Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur l'insertion professionnelle des jeunes, la difficulté de la situation économique et la poursuite de l'action de réformes du gouvernement, Sablé-sur-Sarthe le 3 mars 2003.

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Circonstance : Déplacement à Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), le 3 mars 2003

Texte intégral

Monsieur le Maire,
Monsieur le Président du Conseil général,
cher Roland,
mesdames, messieurs les parlementaires,
mon cher François,
je suis très heureux de cette visite, ce matin, dans la République sociale " de Sablé. C'est, pour un humaniste libéral, en effet, l'occasion d'avoir quelques échanges sur le vécu. Je comprends très bien l'engagement de F. Fillon, et sur les dossiers nationaux et sur les dossiers locaux, puisque nous avons des parcours voisins et, notamment, cet attachement à brancher sur le terrain, tous les fils de l'action et d'en tirer un certain nombre de conclusions et de partir de cas concrets et de cas particulièrement exemplaires. Ce que j'ai vu, ce matin, à Sablé, est en effet exemplaire. Je voudrais dire combien, aujourd'hui, dans la période que nous traversons, le rôle de l'insertion professionnelle est un sujet majeur. Combien il est important que tout le monde se mobilise, pour aider ceux que l'emploi ont laissé sur le bord de la route, pour les aider à intégrer la vie professionnelle et, cette dignité du travail à laquelle nous sommes tous très attachés. Et nous voyons bien, par les réussites qui sont les vôtres, que ce travail d'insertion, d'intégration professionnelle, ce n'est pas un travail de théorie, un travail lointain, c'est un travail au plus proche de la personne, un accompagnement individuel pour pouvoir trouver le chemin de l'insertion et de la professionnalisation.
C'est ce que vous avez fait, aussi bien avec le "Club des Entreprises" qu'avec l'entreprise d'insertion que j'ai vue, avec les contrats jeunes, aujourd'hui pour lequel sans doute, Sablé, doit être la commune de France qui est la plus engagée sur ce type d'initiatives. Je comprends que, tous les samedis, F. Fillon regarde les statistiques. Mais il y a une cohésion économique et sociale que je voudrais saluer. On voit bien aujourd'hui, que par l'articulation, de la préoccupation entrepreneuriale et de la préoccupation sociale et solidaire, on peut faire face aux différents défis qui nous sont posés. Vous avez ici reconnu très tôt, la logique de la dynamique entrepreneuriale. Le "Club des entreprises" a pris en charge une gestion, un peu collective, d'un certain nombre de problèmes. C'est, je crois, très important. On a, pendant trop longtemps, mésestimé cette dynamique entrepreneuriale. On a besoin des entreprises pour l'emploi, pour qu'elles fassent l'emploi. Il faut naturellement qu'elles puissent travailler ensemble, dans une bonne intelligence et une bonne cohérence - c'est ce que vous faites - pour mettre à l'honneur cette dynamique des entreprises petites, moyennes ou grandes, mais qui sont, véritablement, l'oxygène de nos territoires. Il n'y a pas de politique économique, aujourd'hui, qui ne passe par la valorisation de la dynamique entrepreneuriale. C'est un élément, c'est une vérité très importante.
Mais parallèlement il y a tous ceux que la dynamique entrepreunariale laissent de côté. Et c'est pour ça qu'il nous faut cette organisation solidaire qui permet de construire des parcours individuels, par la formation, par l'insertion, qui permette de s'occuper des plus fragiles. Et je pense que vous êtes, aujourd'hui, l'un des exemples de cette dynamique, qui articule la mobilisation économique et la préoccupation sociale et fait avancer la société sur ses deux pieds, sur ses deux points d'équilibre. C'est un élément, je crois très important, à la fois cette vérité d'un côté économique et, de l'autre côté, cette vérité sociale.
Je pense, comme le disait F. Fillon, que notre pays, pour qu'il ait confiance en lui-même, doit se dire que c'est par la vérité qu'on trouve la confiance. Pourquoi, aujourd'hui, partout dans le monde, la France est-elle accueillie par les applaudissements ? Pourquoi partout dans le monde, aujourd'hui, entend-on à nouveau la voix de la France ? C'est parce que la France dit la vérité. Il y a, aujourd'hui, une alternative à la guerre ; il y a possibilité, aujourd'hui, d'atteindre notre objectif en ce qui concerne, par exemple, le désarmement de l'Irak, par une autre façon de faire la guerre. Il y a une alternative à la guerre, c'est celle de la pression des inspections, c'est celle qui, aujourd'hui, obtient des résultats. Cette alternative-là, c'est une vérité et, s'il y a autant de millions de manifestants dans le monde entier, autour de cette vérité, c'est parce qu'elle apparaît clairement, aux yeux des peuples. Je crois que le combat de cette vérité-là, aujourd'hui est un combat très important et le succès qu'a aujourd'hui le voyage du président de la République, en Algérie, exprime cette capacité qu'a la France, de dire la vérité.
Sur le plan économique et social et sur nos affaires intérieures, il faut employer la même vérité. Aujourd'hui, la vérité consiste à dire que nous traversons une passe difficile, sur le plan économique et social. Evidemment, les choses ne sont pas faciles ; évidemment nous sentons bien, aujourd'hui, qu'il faut surmonter des difficultés. Quelles sont ces difficultés ? Un ralentissement de la croissance. Ce ralentissement de la croissance, nous le ressentons aujourd'hui. Il est lié d'évidence au fait qu'il y a un attentisme international, que nous voyons partout, aujourd'hui, bloquer les investissements. Tout le monde attend l'issue des rapports de force actuels, au niveau du monde et, donc, les investissements sont aujourd'hui, suspendus aux hypothèques internationales. C'est donc ce ralentissement qui nous affecte. Il affecte particulièrement l'Allemagne, qui est notre premier client et notre premier fournisseur. Elle est victime d'un net ralentissement.
Troisièmement, il faut le dire clairement, nous payons la facture des 35 heures. Nous payons la facture d'un certain nombre de difficultés. Moi, je dois dire clairement et franchement, la vérité. Je n'ai pas cherché à faire de la polémique ; depuis que nous sommes au gouvernement, nous regardons l'avenir. Mais, quand j'entends, ici ou là, que l'on veut donner des leçons, moi je voudrais dire que je trouve RFF en situation financière très difficile, que je trouve la SNCF, en situation financière dégradée, que je trouve EDF en situation financière dégradée, que j'ai trouvé FRANCE TELECOM, en situation financière très dégradée, que je trouve un grand nombre d'entreprises publiques, aujourd'hui, qui sont en grande difficulté. Si je parle de service public et de l'hôpital je vois combien aujourd'hui, nous sommes en difficulté parce que les 35 heures, dans ce secteur de la santé notamment, comme dans d'autres, n'ont pas été anticipées. Nous avons aujourd'hui un vrai problème de déficit et c'est pour ça qu'il faut dire la vérité. Je ne veux pas laisser dériver les déficits, mais je ne veux pas, non plus, imposer aux Français l'austérité. C'est pour ça que l'Etat devra faire des économies. C'est pour ça qu'en 2002, nous avons un déficit qui est de l'ordre de 3 %. Nous ferons en sorte de maîtriser le déficit pour 2004, mais nous garderons cette dynamique sociale, cette dynamique de croissance dont nous avons besoin. Je crois que ça ne sert à rien d'avoir une politique d'austérité, aujourd'hui, parce que l'analyse économique que nous faisons, c'est que nous sommes dans une situation de ralentissement international, pour des causes bien identifiées. Quand ces causes seront levées, nous sommes convaincus que nous retrouverons le chemin de la croissance. Si notre économie est au tapis, si l'entreprise en général, l'entreprise France, se trouve très fragilisée, parce que l'on aura serré la vis trop fort, elle ne pourra pas repartir dès que la croissance mondiale sera de retour. C'est cela, notre analyse. C'est pour cela que nous devons faire des économies sur le fonctionnement de l'Etat. Nous devons faire des économies pour que notre bureaucratie, dans son ensemble, soit allégée. Evidemment, il faut faire ces efforts à l'intérieur de l'Etat, mais il ne faut pas faire un effort d'austérité en tant que tel sur les Français, parce que nous avons besoin de toute leur énergie. C'est l'énergie des Françaises et des Français qui nous permettra ce retour à la croissance. Et donc, dans cette ligne-là, nous voulons garder le cap et nous le garderons avec détermination, avec courage. Ne vous inquiétez pas, il n'est pas question de fléchir.
Notre route est tracée. Nous pensons que, face aux difficultés d'aujourd'hui, il nous faut poursuivre l'action de réforme. Dès le début, nous avons engagé cette action de réforme et tout se passe, semaine après semaine, comme nous avons dit que cela se passerait. Qu'on relise aujourd'hui, le discours de politique générale. Nous avons annoncé d'abord notre première priorité, qui était de rétablir l'autorité républicaine. C'est pour cela que, très rapidement, nous avons fait voter trois lois d'orientation : une loi sur la sécurité, une loi sur la justice et une loi aussi sur la défense pour que l'on ait une véritable loi de programmation militaire qui donne de la crédibilité à notre instrument de défense. Croyons-nous que nous pourrions, indéfiniment, garder notre place de membre permanent au Conseil de sécurité si nous n'étions pas capables, nous-mêmes, de faire les efforts pour assurer une défense crédible ? Donc, cette première priorité de l'autorité républicaine, a été engagée, dès les premières semaines de notre gouvernement. Ensuite nous avons engagé tout ce qui était nécessaire pour pouvoir favoriser la dynamique entrepreneuriale. C'est comme ça, qu'avec F. Fillon, nous avons pu assouplir les 35 heures ; c'est pour cela que nous avons pris un certain nombre de décisions, pour aider les entreprises quant à l'innovation, pour aider à la création d'entreprise, à la dynamique d'entreprise. Quand on compare, la France aujourd'hui, avec le Royaume Uni, avec l'Allemagne, avec d'autres pays, on voit que l'on manque d'entreprises. Il manque un million d'entreprises à la France si on nous compare au Royaume Uni. Nous avons donc besoin de cette dynamique. Mais nous le faisons avec le sens de la justice, avec le sens de l'attention à tous. C'est pour ça qu'une des erreurs à notre avis, des 35 heures a été d'éclater le SMIC, en cinq SMIC qui étaient complètement dispersés ; nous avons pu organiser et l'harmonisation, et le développement d'un SMIC de manière à pouvoir aider les salariés, les plus fragiles. Et, donc, nous avons fait en sorte que la dynamique entrepreneuriale puisse retrouver sa place dans notre pays ; un certain nombre d'initiatives ont contribué à cela.
Et, maintenant, nous sommes engagés dans des vraies réformes qui sont des réformes de société, des réformes de grande ampleur. C'est la réforme de la décentralisation et la réforme de l'Etat. J'ai annoncé, à Rouen, la semaine dernière, les grandes orientations qui seront les nôtres. Nous avons à la mi-mars, le congrès qui va réunir l'Assemblée nationale et le Sénat, pour intégrer cette décentralisation dans la Constitution, afin que la décentralisation devienne un pilier de notre organisation républicaine, non pas, comme le disait F. Fillon, pour qu'il y ait une dispersion de la République, mais au contraire pour que la République retrouve son muscle, retrouve son énergie en se rapprochant du citoyen, qui est la source de la République. Et, donc, c'est cette orientation là, que nous voulons développer avec la décentralisation. Cette réforme est en cours. Elle va connaître la première étape, avec le congrès ; puis, au printemps prochain, les lois de transfert et d'expérimentation permettront aux territoires d'avoir plus de responsabilité et, aux citoyens, d'être plus proches de la décision, le tout, avec clarification, simplification et maîtrise financière - qui est, elle-même inscrite dans la Constitution -.
Puis interviendra la réforme des retraites pour laquelle F. Fillon met tout son cur et tout son talent. C'est une réforme très importante ; c'est une réforme qui concerne l'avenir de notre pays. On voit bien aujourd'hui, de manière très claire, que ceux qui payent les retraites vont en diminuant, et que ceux qui les reçoivent, vont en augmentant. Et donc il ne faut pas être grand clerc, pour pouvoir déterminer que nous avons, là, une échéance, qui est une impasse, si nous ne faisons pas la réforme. Il y a donc une nécessité, pour bien mesurer, que nous avons des responsabilités à prendre. Alors, laisserons nous aux générations futures, le soin de gérer ces problèmes ? Mais, est-ce qu'on peut ainsi laisser longtemps, aux générations futures des responsabilités, que doit prendre notre génération ? Nous voulons prendre nos responsabilités. Nous voulons le faire pour qu'il y ait plus d'équité sur ce dossier des retraites qui est très important. Et je fais toute confiance, à F. Fillon, pour son sens du dialogue, pour sa capacité de concertation, mais aussi pour la vision de l'avenir de la France, pour mener à bien cette réforme. Il sait qu'il peut compter sur mon soutien et notre amitié pour, qu'ensemble, nous puissions réussir cette réforme, dans l'intérêt du pays et dans l'intérêt des générations futures.
Et puis, nous nous attaquerons, ensuite, à toutes les difficultés qu'il nous faudra surmonter, je pense notamment à la politique de la santé qui, aujourd'hui, est mal financée et pour laquelle, nous connaissons des difficultés, alors que c'est une préoccupation première des Français. C'est une politique, nouvelle, qu'il nous faudra renforcer autour d'un certain nombre de priorités et, notamment, autour de l'hôpital 2007, qui est notre grande perspective, pour redonner à notre système de santé, sa capacité et son rang mondial, puisque nous avons été longtemps, à avoir l'un des meilleurs systèmes de santé et, qu'aujourd'hui, il est en voie de déclin et pour lequel nous voulons un véritable sursaut.
Voilà, quelques orientations qui me font dire, aujourd'hui, que Sablé est bien dans la dynamique du pays et qu'un certain nombre d'idées, en effet, que vous développez sont utiles pour l'ensemble de notre pays. Et c'est bien agréable, mon cher François, de venir dans un territoire qui vous donne des signes d'avenir plutôt qu'un certain nombre de récriminations et de réclamations, même si je sais qu'au fond de vous-même, chacun d'entre vous a, sans doute, quelque chose à dire. Je ne suis pas, vous savez, tout à fait inconscient de toutes les difficultés que l'on peut avoir. Mais, ce qui est très important, et c'est sans doute ce qui fait la force de votre territoire, et ce qui peut faire la force de notre pays, c'est, qu'à un moment ou à un autre, quelles que soient nos aspirations, quels que soient nos individualismes, voire certains égoïsme, il y a des choses qui sont plus grandes que nous-mêmes et que ça vaut la peine de se battre pour un certain nombre de causes. Parce que l'on travaille pour nous, on travaille pour l'avenir de notre pays et, l'avenir de notre pays, cela profite à chacune et chacun des Français. Quand on fait la réforme de la décentralisation, la réforme des retraites, on ne travaille pas pour monsieur X ou monsieur Y, on travaille pour la France. On ne travaille pas avec clivage, avec esprit partisan. On ne travaille pas, pour une catégorie sociale. La politique, n'est pas du lobbying, nous travaillons pour la France. Et, si au fond nous réussissons à faire gagner la France, c'est chacun et chacune des Français qui gagnera, c'est le message que nous donne le président de la République aujourd'hui, en faisant entendre la voix de la France, celle d'un message universel, à un moment, ou nous avons une cause à défendre. Cette cause dépasse le seul intérêt qui est le nôtre, mais s'adresse à la personne humaine, s'adresse à la planète dans son humanité. C'est, ça, qui fait aujourd'hui la force de la France, c'est là, où elle est fidèle à son histoire, fidèle à son message universel, placer l'humanisme au cur de son combat. Merci."

(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 mars 2003)