Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
L'entreprise de rénovation d'ensemble du système éducatif engagée depuis deux ans et demi connaît un moment privilégié à l'occasion de la présentation du rapport national sur l'Ecole. Après ma déclaration sur les collèges du 1er février 1983, la promulgation de la loi relative aux enseignements supérieurs, mes décisions récentes sur les lycées, je suis amené aujourd'hui à présenter un certain nombre d'orientations susceptibles d'améliorer le fonctionnement et l'efficacité de l'école préélémentaire et élémentaire. Disant cela je rappelle, avec force, que tous nos efforts s'adressent prioritairement aux plus jeunes enfants, ceux dont la formation nous porte le plus loin dans l'avenir.
Je tiens tout d'abord à remercier tous ceux qui ont participé activement au déroulement de la consultation école tant au niveau national que départemental ou communal. Je sais que les grandes organisations syndicales et les associations de parents d'élèves ont consacré beaucoup de leur temps à cette réflexion nécessaire et complexe.
Je veux aussi souligner la réussite de l'opération au niveau le plus décentralisé qui témoigne finalement de l'insertion très profonde de l'école laïque dans le tissu national et local.
Il s'agissait là, faut-il le rappeler, d'une initiative sans précédent dans notre système éducatif qui a permis, à l'issue de travaux échelonnés sur une année, à M. le Directeur des Ecoles de rédiger un rapport de synthèse d'un grand intérêt.
L'institution scolaire est solide et l'image de l'école préélémentaire et élémentaire demeure bonne dans l'opinion. La confiance à l'égard de l'école publique se dégage nettement comme est reconnue sa capacité à évoluer et à se transformer. D'une façon générale, les relations des maîtres avec les parents et les élus sont satisfaisantes même si les différents acteurs sont désireux de prendre une part plus importante à la réflexion commune sur l'ensemble des problèmes éducatifs.
Le rôle de l'école maternelle a été très légitimement développé et les différents travaux du SIGES et de l'INRP ont mis en lumière la corrélation forte qui existe entre le temps de fréquentation de l'école maternelle effectuée dans de bonnes conditions et la réussite scolaire ultérieure, corrélation du reste d'autant plus forte qu'elle touche des enfants culturellement moins favorisés.
Les décisions quantitatives ou qualitatives prises depuis 1981 ont été également appréciées : la création de 8 000 postes d'instituteurs et formateurs, la revalorisation de la carrière des instituteurs, la mise en place d'une véritable concertation impliquant la responsabilité des instances aux différents niveaux, le développement de la formation continue grâce à l'institution des missions académiques, l'introduction de l'informatique dans les pratiques éducatives, et enfin la décision de porter à 4 ans au-delà du baccalauréat la formation des instituteurs, constituent un ensemble de mesures positives incontestables.
Pour autant l'école n'est pas dénuée de faiblesses qui suscitent, de la part des parents notamment, une légitime inquiétude.
- La continuité éducative n'est pas ce qu'elle devrait être : la transition est souvent brutale entre l'école maternelle et le cours préparatoire, le cours moyen deuxième année et le collège.
- L'école connaît des phénomènes d'échec. Si la proportion d'élèves ne redoublant pas pendant tout le premier degré a augmenté de 5 sur 10 à 6 sur 10, le pourcentage de ceux redoublant deux fois ou plus est passé de 4 à 6,5 %. D'autre part, il est certain qu'une partie des élèves, difficile à mesurer, termine l'école et entre en 6e sans maîtriser suffisamment la lecture, l'écriture et le calcul...
- Le public scolaire est de plus en plus divers et cette richesse culturelle et sociale complique la tâche des enseignants. C'est l'honneur de l'école publique d'être l'école de tous et d'accueillir tous les enfants d'âge scolaire. Mais il est nécessaire de prendre en compte les difficultés qui proviennent par exemple de l'augmentation de la population étrangère, facteur par ailleurs enrichissant.
La pédagogie à l'école est inégalement adaptée. Les maîtres sont insuffisamment formés (un sur deux n'a jamais reçu de formation initiale digne de ce nom) et un certain flottement demeure dans de nombreux cas : par exemple, la pratique de la pédagogie d'éveil, le problème des mathématiques dites modernes, le contenu d'autres disciplines, telles que l'histoire et la géographie.
Cette appréciation plutôt positive de l'école en France ne doit pas nous conduire à tout bouleverser ; il s'agit de consolider ce qui va bien et tâcher de remédier aux faiblesses constatées. J'appelle donc tous les acteurs du changement à un effort patient pour une action en profondeur et de longue haleine en cohérence avec les objectifs assignés aux collèges et aux lycées.
Je retiens aujourd'hui huit grandes orientations que je demande aux directions et missions du ministère de l'Education nationale de traduire sous la forme la plus concrète et approfondie :
Premièrement : il faut tirer le meilleur parti de l'école maternelle, améliorer l'accueil, renforcer la coopération de tous ceux qui y contribuent, susciter des aménagements nécessaires en locaux et personnels spécialisés.
Deuxièmement : La continuité de travail pour les enfants de 5 à 8 ans est essentielle pour améliorer les apprentissages fondamentaux tels que la lecture et l'écriture. Les rythmes d'acquisition doivent être diversifiés ce qui doit permettre de recourir moins souvent et de façon moins systématique au redoublement en fin de cours préparatoire.
Troisièmement : La lecture doit être consolidée tout au long de l'école élémentaire. Notre ambition est de permettre aux enfants entrés en 6e de savoir lire aisément et d'aimer lire. Avec le ministère de la Culture et les Collectivités locales sera intensifié le réseau de bibliothèques centres documentaires.
Quatrièmement : J'insiste sur l'importance, à la base de toute formation, d'une pédagogie du développement harmonieux, équilibré et enrichissant de l'enfant. Il convient de développer les possibilités psycho-motrices de l'enfant, sa maîtrise du geste, de l'imagination inventive et de l'espace et du temps.
Cinquièmement : Je tiens à réaffirmer la valeur de la démarche pédagogique de l'éveil. Cette pédagogie qui part de l'enfant, de ses intérêts, de ses aptitudes et qui l'aide à organiser sa compréhension du monde est une pédagogie exigeante et difficile. C'est pourquoi, dans le souci de répondre à cette préoccupation, j'ai décidé plusieurs mesures :
- Le révision pour la rentrée 85 et dès 84 pour l'histoire et la géographie des instructions officielles qui doivent être mieux comprises et utilisées.
- La prise en compte de ces exigences dans la nouvelle formation des instituteurs : les futurs maîtres seront dès 86 recrutés par un concours ouvert aux titulaires du diplôme de premier cycle suivi de deux années associant écoles normales et universités.
- Le développement du travail en commun des enseignants des écoles et collèges.
- L'accélération de la formation continue.
Sixièmement : Il convient de mieux ouvrir les portes de l'école aux parents, aux collectivités et aux associations. Cette préoccupation doit se traduire notamment par une amélioration des structures de participation permettant une coopération plus étroite des maîtres, des parents et des élus pour une éducation concertée et l'organisation de l'aide et de l'appui mutuels des écoles, des associations et des collectivités.
Septièmement : Je veux souligner l'immense responsabilité des maîtres et des écoles : il est donc urgent de constituer l'équipe des maîtres responsables, de favoriser la mise en oeuvre du projet, le décloisonnent et les échanges, de situer la liberté d'innovation dont disposent les écoles par rapport à des programmes nationaux et aux grands principes d'équité, de qualité, de gratuité et de laïcité. Pour ce faire, des temps de concertation devront être ménagés sans que les élèves aient à en pâtir et il sera toujours nécessaire de procéder à une évaluation sous la responsabilité du ministère de l'Education nationale.
Huitièmement : Enfin, sur le plan de la communication une action cohérente doit être mise en place, permettant de toucher les quelque 300 000 instituteurs, agents d'un réseau très décentralisé. Cette action doit englober les directives explicites et l'animation, l'expérimentation, la recherche et la formation, la régulation par une inspection renouvelée, la communication dans l'école et autour d'elle au plan local comme au plan national, la circulation de documents pédagogiques nouveaux, variés, abondants, le rappel de nos grandes orientations telles que la pédagogie des droits de l'Homme ou la lutte contre les discriminations sexistes.
Voilà donc les grandes lignes d'action tracées pour le secteur de l'école préélémentaire et élémentaire. Cette rénovation de l'institution scolaire impliquera, bien entendu, des efforts qualitatifs et des moyens qui devront rester compatibles avec les exigences de rigueur et d'équité de l'ensemble de notre politique.
Cette rénovation constitue un axe prioritaire de notre lutte contre les inégalités : elle a fait l'objet d'une communication de ma part au Conseil des Ministres du 29 février.
Cette rénovation est possible, j'en suis convaincu, grâce à la mobilisation de toutes les énergies, et d'abord des enseignants dont le dévouement est reconnu de tous ; le moment est venu pour le Ministre de l'Education nationale d'en appeler à tous ceux qui avec les maîtres sont concernés : les parents, les élus, les collectivités locales et nationales.
C'est à ce prix que l'école saura rester fidèle à sa tradition tout en répondant aux défis du futur.
L'entreprise de rénovation d'ensemble du système éducatif engagée depuis deux ans et demi connaît un moment privilégié à l'occasion de la présentation du rapport national sur l'Ecole. Après ma déclaration sur les collèges du 1er février 1983, la promulgation de la loi relative aux enseignements supérieurs, mes décisions récentes sur les lycées, je suis amené aujourd'hui à présenter un certain nombre d'orientations susceptibles d'améliorer le fonctionnement et l'efficacité de l'école préélémentaire et élémentaire. Disant cela je rappelle, avec force, que tous nos efforts s'adressent prioritairement aux plus jeunes enfants, ceux dont la formation nous porte le plus loin dans l'avenir.
Je tiens tout d'abord à remercier tous ceux qui ont participé activement au déroulement de la consultation école tant au niveau national que départemental ou communal. Je sais que les grandes organisations syndicales et les associations de parents d'élèves ont consacré beaucoup de leur temps à cette réflexion nécessaire et complexe.
Je veux aussi souligner la réussite de l'opération au niveau le plus décentralisé qui témoigne finalement de l'insertion très profonde de l'école laïque dans le tissu national et local.
Il s'agissait là, faut-il le rappeler, d'une initiative sans précédent dans notre système éducatif qui a permis, à l'issue de travaux échelonnés sur une année, à M. le Directeur des Ecoles de rédiger un rapport de synthèse d'un grand intérêt.
L'institution scolaire est solide et l'image de l'école préélémentaire et élémentaire demeure bonne dans l'opinion. La confiance à l'égard de l'école publique se dégage nettement comme est reconnue sa capacité à évoluer et à se transformer. D'une façon générale, les relations des maîtres avec les parents et les élus sont satisfaisantes même si les différents acteurs sont désireux de prendre une part plus importante à la réflexion commune sur l'ensemble des problèmes éducatifs.
Le rôle de l'école maternelle a été très légitimement développé et les différents travaux du SIGES et de l'INRP ont mis en lumière la corrélation forte qui existe entre le temps de fréquentation de l'école maternelle effectuée dans de bonnes conditions et la réussite scolaire ultérieure, corrélation du reste d'autant plus forte qu'elle touche des enfants culturellement moins favorisés.
Les décisions quantitatives ou qualitatives prises depuis 1981 ont été également appréciées : la création de 8 000 postes d'instituteurs et formateurs, la revalorisation de la carrière des instituteurs, la mise en place d'une véritable concertation impliquant la responsabilité des instances aux différents niveaux, le développement de la formation continue grâce à l'institution des missions académiques, l'introduction de l'informatique dans les pratiques éducatives, et enfin la décision de porter à 4 ans au-delà du baccalauréat la formation des instituteurs, constituent un ensemble de mesures positives incontestables.
Pour autant l'école n'est pas dénuée de faiblesses qui suscitent, de la part des parents notamment, une légitime inquiétude.
- La continuité éducative n'est pas ce qu'elle devrait être : la transition est souvent brutale entre l'école maternelle et le cours préparatoire, le cours moyen deuxième année et le collège.
- L'école connaît des phénomènes d'échec. Si la proportion d'élèves ne redoublant pas pendant tout le premier degré a augmenté de 5 sur 10 à 6 sur 10, le pourcentage de ceux redoublant deux fois ou plus est passé de 4 à 6,5 %. D'autre part, il est certain qu'une partie des élèves, difficile à mesurer, termine l'école et entre en 6e sans maîtriser suffisamment la lecture, l'écriture et le calcul...
- Le public scolaire est de plus en plus divers et cette richesse culturelle et sociale complique la tâche des enseignants. C'est l'honneur de l'école publique d'être l'école de tous et d'accueillir tous les enfants d'âge scolaire. Mais il est nécessaire de prendre en compte les difficultés qui proviennent par exemple de l'augmentation de la population étrangère, facteur par ailleurs enrichissant.
La pédagogie à l'école est inégalement adaptée. Les maîtres sont insuffisamment formés (un sur deux n'a jamais reçu de formation initiale digne de ce nom) et un certain flottement demeure dans de nombreux cas : par exemple, la pratique de la pédagogie d'éveil, le problème des mathématiques dites modernes, le contenu d'autres disciplines, telles que l'histoire et la géographie.
Cette appréciation plutôt positive de l'école en France ne doit pas nous conduire à tout bouleverser ; il s'agit de consolider ce qui va bien et tâcher de remédier aux faiblesses constatées. J'appelle donc tous les acteurs du changement à un effort patient pour une action en profondeur et de longue haleine en cohérence avec les objectifs assignés aux collèges et aux lycées.
Je retiens aujourd'hui huit grandes orientations que je demande aux directions et missions du ministère de l'Education nationale de traduire sous la forme la plus concrète et approfondie :
Premièrement : il faut tirer le meilleur parti de l'école maternelle, améliorer l'accueil, renforcer la coopération de tous ceux qui y contribuent, susciter des aménagements nécessaires en locaux et personnels spécialisés.
Deuxièmement : La continuité de travail pour les enfants de 5 à 8 ans est essentielle pour améliorer les apprentissages fondamentaux tels que la lecture et l'écriture. Les rythmes d'acquisition doivent être diversifiés ce qui doit permettre de recourir moins souvent et de façon moins systématique au redoublement en fin de cours préparatoire.
Troisièmement : La lecture doit être consolidée tout au long de l'école élémentaire. Notre ambition est de permettre aux enfants entrés en 6e de savoir lire aisément et d'aimer lire. Avec le ministère de la Culture et les Collectivités locales sera intensifié le réseau de bibliothèques centres documentaires.
Quatrièmement : J'insiste sur l'importance, à la base de toute formation, d'une pédagogie du développement harmonieux, équilibré et enrichissant de l'enfant. Il convient de développer les possibilités psycho-motrices de l'enfant, sa maîtrise du geste, de l'imagination inventive et de l'espace et du temps.
Cinquièmement : Je tiens à réaffirmer la valeur de la démarche pédagogique de l'éveil. Cette pédagogie qui part de l'enfant, de ses intérêts, de ses aptitudes et qui l'aide à organiser sa compréhension du monde est une pédagogie exigeante et difficile. C'est pourquoi, dans le souci de répondre à cette préoccupation, j'ai décidé plusieurs mesures :
- Le révision pour la rentrée 85 et dès 84 pour l'histoire et la géographie des instructions officielles qui doivent être mieux comprises et utilisées.
- La prise en compte de ces exigences dans la nouvelle formation des instituteurs : les futurs maîtres seront dès 86 recrutés par un concours ouvert aux titulaires du diplôme de premier cycle suivi de deux années associant écoles normales et universités.
- Le développement du travail en commun des enseignants des écoles et collèges.
- L'accélération de la formation continue.
Sixièmement : Il convient de mieux ouvrir les portes de l'école aux parents, aux collectivités et aux associations. Cette préoccupation doit se traduire notamment par une amélioration des structures de participation permettant une coopération plus étroite des maîtres, des parents et des élus pour une éducation concertée et l'organisation de l'aide et de l'appui mutuels des écoles, des associations et des collectivités.
Septièmement : Je veux souligner l'immense responsabilité des maîtres et des écoles : il est donc urgent de constituer l'équipe des maîtres responsables, de favoriser la mise en oeuvre du projet, le décloisonnent et les échanges, de situer la liberté d'innovation dont disposent les écoles par rapport à des programmes nationaux et aux grands principes d'équité, de qualité, de gratuité et de laïcité. Pour ce faire, des temps de concertation devront être ménagés sans que les élèves aient à en pâtir et il sera toujours nécessaire de procéder à une évaluation sous la responsabilité du ministère de l'Education nationale.
Huitièmement : Enfin, sur le plan de la communication une action cohérente doit être mise en place, permettant de toucher les quelque 300 000 instituteurs, agents d'un réseau très décentralisé. Cette action doit englober les directives explicites et l'animation, l'expérimentation, la recherche et la formation, la régulation par une inspection renouvelée, la communication dans l'école et autour d'elle au plan local comme au plan national, la circulation de documents pédagogiques nouveaux, variés, abondants, le rappel de nos grandes orientations telles que la pédagogie des droits de l'Homme ou la lutte contre les discriminations sexistes.
Voilà donc les grandes lignes d'action tracées pour le secteur de l'école préélémentaire et élémentaire. Cette rénovation de l'institution scolaire impliquera, bien entendu, des efforts qualitatifs et des moyens qui devront rester compatibles avec les exigences de rigueur et d'équité de l'ensemble de notre politique.
Cette rénovation constitue un axe prioritaire de notre lutte contre les inégalités : elle a fait l'objet d'une communication de ma part au Conseil des Ministres du 29 février.
Cette rénovation est possible, j'en suis convaincu, grâce à la mobilisation de toutes les énergies, et d'abord des enseignants dont le dévouement est reconnu de tous ; le moment est venu pour le Ministre de l'Education nationale d'en appeler à tous ceux qui avec les maîtres sont concernés : les parents, les élus, les collectivités locales et nationales.
C'est à ce prix que l'école saura rester fidèle à sa tradition tout en répondant aux défis du futur.