Déclaration de M. Alain Deleu, président de la CFTC, sur les valeurs et les objectifs de la CFTC, notamment le syndicalisme d'inspiration chrétienne et le pluralisme, Toulouse le 12 novembre 2002.

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Circonstance : 48 ème congrès confédéral de la CFTC à Toulouse du 12 au 15 novembre 2002

Texte intégral

Chers amis,
Enfin, nous voici réunis dans cette belle ville de Toulouse et région midi Pyrénées, trois ans après Dijon où nous avions été magnifiquement accueillis.
C'est notre premier congrès dans le sud-ouest de la France. Merci à nos amis de la région de nous y avoir invités depuis plusieurs années déjà.
Merci à André et Joëlle pour leur mot d'accueil, et surtout merci à tous les militants et militantes qui se sont mis en quatre pour nous recevoir dans les meilleures conditions : ceux de l'UD et de la région, comme les personnels de la Confédération. Nous sommes persuadés que ce congrès sera le point de départ d'un nouveau développement de la CFTC dans la Haute-Garonne et dans toute la région.
Puisque nous en sommes aux remerciements, je veux d'abord saluer tous les militants présents. Le congrès est l'instance suprême de notre mouvement. Ensemble, nous débattons, ensemble nous fixons les orientations de l'action du Conseil confédéral pour trois ans. Je compte sur vous pour des débats riches et constructifs, ça a déjà été le cas hier dans les commissions.
Nos remerciements vont tout spécialement aux 10 000 candidats de la CFTC aux élections prud'homales. Non seulement ils représentent la CFTC, mais d'une manière très concrète ils constituent la CFTC le 11 décembre prochain. Un grand merci pour votre engagement personnel.
Nous accueillons très cordialement nos invités, les représentants d'autorités publiques, les syndicalistes français et étrangers, nos différents partenaires. Leur présence contribue au succès de notre rassemblement. Je vous invite vivement à visiter les stands qui nous sont présentés.
Nous accueillerons tout spécialement François Fillon, Ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité. Nous sommes très sensibles à sa venue qui n'était pas évidente en raison de la proximité des prud'homales. Nous voyons dans ce geste une marque de respect pour notre organisation. En la circonstance présente nous voulons aussi y voir un geste de reconnaissance à l'égard de l'ensemble du mouvement syndical français dans la richesse de son pluralisme, qui est une garantie de démocratie.
Depuis 1981 le dialogue avec notre Ministre du Travail est toujours un grand moment de notre congrès. Il est le signe de notre volonté de faire du dialogue la base de l'action syndicale. Cette fois encore, nous donnerons l'image d'une CFTC libre et exigeante, et tout autant d'une CFTC accueillante et constructive.
Je manquerais à mes devoirs si je ne remerciais aussi la municipalité de Toulouse et les autorités qui facilitent de diverses manières notre congrès. Nous leur exprimons nos sentiments chaleureux de solidarité. Le 21 septembre 2001 a blessé en profondeur la ville de Toulouse. Il n'est pas de mots pour dire la compassion devant tant de souffrances et de détresses. Et la catastrophe d'AZF a posé la question des risques professionnels en des termes nouveaux.
Et enfin je dois remercier en votre nom les personnels du Palais des congrès et tous les professionnels qui apportent leur compétence à la pleine réussite de ce congrès.
Nous voici donc tout à la joie d'être ensemble pour bâtir notre avenir, dans ce moment privilégié où des militants de toutes les régions, de métropole et d'outre-mer, et de toutes les professions peuvent se rencontrer, échanger leurs expériences, fonder des amitiés nouvelles.
La CFTC est sûre d'elle, fière de ses valeurs. Elle va de l'avant. Mais elle sait aussi se souvenir des hommes et des femmes qui depuis plus d'un siècle ont fait vivre le syndicalisme d'inspiration chrétienne, parfois dans des conditions très difficiles.
Depuis Dijon, nous avons accueilli beaucoup de nouveaux militants, notamment grâce aux 35 heures. Nous avons aussi perdu des amis qui nous étaient chers. Ils nous manqueront toujours. Je ne peux pas les nommer tous et chacun de nous a en mémoire en cet instant un nom, un visage, un sourire.
Le Conseil confédéral lui-même a perdu trois de ses membres pendant ce mandat et je tiens à évoquer plus spécialement leur mémoire car ils avaient la charge de l'ensemble de notre mouvement :
Robert Deguerry, représentant la région Rhône Alpes, venait de passer la main à la présidence de l'Union départementale de l'Ain. Il était membre de la Fédération protection sociale, dont Daniel Granucci était le Président, emporté lui aussi par la maladie au moment où il aspirait à une vie plus tranquille. Nous pensons à leurs épouses et leurs familles qui méritent que nous les entourions de notre amitié. Je salue particulièrement Madame Deguerry.
Chacun avec son tempérament, Robert et Daniel avaient en commun le sens supérieur du mouvement et la liberté de jugement et d'expression. Dans les moments difficiles ils apportaient leur bon sens, leur sagesse, et la fidélité à l'équipe. Ils nous manqueront.
Geneviève Lingelser représentait les retraités au conseil après avoir exercé de nombreuses responsabilités au SNEC et comme Vice-Présidente confédérale, une militante tout à fait exceptionnelle. Il m'est impossible de lui rendre ici l'hommage qu'elle mérite. J'irais donc directement à ce qui lui tenait le plus à cur et qui d'une certaine manière, animait toute sa vie. Je veux parler des enfants et surtout des enfants les plus fragiles. Qu'elle agisse comme institutrice spécialisée ou comme syndicaliste c'était le même combat pour l'enfance, à la dimension du monde. Tout ce qu'elle donnait à l'enseignement chrétien, à la CFTC, c'était pour cela. Geneviève voulait de toutes ses forces et de tout son cur que les enfants aient une vie plus belle. Et nous aussi, nous étions ses enfants.
J'évoquerais également la militante et mère de militants que fut Madame Sauty, l'épouse de Joseph, dont la confiance et les encouragements m'ont porté en bien des circonstances.
La liste est longue de ces militants qui ont rejoint la grande famille de nos disparus, que nous sentons si proches. Notre silence exprime maintenant notre reconnaissance, notre respect, notre espérance.
Forte de ses témoins d'hier et d'aujourd'hui, la CFTC est en plein essor.
Le rapport d'activité du Secrétaire général va nous montrer que le projet de Dijon s'est avéré précieux. Il a été un guide solide et précis, aussi bien pour les options fondamentales que pour l'approche des questions concrètes. Nous avons agi en toute liberté, nous avons revendiqué avec une grande fermeté, nous avons négocié jusqu'aux limites du possible, et nous avons construit. Je remercie de tout cur Jacques, Jacky et Guy d'avoir su conduire l'action confédérale avec tant de générosité, d'abnégation et d'efficacité. Nous avons beaucoup de chances d'avoir des militants et des militantes de cette trempe.
Nos équipes syndicales se sont organisées et mobilisées pour Mieux Agir Ensemble. Plus encore que des structures et des outils, la réforme de l'organisation est un état d'esprit. Ensemble nous avons donné un nouveau souffle à notre développement, qui s'est traduit dans les adhésions et les résultats électoraux.
Nous avons fait le bon choix d'organisation : être à l'écoute et au service des gens, être sur le terrain. Chaque délégué syndical, chaque élu doit se poser en permanence cette question de l'écoute, de la disponibilité. Il a de bons instruments de mesure : le nombre de ses adhérents et son score aux élections professionnelles.
(Ecoutons les salariés et les chercheurs d'emploi, allons à leur rencontre, et nous parviendrons à accélérer notre développement.)
Pour gagner, il faut des équipes soudées où chacun s'engage vraiment. Vous avez apprécié que nous ayons su réaliser cela dans l'équipe confédérale. J'en remercie chacun personnellement. Et vous savez aussi que nous l'avons fait parce que nous étions portés et soudés par votre confiance.
Et puis une nouvelle équipe confédérale sortira de ce congrès. Il est bon que cela se fasse maintenant. Nous l'avons voulu dans la réforme statutaire de 1993 et nous avons eu raison de le vouloir. C'est un signe fort de l'esprit de service qui seul prévaut dans notre chère CFTC. Dans l'ardeur de notre engagement, dans le courage de nos décisions, nous devons rester des serviteurs fidèles.
Une tâche exaltante attend la nouvelle équipe confédérale et nous attend tous. Tout d'abord il y a la dernière ligne droite des prud'hommes : assurer la présence dans tous les bureaux de vote, mener campagne, avec les tracts, les affiches, et surtout aller à la rencontre des électeurs. Les élections prud'homales sont une formidable occasion de nous faire connaître. Ne la manquons pas.
Mais il faut regarder au delà du 11 décembre et répondre à l'aspiration à mieux vivre que nous avons si fortement ressentie dans la préparation de ces élections. Notre société se transforme en profondeur. L'entreprise, le travail, les mentalités, les murs changent. Le syndicalisme lui-même est mis en question.
Nous devons apporter de nouvelles réponses aux questions sociales à tous les niveaux. L'économie de marché a changé de visage. L'argent-roi est de plus en plus affranchi du temps, de l'espace et même des personnes. Un nouveau libéralisme impersonnel et brutal se met en place. L'écart social se creuse, la pauvreté est dans nos rues. Nous sommes témoins de graves injustices, de propos très durs. Dans différents cas nous ne sommes plus très loin du marché aux esclaves, où le travail est une marchandise, un consommable de l'entreprise. Comme à chaque grande mutation, la justice et la cohésion sociale sont à reconstruire. Mais je ne veux pas anticiper sur le débat et surtout sur le rôle du Secrétaire général. C'est le travail de notre congrès. Celui d'hier dans les commissions, et celui de demain et vendredi dans la table ronde sur la mondialisation et à propos du document d'orientation présentés par Michel Coquillion et Gabrielle Simon.
Avant de vous souhaiter bon travail, que me reste t-il de vraiment essentiel à vous dire à un moment comme celui-ci ? Je m'en tiendrais à vous transmettre ce que j'ai reçu de mes prédécesseurs et qu'ils tenaient eux-mêmes pour essentiel, je le fais comme le laboureur de la fable qui promettait un trésor à ses enfants : l'héritage de Jacques Tessier qui était né dans le berceau de la CFTC, l'héritage de Jean Bornard qui aimait cette image du laboureur et du profond sillon du christianisme social, et, ou encore l'héritage de Madeleine Tribolati et de Paul Verneyras qui fut le dernier survivant du congrès de 1919.
Ce trésor est d'une grande simplicité : cultivez les valeurs sociales chrétiennes. Nourrissez-vous en, formez-vous, fondez votre action sur elles.
" Gardez-vous de vendre l'héritage
que nous ont laissé nos parents
un trésor est caché dedans.
()
Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et ne repasse "
Oui, mes chers amis, je vous invite très fortement à donner la priorité à votre enracinement dans ce que nos statuts appellent les principes de la morale sociale chrétienne. C'est ainsi et pas autrement que la CFTC a un avenir.
Les valeurs sociales chrétiennes ne sont pas un vernis culturel que l'on étale pour se faire valoir. Elles ne sont pas non plus un quelconque sésame qu'il suffirait d'invoquer pour prouver que l'on a raison dans n'importe quelle controverse. J'aurais beau les connaître de fond en comble et même les enseigner, si j'oublie de les pratiquer pour moi-même, je ne suis que l'éclat d'une cymbale.
Elles sont destinées à tout homme et femme de bonne volonté, quelles que soient ses convictions, comme une exigence personnelle d'un comportement pleinement humain. Si nous savons les faire nôtres et en vivre, les valeurs sociales chrétiennes éclairent nos analyses et nos décisions. Elles donnent sens et cohérence à notre action.
Elles affirment la primauté du travail humain sur le capital. Face au matérialisme et à l'économisme, elles crient justice et encouragent les travailleurs à faire face à être solidaires dans la " lutte pour " la justice sociale.
Face aux égoïsmes de groupes, les valeurs sociales chrétiennes expriment la dignité sacrée de chaque personne, homme et femme, leur égalité de devoirs et de droits, quel que soit leur statut ou leur origine.
Elles nous appellent à nous préoccuper d'abord des plus fragiles (Nous sommes dans la semaine pour l'emploi des personnes handicapées) et de tous ceux qui dépendent de nos décisions sans pouvoir peser sur elles.
Les valeurs sociales chrétiennes sont le contraire du repli sur soi. Elles sont ouverture, respect de l'autre, recherche de la vérité qui rend libre. Elles sont écoles de tolérance et de fraternité.
Faisons en sorte que nos travaux s'imprègnent de ces valeurs. Alors nous saurons trouver le ton juste. Il exprimera tout à la fois la révolte contre l'injustice et la force de nos revendications, mais aussi la sagesse des bâtisseurs. Alors nous apporterons un formidable "plu " CFTC dans les élections prud'homales et dans le débat social.
Chers amis, nous vivons des heures décisives pour la CFTC. Vivons les avec passion. Vive la CFTC.
(source http://www.cftc.fr, le 14 novembre 2002)