Texte intégral
(Point de presse à New York, le 7 mars 2003) :
Nous avons eu, aujourd'hui, une réunion importante, à un moment crucial, avec le rapport de MM. Blix et El Baradeï. Ils ont confirmé ce qu'ils avaient déclaré durant la réunion, la dernière réunion du 14 janvier, à savoir que les inspections fonctionnent effectivement. Et ils ont dit qu'une coopération active s'était engagée au cours des derniers mois avec l'Iraq. Nous estimons qu'il s'agit d'un avis très important car il va dans le sens de la résolution 1441.
Nous pensons aussi que nous devrions tous maintenir la pression sur l'Iraq et c'est pourquoi nous avons fait plusieurs propositions afin que les inspecteurs nous indiquent très clairement ce que sont les tâches-clé. Nous attendons pour l'Iraq un calendrier précis à respecter par ce pays et des rapports toutes les trois semaines, ce qui est un élément de pression important à l'égard du régime iraquien.
Nous avons également dit que nous étions prêts, conformément à la résolution 1284, qui prévoit que le programme, l'échéance pourrait être de 120 jours, que nous étions prêts à accélérer le processus parce que nous estimons que nous devons obtenir rapidement des résultats.
Nous pensons que le calendrier ne devrait pas être dicté par l'agenda militaire. C'est pourquoi nous avons déclaré très clairement ce que nous voulions, et je pense que c'est la position d'une large majorité au Conseil de sécurité. Nous considérons que nous devrions donner au Conseil toutes les possibilités d'oeuvrer au désarmement actif de l'Iraq.
Nous avons réaffirmé ce que nous avions dit à Paris avec les Allemands, les Russes, avec le soutien des Chinois, que nous pouvions encore obtenir un désarmement pacifique de l'Iraq.
Et au nom de la France, j'ai également déclaré que face aux enjeux actuels très importants, la crise iraquienne, mais ce n'est pas la seule, il nous faut décider de la manière dont nous voulons que le monde soit gouverné, dont nous voulons que les différentes crises mondiales soient réglées. C'est pourquoi j'ai demandé une réunion du Conseil de sécurité au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement afin que chacun de nos pays puisse assumer pleinement ses responsabilités. Précisément en ce moment, il est important que nos chefs d'Etat et de gouvernement tentent de rechercher et de préserver l'unité au sein du Conseil, l'unité de la communauté internationale. Et nous pensons vraiment que quoi qu'il puisse arriver, les Nations unies ont un rôle clé à jouer dans le maintien de la stabilité mondiale, un rôle clé dans la recherche de solutions pacifiques aux crises.
Q - Monsieur le Ministre, George Bush et Tony Blair ont déclaré que même si vous ou la Russie apposiez votre veto, ils entreraient quand même en guerre. La France peut-elle faire quelque chose pour empêcher la poursuite de ce conflit ?
R - Nous avons dit très clairement et je l'ai dit ce matin, que nous pensions qu'une réunion à très haut niveau, celui des chefs d'Etat et de gouvernement, au Conseil de sécurité peut être l'endroit où, tous ensemble, nous tenterions véritablement de donner une chance à la paix. Alors que les inspecteurs font état d'une coopération active sur le terrain, comment pouvons-nous en même temps affirmer qu'il ne s'est rien passé et que nous devrions nous préparer à la guerre ? Il y a une forte contradiction et nous n'acceptons pas cette contradiction. C'est pourquoi nous avons dit très clairement, nous l'avons dit à Paris avec nos amis russes, qui sont membres permanents, que nous n'accepterons pas cette nouvelle résolution. J'ai écouté avec attention mon collègue britannique formuler le nouvel amendement pour leur résolution, et nous avons dit que nous ne pouvions pas accepter un ultimatum, un recours automatique à la force. Ils fixent pour date butoir le 17 mars, dans dix jours. Nous ne pensons pas que la guerre peut être dictée par un calendrier.
Q - Dans votre discours, vous avez établi un lien important entre la situation au Moyen-Orient et la situation iraquienne. Vouliez-vous dire par-là que cela devrait être examiné au Conseil de sécurité, au même niveau, avec les ministres des Affaires étrangères et les chefs d'Etat ou autres, ou parlons-nous de la feuille de route qui contourne délibérément le Conseil de sécurité sur ce point ?
R - Permettez-moi de vous dire très clairement qu'il n'y a pas un ministre au Conseil de sécurité qui ne dira pas que nous sommes tous très inquiets, très préoccupés par la situation au Moyen-Orient. Bien sûr qu'il y a des liens. Bien sûr qu'il nous faut admettre le fait que le sentiment d'insécurité, le sentiment d'injustice qui prévaut actuellement au Moyen-Orient fragilise énormément cette région. L'usage de la force peut créer une situation qui pourrait être très difficile à régler. Et c'est une préoccupation pour notre Conseil. C'est une préoccupation pour le Conseil de sécurité. C'est une préoccupation pour chacun de nos gouvernements. Et c'est une préoccupation pour les Nations unies. Et nous ne pouvons pas observer la situation sans rien faire. C'est pourquoi nous disons que cela relève de notre responsabilité. Nous ne sommes pas dans une situation qui puisse nous faire penser que l'Iraq est la seule préoccupation du monde, que, si nous réglons la question militairement, tout sera résolu. Non. Nous sommes préoccupés par le terrorisme. Nous sommes préoccupés par la prolifération. Nous sommes préoccupés par les crises régionales. Tout cela crée un monde dangereux. Nous devons affronter la réalité du monde.
Q - Monsieur le Ministre, étant donné le sens des arguments au sein de ce Conseil de sécurité, en quoi une réunion des chefs de gouvernements pourrait-elle être utile pour obtenir un rapprochement des positions que vous et vos collègues ministres des Affaires étrangères n'avez pas réussi à obtenir au cours des jours et des semaines précédentes ?
R - Si nous devons travailler sur un calendrier de la communauté internationale, ce doit être un calendrier raisonnable. Si l'on bénéficie d'une coopération active de la part de l'Iraq, comme l'ont dit les inspecteurs, on ne parle pas de jours. M. Blix a dit : pas un an mais des années, pas des semaines mais des mois. Nous devrions nous en tenir à ce que nous avons décidé. Nous avons dit que nous passerions par la résolution 1441 pour choisir les arbitres. Hans Blix et El Baradeï sont les arbitres sur le terrain. Ils connaissent la situation. Nous avons une règle, qui est la résolution 1441. Nous devrions nous en tenir à ce qui a été décidé. C'est extrêmement important.
Par conséquent, si nous décidons d'avoir un calendrier, nous sommes d'accord pour accélérer le calendrier. Nous sommes prêts à y travailler. Mais en tout cas, que ferait une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement ? Quelque chose de très important. Il diront, et ils doivent dire que l'élément clé de stabilité, l'élément clé de légitimité, l'élément clé d'efficacité de la communauté mondiale sont les Nations unies. Elles sont essentielles pour la sécurité du monde, pour la sécurité de chaque pays parce qu'elles nous fournissent un cadre pour agir. Et nous estimons que si un seul pays peut gagner la guerre contre l'Iraq, aucun pays ne peut construire la paix tout seul. Pour cela, il faut la légitimité des Nations unies.
Q - Mais que pensez-vous de la présentation véhémente du secrétaire Straw ? Quelle a été votre réaction viscérale vis-à-vis de celle-ci ? Et lorsque vous dites que la France n'autorisera pas le recours à la force, est-ce que cela veut dire que vous vous abstiendrez - ils vont demander un vote au début de la semaine prochaine - ou êtes-vous prêt à user de votre veto ?
R - J'ai beaucoup de respect pour Jack Straw et c'est un ami. Par conséquent, je respecte ce qu'il a dit et je le crois convaincu de ce qu'il a déclaré. Mais je suis obligé de dire que derrière cette présentation, il y a l'idée d'un ultimatum. Le 17 mars, c'est une logique de guerre. Nous n'acceptons pas cette logique. Pourquoi ? Parce que les inspecteurs disent qu'ils bénéficient d'une coopération active de la part de l'Iraq. On ne part pas en guerre à cause d'un calendrier.
Dans la deuxième partie de votre question, vous me demandez quelle est notre position. Je pense qu'elle est très claire. Nous l'avons dit en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, et nous l'avons dit à Paris avec les Russes, nous avons dit que nous prendrions toutes nos responsabilités, que nous n'accepterions pas une résolution qui mène à la guerre. Je pense que vous avez la réponse.
Q - Que fera la France si les Etats-Unis attaquent l'Iraq sans résolution du Conseil de sécurité ou sans avertissement ? Quelle sera la position de la France ?
R - Notre position, vous la connaissez. Nous sommes dans une situation où, bien sûr, les Etats-Unis peuvent décider unilatéralement d'entrer en guerre. Nous pensons que ce qui sera en jeu si cela se produit, c'est le type de monde, le type d'ordre mondial, que nous voulons. Et nous pensons que bien sûr, le Conseil de sécurité, les Nations unies doivent jouer un rôle clé pour traiter cette question.
Q - D'après ce que nous comprenons de votre discours, l'Iraq n'est pas une priorité dans les problèmes régionaux. Comme vous l'avez dit, d'autres problèmes au Moyen-Orient doivent être réglés. Quelle est la priorité ? Ou est-ce exact, est-ce exactement la vision que vous nous avez donnée ?
R - Eh bien non. Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit. J'ai dit que l'Iraq faisait bien entendu partie de nos priorités. Mais ce n'est pas la seule priorité que nous devrions avoir. Nous ne devrions pas limiter les problèmes de ce monde à l'Iraq. Le terrorisme est une priorité majeure. Le processus de paix au Moyen-Orient est une priorité majeure. La prolifération, ce n'est pas seulement l'Iraq. Nous devons faire face à la complexité, à la diversité des problèmes. Si nous croyons qu'à cause de l'Iraq ou à travers l'Iraq, nous allons régler comme par magie tous les problèmes du monde, je pense que nous n'allons pas tarder à être très déçus.
Q - M. Bush dit que, en matière de sécurité, quand notre sécurité est en jeu, on n'a de permission à demander à personne. Est-ce que vous pensez qu'il puisse accepter une réunion au niveau des chefs d'Etat au Conseil de sécurité ?
R - Je crois que l'histoire n'est jamais écrite, et que tant que nous avons la possibilité d'avancer, il faut le faire. Car derrière la crise iraquienne il y a bien d'autres enjeux et, au cur de ces enjeux, je l'ai dit fortement ce matin, il y a l'unité de la communauté internationale. Rien ne justifie que la communauté internationale se divise. C'est la condition de notre efficacité. C'est la condition-même qui nous permettra d'espérer régler les crises du monde, qui sont multiples.
Q - Que répondez-vous au Chili et au Mexique qui ont demandé que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité assument leurs responsabilités ?
R - Je vous remercie de cette question. Elle est en effet au coeur de la position française. Et c'est ce que nous avons décidé avec les Russes à Paris. Oui, nous entendons véritablement prendre toutes nos responsabilités. C'est pourquoi, en tant que membres permanents du Conseil de Sécurité, nous ne pourrons accepter une nouvelle résolution qui serait un ultimatum ou qui serait dans une logique de guerre. Cela est très important. Nous ne demandons pas aux autres pays de prendre leurs responsabilités si nous-mêmes ne le faisons pas. Et j'ai un très grand respect pour le Mexique et le Chili, en raison du rôle qu'ils veulent jouer pour s'efforcer de trouver un compromis, d'obtenir, si possible, grâce à l'action des inspecteurs, un désarmement pacifique. Nous sommes bien évidemment prêts à prendre nos responsabilités, et je l'ai dit, quelle que soit la décision du Chili et du Mexique, la France a un respect et une amitié immenses pour ces deux pays. Nous apprécions les efforts, tant du Chili que du Mexique, dans cette période.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mars 2003)
(Interview à des télévisions françaises à New York, le 7 mars 2003) :
Q - (A propos d'une éventuelle intervention armée)
R - Les inspecteurs ont été particulièrement clairs, qu'il s'agisse de M. Hans Blix ou de M. El Baradeï. Ils ont indiqué que depuis un mois, l'Iraq est engagé dans une coopération active. Ce sont exactement les termes de la résolution 1441. Cela montre que, par les inspections, on peut obtenir un désarmement pacifique de l'Iraq.
Q - M. Powell a dit que s'il y avait eu coopération active, on n'aurait pas eu besoin de faire une liste de tâches à accomplir dans les semaines ou les mois qui viennent. Est-ce que vous pensez qu'effectivement, il y a tout de même eu beaucoup de travail qui aurait pu être évité si l'Iraq avait coopéré ?
R - Ne l'oublions pas, nous savons depuis le départ, depuis le mois de septembre, que nous avons à faire à une dictature. La tâche ne serait pas si difficile s'il ne s'agissait pas clairement d'une dictature. Il s'agit d'éliminer les armes de destruction massive dans un pays dirigé par Saddam Hussein. Il faut prendre cela en compte. Les inspections, nous le voyons maintenant depuis plusieurs mois, progressent. C'est cela qui est important. Si nous avons à faire face à cette crise iraquienne, nous avons bien d'autres crises de prolifération à gérer. Et je pense en particulier à la Corée du Nord. Il faut donc bâtir cet outil, cet outil que les Nations unies, semaine après semaine, sont en train d'édifier, qui est un élément clé pour la communauté internationale, pour permettre justement un désarmement pacifique, et nous savons que la tâche dépasse, et de loin, l'Iraq.
Q - Comme l'a dit hier le président Bush, M. Powell l'a redit ce matin, il y a urgence à désarmer l'Iraq, puisque l'Iraq présenterait une menace pour ses voisins et pour le monde. Est-ce que vous êtes d'accord avec eux et dans ce cas là, pourquoi vouloir lui donner davantage de temps ?
R - Je l'ai redit très fortement ce matin au Conseil de sécurité, il faut poursuivre la tâche des inspecteurs. Il faut permettre de préciser le programme des inspecteurs et c'est ce que j'ai demandé à M. Blix et à M. El Baradeï. J'ai indiqué par ailleurs que nous devions accélérer le calendrier de travail de la communauté internationale. C'est important. Il est prévu de donner 120 jours pour édifier ce programme de travail, pour le mettre à jour. Eh bien nous sommes prêts à le raccourcir si les inspecteurs le souhaitent. Il y a donc une très grande disponibilité. Je crois que c'est l'état d'esprit de l'ensemble du Conseil de sécurité. Il faut saisir cette chance. Nous savons tous que les conséquences de la guerre seraient incalculables pour une région qui connaît la crise, qui connaît les divisions, qui connaît les frustrations, un profond sentiment d'injustice. Personne ne sait les conséquences que pourrait avoir, pour la région et pour le monde, une guerre ; et en particulier sur un regain du terrorisme.
Q - Les représentants des pays membres du Conseil de sécurité qui ne sont pas membres permanents, sont pour l'instant très prudents, y compris dans leurs déclarations, ce matin. Est-ce que vous pensez que, lorsqu'ils devront se prononcer, puisque les Etats-Unis souhaitent mettre leur résolution au vote, vous pensez qu'ils réfléchiront à deux fois avant de s'opposer à une telle résolution ?
R - Il y a une très large majorité au Conseil de sécurité, nous l'avons vu le 14 février, nous le revoyons aujourd'hui et j'ai rencontré presque tous mes collègues du Conseil de sécurité. Nous sommes clairement dans une situation où la majorité des pays ne veut pas aujourd'hui d'un recours à la force. Il y a la possibilité d'avancer pacifiquement pour le désarmement de l'Iraq. Il faut une fois de plus continuer dans ce sens. Je crois que c'est le sens souhaité par la très large majorité du Conseil.
Q - Vous avez dit à nouveau ce matin que la France prendra toutes ses responsabilités s'il y avait vote de cette résolution. Est-ce que, en cas de veto, puisqu'il s'agit de veto, ce n'est pas le Conseil de sécurité qui se retrouverait amoindri par cette crise au sein du Conseil ?
R - Certainement pas. Je l'ai redit avec toute la force de la conviction de la France. Les Nations unies sont incontournables. On peut espérer gagner une guerre rapidement, les Etats-Unis peuvent espérer gagner une guerre rapidement, mais on ne peut pas construire seul la paix. Il faut pour cela toute la communauté internationale et c'est pour cela qu'au nom de la France, j'ai proposé que le Conseil de sécurité puisse se réunir au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement dans les tout prochains jours, de façon, justement, à ce que chacun, l'ensemble de la communauté internationale, puisse prendre ses responsabilités et affirmer ce rôle incontournable des Nations unies. Nous avons besoin d'une instance de légitimité qui puisse permettre d'affirmer très haut et très fort les principes de droit, les principes de morale que nous partageons.
Q - Vous pensez que les Etats-Unis nous laisseront encore du temps pour mener ce débat au sein du Conseil de sécurité ?
R - Le Conseil de sécurité doit se réunir dans les prochains jours pour voter une résolution. Il est essentiel que les chefs d'Etat et de gouvernement puissent se réunir et marquer clairement leur vision, leur conception de l'ordre mondial. Derrière la crise iraquienne, il y a bien d'autres enjeux, nous le voyons : dans quel monde voulons-nous vivre ? Comment voulons-nous gérer les crises ? Comment voulons-nous gérer le monde ? Ce sont là des choix fondamentaux. Il est très important que cette communauté mondiale, ici représentée, puisse faire ses choix en conscience.
Q - (A propos des relations franco-américaines)
R - J'ai rencontré longuement hier mon collègue Colin Powell. L'entretien a été à la fois très franc et très amical. J'ai dit de façon très claire à Colin Powell quelle était la position de la France, quelles étaient les intentions de la France. Et je crois qu'il les a bien comprises. Il y a un enjeu. Il ne s'agit pas pour la France de s'opposer aux Etats-Unis. Il s'agit de savoir comment nous pouvons au mieux gérer la crise iraquienne, comment nous pouvons au mieux gérer les crises multiples du monde. Nous le savons, il n'y a pas de liens clairs, pas de liens marqués, pas de preuves d'un lien entre Al Qaïda et Bagdad, pas de liens entre les réseaux terroristes et Bagdad. Il est important, dans ce contexte, de faire la part de chaque chose, d'aborder avec conviction, avec détermination, ensemble, les problèmes du monde. Nous ne voulons pas que la communauté mondiale, que le Conseil de sécurité se divise, nous voulons préserver cette unité. C'est le sens à donner à l'initiative de la France, d'une réunion du Conseil de sécurité au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Nous devons nous entendre sur l'organisation de ce monde, nous devons faire en sorte qu'au-delà des divisions que nous constatons sur la crise iraquienne, nous puissions très vite retrouver l'unité de la communauté mondiale.
Q - (A propos des liens franco-américains)
R - Je vous le dis, le dialogue est franc. Je l'espère constructif. Je crois que chacun comprend bien les raisons et la logique de l'autre. Nous essayons aujourd'hui de faire en sorte que cette guerre annoncée n'ait pas lieu, tant que le recours à la force n'est pas clairement le dernier recours. Vous savez que c'est la position de la France. Nous avons écouté aujourd'hui les inspecteurs. Ils disent clairement que nous pouvons continuer de progresser. Nous pouvons espérer désarmer l'Iraq par les inspections. Nous pensons qu'il faut continuer d'avancer dans cette voie. C'est véritablement l'espoir d'une très large majorité du Conseil de sécurité.
Q - Y a-t-il la possibilité d'un compromis malgré tout si l'Anglais, par exemple, propose qu'on introduise dans ce projet de résolution qu'il y ait une date limite ? Est-ce que c'est quelque chose qui prête à débat ?
R - Je l'ai dit, au nom de la France, très clairement. Nous ne pouvons pas accepter un ultimatum. Nous ne pouvons pas accepter un recours automatique à la force. Nous pouvons accepter d'accélérer, de réduire le calendrier qui est prévu pour les inspections, sur la base des propositions faites par M. Blix et M. El Baradeï. Oui, nous pouvons accélérer, mais encore faut-il faire en sorte véritablement que l'objectif soit bien le désarmement pacifique de l'Iraq.
Q - Est-ce que ce serait difficile de voir la France s'affronter aux Etats-Unis sur les bancs de l'ONU ?
R - Je l'ai dit, il n'y a pas confrontation. Nous défendons une vision. Nous défendons une conception. Nous défendons une exigence qui est de régler pacifiquement un conflit. Nous voyons que cela est possible. Ce sont les termes mêmes de la résolution 1441, avec les inspecteurs, pacifiquement. Nous sommes guidés par cet objectif, par cet impératif et nous le faisons en maintenant un dialogue régulier, un dialogue amical avec nos amis américains et c'est véritablement cette vision qui nous porte.
Q - Ce week-end vous avez un emploi du temps chargé. Où allez-vous ?
R - Je me rendrai ce week-end dans la journée de dimanche en Afrique rencontrer les trois pays membres du Conseil de sécurité : l'Angola, le Cameroun et la Guinée.
Q - Pourquoi cette visite ?
R - Parce que nous avons eu des liens très suivis au cours des dernières semaines et des derniers mois, nous avons estimé qu'il était opportun que nous puissions faire un point, parler très ouvertement ensemble de l'avenir. Parler du rôle que nous voulons donner au Conseil de sécurité et essayer, face à l'ensemble des enjeux du monde, de définir justement une approche commune, une approche qui véritablement nous permette d'assurer la stabilité du monde.
Q - Vous êtes sûr de leurs votes ?
R - Nous partageons les mêmes préoccupations. Je vous l'ai dit, nous sommes en contact. Nous avons ensemble signé une déclaration dans le cadre du Sommet Afrique-France. C'est vous dire à quel point la proximité est grande mais chacun évidemment est libre et indépendant et responsable de son choix.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mars 2003)
(Interview à des radios françaises à New York, le 7 mars 2003) :
Q - Monsieur le Ministre, qu'avez-vous pensé du rapport du Dr Blix, qui est plutôt positif ?
R - Je dirais même qu'il était très positif. C'est un constat que chacun peut faire. Depuis maintenant plusieurs mois, les inspecteurs l'ont dit, il y a une coopération active de la part de l'Iraq. Ce qui veut dire que le désarmement progresse. Ce qui veut dire que la voie qui a été choisie par la communauté internationale à travers la résolution 1441 du Conseil de sécurité, permet d'avancer dans la recherche d'un plein désarmement de l'Iraq.
Q - Les positions sont restées les mêmes à l'issue du rapport de M. Blix. Les Américains vont présenter leur résolution. Vous avez proposé que chaque pays vienne au niveau de son chef d'Etat, pourquoi ?
R - D'abord je voudrais insister sur un point de fond. Nous sommes désireux d'avancer dans la voie d'une solution pour toute la communauté internationale. Nous l'avons dit et je crois que c'est un sentiment partagé par presque tous les membres du Conseil de sécurité : la force ne peut être qu'un dernier recours. Et nous avons fait trois propositions devant le Conseil de sécurité. La première, c'est d'identifier les tâches clés, de demander aux inspecteurs de nous dire exactement ce qui est nécessaire pour eux pour avancer concrètement, le plus rapidement possible dans la voie du désarmement. Deuxième élément, nous leur avons demandé de nous soumettre des rapports plus fréquents, toutes les trois semaines, pour véritablement être en mesure de fixer et de mesurer les progrès. Troisièmement, et c'est là peut-être l'élément central, nous avons demandé à ce qu'un calendrier accéléré soit fixé. Les résolutions des Nations unies prévoient un échéancier de 120 jours. Si les inspecteurs nous disent que l'on peut aller plus vite, alors nous sommes prêts à travailler sur un calendrier plus serré pour prendre en compte cette exigence très importante qui est d'aboutir le plus rapidement possible. Les inspections ne peuvent pas se poursuivre indéfiniment. C'est donc sur la base d'un programme accéléré que l'on peut travailler. Mais, la France dit bien mais, nous ne pouvons pas accepter la logique de l'ultimatum. Nous ne pouvons pas accepter la logique de guerre parce que notre position, c'est le refus de tout automatisme du recours à la force. Pour nous le Conseil de sécurité doit être en mesure d'assumer à chaque étape sa pleine responsabilité.
Q - Pourquoi au niveau des chefs d'Etat ?
R - Parce que nous estimons que nous sommes à un tournant de la vie internationale. La crise iraquienne est un enjeu majeur. Mais au-delà de l'Iraq, il y a la question centrale : comment pouvons-nous gérer les crises du monde, comment pouvons-nous gérer l'ordre mondial ? A partir de là, nous estimons qu'une réunion rapide au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement des pays du Conseil de sécurité est susceptible de faire la part, d'abord de la crise iraquienne, de permettre d'évaluer la possibilité d'avancer et de trouver une solution qui puisse satisfaire l'ensemble des pays. L'essentiel de ces pays refuse la logique de la force. Les Etats-Unis disent qu'ils sont prêts à donner une dernière chance au désarmement. Eh bien, essayons d'explorer toutes les possibilités. En particulier, travaillons à partir des recommandations des inspecteurs sur un calendrier accéléré.
Par ailleurs, il y a des questions centrales : le terrorisme, la prolifération qui dépasse, et de loin, la crise iraquienne. Il y a toutes les questions des crises régionales et j'ai longuement parlé devant le Conseil de sécurité de la situation au Proche-Orient, qui nous inquiète. Il y a un cycle de violence qui redémarre, qui peut être lourd de conséquence pour toute la région. Il y a les questions du fondamentalisme. Il y a la question centrale, quelle que soit l'évolution de la crise iraquienne, de la place que nous donnerons aux Nations unies. Pour la France, le rôle des Nations unies est incontournable dans tous les cas de figure. Et nous voulons que solennellement les chefs d'Etat et de gouvernement affirment ce rôle central des Nations Unies. Il y a donc, à la fois sur la crise iraquienne et sur les enjeux mondiaux, une bonne raison que le Conseil de sécurité se réunisse au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. La France veut être en situation de proposition. La France a une vision constructive. La France veut en permanence essayer de trouver des solutions aux problèmes du monde. C'est pour cela que le président Chirac m'a demandé de faire cette proposition au nom de la France devant le Conseil de sécurité.
Q - (A propos des réactions à l'idée de réunion au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement)
R - Nous avons déjeuné tous ensemble et j'ai constaté la très grande ouverture qui s'est exprimée autour de la table, très grande ouverture pour explorer les façons dont cette idée, la réunion au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, permettrait de faire évoluer les choses. C'est vrai de la Russie, de l'Allemagne, de la Chine. C'est vrai des autres pays. Et je crois que du côté des Etats-Unis, je ne serai pas aussi clair que vous le dites. Je crois que c'est l'intérêt de tout le monde, y compris des Etats-Unis. Et je crois que, au fond d'eux-mêmes, les Américains, les Anglais, les Espagnols comprennent qu'il y a là, sans doute, une possibilité qui n'est pas à écarter. C'est pour cela que nous nous disons fortement que si, par la mobilisation des chefs d'Etat et de gouvernement, nous pouvons explorer toutes les options pacifiques, nous pouvons véritablement essayer de travailler et de maintenir l'unité du Conseil et de la communauté internationale, eh bien nous devons explorer cette solution.
J'ai eu un entretien très amical, très positif, avec le secrétaire d'Etat Colin Powell hier. Je crois qu'il mesure bien, comme le mesurent les Américains, les risques de la logique de guerre. Je crois qu'il est important que nous essayions d'avancer en cherchant des solutions ensemble.
Q - Monsieur le Ministre, vous allez en Afrique dès dimanche. Cela veut dire que trois pays Angola, Guinée, Cameroun vous semblent flottants ?
R - Nous sommes en contact régulier avec ces pays. Nous nous sommes retrouvés lors de la conférence Afrique-France. Nous avions décidé de maintenir ce contact au cours des prochaines semaines. C'est important et je crois que le fait de pouvoir parler directement avec les chefs d'Etat, les responsables de ces pays, fait partie de la qualité de la relation que nous avons avec eux. Nous respectons évidemment totalement leur liberté et leur indépendance. Mais je crois que nous avons une très large communauté de vues sur la façon dont le monde doit être uni.
Q - Après les toutes dernières déclarations du président Bush, est-ce que vous avez encore espoir que cette guerre puisse être évitée ?
R - Oui, nous avons espoir parce que la diplomatie c'est d'abord l'exercice de la volonté. C'est l'exercice de la volonté forte d'essayer de trouver et de saisir toutes les occasions qui peuvent se présenter. Nous avons là, à partir du rapport des inspecteurs, la confirmation qu'un désarmement pacifique est possible. Nous n'avons pas le droit de ne pas tout faire pour essayer de trouver une solution pacifique et je retiens de mes entretiens avec les différents membres du Conseil de sécurité une immense attente. Chacun souhaite que des initiatives soient prises. Et chacun comprend bien que la France, parce que c'est sa vocation, parce que c'est sa mission, uvre pour la recherche de la paix, pour la recherche des idées qui peuvent permettre d'avancer et de faire évoluer le consensus de la communauté internationale. Il y a des divisions, ne nous trompons pas. Nous sommes là pour essayer de les surmonter.
L'échéance du 17 mars n'est pas acceptable pour nous. Nous pensons qu'il est important de respecter le cadre posé par les Nations unies. Il y a là un objectif de désarmement pacifique de l'Iraq. A partir du moment où les inspecteurs nous disent que cette coopération active est possible, eh bien il faut continuer à avancer dans cette voie en faisant preuve de sang-froid et de détermination.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mars 2003)
Nous avons eu, aujourd'hui, une réunion importante, à un moment crucial, avec le rapport de MM. Blix et El Baradeï. Ils ont confirmé ce qu'ils avaient déclaré durant la réunion, la dernière réunion du 14 janvier, à savoir que les inspections fonctionnent effectivement. Et ils ont dit qu'une coopération active s'était engagée au cours des derniers mois avec l'Iraq. Nous estimons qu'il s'agit d'un avis très important car il va dans le sens de la résolution 1441.
Nous pensons aussi que nous devrions tous maintenir la pression sur l'Iraq et c'est pourquoi nous avons fait plusieurs propositions afin que les inspecteurs nous indiquent très clairement ce que sont les tâches-clé. Nous attendons pour l'Iraq un calendrier précis à respecter par ce pays et des rapports toutes les trois semaines, ce qui est un élément de pression important à l'égard du régime iraquien.
Nous avons également dit que nous étions prêts, conformément à la résolution 1284, qui prévoit que le programme, l'échéance pourrait être de 120 jours, que nous étions prêts à accélérer le processus parce que nous estimons que nous devons obtenir rapidement des résultats.
Nous pensons que le calendrier ne devrait pas être dicté par l'agenda militaire. C'est pourquoi nous avons déclaré très clairement ce que nous voulions, et je pense que c'est la position d'une large majorité au Conseil de sécurité. Nous considérons que nous devrions donner au Conseil toutes les possibilités d'oeuvrer au désarmement actif de l'Iraq.
Nous avons réaffirmé ce que nous avions dit à Paris avec les Allemands, les Russes, avec le soutien des Chinois, que nous pouvions encore obtenir un désarmement pacifique de l'Iraq.
Et au nom de la France, j'ai également déclaré que face aux enjeux actuels très importants, la crise iraquienne, mais ce n'est pas la seule, il nous faut décider de la manière dont nous voulons que le monde soit gouverné, dont nous voulons que les différentes crises mondiales soient réglées. C'est pourquoi j'ai demandé une réunion du Conseil de sécurité au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement afin que chacun de nos pays puisse assumer pleinement ses responsabilités. Précisément en ce moment, il est important que nos chefs d'Etat et de gouvernement tentent de rechercher et de préserver l'unité au sein du Conseil, l'unité de la communauté internationale. Et nous pensons vraiment que quoi qu'il puisse arriver, les Nations unies ont un rôle clé à jouer dans le maintien de la stabilité mondiale, un rôle clé dans la recherche de solutions pacifiques aux crises.
Q - Monsieur le Ministre, George Bush et Tony Blair ont déclaré que même si vous ou la Russie apposiez votre veto, ils entreraient quand même en guerre. La France peut-elle faire quelque chose pour empêcher la poursuite de ce conflit ?
R - Nous avons dit très clairement et je l'ai dit ce matin, que nous pensions qu'une réunion à très haut niveau, celui des chefs d'Etat et de gouvernement, au Conseil de sécurité peut être l'endroit où, tous ensemble, nous tenterions véritablement de donner une chance à la paix. Alors que les inspecteurs font état d'une coopération active sur le terrain, comment pouvons-nous en même temps affirmer qu'il ne s'est rien passé et que nous devrions nous préparer à la guerre ? Il y a une forte contradiction et nous n'acceptons pas cette contradiction. C'est pourquoi nous avons dit très clairement, nous l'avons dit à Paris avec nos amis russes, qui sont membres permanents, que nous n'accepterons pas cette nouvelle résolution. J'ai écouté avec attention mon collègue britannique formuler le nouvel amendement pour leur résolution, et nous avons dit que nous ne pouvions pas accepter un ultimatum, un recours automatique à la force. Ils fixent pour date butoir le 17 mars, dans dix jours. Nous ne pensons pas que la guerre peut être dictée par un calendrier.
Q - Dans votre discours, vous avez établi un lien important entre la situation au Moyen-Orient et la situation iraquienne. Vouliez-vous dire par-là que cela devrait être examiné au Conseil de sécurité, au même niveau, avec les ministres des Affaires étrangères et les chefs d'Etat ou autres, ou parlons-nous de la feuille de route qui contourne délibérément le Conseil de sécurité sur ce point ?
R - Permettez-moi de vous dire très clairement qu'il n'y a pas un ministre au Conseil de sécurité qui ne dira pas que nous sommes tous très inquiets, très préoccupés par la situation au Moyen-Orient. Bien sûr qu'il y a des liens. Bien sûr qu'il nous faut admettre le fait que le sentiment d'insécurité, le sentiment d'injustice qui prévaut actuellement au Moyen-Orient fragilise énormément cette région. L'usage de la force peut créer une situation qui pourrait être très difficile à régler. Et c'est une préoccupation pour notre Conseil. C'est une préoccupation pour le Conseil de sécurité. C'est une préoccupation pour chacun de nos gouvernements. Et c'est une préoccupation pour les Nations unies. Et nous ne pouvons pas observer la situation sans rien faire. C'est pourquoi nous disons que cela relève de notre responsabilité. Nous ne sommes pas dans une situation qui puisse nous faire penser que l'Iraq est la seule préoccupation du monde, que, si nous réglons la question militairement, tout sera résolu. Non. Nous sommes préoccupés par le terrorisme. Nous sommes préoccupés par la prolifération. Nous sommes préoccupés par les crises régionales. Tout cela crée un monde dangereux. Nous devons affronter la réalité du monde.
Q - Monsieur le Ministre, étant donné le sens des arguments au sein de ce Conseil de sécurité, en quoi une réunion des chefs de gouvernements pourrait-elle être utile pour obtenir un rapprochement des positions que vous et vos collègues ministres des Affaires étrangères n'avez pas réussi à obtenir au cours des jours et des semaines précédentes ?
R - Si nous devons travailler sur un calendrier de la communauté internationale, ce doit être un calendrier raisonnable. Si l'on bénéficie d'une coopération active de la part de l'Iraq, comme l'ont dit les inspecteurs, on ne parle pas de jours. M. Blix a dit : pas un an mais des années, pas des semaines mais des mois. Nous devrions nous en tenir à ce que nous avons décidé. Nous avons dit que nous passerions par la résolution 1441 pour choisir les arbitres. Hans Blix et El Baradeï sont les arbitres sur le terrain. Ils connaissent la situation. Nous avons une règle, qui est la résolution 1441. Nous devrions nous en tenir à ce qui a été décidé. C'est extrêmement important.
Par conséquent, si nous décidons d'avoir un calendrier, nous sommes d'accord pour accélérer le calendrier. Nous sommes prêts à y travailler. Mais en tout cas, que ferait une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement ? Quelque chose de très important. Il diront, et ils doivent dire que l'élément clé de stabilité, l'élément clé de légitimité, l'élément clé d'efficacité de la communauté mondiale sont les Nations unies. Elles sont essentielles pour la sécurité du monde, pour la sécurité de chaque pays parce qu'elles nous fournissent un cadre pour agir. Et nous estimons que si un seul pays peut gagner la guerre contre l'Iraq, aucun pays ne peut construire la paix tout seul. Pour cela, il faut la légitimité des Nations unies.
Q - Mais que pensez-vous de la présentation véhémente du secrétaire Straw ? Quelle a été votre réaction viscérale vis-à-vis de celle-ci ? Et lorsque vous dites que la France n'autorisera pas le recours à la force, est-ce que cela veut dire que vous vous abstiendrez - ils vont demander un vote au début de la semaine prochaine - ou êtes-vous prêt à user de votre veto ?
R - J'ai beaucoup de respect pour Jack Straw et c'est un ami. Par conséquent, je respecte ce qu'il a dit et je le crois convaincu de ce qu'il a déclaré. Mais je suis obligé de dire que derrière cette présentation, il y a l'idée d'un ultimatum. Le 17 mars, c'est une logique de guerre. Nous n'acceptons pas cette logique. Pourquoi ? Parce que les inspecteurs disent qu'ils bénéficient d'une coopération active de la part de l'Iraq. On ne part pas en guerre à cause d'un calendrier.
Dans la deuxième partie de votre question, vous me demandez quelle est notre position. Je pense qu'elle est très claire. Nous l'avons dit en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, et nous l'avons dit à Paris avec les Russes, nous avons dit que nous prendrions toutes nos responsabilités, que nous n'accepterions pas une résolution qui mène à la guerre. Je pense que vous avez la réponse.
Q - Que fera la France si les Etats-Unis attaquent l'Iraq sans résolution du Conseil de sécurité ou sans avertissement ? Quelle sera la position de la France ?
R - Notre position, vous la connaissez. Nous sommes dans une situation où, bien sûr, les Etats-Unis peuvent décider unilatéralement d'entrer en guerre. Nous pensons que ce qui sera en jeu si cela se produit, c'est le type de monde, le type d'ordre mondial, que nous voulons. Et nous pensons que bien sûr, le Conseil de sécurité, les Nations unies doivent jouer un rôle clé pour traiter cette question.
Q - D'après ce que nous comprenons de votre discours, l'Iraq n'est pas une priorité dans les problèmes régionaux. Comme vous l'avez dit, d'autres problèmes au Moyen-Orient doivent être réglés. Quelle est la priorité ? Ou est-ce exact, est-ce exactement la vision que vous nous avez donnée ?
R - Eh bien non. Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit. J'ai dit que l'Iraq faisait bien entendu partie de nos priorités. Mais ce n'est pas la seule priorité que nous devrions avoir. Nous ne devrions pas limiter les problèmes de ce monde à l'Iraq. Le terrorisme est une priorité majeure. Le processus de paix au Moyen-Orient est une priorité majeure. La prolifération, ce n'est pas seulement l'Iraq. Nous devons faire face à la complexité, à la diversité des problèmes. Si nous croyons qu'à cause de l'Iraq ou à travers l'Iraq, nous allons régler comme par magie tous les problèmes du monde, je pense que nous n'allons pas tarder à être très déçus.
Q - M. Bush dit que, en matière de sécurité, quand notre sécurité est en jeu, on n'a de permission à demander à personne. Est-ce que vous pensez qu'il puisse accepter une réunion au niveau des chefs d'Etat au Conseil de sécurité ?
R - Je crois que l'histoire n'est jamais écrite, et que tant que nous avons la possibilité d'avancer, il faut le faire. Car derrière la crise iraquienne il y a bien d'autres enjeux et, au cur de ces enjeux, je l'ai dit fortement ce matin, il y a l'unité de la communauté internationale. Rien ne justifie que la communauté internationale se divise. C'est la condition de notre efficacité. C'est la condition-même qui nous permettra d'espérer régler les crises du monde, qui sont multiples.
Q - Que répondez-vous au Chili et au Mexique qui ont demandé que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité assument leurs responsabilités ?
R - Je vous remercie de cette question. Elle est en effet au coeur de la position française. Et c'est ce que nous avons décidé avec les Russes à Paris. Oui, nous entendons véritablement prendre toutes nos responsabilités. C'est pourquoi, en tant que membres permanents du Conseil de Sécurité, nous ne pourrons accepter une nouvelle résolution qui serait un ultimatum ou qui serait dans une logique de guerre. Cela est très important. Nous ne demandons pas aux autres pays de prendre leurs responsabilités si nous-mêmes ne le faisons pas. Et j'ai un très grand respect pour le Mexique et le Chili, en raison du rôle qu'ils veulent jouer pour s'efforcer de trouver un compromis, d'obtenir, si possible, grâce à l'action des inspecteurs, un désarmement pacifique. Nous sommes bien évidemment prêts à prendre nos responsabilités, et je l'ai dit, quelle que soit la décision du Chili et du Mexique, la France a un respect et une amitié immenses pour ces deux pays. Nous apprécions les efforts, tant du Chili que du Mexique, dans cette période.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mars 2003)
(Interview à des télévisions françaises à New York, le 7 mars 2003) :
Q - (A propos d'une éventuelle intervention armée)
R - Les inspecteurs ont été particulièrement clairs, qu'il s'agisse de M. Hans Blix ou de M. El Baradeï. Ils ont indiqué que depuis un mois, l'Iraq est engagé dans une coopération active. Ce sont exactement les termes de la résolution 1441. Cela montre que, par les inspections, on peut obtenir un désarmement pacifique de l'Iraq.
Q - M. Powell a dit que s'il y avait eu coopération active, on n'aurait pas eu besoin de faire une liste de tâches à accomplir dans les semaines ou les mois qui viennent. Est-ce que vous pensez qu'effectivement, il y a tout de même eu beaucoup de travail qui aurait pu être évité si l'Iraq avait coopéré ?
R - Ne l'oublions pas, nous savons depuis le départ, depuis le mois de septembre, que nous avons à faire à une dictature. La tâche ne serait pas si difficile s'il ne s'agissait pas clairement d'une dictature. Il s'agit d'éliminer les armes de destruction massive dans un pays dirigé par Saddam Hussein. Il faut prendre cela en compte. Les inspections, nous le voyons maintenant depuis plusieurs mois, progressent. C'est cela qui est important. Si nous avons à faire face à cette crise iraquienne, nous avons bien d'autres crises de prolifération à gérer. Et je pense en particulier à la Corée du Nord. Il faut donc bâtir cet outil, cet outil que les Nations unies, semaine après semaine, sont en train d'édifier, qui est un élément clé pour la communauté internationale, pour permettre justement un désarmement pacifique, et nous savons que la tâche dépasse, et de loin, l'Iraq.
Q - Comme l'a dit hier le président Bush, M. Powell l'a redit ce matin, il y a urgence à désarmer l'Iraq, puisque l'Iraq présenterait une menace pour ses voisins et pour le monde. Est-ce que vous êtes d'accord avec eux et dans ce cas là, pourquoi vouloir lui donner davantage de temps ?
R - Je l'ai redit très fortement ce matin au Conseil de sécurité, il faut poursuivre la tâche des inspecteurs. Il faut permettre de préciser le programme des inspecteurs et c'est ce que j'ai demandé à M. Blix et à M. El Baradeï. J'ai indiqué par ailleurs que nous devions accélérer le calendrier de travail de la communauté internationale. C'est important. Il est prévu de donner 120 jours pour édifier ce programme de travail, pour le mettre à jour. Eh bien nous sommes prêts à le raccourcir si les inspecteurs le souhaitent. Il y a donc une très grande disponibilité. Je crois que c'est l'état d'esprit de l'ensemble du Conseil de sécurité. Il faut saisir cette chance. Nous savons tous que les conséquences de la guerre seraient incalculables pour une région qui connaît la crise, qui connaît les divisions, qui connaît les frustrations, un profond sentiment d'injustice. Personne ne sait les conséquences que pourrait avoir, pour la région et pour le monde, une guerre ; et en particulier sur un regain du terrorisme.
Q - Les représentants des pays membres du Conseil de sécurité qui ne sont pas membres permanents, sont pour l'instant très prudents, y compris dans leurs déclarations, ce matin. Est-ce que vous pensez que, lorsqu'ils devront se prononcer, puisque les Etats-Unis souhaitent mettre leur résolution au vote, vous pensez qu'ils réfléchiront à deux fois avant de s'opposer à une telle résolution ?
R - Il y a une très large majorité au Conseil de sécurité, nous l'avons vu le 14 février, nous le revoyons aujourd'hui et j'ai rencontré presque tous mes collègues du Conseil de sécurité. Nous sommes clairement dans une situation où la majorité des pays ne veut pas aujourd'hui d'un recours à la force. Il y a la possibilité d'avancer pacifiquement pour le désarmement de l'Iraq. Il faut une fois de plus continuer dans ce sens. Je crois que c'est le sens souhaité par la très large majorité du Conseil.
Q - Vous avez dit à nouveau ce matin que la France prendra toutes ses responsabilités s'il y avait vote de cette résolution. Est-ce que, en cas de veto, puisqu'il s'agit de veto, ce n'est pas le Conseil de sécurité qui se retrouverait amoindri par cette crise au sein du Conseil ?
R - Certainement pas. Je l'ai redit avec toute la force de la conviction de la France. Les Nations unies sont incontournables. On peut espérer gagner une guerre rapidement, les Etats-Unis peuvent espérer gagner une guerre rapidement, mais on ne peut pas construire seul la paix. Il faut pour cela toute la communauté internationale et c'est pour cela qu'au nom de la France, j'ai proposé que le Conseil de sécurité puisse se réunir au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement dans les tout prochains jours, de façon, justement, à ce que chacun, l'ensemble de la communauté internationale, puisse prendre ses responsabilités et affirmer ce rôle incontournable des Nations unies. Nous avons besoin d'une instance de légitimité qui puisse permettre d'affirmer très haut et très fort les principes de droit, les principes de morale que nous partageons.
Q - Vous pensez que les Etats-Unis nous laisseront encore du temps pour mener ce débat au sein du Conseil de sécurité ?
R - Le Conseil de sécurité doit se réunir dans les prochains jours pour voter une résolution. Il est essentiel que les chefs d'Etat et de gouvernement puissent se réunir et marquer clairement leur vision, leur conception de l'ordre mondial. Derrière la crise iraquienne, il y a bien d'autres enjeux, nous le voyons : dans quel monde voulons-nous vivre ? Comment voulons-nous gérer les crises ? Comment voulons-nous gérer le monde ? Ce sont là des choix fondamentaux. Il est très important que cette communauté mondiale, ici représentée, puisse faire ses choix en conscience.
Q - (A propos des relations franco-américaines)
R - J'ai rencontré longuement hier mon collègue Colin Powell. L'entretien a été à la fois très franc et très amical. J'ai dit de façon très claire à Colin Powell quelle était la position de la France, quelles étaient les intentions de la France. Et je crois qu'il les a bien comprises. Il y a un enjeu. Il ne s'agit pas pour la France de s'opposer aux Etats-Unis. Il s'agit de savoir comment nous pouvons au mieux gérer la crise iraquienne, comment nous pouvons au mieux gérer les crises multiples du monde. Nous le savons, il n'y a pas de liens clairs, pas de liens marqués, pas de preuves d'un lien entre Al Qaïda et Bagdad, pas de liens entre les réseaux terroristes et Bagdad. Il est important, dans ce contexte, de faire la part de chaque chose, d'aborder avec conviction, avec détermination, ensemble, les problèmes du monde. Nous ne voulons pas que la communauté mondiale, que le Conseil de sécurité se divise, nous voulons préserver cette unité. C'est le sens à donner à l'initiative de la France, d'une réunion du Conseil de sécurité au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Nous devons nous entendre sur l'organisation de ce monde, nous devons faire en sorte qu'au-delà des divisions que nous constatons sur la crise iraquienne, nous puissions très vite retrouver l'unité de la communauté mondiale.
Q - (A propos des liens franco-américains)
R - Je vous le dis, le dialogue est franc. Je l'espère constructif. Je crois que chacun comprend bien les raisons et la logique de l'autre. Nous essayons aujourd'hui de faire en sorte que cette guerre annoncée n'ait pas lieu, tant que le recours à la force n'est pas clairement le dernier recours. Vous savez que c'est la position de la France. Nous avons écouté aujourd'hui les inspecteurs. Ils disent clairement que nous pouvons continuer de progresser. Nous pouvons espérer désarmer l'Iraq par les inspections. Nous pensons qu'il faut continuer d'avancer dans cette voie. C'est véritablement l'espoir d'une très large majorité du Conseil de sécurité.
Q - Y a-t-il la possibilité d'un compromis malgré tout si l'Anglais, par exemple, propose qu'on introduise dans ce projet de résolution qu'il y ait une date limite ? Est-ce que c'est quelque chose qui prête à débat ?
R - Je l'ai dit, au nom de la France, très clairement. Nous ne pouvons pas accepter un ultimatum. Nous ne pouvons pas accepter un recours automatique à la force. Nous pouvons accepter d'accélérer, de réduire le calendrier qui est prévu pour les inspections, sur la base des propositions faites par M. Blix et M. El Baradeï. Oui, nous pouvons accélérer, mais encore faut-il faire en sorte véritablement que l'objectif soit bien le désarmement pacifique de l'Iraq.
Q - Est-ce que ce serait difficile de voir la France s'affronter aux Etats-Unis sur les bancs de l'ONU ?
R - Je l'ai dit, il n'y a pas confrontation. Nous défendons une vision. Nous défendons une conception. Nous défendons une exigence qui est de régler pacifiquement un conflit. Nous voyons que cela est possible. Ce sont les termes mêmes de la résolution 1441, avec les inspecteurs, pacifiquement. Nous sommes guidés par cet objectif, par cet impératif et nous le faisons en maintenant un dialogue régulier, un dialogue amical avec nos amis américains et c'est véritablement cette vision qui nous porte.
Q - Ce week-end vous avez un emploi du temps chargé. Où allez-vous ?
R - Je me rendrai ce week-end dans la journée de dimanche en Afrique rencontrer les trois pays membres du Conseil de sécurité : l'Angola, le Cameroun et la Guinée.
Q - Pourquoi cette visite ?
R - Parce que nous avons eu des liens très suivis au cours des dernières semaines et des derniers mois, nous avons estimé qu'il était opportun que nous puissions faire un point, parler très ouvertement ensemble de l'avenir. Parler du rôle que nous voulons donner au Conseil de sécurité et essayer, face à l'ensemble des enjeux du monde, de définir justement une approche commune, une approche qui véritablement nous permette d'assurer la stabilité du monde.
Q - Vous êtes sûr de leurs votes ?
R - Nous partageons les mêmes préoccupations. Je vous l'ai dit, nous sommes en contact. Nous avons ensemble signé une déclaration dans le cadre du Sommet Afrique-France. C'est vous dire à quel point la proximité est grande mais chacun évidemment est libre et indépendant et responsable de son choix.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mars 2003)
(Interview à des radios françaises à New York, le 7 mars 2003) :
Q - Monsieur le Ministre, qu'avez-vous pensé du rapport du Dr Blix, qui est plutôt positif ?
R - Je dirais même qu'il était très positif. C'est un constat que chacun peut faire. Depuis maintenant plusieurs mois, les inspecteurs l'ont dit, il y a une coopération active de la part de l'Iraq. Ce qui veut dire que le désarmement progresse. Ce qui veut dire que la voie qui a été choisie par la communauté internationale à travers la résolution 1441 du Conseil de sécurité, permet d'avancer dans la recherche d'un plein désarmement de l'Iraq.
Q - Les positions sont restées les mêmes à l'issue du rapport de M. Blix. Les Américains vont présenter leur résolution. Vous avez proposé que chaque pays vienne au niveau de son chef d'Etat, pourquoi ?
R - D'abord je voudrais insister sur un point de fond. Nous sommes désireux d'avancer dans la voie d'une solution pour toute la communauté internationale. Nous l'avons dit et je crois que c'est un sentiment partagé par presque tous les membres du Conseil de sécurité : la force ne peut être qu'un dernier recours. Et nous avons fait trois propositions devant le Conseil de sécurité. La première, c'est d'identifier les tâches clés, de demander aux inspecteurs de nous dire exactement ce qui est nécessaire pour eux pour avancer concrètement, le plus rapidement possible dans la voie du désarmement. Deuxième élément, nous leur avons demandé de nous soumettre des rapports plus fréquents, toutes les trois semaines, pour véritablement être en mesure de fixer et de mesurer les progrès. Troisièmement, et c'est là peut-être l'élément central, nous avons demandé à ce qu'un calendrier accéléré soit fixé. Les résolutions des Nations unies prévoient un échéancier de 120 jours. Si les inspecteurs nous disent que l'on peut aller plus vite, alors nous sommes prêts à travailler sur un calendrier plus serré pour prendre en compte cette exigence très importante qui est d'aboutir le plus rapidement possible. Les inspections ne peuvent pas se poursuivre indéfiniment. C'est donc sur la base d'un programme accéléré que l'on peut travailler. Mais, la France dit bien mais, nous ne pouvons pas accepter la logique de l'ultimatum. Nous ne pouvons pas accepter la logique de guerre parce que notre position, c'est le refus de tout automatisme du recours à la force. Pour nous le Conseil de sécurité doit être en mesure d'assumer à chaque étape sa pleine responsabilité.
Q - Pourquoi au niveau des chefs d'Etat ?
R - Parce que nous estimons que nous sommes à un tournant de la vie internationale. La crise iraquienne est un enjeu majeur. Mais au-delà de l'Iraq, il y a la question centrale : comment pouvons-nous gérer les crises du monde, comment pouvons-nous gérer l'ordre mondial ? A partir de là, nous estimons qu'une réunion rapide au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement des pays du Conseil de sécurité est susceptible de faire la part, d'abord de la crise iraquienne, de permettre d'évaluer la possibilité d'avancer et de trouver une solution qui puisse satisfaire l'ensemble des pays. L'essentiel de ces pays refuse la logique de la force. Les Etats-Unis disent qu'ils sont prêts à donner une dernière chance au désarmement. Eh bien, essayons d'explorer toutes les possibilités. En particulier, travaillons à partir des recommandations des inspecteurs sur un calendrier accéléré.
Par ailleurs, il y a des questions centrales : le terrorisme, la prolifération qui dépasse, et de loin, la crise iraquienne. Il y a toutes les questions des crises régionales et j'ai longuement parlé devant le Conseil de sécurité de la situation au Proche-Orient, qui nous inquiète. Il y a un cycle de violence qui redémarre, qui peut être lourd de conséquence pour toute la région. Il y a les questions du fondamentalisme. Il y a la question centrale, quelle que soit l'évolution de la crise iraquienne, de la place que nous donnerons aux Nations unies. Pour la France, le rôle des Nations unies est incontournable dans tous les cas de figure. Et nous voulons que solennellement les chefs d'Etat et de gouvernement affirment ce rôle central des Nations Unies. Il y a donc, à la fois sur la crise iraquienne et sur les enjeux mondiaux, une bonne raison que le Conseil de sécurité se réunisse au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. La France veut être en situation de proposition. La France a une vision constructive. La France veut en permanence essayer de trouver des solutions aux problèmes du monde. C'est pour cela que le président Chirac m'a demandé de faire cette proposition au nom de la France devant le Conseil de sécurité.
Q - (A propos des réactions à l'idée de réunion au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement)
R - Nous avons déjeuné tous ensemble et j'ai constaté la très grande ouverture qui s'est exprimée autour de la table, très grande ouverture pour explorer les façons dont cette idée, la réunion au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, permettrait de faire évoluer les choses. C'est vrai de la Russie, de l'Allemagne, de la Chine. C'est vrai des autres pays. Et je crois que du côté des Etats-Unis, je ne serai pas aussi clair que vous le dites. Je crois que c'est l'intérêt de tout le monde, y compris des Etats-Unis. Et je crois que, au fond d'eux-mêmes, les Américains, les Anglais, les Espagnols comprennent qu'il y a là, sans doute, une possibilité qui n'est pas à écarter. C'est pour cela que nous nous disons fortement que si, par la mobilisation des chefs d'Etat et de gouvernement, nous pouvons explorer toutes les options pacifiques, nous pouvons véritablement essayer de travailler et de maintenir l'unité du Conseil et de la communauté internationale, eh bien nous devons explorer cette solution.
J'ai eu un entretien très amical, très positif, avec le secrétaire d'Etat Colin Powell hier. Je crois qu'il mesure bien, comme le mesurent les Américains, les risques de la logique de guerre. Je crois qu'il est important que nous essayions d'avancer en cherchant des solutions ensemble.
Q - Monsieur le Ministre, vous allez en Afrique dès dimanche. Cela veut dire que trois pays Angola, Guinée, Cameroun vous semblent flottants ?
R - Nous sommes en contact régulier avec ces pays. Nous nous sommes retrouvés lors de la conférence Afrique-France. Nous avions décidé de maintenir ce contact au cours des prochaines semaines. C'est important et je crois que le fait de pouvoir parler directement avec les chefs d'Etat, les responsables de ces pays, fait partie de la qualité de la relation que nous avons avec eux. Nous respectons évidemment totalement leur liberté et leur indépendance. Mais je crois que nous avons une très large communauté de vues sur la façon dont le monde doit être uni.
Q - Après les toutes dernières déclarations du président Bush, est-ce que vous avez encore espoir que cette guerre puisse être évitée ?
R - Oui, nous avons espoir parce que la diplomatie c'est d'abord l'exercice de la volonté. C'est l'exercice de la volonté forte d'essayer de trouver et de saisir toutes les occasions qui peuvent se présenter. Nous avons là, à partir du rapport des inspecteurs, la confirmation qu'un désarmement pacifique est possible. Nous n'avons pas le droit de ne pas tout faire pour essayer de trouver une solution pacifique et je retiens de mes entretiens avec les différents membres du Conseil de sécurité une immense attente. Chacun souhaite que des initiatives soient prises. Et chacun comprend bien que la France, parce que c'est sa vocation, parce que c'est sa mission, uvre pour la recherche de la paix, pour la recherche des idées qui peuvent permettre d'avancer et de faire évoluer le consensus de la communauté internationale. Il y a des divisions, ne nous trompons pas. Nous sommes là pour essayer de les surmonter.
L'échéance du 17 mars n'est pas acceptable pour nous. Nous pensons qu'il est important de respecter le cadre posé par les Nations unies. Il y a là un objectif de désarmement pacifique de l'Iraq. A partir du moment où les inspecteurs nous disent que cette coopération active est possible, eh bien il faut continuer à avancer dans cette voie en faisant preuve de sang-froid et de détermination.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mars 2003)