeur de Paris, le rendre à ses habitants. Enfin, ouvrir l'hôpital sur la ville, sur la vie, par la médecine de proximité et avec des centres de santé intégrés.
Le Mouvement des Citoyens indique les moyens de ses objectifs. D'une part, mettre en oeuvre une réforme de la fiscalité et avoir un recours intelligent à l'emprunt. D'autre part, associer largement les citoyens afin de mieux gérer dans la transparence et la démocratie.
Pour gagner, l'union de l'opposition est nécessaire. Plus précoce et plus large elle sera, plus les chances de l'emporter seront grandes. Je n'approuve donc pas la course solitaire des Verts pour le premier tour et je ne souhaite pas être obligé d'en faire autant. L'union n'est pas une formule magique ni un gri-gri, elle n'est qu'un arrangement électoraliste si elle n'est pas fondée sur un accord de programme et un accord de gouvernement avant toute répartition des places ou des fonctions. L'union avant le premier tour oui, mais pas à la sauvette sur un coin de table, pas à des conditions léonines à prendre ou à laisser. Je viens de parler d'un accord de programme, il est indispensable pour que les électeurs sachent ce que nous ferons en cas de victoire. L'accord de gouvernement est non moins indispensable pour que les mêmes électeurs soient au courant de la manière dont nous redresserons la gestion municipale.
Nous sommes encore loin de tels accords, raison de plus pour s'y mettre puisque l'opposition actuelle se retrouvera forcément à gouverner ensemble en cas de victoire. Encore faut-il avoir chacun un programme. Or j'observe que, dans ce début de campagne, les propositions sont rares et peu articulées. Il est question de tout, sauf de Paris et des Parisiens. Ici encore, je regrette le silence du PS qui semble agir comme si le programme n'était qu'un exercice ennuyeux, pas très utile, à faire le plus tard possible.
Un programme n'est pas un catalogue. Il faut dire clairement à quels problèmes on veut s'attaquer et comment on mettra en oeuvre des solutions réalistes. Tout le monde vous dira, par exemple, qu'il faut diminuer la pression automobile, c'est tellement évident. Mais regardez bien ce qui suivra. Il ne suffit pas en effet de dire ensuite que l'on interdira la circulation ou le stationnement dans le centre. Car, dans ce cas, que feront les millions de véhicules qui pénètrent chaque jour dans Paris ? Les bonnes solutions sont forcément complexes, elles doivent concilier des intérêts divers, être à la mesure des possibilités financières des pouvoirs publics et des attentes des Parisiens. Il faut donc établir un programme à temps pour pouvoir le diffuser, l'expliquer et en débattre. Le premier acte de rupture avec la gestion RPR, le premier acte de la démocratisation de cette gestion; la première démarche citoyenne, c'est bien le programme qui doit l'incarner.
ORIENTATION POUR UN PROGRAMME
A partir de mon expérience d'élu parisien, d'homme à la fois de terrain et de dossiers, je discerne trois orientations principales pour un programme. Je n'entrerai pas aujourd'hui dans le détail, je le ferai à la rentrée, mais il est temps de dire quelles sont les priorités essentielles du MDC, car elles sont, à mes yeux, une base possible pour un accord de programme avec les autres formations de la gauche plurielle.
En premier lieu, il faut clairement rompre avec une municipalité travaillant dans le secret et la solitude, autoritaire et enfermée à l'Hôtel de Ville, utilisant Paris au seul profit d'un parti dominant. La gestion nouvelle sera transparente, participative et partenariale, c'est-à-dire tout le contraire de l'actuelle. Il faudra rétablir l'effort d'investissement au lieu de le freiner comme l'a fait TIBERI. Une gestion transparente : chacun doit savoir qui décide de quoi, il faut mettre fin à la confusion des responsabilités entre la Ville, le département, les nombreuses sociétés d'économie mixte et les délégataires de services publics. Une gestion participative : les Parisiens ont le droit d'être pleinement informés et consultés sur les projets de la Ville dès le stade des avant-projets. Tout ceci mènera à revoir les compétences et les moyens des arrondissements. Une gestion partenariale enfin : Paris doit créer et entretenir une relation permanente avec les communes limitrophes et les départements voisins, avec l'Université et les représentants socioprofessionnels, sans omettre l'État et la Région. La Ville doit clarifier ses relations avec le monde associatif sur la base d'appels d'offres et de contrats d'objectifs. Aux effets d'annonce chers à Jean TIBERI, il faut substituer un travail patient et honnête de programmation réaliste, sincère et public.
En second lieu, il faut rendre Paris plus facile à vivre, moins pollué et encombré, plus sûr. Ceci passe d'abord par un urbanisme privilégiant la réhabilitation au détriment des lourdes ZAC. Il faut aérer Paris, notamment son centre, offrir des alternatives à la voiture sans la proscrire totalement. Cette nouvelle libération de Paris ne sera possible qu'avec une nouvelle politique des déplacements allant bien au-delà du périphérique. La sécurité forme un tout : elle concerne aussi bien celle des personnes dans la rue que le traitement des urgences médicales, la lutte contre l'exclusion que la possibilité pour tous de se loger décemment. Ceci m'amène à préciser que je ne suis pas partisan d'une police municipale, car elle ne résoudrait rien, tout en brouillant les responsabilités. Dans Paris, siège du gouvernement et des principaux pouvoirs nationaux, l'État doit rester le garant de l'ordre public, directement ou en partenariat avec la Ville et les communes voisines.
En troisième lieu, nous devons tout mettre en oeuvre pour que Paris demeure une métropole globale à d'échelle du monde. La véritable richesse et la véritable source d'emploi sont maintenant la connaissance et la matière grise ainsi que la capacité à communiquer. Paris a tous les moyens nécessaires, encore faut-il les utiliser et coordonner les efforts de tous. Il y a là un rôle nouveau pour une municipalité de progrès. Grâce au TGV, à l'avion et aux lignes de transfert d'informations à grand débit, Paris s'inscrit maintenant dans une véritable région urbaine intégrant aussi bien Londres que Bruxelles. Face à ces perspectives, Paris ne peut se limiter au rôle de capitale mondiale des cultures du passé et des musées, sous peine à terme de devenir elle-même un vaste musée de sa propre histoire.
Tels sont pour moi les axes essentiels d'un programme ambitieux et réaliste pour notre capitale. Je souhaite que les socialistes, les communistes et les radicaux ne tardent pas trop à faire des propositions, à se montrer plus dynamiques, face à une droite empêtrée dans les conséquences de sa gestion passée et dans ses contradictions internes. Chacun doit être bien persuadé que nous sommes devant une chance unique, historique même : celle de pouvoir mettre fin à quatre mandatures de pouvoir RPR. Si nous échouons, rien ne dit que cette chance se reproduira. Nous réussirons ensemble ou nous perdrons ensemble, telle est ma conviction.
Chers amis, nous, le MDC, nous nous engageons résolument dans cette bataille des municipales pour 2001, parce que, pour la première fois depuis plus de vingt ans, nous savons que la gauche peut gagner, pas seulement quelques arrondissements, mais la Mairie de Paris elle-même.
Pour cela, il faut que la gauche le veuille. Nous le voulons.
(source http://www.mdc-France.org, le 30 décembre 2002)