Déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur la préparation du 30 ème congrès du PCF, notamment les discussions autour de l'ordre du jour et les sept thèmes retenus, Paris le 23 novembre 1999.

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Circonstance : Réunion du Comité national du PCF les 22 et 23 novembre 1999

Texte intégral


C'est d'abord une grande satisfaction que je veux exprimer devant vous à l'issue de ces deux jours de travail intense de notre Comité national.
Satisfaction devant la réussite de ce que nous avons appelé " la première phase " de préparation de notre trentième congrès. Ce n'était pas gagné d'avance. C'était une démarche nouvelle visant à ce que les adhérents de notre Parti décident eux-mêmes de l'ordre du jour de leur congrès, des questions qu'ils souhaitent discuter. Allait-on réussir à en créer les conditions?
Cela supposait que tout le Parti, toutes ses structures s'engagent résolument dans la démarche proposée. Certes, il y eut des tâtonnements, des hésitations ici ou là, et donc des inégalités, mais pour l'essentiel c'est bien ce qui s'est fait. Et je sais le rôle joué par les membres du comité national pour qu'il en soit ainsi.
Réussir, cela supposait aussi que les communistes "y croient". On connaît les doutes, le scepticisme provoqués par de précédentes "consultations" des adhérents du Parti dans lesquelles ils ne s'étaient pas retrouvés. Et puis, ce que l'on appelle "la crise de la politique", à la fois crise de confiance à l'égard des partis politique et crise de l'engagement, du militantisme - nous touche aussi. Il a fallu surmonter ces obstacles. Cela a nécessité beaucoup d'efforts de la part des animatrices et animateurs des cellules, sections et fédérations.
Mais au fur et à mesure que les initiatives qu'ils ont prises ont apporté la preuve que l'avis de chacun serait bien pris en compte, le nombre de communistes participant à la consultation s'est accru. Nous aurions évidemment pu faire mieux. Des critiques, des remarques nous sont faites. Il faudra en tenir compte pour la suite. Mais ce qui domine c'est la satisfaction. Une satisfaction doublée d'une attente exigeante et vigilante qu'il ne faudra surtout pas décevoir.
J'ai, pour ma part, un autre motif de satisfaction, qui tient au contenu des questions retenues par les communistes pour constituer l'ordre du jour du congrès, et à celui des débats déjà engagés, souvent avec une passion qui me confirme dans ma détermination à ne pas céder devant la prétendue " fatalité " de la crise de la politique. Les hommes et les femmes communistes ne s'éloignent de la politique que lorsqu'on les en écarte. Ils ont au contraire une véritable soif de politique, et une grande disponibilité pour en débattre dès lors qu'elle est de bout en bout leur affaire, et qu'ils sont appelés à en décider les orientations et à en maîtriser la mise en oeuvre.
Je reviendrai dans un instant sur cet aspect. Je veux auparavant noter que les questions que les communistes ont choisi de discuter pour décider à leur congrès de la politique et de l'avenir de leur parti correspondent pleinement aux préoccupations et aux ambitions transformatrices dont j'avais fait part au comité national en juin dernier. Pour aussi légitimement attachés qu'ils sont à leur identité communiste - et précisément parce que cette identité, telle qu'elle s'est constituée dans l'histoire du communisme français, est faite d'audace et de créativité dans l'analyse et dans l'action - les adhérents de notre Parti refusent les comportements conservateurs menant à la frilosité politique, à l'isolement, au déclin du Parti lui-même, pour choisir le questionnement de ce qui bouge dans le monde et dans notre société, l'ouverture aux potentialités transformatrices nouvelles qui s'en dégagent, l'affirmation d'un projet communiste moderne pour la France, et la construction d'un nouveau Parti communiste pour porter ce projet.
Au moment même où la politique donne d'elle-même une si triste image, et où des Français de plus en plus nombreux jugent les partis politiques loin de leurs préoccupations parce qu'occupés à tout autre chose qu'à trouver avec eux les solutions aux problèmes qui les assaillent, c'est aux finalités mêmes de la politique, avec la volonté qu'elle serve en priorité l'épanouissement humain en faisant reculer jusqu'à la dépasser la logique de l'argent-roi, que les communistes décident de consacrer leur congrès.
Les questions retenues pour l'ordre du jour comme les textes que nous mettons aujourd'hui en discussion dans le Parti sont tournés vers un même objectif : construire avec les Français, et en contribuant à l'intervention de chacune et chacun, les changements nécessaires pour répondre aux attentes de notre peuple, de sa jeunesse. Et je note que pour la première fois depuis longtemps, personne n'a cru devoir alerter les communistes sur le danger d'une préparation de congrès tournée sur elle-même, sans lien avec les préoccupations des gens. C'est que ces préoccupations sont précisément au centre de nos débats, y compris leurs préoccupations quant à la politique et à son utilité.
Et on ne voit naturellement aucune contradiction entre l'immense travail à effectuer pour préparer le congrès et la poursuite des actions entreprises : par exemple le 11 décembre, dans la suite de l'importante manifestation du 16 octobre, ou le 27 novembre à propos des négociations de l'OMC.
Enfin, beaucoup d'intervenants durant ces deux jours l'ont souligné : la façon dont nous préparons notre congrès est à l'exact opposé des pratiques politiques qui désaisissent les citoyens de tout pouvoir.
Oui la politique est déconsidérée aux yeux des Françaises et des Français parce qu'ils ont le sentiment, si souvent justifié, qu'au fond elle les méprise, et qu'elle ne s'adresse à eux que pour leur demander de déléguer à tel ou tel leurs pouvoirs de citoyens, utilisés ensuite sans qu'ils aient à donner leur avis.
Tous les partis politiques sont touchés. Le nôtre ne saurait y échapper.
Mais parce que nous sommes communistes et voulons construire un Parti communiste moderne et efficace pour transformer la société avec les hommes et les femmes qui la composent, notre réponse ne peut se limiter -et ne se limite pas- à des protestations affirmant que " les communistes ce n'est pas pareil ". Non, " ce n'est pas pareil ". Mais nous nous attachons à le prouver dans les faits, sans rien renvoyer à des décisions ultérieures. Nous ne disons pas: "demain, grâce aux décisions prises par notre congrès, nous ferons la politique autrement"?. C'est en faisant la politique autrement, et en transformant du même coup notre Parti lui-même que nous préparons le congrès, en affirmant dans la pratique la primauté de la citoyenneté communiste.
On a d'ailleurs noté dans la discussion que cela nous conduit à transférer vers les " citoyens communistes " que sont les adhérents du Parti, l'exercice de pouvoirs jusqu'ici " réservés " à un petit nombre, comme par exemple le pouvoir de décider de l'ordre du jour du congrès, ou de la " base commune " qui sera, dans la phase finale, soumise aux amendements, aux choix, aux votes des délégués aux conférences de sections, fédérales et au congrès.
Au moment où tous les partis sont confrontés à la montée d'une exigence citoyenne dans leurs rangs, je me réjouis que cette exigence ne soit pas vécue ici de façon négative mais au contraire reçue comme un atout pour aller de l'avant. J'ai la conviction que les changements déjà amorcés depuis que nous avons entrepris la mutation de notre Parti nous mettent en position favorable pour réussir maintenant à la mener à son terme.
Et je veux dire à ce propos - en espérant qu'on ne verra pas d'intention malicieuse dans mon propos tant les mots me sont venus naturellement tellement ils correspondent à ce qui m'apparaît comme la réalité : en inventant des pratiques et des formes nouvelles, au fur et à mesure de la préparation du congrès, avec l'objectif d'assurer à chaque homme et chaque femme communiste le pouvoir réel d'élaborer et de décider en toutes choses, c'est bien ici et maintenant que nous commençons à fonder le nouveau Parti communiste que les adhérents du Parti communiste français ont décidé de mettre à l'ordre du jour de leur 30ème congrès.
C'est bien, comme l'indiquait Paul Lespagnol dans son rapport, une véritable dynamique démocratique qui est née, se développe, et va se développer, n'en doutons pas. Une dynamique dont le point de départ est le choix que nous avons fait de créer les conditions pour que s'exprime pleinement la souveraineté des adhérents sur leur parti. On peut déjà mesurer l'efficacité créatrice de cette dynamique qui commence à faire passer dans la pratique la décision de principe prise lors de notre dernier congrès d'un mode de vie du Parti libérant les capacités d'initiatives des individus communistes.
C'est dans le même esprit que nous avons décidé de préparer le congrès de façon inédite en ce qui concerne la conception et la composition des directions du Parti à tous les niveaux.
La volonté de plein exercice de la souveraineté des adhérents ne réduit en rien la responsabilité de ces directions. Mais elle doit sans doute modifier le sens de cette responsabilité. On ne transforme pas en profondeur, comme nous sommes en train de le faire, le rapport de l'adhérent, du militant, de l'individu, à la prise de décision sans que
cela aient des conséquences.
Et au niveau national, vers quelle conception nouvelle de l'exécutif, quelle conception collégiale de la direction faut-il aller ? Sans que cela signifie un désengagement individuel de celui ou celle chargé des premières responsabilités. Cela appelle aussi un débat très approfondi.
Vous l'avez compris, il me tient particulièrement à coeur.
Et maintenant ?
Maintenant, les textes sur les sept thèmes choisis par les communistes vont être mis en discussion. Et, permettez-moi de le répéter, c'est à partir de cette discussion que les adhérentes et adhérents du Parti vont décider souverainement des choix du 30ème congrès. Je dis bien "souverainement". Il ne s'agit pas de " laisser parler " les communistes pour qu'ensuite quelques centaines de délégués décident à leur place.
Ces délégués seront élus par les communistes pour traduire dans les actes du congrès les décisions que ceux-ci auront prises et affirmées par leurs votes.
Je pense aussi dire en votre nom aux responsables et animateurs des fédérations, sections et cellules combien nous mesurons les efforts qu'ils vont devoir produire pour créer partout les conditions de l'exercice par tous les communistes de leur souveraineté. Nous savons qu'ils ne manquent ni de détermination ni d'imagination pour y parvenir.
Et c'est aussi en votre nom que je fais appel à tous les membres du Parti communiste, quelle que soit leur situation vis-à-vis des structures et des modes de vie actuels du Parti, qu'ils aient ou non participé à la " première phase " du congrès, en leur disant qu'ils peuvent et doivent faire valoir leur droit à exercer cette souveraineté.
Et nous savons qu'ils ne manqueront pas d'idées à suggérer pour que les conditions soient créées afin qu'ils puissent le faire. Et je pense en même temps qu'au-delà des rangs des adhérents actuels du Parti communiste, nombreux sont celles et ceux qui s'intéressent à ce que fait, à ce que veut, et à ce que va devenir le Parti communiste. Ils savent que bien évidemment ce sont les adhérents du Parti qui décideront de tout cela. Et je sais que nombre d'entre eux, parce que déjà ils se considèrent comme des communistes, et qu'ils veulent participer avec nous à la construction du Parti communiste qu'ils attendent souhaitent trouver leur place dans le Parti en y adhérant et en prenant leur part de l'élaboration collective. Je veux leur dire, aujourd'hui, alors que commence la discussion des textes qui vont permettre cette élaboration : soyez les bienvenus. Ce nouveau Parti communiste que vous appelez de vos voeux, nous voulons le construire, et, je l'ai dit, déjà nous avons commencé. Nous savons que, comme nous, vous ne le voulez pas moins mais davantage et mieux communiste. Nous savons que, comme nous, vous le voulez fraternel, ouvert et dynamique. Nous avons besoin d'unir nos intelligences, nos connaissances, nos efforts, pour réussir. Alors oui, bienvenue à vous qui déjà avez pris ou êtes sur le point de prendre cette importante décision. La confiance qu'elle témoigne quant à nos possibilités de réussir ensemble cette construction inédite nous honore et nous encourage. Et je suis sûr que d'autres, comme vous, pourront trouver toute leur place dans notre oeuvre commune. Et puis, au-delà, nous le savons bien, il est des hommes et des femmes, qui se considèrent comme communistes sans envisager d'être membres d'un parti politique, ou qui, sans se vouloir communistes, partagent bien des analyses, et bien des objectifs avec nous. Je suis sûr que nous saurons trouver les formes - auditions, rencontres, débats publics - permettant aux adhérents du Parti de bénéficier de leur apport, d'enrichir ainsi leur propre réflexion afin de prendre leurs décisions souveraines dans les meilleures conditions possibles.
Voilà, chers camarades, les réflexions dont je souhaitais vous faire part en ce moment si important de la préparation de notre 30ème congrès.
Nous avons tous pris la mesure des efforts à fournir. Cela ne nous fait pas peur. D'autant que nous mesurons aussi les extraordinaires potentialités novatrices que recèle la dynamique démocratique qui s'est engagée.
Pour ma part, ce n'est pas seulement avec confiance que j'envisage la préparation et la réussite de notre congrès, c'est aussi avec un grand enthousiasme.
(Source http://wwww.pcf.fr, le 13 janvier 2003)