Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur les procédures judiciaires à l'encontre de deux travailleurs syndiqués dans le cadre de conflits du travail, Paris le 17 janvier 2003.

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Texte intégral

Respectivement les 22 et 29 janvier, deux syndiqués de la CGT, Alain HEBERT et Lucien BERTRAND, vont comparaître devant un tribunal. Tous deux sont visés par des procédures judiciaires relatives à des délits ou des crimes qu'ils n'ont pas commis, mais qui leur sont imputés à partir de leur seule présence sur les lieux d'une lutte syndicale.
Rappelons les faits.
Lucien BERTRAND est chauffeur routier et syndiqué à la CGT. À ce titre il participe à une action ayant donné lieu à la mise en place d'un barrage routier. Un autre chauffeur routier de nationalité étrangère, qui cherchait à forcer ce barrage, est grièvement blessé à la suite d'une violente agression. Les faits sont graves. Malheureusement, tout laisse à penser que l'instruction s'est acharnée sur Lucien BERTRAND qui a le profil d'un suspect apte à faire un " bon " coupable : syndicaliste, il participait au conflit social ; il est le seul à avoir été identifié sur les lieux du drame ayant décidé de se porter au secours de la victime ! Il a subi depuis plus de 7 mois de prison préventive, alors que rien dans le dossier ne pouvait justifier son incarcération. À l'issue d'une procédure qui dure maintenant depuis plus de 6 ans, il passe en Cours d'Assises le 29 janvier à Chalon sur Saône.
Alain HEBERT, travailleur de l'Etat, est secrétaire général de l'Union locale CGT de Cherbourg. Le 26 juin 2002 les autorités décident de célébrer officiellement la fermeture de l'hôpital maritime de Cherbourg, représentant un tiers de l'offre de soins. Une manifestation massive et unitaire est organisée à la fois pour s'opposer à cette fermeture et pour exprimer l'indignation provoquée par la tenue de cette cérémonie. Le climat est tendu de part et d'autre, et une échauffourée donne lieu à des heurts entre manifestants et forces de police. Alain HEBERT est alors dénoncé comme étant l'auteur de ces violences. Le mouvement syndical unanime le soutient en alléguant qu'un tel comportement ne correspond en aucun cas à sa personnalité, et qu'une telle accusation semble n'avoir pour seul poids que d'avoir été proférée par un agent assermenté, avec le soutien de sa hiérarchie.
S'il est nécessaire de respecter ceux qui ont la responsabilité de la sécurité publique, cela ne peut aboutir, par commodité ou par conviction, à conférer plus de crédit au témoignage de l'un d'entre eux qu'à celui de tout citoyen. Il est vrai qu'aux yeux de certains, un homme engagé dans le combat syndical est un délinquant présumé, et un responsable syndical se situe aux marges de la sédition, par le simple fait que, dans le cadre de l'exercice de ses droits ou de son mandat, il peut être amené à braver une autorité publique ou privée. La CGT ne peut admettre une telle attitude. Elle combat d'autant plus toute conception du droit fondée sur le primat du " maintien de l'ordre établi ", que celle ci pourrait rechercher sa légitimation dans l'idéologie sécuritaire inspirant les actions spectaculaires et les évolutions légales et réglementaires préconisées par le gouvernement.
Il est de notre devoir d'être vigilants, de ne pas admettre qu'une décision de justice puisse s'abattre sur n'importe quel salarié, au seul motif qu'il était présent lors de faits graves se produisant à l'occasion d'un conflit social.
Il est de notre responsabilité à tous de ne pas laisser commettre d'erreur judiciaire.
Montreuil le 17 janvier 2003
(Source http://www.cgt.fr, le 20 janvier 2003)