Texte intégral
V. Lescable.- Aujourd'hui, c'est donc une grande journée de grève à l'Education nationale. C'est pour le Gouvernement Raffarin, dont vous êtes le porte-parole, la première épreuve sociale, ce matin ?
- "Non, je ne crois pas qu'il faille le vivre comme cela. Ce n'est pas "une épreuve sociale", c'est un mouvement que nous qualifions un peu de "préventif", dont le contexte général ne nous a pas échappé. C'est un peu une tradition, dans ces périodes d'automne, d'avoir ce type de mouvement. On regarde tout cela. Mais c'est vrai que ce n'est pas tout à fait dans cette philosophie que nous nous plaçons."
Il y a tout de même cinq syndicats qui sont mobilisés, on attend une très grande participation, avec plus de 65 %. Les manifestants dénoncent en fait les choix budgétaires du Gouvernement : "Trop de canons et pas assez d'éducation !", disent-ils ?
- "Je crois qu'il faut toujours faire un peu attention à la caricature, car c'est un domaine dans lequel elle dessert plutôt l'intérêt public que l'inverse. Dire aujourd'hui que ce budget n'est pas un budget positif pour l'Education nationale, c'est le lire un peu à l'envers. Et je veux insister là-dessus auprès de vous. En réalité, les vrais sujets de réflexion du Gouvernement ne portent pas sur ce budget, mais ils portent sur l'avenir. Il est tout à fait légitime qu'un Gouvernement qui a pris ses fonctions il y a cinq mois, qui a en charge les réformes importantes de notre pays, réfléchisse à la manière de moderniser l'Education nationale. Et encore une fois, dans ce domaine-là, il faut rompre avec la logique strictement quantitative et se poser une question essentielle ; a-t-on partout les moyens efficaces de travailler au service des élèves dans l'ensemble de notre pays ? Or, aujourd'hui, il nous semble que dans ce domaine, il y a des progrès à faire."
On ne parle pas de chiffres mais tout de même, 5.400 surveillants de moins, 20.000 contrats d'aides-éducateurs supprimés, la perspective de ne pas créer les emplois qu'avait annoncés J. Lang, l'Education nationale a peur de la rigueur, notamment pour 2004 sans doute.
- "Non, mais ne reprenez pas intégralement ce qui est dans les tracts des syndicats ... "
Non, je vous pose des questions, J.-F. Copé !
- "... parce que cela peut ne pas être vrai ! Voilà des années qu'on nous annonce des augmentations de moyens, et je constate que jamais l'école n'a connu un tel taux d'échec scolaire, un tel niveau d'illettrisme à l'entrée en 6ème, et un tel niveau de violence dans les établissements. Donc, c'est bien quelque part que ça n'est plus seulement un problème de moyens, mais un problème d'objectifs, de résultats qu'il faut atteindre. Et, dans ce domaine, je suis obligé de vous dire qu'il y a des choses qui ne marchent plus aussi bien qu'auparavant. Regardez le cas des surveillants : il y avait eu un rapport qui avait été commandé par C. Allègre et S. Royal en 1999, qui avait conclu que le statut actuel des surveillants nécessitait une refonte urgente, que la situation était absolument dramatique. Nous travaillons aujourd'hui à la manière de faire évoluer ce statut. Les emplois-jeunes, même chose : c'est un travail qui n'a pas été fait précédemment. Voilà des jeunes qui font pour beaucoup d'entre eux un travail fantastique, mais à qui on demande tout et son contraire. Voilà des jeunes à qui l'on demande, sans formation spécifique, de faire la sortie des écoles, de faire du soutien scolaire, de faire du suivi informatique, de lutter contre la violence etc. Enfin, ce n'est pas possible de continuer à brader ainsi les personnels et de faire comme cela était ces dernières années, en faisant croire que simplement en faisant une logique quantitative, on réglait le problème. C'est bien de tout cela dont il faut que l'on parle et on ne le fait pas dans la précipitation, on le fait en travaillant sérieusement avec, je l'espère, d'ailleurs, le maximum d'esprit de dialogue, avec tout le monde, et donc y compris, avec les représentants des syndicats. Tout cela ne peut pas se faire d'un coup de baguette magique. Il faut travailler. Je crois que les mécontentements, c'est plutôt après qu'avant quand même, non ?!"
On entend dire qu'il y aurait effectivement une réforme de ce type vers le mois de février, utilisant notamment davantage les compétences des collectivités locales. Est-ce vrai ?
- "Je crois que, de manière générale, l'idée d'associer des compétences complémentaires, sans remettre en cause naturellement ce qui relève du noyau dur, du coeur de l'Education nationale, du coeur du service public, mais apporter des compétences complémentaires à celles qui existent dans un certain nombre de domaines qui touchent à la vie de l'école, ce n'est pas nouveau. Cela a toujours existé, et je crois que ça va plutôt dans le bon sens. Donc, il n'y a pas lieu de s'en inquiéter, il y a plutôt lieu de s'en réjouir. Le tout étant de le faire intelligemment et surtout adapté au cas par cas. Je suis membre du Gouvernement, mais je suis élu d'une ville qui connaît des difficultés, qui est la ville de Meaux. Je peux témoigner qu'on n'est pas dans la même situation dans un établissement qui se trouve en centre-ville, qui se trouve dans un quartier difficile, ou qui se trouve dans une zone rurale. Comprenons bien que, pour chacun de ce type d'école, il faut évidemment des projets qui s'adaptent à la situation, au service des enfants. Je crois que c'est vraiment à cela qu'on doit tous travailler."
Ce sont des paroles que nos auditeurs peut-être doivent comprendre. Mais on sait que les grandes manifestations de l'Education nationale ont toujours des effets politiques très importants...
- "Cela ne m'a pas échappé, V. Lescable !"
C. Allègre notamment, après la grande manifestation de mars 2000, n'y avait pas résisté...
- "Oui, tout cela ne m'a pas échappé. Mais enfin, je crois quand même, que le pays avance avec le temps qui passe et qu'aujourd'hui, il est grand temps de poser un certain nombre de questions, sans tabou, comme on le fait d'ailleurs dans d'autres domaines. Dans le domaine de la sécurité, voilà des années et des années qu'on nous dit qu'il faut que c'est impossible de faire travailler les gendarmes et les policiers ensemble. Et puis vous voyez qu'aujourd'hui, tout cela se fait dans un bon esprit, c'est-à-dire un esprit de service public et d'intérêt général. Dans d'autres domaines, on nous avait dit qu'on ne pourrait pas faire évoluer la législation sociale pour ce qui concerne le temps de travail obligatoire à 35 heures, le plafonnement des heures supplémentaires. Et vous le voyez, nous travaillons aujourd'hui à assouplir, au service du pouvoir d'achat des Français, et ça marche. Donc, je crois que la méthode de J.-P. Raffarin est une méthode qui vise à marcher sur deux jambes équilibrées, qui vise à trouver des voies et moyens à travers le dialogue pour réformer ce pays. On ne peut pas continuer à être dans un pays bloqué. Nous voulons faire avancer les choses dans le bon sens, avec tout le monde. Je ne vois pas pourquoi on n'y arriverait pas."
Vous venez de parler des gendarmes et des policiers. Un sondage Ipsos, ce matin, donne 56 % d'opinions favorables à N. Sarkozy pour son travail au Gouvernement depuis cinq mois. C'est un bon score, mais certains trouvent qu'il en fait trop...
- "Je crois que quand on est au service de notre pays, on n'en fait jamais trop, bien au contraire. Et c'est bien la démonstration qu'en réalité, il y a une attente très forte des Français, ce que nous appelons entre nous "l'esprit de mai" - c'est-à-dire l'esprit de mai 2002, pas celui de Mai 1968, celui qui a marqué que beaucoup de nos concitoyens n'étaient pas satisfaits de leur République, ils considéraient que la République était trop souvent le produit de l'exaspération, de l'impuissance, de l'inégalité. Et je crois que c'est contre cela qu'il faut lutter, parce qu'on veut justement préserver la République. Et voilà pourquoi on essaie de mettre en oeuvre une politique, un peu, voire parfois très différente de celle de nos prédécesseurs immédiats. Mais enfin, après tout, c'est eux qui ont été sanctionnés, il faut en tirer toutes les leçons pour l'avenir."
Est-ce que la manifestation à laquelle on va assister tout à l'heure n'est pas le sentiment global d'une fracture qui est en train de se creuser dans ce pays, entre le secteur privé et public ? D'un côté, la peur de perdre le service public, et de l'autre, dans le secteur privé, le sentiment que le public progresse plus vite que le privé ?
- "Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'on puisse continuer de faire avancer un pays en opposant les uns aux autres. Je ne suis pas ceux qui pensent qu'il faut sans cesse, voir, d'un côté, les bons et de l'autre, les méchants. C'est tout l'inverse. Je crois que nous avons absolument besoin de tout le monde. Et plutôt que de chercher des boucs émissaires, mieux vaut travailler ensemble. La seule idée qui compte, c'est l'intérêt général. Or, aujourd'hui, le véritable sujet est que tout le monde doit participer à cette modernisation et le faire en étant bien dans sa peau, avec l'idée qu'on participe avec fierté, avec la considération que l'on mérite. C'est à cela qu'on travaille. Et croyez-moi, ce ne sont pas des grandes phrases, c'est vraiment l'idée qu'aujourd'hui, on ne doit pas faire de césure entre les uns et les autres, mais on doit faire en sorte que les uns et les autres travaillent ensemble et participent de la modernisation. C'est vrai aussi pour notre service public, bien sûr."
On a appris en quelque jours que les salaires du secteur public progressaient nettement plus vite que ceux du privé, un pouvoir d'achat en hausse de 10 % au lieu de 4 % dans le privé ?
- "Il faut toujours se méfier de ce type de comparaison. Il est toujours intéressant de lire les études qui sont publiées sur tous ces sujets difficiles, mais attention aux comparaisons trop systématiques et aux conclusions trop hâtives qu'on pourrait en tirer. Par exemple, le fait que le taux d'encadrement n'est pas du tout le même entre le secteur public et le privé, ce qui change considérablement les données comparatives. Donc, je crois qu'en réalité, nous nous avons un souci d'équité, cela va être, bien sûr, au coeur de la réforme de l'Etat. Ce qui compte aujourd'hui, c'est de s'assurer qu'au sein du secteur public, les fonctionnaires bénéficient de la considération morale de nos concitoyens et que, pour cela, il y a un travail de modernisation à faire, pour s'assurer que pour les Français, le service public est pleinement assuré partout, sur tout le territoire. Et je le répète, ce n'est pas qu'un problème de moyens. Il y a des domaines où il faut augmenter les moyens, on l'a vu pour, par exemple, la police et la gendarmerie, car aujourd'hui, ils n'ont pas les moyens de travailler correctement, que ce soit les effectifs ou les matériels, les voitures qui ne marchent pas... "
Mais pour l'Education nationale, il ne faut pas augmenter les moyens ?
- "Je pense que, dans le domaine de l'Education nationale, il faut faire du cas par cas. Le bon exemple est celui des enseignants. Par exemple, en 2003 on ne crée pas de postes de professeurs dans le secondaire, car il y a 20.000 élèves de moins. Par contre, dans le primaire, nous créons 1.000 postes supplémentaires de professeurs des écoles - donc beaucoup plus que ce qu'avait annoncé le plan J. Lang, qui d'ailleurs n'était pas financé -, mais là, on le fait parce que c'est nécessaire, il y a eu une augmentation des effectifs du côté du primaire. Donc vous voyez, on essaie de faire quelque chose de moderne, d'adapté, d'un peu plus souple. Et on le fait surtout, croyez-moi, sans aucun a priori idéologique. Car il y a longtemps qu'on a compris qu'il valait mieux être pragmatique pour diriger un pays qui, aujourd'hui, a besoin de se moderniser et d'être au bon niveau au sein de l'ensemble européen."
Puisque vous parlez de l'Europe, un autre sujet : la Commission européenne hier, a annoncé qu'elle pourrait demander à EDF, un autre service public du pays, de rembourser 900 millions d'euros à l'Etat, pour ce qu'elle a reçu comme argent. Cela ne va pas fort à Bruxelles en ce moment, pour la France ?
- "Oui. Je regrette un peu cette décision, parce que, c'est vrai que d'abord, nous considérons que les éléments qui ont été examinés par la Commission européenne ne constituent pas véritablement des aides de l'Etat. Et puis, parce que surtout, nous considérons que cette procédure intervient à contretemps. Nous avons montré, je crois, une détermination forte à moderniser l'entreprise, à faire en sorte qu'elle puisse continuer à assumer ses missions de service public avec un statut mieux adapté, à la fois, à la situation européenne mais aussi à l'évolution de la concurrence, et donc en pensant, à la fois, aux clients et aux salariés d'EDF. Donc, c'est vrai que, je trouve que c'est un peu à contretemps d'avoir ce type de warning de la part de la Commission. Mais c'est ainsi."
Mais les Allemands font encore plus fort que nous, car hier, ils ont annoncé qu'ils ne seraient pas dans les clous des 3 % de déficit de Maastricht.
- "Oui. C'est pour cela que je pense qu'il est peut-être bien, sans faire de commentaire polémique, de rappeler à chacun que le but n'est pas de pointer du doigt tel pays plutôt que tel autre, mais de bien regarder ses intentions et sa détermination pour l'avenir. Je rappelle que nous sommes dépositaires d'un héritage, nous aurions bien aimé en matière de déficit public ne pas trouver la situation que chacun connaît aujourd'hui, c'est-à-dire un dérapage, laissé par nos prédécesseurs socialistes, de 50 % de déficit par rapport à ce qu'ils avaient préalablement annoncé, pour cause d'absence totale de maîtrise des dépenses publiques à l'époque. C'est de cela dont nous partons, pour tenir ensuite avec détermination nos engagements dans les années qui viennent au plan européen. J'aimerais que chacun, y compris à Bruxelles, prenne bien cela en compte, avant de distribuer les bons et les mauvais points."
Vodaphone serait sur le point de reprendre Cegetel à Vivendi. Cela vous choquerait qu'un grand opérateur de télécom français passe sous contrôle britannique ?
- "Je n'ai pas de commentaire à faire sur ce sujet. J'ai plutôt tendance à faire les analyses qui s'imposent, le moment venu. Il me semble que le moment n'est pas encore venu."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 octobre 2002)
- "Non, je ne crois pas qu'il faille le vivre comme cela. Ce n'est pas "une épreuve sociale", c'est un mouvement que nous qualifions un peu de "préventif", dont le contexte général ne nous a pas échappé. C'est un peu une tradition, dans ces périodes d'automne, d'avoir ce type de mouvement. On regarde tout cela. Mais c'est vrai que ce n'est pas tout à fait dans cette philosophie que nous nous plaçons."
Il y a tout de même cinq syndicats qui sont mobilisés, on attend une très grande participation, avec plus de 65 %. Les manifestants dénoncent en fait les choix budgétaires du Gouvernement : "Trop de canons et pas assez d'éducation !", disent-ils ?
- "Je crois qu'il faut toujours faire un peu attention à la caricature, car c'est un domaine dans lequel elle dessert plutôt l'intérêt public que l'inverse. Dire aujourd'hui que ce budget n'est pas un budget positif pour l'Education nationale, c'est le lire un peu à l'envers. Et je veux insister là-dessus auprès de vous. En réalité, les vrais sujets de réflexion du Gouvernement ne portent pas sur ce budget, mais ils portent sur l'avenir. Il est tout à fait légitime qu'un Gouvernement qui a pris ses fonctions il y a cinq mois, qui a en charge les réformes importantes de notre pays, réfléchisse à la manière de moderniser l'Education nationale. Et encore une fois, dans ce domaine-là, il faut rompre avec la logique strictement quantitative et se poser une question essentielle ; a-t-on partout les moyens efficaces de travailler au service des élèves dans l'ensemble de notre pays ? Or, aujourd'hui, il nous semble que dans ce domaine, il y a des progrès à faire."
On ne parle pas de chiffres mais tout de même, 5.400 surveillants de moins, 20.000 contrats d'aides-éducateurs supprimés, la perspective de ne pas créer les emplois qu'avait annoncés J. Lang, l'Education nationale a peur de la rigueur, notamment pour 2004 sans doute.
- "Non, mais ne reprenez pas intégralement ce qui est dans les tracts des syndicats ... "
Non, je vous pose des questions, J.-F. Copé !
- "... parce que cela peut ne pas être vrai ! Voilà des années qu'on nous annonce des augmentations de moyens, et je constate que jamais l'école n'a connu un tel taux d'échec scolaire, un tel niveau d'illettrisme à l'entrée en 6ème, et un tel niveau de violence dans les établissements. Donc, c'est bien quelque part que ça n'est plus seulement un problème de moyens, mais un problème d'objectifs, de résultats qu'il faut atteindre. Et, dans ce domaine, je suis obligé de vous dire qu'il y a des choses qui ne marchent plus aussi bien qu'auparavant. Regardez le cas des surveillants : il y avait eu un rapport qui avait été commandé par C. Allègre et S. Royal en 1999, qui avait conclu que le statut actuel des surveillants nécessitait une refonte urgente, que la situation était absolument dramatique. Nous travaillons aujourd'hui à la manière de faire évoluer ce statut. Les emplois-jeunes, même chose : c'est un travail qui n'a pas été fait précédemment. Voilà des jeunes qui font pour beaucoup d'entre eux un travail fantastique, mais à qui on demande tout et son contraire. Voilà des jeunes à qui l'on demande, sans formation spécifique, de faire la sortie des écoles, de faire du soutien scolaire, de faire du suivi informatique, de lutter contre la violence etc. Enfin, ce n'est pas possible de continuer à brader ainsi les personnels et de faire comme cela était ces dernières années, en faisant croire que simplement en faisant une logique quantitative, on réglait le problème. C'est bien de tout cela dont il faut que l'on parle et on ne le fait pas dans la précipitation, on le fait en travaillant sérieusement avec, je l'espère, d'ailleurs, le maximum d'esprit de dialogue, avec tout le monde, et donc y compris, avec les représentants des syndicats. Tout cela ne peut pas se faire d'un coup de baguette magique. Il faut travailler. Je crois que les mécontentements, c'est plutôt après qu'avant quand même, non ?!"
On entend dire qu'il y aurait effectivement une réforme de ce type vers le mois de février, utilisant notamment davantage les compétences des collectivités locales. Est-ce vrai ?
- "Je crois que, de manière générale, l'idée d'associer des compétences complémentaires, sans remettre en cause naturellement ce qui relève du noyau dur, du coeur de l'Education nationale, du coeur du service public, mais apporter des compétences complémentaires à celles qui existent dans un certain nombre de domaines qui touchent à la vie de l'école, ce n'est pas nouveau. Cela a toujours existé, et je crois que ça va plutôt dans le bon sens. Donc, il n'y a pas lieu de s'en inquiéter, il y a plutôt lieu de s'en réjouir. Le tout étant de le faire intelligemment et surtout adapté au cas par cas. Je suis membre du Gouvernement, mais je suis élu d'une ville qui connaît des difficultés, qui est la ville de Meaux. Je peux témoigner qu'on n'est pas dans la même situation dans un établissement qui se trouve en centre-ville, qui se trouve dans un quartier difficile, ou qui se trouve dans une zone rurale. Comprenons bien que, pour chacun de ce type d'école, il faut évidemment des projets qui s'adaptent à la situation, au service des enfants. Je crois que c'est vraiment à cela qu'on doit tous travailler."
Ce sont des paroles que nos auditeurs peut-être doivent comprendre. Mais on sait que les grandes manifestations de l'Education nationale ont toujours des effets politiques très importants...
- "Cela ne m'a pas échappé, V. Lescable !"
C. Allègre notamment, après la grande manifestation de mars 2000, n'y avait pas résisté...
- "Oui, tout cela ne m'a pas échappé. Mais enfin, je crois quand même, que le pays avance avec le temps qui passe et qu'aujourd'hui, il est grand temps de poser un certain nombre de questions, sans tabou, comme on le fait d'ailleurs dans d'autres domaines. Dans le domaine de la sécurité, voilà des années et des années qu'on nous dit qu'il faut que c'est impossible de faire travailler les gendarmes et les policiers ensemble. Et puis vous voyez qu'aujourd'hui, tout cela se fait dans un bon esprit, c'est-à-dire un esprit de service public et d'intérêt général. Dans d'autres domaines, on nous avait dit qu'on ne pourrait pas faire évoluer la législation sociale pour ce qui concerne le temps de travail obligatoire à 35 heures, le plafonnement des heures supplémentaires. Et vous le voyez, nous travaillons aujourd'hui à assouplir, au service du pouvoir d'achat des Français, et ça marche. Donc, je crois que la méthode de J.-P. Raffarin est une méthode qui vise à marcher sur deux jambes équilibrées, qui vise à trouver des voies et moyens à travers le dialogue pour réformer ce pays. On ne peut pas continuer à être dans un pays bloqué. Nous voulons faire avancer les choses dans le bon sens, avec tout le monde. Je ne vois pas pourquoi on n'y arriverait pas."
Vous venez de parler des gendarmes et des policiers. Un sondage Ipsos, ce matin, donne 56 % d'opinions favorables à N. Sarkozy pour son travail au Gouvernement depuis cinq mois. C'est un bon score, mais certains trouvent qu'il en fait trop...
- "Je crois que quand on est au service de notre pays, on n'en fait jamais trop, bien au contraire. Et c'est bien la démonstration qu'en réalité, il y a une attente très forte des Français, ce que nous appelons entre nous "l'esprit de mai" - c'est-à-dire l'esprit de mai 2002, pas celui de Mai 1968, celui qui a marqué que beaucoup de nos concitoyens n'étaient pas satisfaits de leur République, ils considéraient que la République était trop souvent le produit de l'exaspération, de l'impuissance, de l'inégalité. Et je crois que c'est contre cela qu'il faut lutter, parce qu'on veut justement préserver la République. Et voilà pourquoi on essaie de mettre en oeuvre une politique, un peu, voire parfois très différente de celle de nos prédécesseurs immédiats. Mais enfin, après tout, c'est eux qui ont été sanctionnés, il faut en tirer toutes les leçons pour l'avenir."
Est-ce que la manifestation à laquelle on va assister tout à l'heure n'est pas le sentiment global d'une fracture qui est en train de se creuser dans ce pays, entre le secteur privé et public ? D'un côté, la peur de perdre le service public, et de l'autre, dans le secteur privé, le sentiment que le public progresse plus vite que le privé ?
- "Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'on puisse continuer de faire avancer un pays en opposant les uns aux autres. Je ne suis pas ceux qui pensent qu'il faut sans cesse, voir, d'un côté, les bons et de l'autre, les méchants. C'est tout l'inverse. Je crois que nous avons absolument besoin de tout le monde. Et plutôt que de chercher des boucs émissaires, mieux vaut travailler ensemble. La seule idée qui compte, c'est l'intérêt général. Or, aujourd'hui, le véritable sujet est que tout le monde doit participer à cette modernisation et le faire en étant bien dans sa peau, avec l'idée qu'on participe avec fierté, avec la considération que l'on mérite. C'est à cela qu'on travaille. Et croyez-moi, ce ne sont pas des grandes phrases, c'est vraiment l'idée qu'aujourd'hui, on ne doit pas faire de césure entre les uns et les autres, mais on doit faire en sorte que les uns et les autres travaillent ensemble et participent de la modernisation. C'est vrai aussi pour notre service public, bien sûr."
On a appris en quelque jours que les salaires du secteur public progressaient nettement plus vite que ceux du privé, un pouvoir d'achat en hausse de 10 % au lieu de 4 % dans le privé ?
- "Il faut toujours se méfier de ce type de comparaison. Il est toujours intéressant de lire les études qui sont publiées sur tous ces sujets difficiles, mais attention aux comparaisons trop systématiques et aux conclusions trop hâtives qu'on pourrait en tirer. Par exemple, le fait que le taux d'encadrement n'est pas du tout le même entre le secteur public et le privé, ce qui change considérablement les données comparatives. Donc, je crois qu'en réalité, nous nous avons un souci d'équité, cela va être, bien sûr, au coeur de la réforme de l'Etat. Ce qui compte aujourd'hui, c'est de s'assurer qu'au sein du secteur public, les fonctionnaires bénéficient de la considération morale de nos concitoyens et que, pour cela, il y a un travail de modernisation à faire, pour s'assurer que pour les Français, le service public est pleinement assuré partout, sur tout le territoire. Et je le répète, ce n'est pas qu'un problème de moyens. Il y a des domaines où il faut augmenter les moyens, on l'a vu pour, par exemple, la police et la gendarmerie, car aujourd'hui, ils n'ont pas les moyens de travailler correctement, que ce soit les effectifs ou les matériels, les voitures qui ne marchent pas... "
Mais pour l'Education nationale, il ne faut pas augmenter les moyens ?
- "Je pense que, dans le domaine de l'Education nationale, il faut faire du cas par cas. Le bon exemple est celui des enseignants. Par exemple, en 2003 on ne crée pas de postes de professeurs dans le secondaire, car il y a 20.000 élèves de moins. Par contre, dans le primaire, nous créons 1.000 postes supplémentaires de professeurs des écoles - donc beaucoup plus que ce qu'avait annoncé le plan J. Lang, qui d'ailleurs n'était pas financé -, mais là, on le fait parce que c'est nécessaire, il y a eu une augmentation des effectifs du côté du primaire. Donc vous voyez, on essaie de faire quelque chose de moderne, d'adapté, d'un peu plus souple. Et on le fait surtout, croyez-moi, sans aucun a priori idéologique. Car il y a longtemps qu'on a compris qu'il valait mieux être pragmatique pour diriger un pays qui, aujourd'hui, a besoin de se moderniser et d'être au bon niveau au sein de l'ensemble européen."
Puisque vous parlez de l'Europe, un autre sujet : la Commission européenne hier, a annoncé qu'elle pourrait demander à EDF, un autre service public du pays, de rembourser 900 millions d'euros à l'Etat, pour ce qu'elle a reçu comme argent. Cela ne va pas fort à Bruxelles en ce moment, pour la France ?
- "Oui. Je regrette un peu cette décision, parce que, c'est vrai que d'abord, nous considérons que les éléments qui ont été examinés par la Commission européenne ne constituent pas véritablement des aides de l'Etat. Et puis, parce que surtout, nous considérons que cette procédure intervient à contretemps. Nous avons montré, je crois, une détermination forte à moderniser l'entreprise, à faire en sorte qu'elle puisse continuer à assumer ses missions de service public avec un statut mieux adapté, à la fois, à la situation européenne mais aussi à l'évolution de la concurrence, et donc en pensant, à la fois, aux clients et aux salariés d'EDF. Donc, c'est vrai que, je trouve que c'est un peu à contretemps d'avoir ce type de warning de la part de la Commission. Mais c'est ainsi."
Mais les Allemands font encore plus fort que nous, car hier, ils ont annoncé qu'ils ne seraient pas dans les clous des 3 % de déficit de Maastricht.
- "Oui. C'est pour cela que je pense qu'il est peut-être bien, sans faire de commentaire polémique, de rappeler à chacun que le but n'est pas de pointer du doigt tel pays plutôt que tel autre, mais de bien regarder ses intentions et sa détermination pour l'avenir. Je rappelle que nous sommes dépositaires d'un héritage, nous aurions bien aimé en matière de déficit public ne pas trouver la situation que chacun connaît aujourd'hui, c'est-à-dire un dérapage, laissé par nos prédécesseurs socialistes, de 50 % de déficit par rapport à ce qu'ils avaient préalablement annoncé, pour cause d'absence totale de maîtrise des dépenses publiques à l'époque. C'est de cela dont nous partons, pour tenir ensuite avec détermination nos engagements dans les années qui viennent au plan européen. J'aimerais que chacun, y compris à Bruxelles, prenne bien cela en compte, avant de distribuer les bons et les mauvais points."
Vodaphone serait sur le point de reprendre Cegetel à Vivendi. Cela vous choquerait qu'un grand opérateur de télécom français passe sous contrôle britannique ?
- "Je n'ai pas de commentaire à faire sur ce sujet. J'ai plutôt tendance à faire les analyses qui s'imposent, le moment venu. Il me semble que le moment n'est pas encore venu."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 octobre 2002)