Texte intégral
Madame la Ministre,
Madame la Directrice générale,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand et triple plaisir, pour moi, que d'être ici, aujourd'hui, dans le cadre des manifestations autour de la journée internationale des femmes. Celui d'inaugurer cette belle exposition D comme découvreuses, avec ma collègue et amie Claudie HAIGNERÉ. Celui d'être reçue par Geneviève BERGER, Directrice générale de cette grande institution qu'est le CNRS, que je remercie pour son accueil et pour le cadre qu'elle a réservé à la signature de notre accord.
Celui d'être avec vous, réunies dans la même conviction que les femmes sont les forces du changement et que la société, dans son ensemble, a tout à gagner à la valorisation des compétences des femmes et à un partage équilibré des responsabilités entre les femmes et les hommes.
Quelle société accepterait de se priver de la moitié de ses talents ?
Or, en raison d'une approche archaïque de la répartition des rôles, la place des femmes dans les sciences et la recherche est sans rapport avec leur potentiel et leurs compétences.
Les images stéréotypées limitent les choix de carrières offerts aux jeunes filles et écartent les femmes des postes de décision. Cette situation est d'autant plus intolérable que notre société utilise une technologie de plus en plus sophistiquée et qu'elle est confrontée à une pénurie générale de scientifiques.
Ce gâchis humain et social ne peut se poursuivre plus longtemps.
C'est pourquoi nous avons décidé de conjuguer nos efforts pour faire évoluer les représentations sociales de façon significative et pour assurer à tous les talents, sans aucune discrimination, la possibilité de s'épanouir et de s'exercer aux postes qui leur correspondent.
Notre coopération se développe en suivant quatre axes :
1. Encourager les jeunes filles à s'engager dans les carrières scientifiques et techniques, en leur donnant le désir de comprendre le monde dans lequel elles vivent et en développant leur curiosité par ses mécanismes de fonctionnement. En les incitant à résoudre des énigmes, à " attendre l'inattendu ", à repousser les limites de leur imaginaire. En leur faisant ressentir la joie de la découverte. Autant d'atouts pour qu'elles puissent choisir, en pleine connaissance, leur projet de vie.
Nous vivons dans un monde en mutation rapide, dans lequel il est indispensable d'être formé aux sciences et technologies pour pouvoir s'adapter et pour maîtriser son destin. Il est donc primordial que les femmes s'investissent dans ces champs de connaissance et qu'elles soient actrices de ces transformations.
Les technologies de l'information et de la communication offrent des domaines inexplorés dans lesquels peuvent s'épanouir leur créativité, leur sensibilité artistique, leurs capacités relationnelles. Beaucoup de jeunes filles et de femmes ne se reconnaissent pas dans les jeux et les sites Internet, conçus majoritairement par des hommes. Encourageons-les à investir massivement ces champs d'expression nouveaux, en les enrichissant de leur différence.
2. Améliorer l'image des sciences chez les jeunes filles et les femmes et valoriser l'image des femmes dans les sciences.
Les actions d'information en direction de la communauté scolaire et des parents d'élèves seront renforcées, afin de permettre une diversification de l'orientation des filles.
Les créateurs de matériel pédagogique et les éditeurs de livres pour enfants seront incités à présenter une image positive des carrières scientifiques et à montrer des femmes les exerçant.
Des campagnes de communication pour sensibiliser le grand public aux attraits des sciences seront organisées.
Les femmes qui se sont lancées dans les carrières scientifiques gardent souvent une image de destin d'exception et d'inaccessibilité. Leur choix est souvent assimilé, à tort, soit à un manque de féminité soit à un engagement total, difficilement compatible avec une vie affective et familiale.
Il est essentiel de montrer à des jeunes filles des femmes auxquelles elles peuvent s'identifier facilement, de multiplier les références exemplaires par des prix, des bourses, des expositions faisant connaître des scientifiques et les chercheuses à tous les niveaux de compétences. Ainsi la très belle exposition que nous voyons aujourd'hui, "D comme Découvreuses", qui fournit, aux jeunes filles et jeunes femmes, des modèles, prouvant que la réussite dans des carrières, auxquelles les stéréotypes sociaux ne les destinent pas spontanément, est possible et qu'elle est source d'épanouissement. De telles présentations sont importantes pour montrer les pionnières et donner en exemple les progrès accomplis.
3. Favoriser l'accroissement du nombre de femmes exerçant des carrières scientifiques et techniques, notamment dans les sciences exactes, et renforcer leur position dans la communauté scientifique.
Il convient d'assurer aux femmes scientifiques un déroulement de carrière équivalent à celui de leurs homologues masculins. Une réflexion sur les critères de promotion est à initier, prenant en compte des valeurs nouvelles et neutres, comme la capacité à animer des équipes, à déléguer, à organiser le temps. La sensibilisation à l'égalité femmes-hommes des chercheurs, mise en place au sein du CNRS, gagnera à être étendue aux autres organismes et services de recherche. Enfin, les femmes sont très faiblement représentées dans la recherche industrielle privée (15% de femmes). Il convient d'arrêter ce gaspillage et d'enrayer le départ de ce personnel hautement qualifié, principalement quand il fonde une famille. Faciliter la conciliation vie professionnelle, vie familiale et vie privée est un des leviers essentiels pour un déroulement harmonieux de la carrière professionnelle. J'ai dans ce sens, engagé une réflexion sur les temps de la vie et la diversification des services d'aides aux personnes. Dans le même souci, un projet de collaboration entre nous est en cours sur le télétravail.
Enfin, il faut remettre en question le modèle masculin, privilégiant entre autres la compétition, pour éliminer ce fameux " plafond de verre ", obstacle invisible mais réel, qui empêche les femmes d'arriver aux postes de décision. Elles y apporteront la richesse de la diversité, en termes de méthodes de travail, de relations humaines et de rapports avec la société civile.
Elles contribueront au développement durable centré sur le bien-être et sur le progrès de la science, dans le respect de l'environnement.
Les femmes sont très engagées dans la transmission de leurs savoirs. Les activités d'enseignement des chercheuses doivent être fortement valorisées, en particulier dans leur évolution de carrière, qui avantage plutôt les travaux de recherche.
Les femmes sont globalement moins nombreuses dans la création d'entreprises. Ceci est également vrai pour les scientifiques et pour les chercheuses. Elles doivent être fortement soutenues dans leurs démarches de création d'entreprises innovantes, appliquant les résultats de leurs recherches.
4. Pour être doté d'un instrument de mesure de l'inégalité femmes-hommes et évaluer les étapes de la progression vers l'égalité, il est indispensable de disposer de données chiffrées sexuées dans tous les domaines de la vie sociale. Ceci est conforme à l'exigence scientifique de l'Europe et permet d'argumenter toute étude sur l'égalité et la parité.
Les recherches sur l'égalité femmes-hommes sont encore peu nombreuses. Notre accord permettra de les développer, de les faire reconnaître comme objet scientifique et de diffuser largement leurs résultats.
Nous partageons toutes les trois la même conviction, qu'en travaillant ensemble, nous ferons faire une avancée décisive à la mixité entre femmes et hommes, dans le souci de la diversité et de l'enrichissement mutuel.
C'est un enjeu de société pour le vingt et unième siècle.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 19 mars 2003)