Texte intégral
Nous avons travaillé cet après-midi sur la prévention des conflits, nous avions déjà parlé de ce sujet à la réunion de Berlin en décembre. Comme vous le savez le rapport portait sur cinq thèmes : les diamants, les petites armes, le lien entre conflits et développement, les enfants-soldats, et la police civile internationale. Ces questions sont en priorité du ressort du Conseil de Sécurité mais il n'est pas inutile d'avoir un échange de vues au sein du G8. En ce qui me concerne, j'ai rappelé que nous faisons toujours de la prévention des conflits, il y a en effet des dizaines de conflits qui n'ont pas éclaté grâce à la politique de prévention menée et ceux-là, on ne les voit pas. Le travail de cet après-midi portait surtout sur comment limiter les conflits, comment les raccourcir, comment contenir leurs conséquences humaines les plus dramatiques. Echanges intéressants, donc. J'ai essayé dans mon intervention d'insister sur les aspects les plus concrets parce que le risque dans ce domaine est de rester à des généralités. C'est dans cet esprit que j'ai souligné le rôle de la résolution 1306 que le Conseil de Sécurité vient d'adopter sur la question des diamants. Nous avons parlé de plusieurs autres sujets dont le désarmement et la non-prolifération et j'ai indiqué qu'à mon avis, si l'Inde a commencé à évoluer dans le bon sens c'est parce que deux Etats membres du G8, les Etats-Unis et la France, ont maintenu un dialogue avec elle. Sur le projet anti-missile, j'ai rappelé que nos interrogations demeurent. Il y a eu quelques indications américaine et russe sur la poursuite du dialogue START et ABM. Voilà les principaux points. Ce soir nous allons parler des problèmes régionaux pour être cohérent avec les discussions de l'après-midi. Vous avez des questions ?
Q - Parmi ces cinq points, y en a-t-il un ou deux ou trois qui vous paraissent plus importants ou intéressants ? Y a-t-il eu des controverses sur certains de ces sujets, et particulièrement sur les diamants ?
R - Pas de controverse particulière, un large consensus et en même temps une conscience aiguë qu'il faut aller au delà des bonnes intentions et donner à ce type de concertation une dimension plus opérationnelle. Cela dit, ces points ne sont pas sur les mêmes plans. Quand on parle de développement économique, on est dans la vraie prévention de fond. Quand on est dans la police civile internationale, on est plutôt dans la gestion de crise, dans la restauration de la paix. L'action sur les petites armes, c'est plus de la prévention mais il est évident que s'il n'y avait que cela et que le reste du contexte ne s'améliorait pas, cela ne suffirait pas. L'embargo sur les diamants ce n'est pas de la prévention, c'est davantage une façon d'asphyxier le conflit comme quand on veut agir sur les diasporas qui financent les conflits. Quand on parle des enfants-soldats, ce n'est pas de la prévention, c'est une façon de rendre les conflits moins atroces, on sait bien que ce sont les populations civiles qui paient le plus dans ces conflits, notamment en Afrique, ce sont les femmes, les enfants, les personnes âgées qui sont restés dans les village qui, par exemple, sont les premières victimes des mines alors que les garçons et les hommes sont en train de combattre. Ce sont donc des modes d'entrée différentes dans la question des conflits. Alors on pourrait dire pourquoi ces thèmes là et pas dix autres mais c'est précisément parce qu'il ne faut pas en rester à des généralités. Les crises et les guerres demeurent des phénomènes globaux qu'il faut approcher globalement.
Q - Avez-vous discuté concrètement de la prochaine étape de la lutte contre le trafic de diamants ?
R - Oui, j'ai même insisté, après avoir souligné l'utilité de la résolution 1306 du Conseil de sécurité, et après avoir rappelé qu'elle comprend un groupe d'experts pour établir le lien entre trafic de diamants et achat d'armement. J'ai suggéré la création sous le contrôle du Conseil de sécurité d'un groupe permanent d'experts indépendants qui seraient nommés par le Secrétaire général des Nations unies pour mettre au point les modalités d'interdiction des trafics illicites au cas par cas. Le problème des diamants est particulier, il est d'ailleurs très important dans le cas de plusieurs conflits africains mais globalement, en masse financière, cela n'a rien à voir avec le problème de la drogue. La question de la drogue, c'est un problème de lutte contre le blanchiment et il faut s'attaquer à tous ses aspects : la production, la consommation et le financement qui pour être réinvesti a besoin d'être blanchi. Cela forme un tout.
Q - En ce qui concerne le désarmement et la non-prolifération, quelle est la position des ministres sur la question de la NMD ? Et quelle est la position de la France ?
R - Le G8 est un lieu d'échanges, ce n'est pas un lieu de négociation ni de décision, on ne va donc pas négocier avec les Etats-Unis, par exemple. Nous sommes, de plus, dans des situations différentes sur le plan stratégique. Puisque vous me posez la question de la France, je vous rappelle notre position : nous avons exprimé, comme je l'avais déjà fait à Washington il n'y a pas très longtemps et comme le président de la République l'a dit plusieurs fois, nos interrogations en ce qui concerne l'analyse de la menace et nos préoccupations quant aux conséquences stratégiques des décisions éventuelles du président des Etats-Unis. Nous lui avons demandé plusieurs fois de ne pas prendre de décision sans avoir pris en compte toutes les conséquences possibles sur les alliés des Etats-Unis, qu'ils soient dans l'OTAN ou ailleurs, et sur la politique des autres grands pays du monde. Ces deux critères font d'ailleurs partie des quatre critères dont le président Clinton dit qu'il les examinera avant de se décider.
Les deux autres critères, ce sont la crédibilité technique - sur ce point nous n'avons pas d'éléments particuliers à apporter dans le débat bien qu'il y ait une controverse aux Etats-Unis - et le coût, et ce n'est pas à nous de l'apprécier.
Q - Avez-vous exprimé ces préoccupations au cours de la réunion ?
R - Comme elles sont très connues, je les ai rappelées d'une phrase.
Q - Est-ce que ce sont des interrogations qui sont partagées par d'autres pays du G8 comme le Japon ?
R - Je connais mieux ce qui a été dit par les autres pays de l'Union européenne et en dépit des nuances dans les termes, le fond est le même. En tout cas, tout le monde est d'accord sur les conséquences, les tensions déstabilisantes. Nous devons faire attention à ne pas déstabiliser tout le système stratégique pour répondre à des menaces réelles, ou alors exagérées ou mal appréciées. Le lien entre les deux aspects est peut-être exagéré. Ce sont des questions que se posent les Allemands et même les Britanniques. Les Russes aussi, bien qu'ils soient dans un rapport différent parce qu'ils sont dans un traité bilatéral. Enfin, cela n'a pas été le sujet de l'après-midi.
Q - Est-ce que vous vous attendez à une allusion à la NMD dans le communiqué final de demain ?
R - Pas spécialement, non. Le G8 est assez particulier. D'abord, c'est économique à l'origine. C'est une concertation, un échange de vues, une évaluation. Ce n'est pas un lieu de décision et nous sommes dans des situations très différentes sur ce plan.
Q - L'absence de Mme Albright a-t-elle diminué l'intérêt de ce sommet, eu égard à ce projet ?
R - Non, non, on n'en aurait pas plus parlé avec Mme Albright. C'est simplement que ce n'est pas tellement dans la nature du G8 d'aborder ces questions. C'est plutôt une discussion entre les Américains et les Russes et une discussion entre les Américains et leurs différents alliés. L'échec du dernier essai rend aussi le sujet moins aigu, moins immédiat. Au delà du rappel de l'importance du traité ABM de 1972, le communiqué n'en parle pas spécialement.
Q - Sur les questions régionales, est-ce qu'il vous paraît y avoir une priorité dans l'urgence ?
R - Vous savez, dans notre position, on est obligé de s'occuper de tous les conflits en même temps, sans trier. Au dîner, on est censé faire un tour d'horizon : Asie orientale, Asie du Sud, Proche-Orient, Balkans et Afrique.
Aux Balkans, on est engagé dans une tâche de longue haleine. Notre politique est de stabiliser et d'européaniser les Balkans et on a encore du pain sur la planche. Mais les manuvres du président Milosevic ne changent rien à notre détermination.
Q - Le Japon propose une régulation des petites armes. Quelle est votre position sur cette proposition ?
R - Nous sommes tout à fait favorables à cette bonne initiative, simplement, comme je l'ai indiqué, il faut remettre cela dans un contexte plus large : il y a des pays où il y a beaucoup de petites armes et où il n'y a pas de conflit ; il y a eu des massacres terribles en Afrique sans armes extérieures. C'est très bien, toutes les initiatives sont bonnes, il faut tout essayer, mais il ne faut jamais oublier que les conflits naissent de toutes sortes de choses mélangées et que les armes sont autant l'expression des tensions que leurs causes. Nous approuvons donc cette démarche, c'est bien, mais il faut toujours la réinsérer dans une approche plus complète en général du traitement des conflits qu'il faut traiter à la racine. En plus, c'est très difficile à appliquer mais il n'y a pas de raison de ne pas essayer.
Q - Est-ce que vous avez parlé entre vous d'un nouveau système de certification des diamants ?
R - Pas au niveau des ministres mais au niveau des directeurs peut-être Il y a des différences sur le système de certification des diamants, il y a deux pays producteurs dans le G8, la Russie et le Canada, est-ce que cela pose des problèmes, M. Errera ?
M. Errera : Au niveau des directeurs politiques, à part cette mention dans le communiqué et dans les déclarations qui ont été faites, il n'y a pas de débat de fond là dessus.
Q - Comment juger de l'utilité des G8 si on ne négocie rien et si on ne décide rien, alors à quoi cela sert ?
R - Je crois que si les G7/G8 n'existaient pas, on les réinventerait aujourd'hui, précisément pas pour être une bureaucratie ou une sorte de système concurrent des institutions existantes mais pour être un lieu de concertation et d'évaluation. Avant l'époque moderne, beaucoup de conflits sont nés du fait que les dirigeants faisaient de mauvaises appréciations des situations et des comportements des autres. Il est donc très important qu'il y ait ces occasions régulières ; et c'est aussi très important que dans les occasions de contact, des discussions assez ouvertes et assez larges soient possibles. Des idées peuvent naître tout comme des réévaluations de certaines politiques pour les transformer. Je crois que c'est très utile si ce n'est pas trop formel, bien préparé mais pas trop, que tout ne soit pas enfermé dans un rituel et il faut que la part protocolaire et médiatique, qui est importante, ne mange pas le temps pour les discussions ouvertes. Et cela est plus facile à réaliser pour les rencontres de ministres que pour les sommets où la pression médiatique est cent fois plus forte.
Q - Vous avez aimé le thé vert ?
R - Oui, j'ai trouvé cela très original, c'était la première fois. C'est très intéressant car cela ne ressemble pas du tout au thé. C'est comme le café vous savez, quand on a commencé à boire du café au Café Procope à Paris, ça ne ressemble pas du tout à ce que l'on a pu boire après. J'ai trouvé que c'était une belle cérémonie. Un breuvage très revigorant.
Q - Un G8 en Asie sans la Chine crée-t-il une lacune importante ? Feu le Premier ministre japonais, M. Obuchi avait pensé à inviter la Chine, bien que la Chine y ait été réticente. Cette absence n'est elle pas un peu dommage ?
R - Je pense que ce jour viendra mais il faut se rappeler l'origine du G8, il s'agit de pays à économies comparables, sauf dans le cas de la Russie et c'est pourquoi il existe une distinction entre le G7 et le G8. A cet égard, la Chine n'est pas encore dans une situation comparable et on avait vu que cette proposition qui lui avait été faite l'avait embarrassée plus qu'autre chose. Il y a d'autres occasions de concertation avec la Chine, il y a le Conseil de sécurité et ses relations bilatérales fortes avec chacun de nos pays. Je ne pense donc pas que cela soit un problème pour la Chine.
Q - En ce qui concerne la situation dans la péninsule coréenne, quelle est votre position sur ce sujet ? Quelles initiatives la France va-t-elle prendre en la matière, après l'Italie qui a rétabli ses relations diplomatiques avec la Corée du Nord ?
R - Nous n'avons pas parlé spécialement de ce sujet. Cela fait partie plutôt des sujets du dîner. Par contre, nous avons eu l'occasion aussi bien sur le plan français que de l'Union européenne d'exprimer notre satisfaction sur les évolutions en cours et nos encouragements pour ces changements que nous soutenons évidemment. Etant donné que nous avons maintenant la présidence de l'Union européenne, ce n'est pas une période où la France puisse prendre des initiatives spéciales sans concertation avec les autres. Nous allons procéder à une évaluation au sein des Quinze, c'est la meilleure façon pour l'Union européenne de soutenir et d'encourager cette nouvelle politique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2000).
Q - Parmi ces cinq points, y en a-t-il un ou deux ou trois qui vous paraissent plus importants ou intéressants ? Y a-t-il eu des controverses sur certains de ces sujets, et particulièrement sur les diamants ?
R - Pas de controverse particulière, un large consensus et en même temps une conscience aiguë qu'il faut aller au delà des bonnes intentions et donner à ce type de concertation une dimension plus opérationnelle. Cela dit, ces points ne sont pas sur les mêmes plans. Quand on parle de développement économique, on est dans la vraie prévention de fond. Quand on est dans la police civile internationale, on est plutôt dans la gestion de crise, dans la restauration de la paix. L'action sur les petites armes, c'est plus de la prévention mais il est évident que s'il n'y avait que cela et que le reste du contexte ne s'améliorait pas, cela ne suffirait pas. L'embargo sur les diamants ce n'est pas de la prévention, c'est davantage une façon d'asphyxier le conflit comme quand on veut agir sur les diasporas qui financent les conflits. Quand on parle des enfants-soldats, ce n'est pas de la prévention, c'est une façon de rendre les conflits moins atroces, on sait bien que ce sont les populations civiles qui paient le plus dans ces conflits, notamment en Afrique, ce sont les femmes, les enfants, les personnes âgées qui sont restés dans les village qui, par exemple, sont les premières victimes des mines alors que les garçons et les hommes sont en train de combattre. Ce sont donc des modes d'entrée différentes dans la question des conflits. Alors on pourrait dire pourquoi ces thèmes là et pas dix autres mais c'est précisément parce qu'il ne faut pas en rester à des généralités. Les crises et les guerres demeurent des phénomènes globaux qu'il faut approcher globalement.
Q - Avez-vous discuté concrètement de la prochaine étape de la lutte contre le trafic de diamants ?
R - Oui, j'ai même insisté, après avoir souligné l'utilité de la résolution 1306 du Conseil de sécurité, et après avoir rappelé qu'elle comprend un groupe d'experts pour établir le lien entre trafic de diamants et achat d'armement. J'ai suggéré la création sous le contrôle du Conseil de sécurité d'un groupe permanent d'experts indépendants qui seraient nommés par le Secrétaire général des Nations unies pour mettre au point les modalités d'interdiction des trafics illicites au cas par cas. Le problème des diamants est particulier, il est d'ailleurs très important dans le cas de plusieurs conflits africains mais globalement, en masse financière, cela n'a rien à voir avec le problème de la drogue. La question de la drogue, c'est un problème de lutte contre le blanchiment et il faut s'attaquer à tous ses aspects : la production, la consommation et le financement qui pour être réinvesti a besoin d'être blanchi. Cela forme un tout.
Q - En ce qui concerne le désarmement et la non-prolifération, quelle est la position des ministres sur la question de la NMD ? Et quelle est la position de la France ?
R - Le G8 est un lieu d'échanges, ce n'est pas un lieu de négociation ni de décision, on ne va donc pas négocier avec les Etats-Unis, par exemple. Nous sommes, de plus, dans des situations différentes sur le plan stratégique. Puisque vous me posez la question de la France, je vous rappelle notre position : nous avons exprimé, comme je l'avais déjà fait à Washington il n'y a pas très longtemps et comme le président de la République l'a dit plusieurs fois, nos interrogations en ce qui concerne l'analyse de la menace et nos préoccupations quant aux conséquences stratégiques des décisions éventuelles du président des Etats-Unis. Nous lui avons demandé plusieurs fois de ne pas prendre de décision sans avoir pris en compte toutes les conséquences possibles sur les alliés des Etats-Unis, qu'ils soient dans l'OTAN ou ailleurs, et sur la politique des autres grands pays du monde. Ces deux critères font d'ailleurs partie des quatre critères dont le président Clinton dit qu'il les examinera avant de se décider.
Les deux autres critères, ce sont la crédibilité technique - sur ce point nous n'avons pas d'éléments particuliers à apporter dans le débat bien qu'il y ait une controverse aux Etats-Unis - et le coût, et ce n'est pas à nous de l'apprécier.
Q - Avez-vous exprimé ces préoccupations au cours de la réunion ?
R - Comme elles sont très connues, je les ai rappelées d'une phrase.
Q - Est-ce que ce sont des interrogations qui sont partagées par d'autres pays du G8 comme le Japon ?
R - Je connais mieux ce qui a été dit par les autres pays de l'Union européenne et en dépit des nuances dans les termes, le fond est le même. En tout cas, tout le monde est d'accord sur les conséquences, les tensions déstabilisantes. Nous devons faire attention à ne pas déstabiliser tout le système stratégique pour répondre à des menaces réelles, ou alors exagérées ou mal appréciées. Le lien entre les deux aspects est peut-être exagéré. Ce sont des questions que se posent les Allemands et même les Britanniques. Les Russes aussi, bien qu'ils soient dans un rapport différent parce qu'ils sont dans un traité bilatéral. Enfin, cela n'a pas été le sujet de l'après-midi.
Q - Est-ce que vous vous attendez à une allusion à la NMD dans le communiqué final de demain ?
R - Pas spécialement, non. Le G8 est assez particulier. D'abord, c'est économique à l'origine. C'est une concertation, un échange de vues, une évaluation. Ce n'est pas un lieu de décision et nous sommes dans des situations très différentes sur ce plan.
Q - L'absence de Mme Albright a-t-elle diminué l'intérêt de ce sommet, eu égard à ce projet ?
R - Non, non, on n'en aurait pas plus parlé avec Mme Albright. C'est simplement que ce n'est pas tellement dans la nature du G8 d'aborder ces questions. C'est plutôt une discussion entre les Américains et les Russes et une discussion entre les Américains et leurs différents alliés. L'échec du dernier essai rend aussi le sujet moins aigu, moins immédiat. Au delà du rappel de l'importance du traité ABM de 1972, le communiqué n'en parle pas spécialement.
Q - Sur les questions régionales, est-ce qu'il vous paraît y avoir une priorité dans l'urgence ?
R - Vous savez, dans notre position, on est obligé de s'occuper de tous les conflits en même temps, sans trier. Au dîner, on est censé faire un tour d'horizon : Asie orientale, Asie du Sud, Proche-Orient, Balkans et Afrique.
Aux Balkans, on est engagé dans une tâche de longue haleine. Notre politique est de stabiliser et d'européaniser les Balkans et on a encore du pain sur la planche. Mais les manuvres du président Milosevic ne changent rien à notre détermination.
Q - Le Japon propose une régulation des petites armes. Quelle est votre position sur cette proposition ?
R - Nous sommes tout à fait favorables à cette bonne initiative, simplement, comme je l'ai indiqué, il faut remettre cela dans un contexte plus large : il y a des pays où il y a beaucoup de petites armes et où il n'y a pas de conflit ; il y a eu des massacres terribles en Afrique sans armes extérieures. C'est très bien, toutes les initiatives sont bonnes, il faut tout essayer, mais il ne faut jamais oublier que les conflits naissent de toutes sortes de choses mélangées et que les armes sont autant l'expression des tensions que leurs causes. Nous approuvons donc cette démarche, c'est bien, mais il faut toujours la réinsérer dans une approche plus complète en général du traitement des conflits qu'il faut traiter à la racine. En plus, c'est très difficile à appliquer mais il n'y a pas de raison de ne pas essayer.
Q - Est-ce que vous avez parlé entre vous d'un nouveau système de certification des diamants ?
R - Pas au niveau des ministres mais au niveau des directeurs peut-être Il y a des différences sur le système de certification des diamants, il y a deux pays producteurs dans le G8, la Russie et le Canada, est-ce que cela pose des problèmes, M. Errera ?
M. Errera : Au niveau des directeurs politiques, à part cette mention dans le communiqué et dans les déclarations qui ont été faites, il n'y a pas de débat de fond là dessus.
Q - Comment juger de l'utilité des G8 si on ne négocie rien et si on ne décide rien, alors à quoi cela sert ?
R - Je crois que si les G7/G8 n'existaient pas, on les réinventerait aujourd'hui, précisément pas pour être une bureaucratie ou une sorte de système concurrent des institutions existantes mais pour être un lieu de concertation et d'évaluation. Avant l'époque moderne, beaucoup de conflits sont nés du fait que les dirigeants faisaient de mauvaises appréciations des situations et des comportements des autres. Il est donc très important qu'il y ait ces occasions régulières ; et c'est aussi très important que dans les occasions de contact, des discussions assez ouvertes et assez larges soient possibles. Des idées peuvent naître tout comme des réévaluations de certaines politiques pour les transformer. Je crois que c'est très utile si ce n'est pas trop formel, bien préparé mais pas trop, que tout ne soit pas enfermé dans un rituel et il faut que la part protocolaire et médiatique, qui est importante, ne mange pas le temps pour les discussions ouvertes. Et cela est plus facile à réaliser pour les rencontres de ministres que pour les sommets où la pression médiatique est cent fois plus forte.
Q - Vous avez aimé le thé vert ?
R - Oui, j'ai trouvé cela très original, c'était la première fois. C'est très intéressant car cela ne ressemble pas du tout au thé. C'est comme le café vous savez, quand on a commencé à boire du café au Café Procope à Paris, ça ne ressemble pas du tout à ce que l'on a pu boire après. J'ai trouvé que c'était une belle cérémonie. Un breuvage très revigorant.
Q - Un G8 en Asie sans la Chine crée-t-il une lacune importante ? Feu le Premier ministre japonais, M. Obuchi avait pensé à inviter la Chine, bien que la Chine y ait été réticente. Cette absence n'est elle pas un peu dommage ?
R - Je pense que ce jour viendra mais il faut se rappeler l'origine du G8, il s'agit de pays à économies comparables, sauf dans le cas de la Russie et c'est pourquoi il existe une distinction entre le G7 et le G8. A cet égard, la Chine n'est pas encore dans une situation comparable et on avait vu que cette proposition qui lui avait été faite l'avait embarrassée plus qu'autre chose. Il y a d'autres occasions de concertation avec la Chine, il y a le Conseil de sécurité et ses relations bilatérales fortes avec chacun de nos pays. Je ne pense donc pas que cela soit un problème pour la Chine.
Q - En ce qui concerne la situation dans la péninsule coréenne, quelle est votre position sur ce sujet ? Quelles initiatives la France va-t-elle prendre en la matière, après l'Italie qui a rétabli ses relations diplomatiques avec la Corée du Nord ?
R - Nous n'avons pas parlé spécialement de ce sujet. Cela fait partie plutôt des sujets du dîner. Par contre, nous avons eu l'occasion aussi bien sur le plan français que de l'Union européenne d'exprimer notre satisfaction sur les évolutions en cours et nos encouragements pour ces changements que nous soutenons évidemment. Etant donné que nous avons maintenant la présidence de l'Union européenne, ce n'est pas une période où la France puisse prendre des initiatives spéciales sans concertation avec les autres. Nous allons procéder à une évaluation au sein des Quinze, c'est la meilleure façon pour l'Union européenne de soutenir et d'encourager cette nouvelle politique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2000).