Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les priorités du budget de la culture pour 2000, notamment la résorption de l'emploi précaire, le développement des enseignements artistiques, le soutien à la création, les équipements culturels en région et l'élargissement de l'accès à la culture, Paris le 8 novembre 1999.

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Circonstance : Présentation du budget de la culture pour 2000 à l'Assemblée nationale le 8 novembre 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de budget de la culture pour 2000.
Le projet de loi de finances marque, cette année encore, une priorité affirmée en faveur de la culture.
En crédits, tout d'abord, le budget de la culture augmente de 329 MF, soit 2,1%, par rapport à la loi de finances initiale pour 1999, c'est-à-dire un rythme plus de deux fois supérieur à la prévision d'évolution des prix à la consommation, qui constitue la norme de progression des dépenses de l'Etat pour 2000 (+ 0,9 %).
Et de projet de loi de finances à projet de loi de finances, qui donne une mesure plus exacte de l'évolution des moyens dont il est doté, le budget de la culture enregistre une progression de 369 MF, soit 2,4 %, par rapport à 1999.
En 2000, le budget de la culture représentera précisément 0,968 % des charges nettes de l'Etat, ou encore 0,98 % de ces mêmes charges selon la structure 1998 du budget général de l'Etat.
Cette évolution favorable va nous permettre de donner réalité, dans le cadre de cette législature, à l'objectif d'un budget de la culture représentant 1 % du budget de l'Etat, qui a été affirmé par Monsieur le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant cette même assemblée.
Par rapport aux deux précédents budgets dont la préparation m'avait été confiée, le projet de budget de la culture pour 2000 comporte une innovation essentielle : il prend pleinement en compte le problème de l'emploi au ministère de la culture et dans ses établissements.
En 1998, le budget de la culture avait bénéficié de 27 créations d'emplois ; 2 emplois avaient été ouverts en 1999.
En 2000, 295 emplois supplémentaires vont être créés au budget de la culture (100 par création nette et 195 par transfert d'agents contractuels de l'Etat affectés dans des établissements publics vers ces mêmes établissements). 79 emplois sont par ailleurs créés au budget des établissements publics.
Ces créations d'emplois vont permettre d'engager une étape décisive dans la résorption de l'emploi précaire.
L'emploi précaire s'est généralisé au ministère de la culture et de la communication et ses établissements en raison de l'insuffisance en emplois statutaires de l'Etat, dont le besoin a fortement augmenté avec l'achèvement des grands travaux lancés au cours de la précédente décennie (Musée d'Orsay, Grand Louvre, Bibliothèque nationale de France).
A travers ces grandes réalisations, la collectivité nationale a consenti un effort massif en investissement, mais cet effort financier n'a pas été accompagné par les créations d'emplois statutaires qui auraient permis d'assurer un haut niveau de service au public dans des conditions incontestables sur un plan juridique et social.
Et le recours massif à ceux qu'il est convenu d'appeler, d'ailleurs improprement, les " vacataires ", est à l'origine de situations sociales difficiles et de graves perturbations fonctionnelles - pour la plus visible d'entre elles, la survenance de mouvements sociaux qui affectent l'ouverture au public des musées et monuments nationaux.
Depuis mon entrée en fonctions Rue de Valois, j'ai affirmé ma détermination à rechercher toutes les solutions permettant d'améliorer le fonctionnement du service public de la culture et la situation matérielle des agents recrutés sur crédits.
J'estime réunir aujourd'hui les trois conditions nécessaires à une réduction déterminée de l'emploi précaire au ministère de la culture et de la communication et dans ses établissements :
- Par leur ampleur, les créations d'emplois prévues pour 2000 traduisent la reconnaissance par le Gouvernement de l'existence d'une insuffisance en emplois statutaires et sa volonté de traiter cette question difficile ;
- Afin d'éviter que la stabilisation des agents précaires n'entraîne une réduction du volume des moyens humains disponibles, préjudiciable à la qualité du service rendu au public, notamment en termes d'horaires d'ouverture, cette stabilisation sera assurée par la création de nouveaux emplois au budget du ministère et de ses établissements publics ;
- L'emploi précaire sera réduit de manière définitive et ne sera pas reconstitué au fil de l'eau, sous l'effet d'un certain fatalisme qui a pu prévaloir dans la gestion des équipements et services de mon département ministériel. La gestion des ressources humaines va continuer à gagner en rigueur.
Le 15 octobre, j'ai signé une circulaire qui prohibe le recours à de nouveaux " vacataires " pour couvrir les besoins permanents du service public de la culture. Cet engagement était au coeur du protocole d'accord de fin de grève du 8 juin dernier.
En outre, ainsi que le prévoit le projet de loi de finances pour 2000, les crédits de vacation du ministère et de ses établissements publics seront réduits en 2000 afin de prendre en compte des titularisations sur concours réservés à intervenir.
Un dernier point mérite d'être souligné : l'emploi indifférencié du terme de " vacataire " pour désigner des agents recrutés sans assise budgétaire va progressivement disparaître du langage courant.
Je m'en félicite car, au - delà d'une évolution sémantique, c'est une révolution des comportements qui s'engage.
Outre la titularisation d'un grand nombre de " vacataires permanents " en 2000, la modernisation des comportements va aussi être favorisée par une clarification du cadre juridique dans lequel il est recouru à certains " vacataires ". En effet, la loi de 1984 sur la fonction publique autorise expressément le recours à des contractuels recrutés sur crédits pour des besoins saisonniers ou occasionnels ou pour des besoins permanents par nature à temps incomplet.
Ces souplesses prévues par le statut général de la Fonction publique sont légitimes et je souhaite les utiliser.
J'entends toutefois veiller à ce qu'elles ne soient pas dévoyées ; des consignes très strictes ont été données en ce sens. En outre, le recours à des agents recrutés sur crédits dans les cas prévus par le statut général de la fonction publique ne doit pas uniquement s'accompagner d'une évolution terminologique, mais doit également emporter une meilleure reconnaissance, tant sur un plan matériel que symbolique, des agents concernés.
C'est ainsi que des contrats en bonne et due forme, signés par l'agent et son employeur public, viendront se substituer à des actes unilatéraux de recrutement. En outre, les agents recrutés au titre de besoins permanents par nature à temps incomplet bénéficieront de contrats d'une durée de trois ans.
J'en viens maintenant à la traduction budgétaire des priorités que je me suis assignées à la tête du ministère de la culture et de la communication.
Le projet de budget de la culture pour 2000 met en oeuvre des avancées majeures dans la voie d'un soutien plus affirmé à la création artistique sous toutes ses formes, d'une offre culturelle mieux distribuée sur l'ensemble du territoire et d' un plus large accès de nos concitoyens aux lieux de culture.
Il va tout d'abord permettre la mise en oeuvre des mesures tarifaires destinées à élargir l'accès aux lieux de culture que j'ai annoncées le 23 juin dernier lors de ma communication en conseil des ministres sur la démocratisation des pratiques culturelles.
Je souhaite en rappeler la portée devant vous :
extension à l'ensemble des musées nationaux de la gratuité d'accès le premier dimanche de chaque mois, jusque-là limitée au seul musée du Louvre ;
application aux monuments nationaux, depuis le 1er octobre dernier, de la gratuité d'accès le premier dimanche de chaque mois d'octobre à mai compris ;
extension aux 12 à 18 ans de la gratuité d'accès aux monuments nationaux ;
tarif unique à 50 francs le jeudi dans les cinq théâtres nationaux.
Je n'ai pas la naïveté de croire que les mesures tarifaires que je viens de décider se suffisent à elles-mêmes. Pour être pleinement efficaces, elles devront s'accompagner d'actions de sollicitation des publics, notamment de proximité, qui ont trop souvent été négligés alors qu'ils constituent un objectif prioritaire de la politique de démocratisation des pratiques culturelles que j'entends mener. Je veillerai à ce que les établissements sous la tutelle de mon ministère prennent pleinement en compte cet impératif.
De manière peu discutable, les tarifs constituent une barrière à une plus grande diversité sociologique de la fréquentation des lieux de culture. Demain, cette barrière sera moins sensible.
Le projet de budget de la culture pour 2000 marque par ailleurs un renforcement de l'action du ministère de la culture et de la communication dans le domaine des enseignements, qu'il s'agisse des enseignements à vocation professionnelle ou des enseignements destinés à favoriser une ouverture culturelle, notamment des jeunes.
En effet, le développement des pratiques artistiques est le fondement de toute politique de démocratisation des pratiques culturelles. Et c'est dès l'enfance et l'adolescence que le goût d'une pratique artistique doit être développé.
Des mesures fortes seront mises en oeuvre dans le domaine des enseignements en 2000 :
alignement du régime des bourses des étudiants des écoles d'art et des écoles d'architecture sur celui de l'Education nationale tout d'abord ;
ensuite, mise en place d'ateliers de pratiques artistiques dans les lycées, en coopération avec l'Education nationale, qui sera généralisée en 2001 ;
enfin, renforcement sélectif des concours de l'Etat aux écoles nationales et municipales d'arts plastiques et aux écoles nationales et conservatoires régionaux de musique.
Au total, les crédits d'intervention (titre IV) consacrés aux enseignements sont en augmentation de 53 MF (+ 6,9 %). En outre, les moyens de fonctionnement des écoles d'architecture seront à nouveau augmentés.
L'année 2000 verra par ailleurs le début des travaux nécessaires à la mise en oeuvre de la nouvelle carte de l'enseignement de l'architecture en Ile-de-France et à la réalisation d'opérations importantes en région. Dans le projet de loi de finances pour 2000, le montant des autorisations de programme prévues à ce titre est porté de 55 MF à 120 MF.
La priorité que j'ai souhaité donner au titre IV, et qui se traduit par l'inscription de 172 MF de mesures nouvelles, me permet à nouveau, comme en 1999, de reconnaître le caractère d'une priorité au spectacle vivant. Ce secteur d'intervention bénéficiera ainsi de 80 MF de mesures nouvelles, enseignements compris, sur le titre IV, après 110 MF en 1999.
En 2000, un haut niveau d'exigence sera maintenu à l'égard des acteurs culturels subventionnés.
Je sais que cette orientation n'est pas toujours gage de popularité.
Je crois toutefois qu'elle s'impose en raison des dérives qui ont pu survenir dans la gestion de certaines structures subventionnées au détriment des objectifs de création et de diffusion artistiques. Je crois aussi que la capacité de renouvellement du secteur du spectacle vivant dépend d'une plus grande sélectivité du soutien financier apporté par les collectivités publiques au regard des objectifs d'intérêt général poursuivis à travers leurs concours financiers.
Le soutien à la création sera renforcé en direction des compagnies chorégraphiques et dramatiques (4 et 10 MF de mesures nouvelles respectivement) et des esthétiques nouvelles, telles que les arts de la rue, le cirque et les musiques actuelles (15 à 20 MF de mesures nouvelles).
Pour autant, les autres secteurs d'intervention du ministère de la culture et de la communication, notamment patrimoniaux, ne seront pas négligés.
C'est ainsi que les grandes expositions en région et la restauration des oeuvres appartenant aux musées classés et contrôlés seront mieux soutenues. Je veillerai par ailleurs à poursuivre la réorientation des interventions du fonds du patrimoine vers un soutien accru aux acquisitions des musées classés et contrôlés.
Un soutien spécifique, sur crédits déconcentrés notamment, sera mis en oeuvre pour les actions de conservation et de diffusion, notamment dans le domaine de l'édition, des langues régionales et minoritaires, qui sont un élément important de notre patrimoine culturel.
Les moyens destinés aux conventions de villes et pays d'art et d'histoire sont confirmés. Ceux consacrés au développement des conventions ville - architecture seront quant à eux augmentés en 2000.
Enfin, les conventions ville - lecture seront développées afin de favoriser un usage accru du livre, notamment de la part de publics qui en sont éloignés.
Le projet de budget de la culture pour 2000 traduit une autre priorité à laquelle je suis particulièrement attachée : le renforcement du soutien apporté par l'Etat à la réalisation d'équipements culturels en région et le rééquilibrage des investissements du ministère de la culture et de la communication en direction des régions.
Le budget de la culture pour 2000 comporte une nouvelle augmentation des concours de l'Etat à la réalisation d'équipements culturels locaux (chapitre 66-91), dont la dotation atteindra 490 MF contre 397 MF cette année (+ 23,7 %). Cet effort bénéficiera notamment aux archives, aux équipements du spectacle vivant, aux musées classés et contrôlés et aux équipements culturels de proximité.
Depuis mon entrée en fonctions Rue de Valois, le montant des subventions d'investissement à la réalisation d'équipements culturels locaux aura été multiplié par deux : il atteindra 490 MF en 2000, contre 234 MF en 1997.
La progression continue des subventions d'investissement à la réalisation d'équipements culturels en région et la maîtrise du nombre et du coût unitaire des nouveaux équipements culturels nationaux à Paris va permettre en 2000 une rupture dans la destination des investissements du ministère de la culture et de la communication.
C'est ainsi que les crédits destinés à la réalisation d'équipements culturels dans les régions vont faire jeu égal ou presque avec ceux consacrés aux équipements culturels nationaux à Paris. En 1997, le rapport était de trois à un en faveur de Paris.
Ce nouvel équilibre, qui concourt à une meilleure distribution de l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire, n'a pas un caractère conjoncturel. Si la possibilité m'en est donnée, je souhaite le faire évoluer dans un sens encore plus favorable aux régions.
Je souhaite enfin évoquer devant vous l'évolution des crédits consacrés à la restauration du patrimoine.
Le budget de la culture pour 2000 n'oublie pas le nécessaire effort à mener en faveur de l'entretien et de la restauration du patrimoine.
Si, prise globalement, l'enveloppe patrimoine (titres V et VI) augmente dans une proportion limitée (+ 11 MF, soit + 0,7 %), les crédits hors opérations portant sur des palais nationaux (Grand Palais, Versailles ...) enregistrent une forte progression (+ 108 MF, soit + 7,7 %).
Cette progression bénéficiera tout particulièrement aux secteurs sauvegardés et espaces protégés (+ 11 MF, soit + 31,4 %). La Ville est notre premier bien culturel. Je souhaite affirmer la responsabilité spécifique de mon département ministériel quant à l'amélioration de la qualité du patrimoine urbain.
Elle ira aussi aux subventions d'investissement pour la restauration de monuments historiques (+ 59,6 MF, soit + 24,9 %), à l'égard desquelles s'est manifestée une forte demande de la part de nos partenaires locaux.
A cet égard, je tiens à dissiper une crainte que vous pourriez exprimer. Certes, pour l'essentiel, la progression de ces subventions en 2000 est financée par une réduction, à caractère conjoncturel, de l'enveloppe consacrée aux grands palais nationaux.
Toutefois, la montée en charge des besoins liés au Grand Palais et à Versailles en 2001 et 2002 sera financée dans le cadre de l'évolution globale du budget de la culture et non imputée, à moyens constants, sur l'enveloppe des crédits du patrimoine. Elle ne viendra donc pas défaire la reconstitution des crédits du patrimoine à laquelle j'ai accordé un caractère prioritaire lors de mon entrée en fonctions Rue de Valois, après les coupes brutales intervenues sous la précédente majorité, mais viendra s'ajouter à celle-ci.
A travers l'augmentation des subventions d'investissement à la réalisation d'équipements culturels en région et à la restauration de monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, mon département ministériel sera mieux à même de répondre aux demandes de ses partenaires.
Je pense évidemment à la prochaine génération des contrats de plan 2000-2006, où la Culture, avec 2 milliards de francs au sein de la première enveloppe de 95 milliards de francs, s'est vu reconnaître la qualité de priorité d'intervention de l'Etat.
Elargissement de l'accès à la culture, renforcement des moyens consacrés aux enseignements, soutien accru à la création, aménagement culturel du territoire et préservation de notre héritage culturel : le budget de la culture pour 2000 traduit pleinement mon ambition d'une culture mieux distribuée sur l'ensemble du territoire et mieux partagée, dans la pluralité de ses expressions, par l'ensemble de nos concitoyens.
Mesdames et Messieurs les députés, la culture est un bien fragile - vous connaissez l'attention que je porte aux négociations qui vont s'ouvrir dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
C'est aussi un bien dont les différentes composantes et expressions méritent d'être reconnues et encouragées, plutôt que d'être opposées entre elles. J'ai ainsi la conviction que la politique culturelle ne peut se résumer à l'alternative, fausse et réductrice, entre soutien à la création et conservation du patrimoine.
Enfin, la culture est un bien dont la compréhension et le partage conditionnent notre existence en commun au sein de la collectivité nationale et l'intégration de nos concitoyens dans une République qui n'est pas seulement la forme de nos institutions politiques, mais aussi un projet de société sans cesse renouvelé.
C'est le sens de mon action à la tête du ministère de la culture et de la communication. C'est cette conviction qui m'a inspirée pour la préparation du projet de budget de la culture pour 2000 que je soumets aujourd'hui à votre approbation.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 10 novembre 1999)