Texte intégral
Q - Comment expliquez-vous cette montée des tensions commerciales ?
R - Il existe des contentieux sérieux, mais il ne faut pas non plus les surestimer. Les échanges entre l'Europe et les Etats-Unis sont extrêmement intenses - 500 milliards de dollars - et il est donc naturel qu'il y ait des tensions. Certains contentieux sont anciens, comme ceux qui portent sur la banane ou sur les hormones. Ils nous valent des sanctions commerciales américaines touchant divers produits : textile, accessoires pour le bain, cartonnage de luxe, roquefort, moutarde, oignons... D'autres contentieux sont plus récents, comme le FSC (Foreign Sales Corporation, un système fiscal d'aide aux exportateurs américains) qu'a condamné l'Organisation mondiale du commerce. L'enjeu du système FSC est d'ailleurs nettement plus lourd que celui des dossiers " banane " ou " hormones ", puisque la subvention déguisée ainsi accordée s'élève à 3,5 milliards de dollars. Enfin, il y a ce nouveau dispositif de sanctions commerciales " tournantes " que vient d'adopter le Congrès américain, pour accroître sa pression dans les dossiers " banane " et " hormones ". Il s'agirait de renouveler tous les six mois la liste des produits sanctionnés. Ce dispositif est contraire à l'esprit et aux règles de l'OMC, et je souhaite, que l'Union européenne réagisse très vite.
Q - En quoi les sanctions tournantes sont-elles plus pénalisantes ou injustes qu'un système où seuls certains produits, choisis arbitrairement, sont frappés ?
R - Le système est baptisé par un terme festif, le " carrousel ", mais on devrait plutôt l'appeler le barillet ! Il conduit à exercer une pression sur l'ensemble de l'économie, avec des conséquences psychologiques plus importantes.
Q - Les Etats-Unis ont fait des propositions pour adapter leur système d'aide fiscale aux exportateurs mais, lundi, la Commission européenne les a refusées Que va-t-il se passer ?
R - Les Etats-Unis ont été condamnés en février et ils ont jusqu'au 1er octobre pour se mettre en conformité avec la décision de l'OMC. Mais les propositions avancées jusque-là par Washington ne nous paraissent pas conformes aux règles de l'OMC, puisqu'il ne s'agit que de banaliser leur système. Si ces propositions ne sont pas modifiées, il faudra se reposer la question des suites à donner à ce dossier.
Q - Vous voulez parler de rétorsions européennes, dés octobre prochain ?
R - Il faudra alors saisir l'OMC afin qu'elle se prononce sur ces propositions, et se reposer la question des sanctions, oui.
Q - L'Europe compte-t-elle bouger sur l'affaire du buf aux hormones ?
R - L'OMC nous reprochait de ne pas motiver l'interdiction des hormones de croissance. La Commission propose donc aujourd'hui de fonder l'interdiction d'une part sur le caractère cancérigène, désormais avéré, d'une des hormones (l'stradiol 17B) et, pour les autres hormones, sur le " principe de précaution ", en attendant des informations scientifiques complètes. Mais l'adoption de cette nouvelle proposition va encore prendre du temps. Et je ne suis pas convaincu que les Etats-Unis lèveront pour autant " spontanément " leurs sanctions... Pour que les entreprises ne soient pas trop longtemps pénalisées, je pense qu'il faut rechercher une solution de compensations, qui se substituerait aux sanctions.
Q - L'élection présidentielle américaine vous semble-t-elle l'une des raisons de la montée des tensions ?
R - Les préoccupations de politique intérieure américaine jouent un rôle, c'est certain. Le dossier des FSC est un enjeu important pour les entreprises, et les hormones aussi, pour l'agriculture. Et puis, on assiste à un début de pression de Boeing, qui a été rattrapé par Airbus, et qui craint de voir ce dernier arriver à lancer l'A3XX. D'un autre côté, les Etats-Unis doivent conserver leur image et leur position sur le plan commercial, et démontrer qu'ils sont en mesure de relancer le cycle de négociations commerciales, avant leurs élections présidentielles, bien que personnellement, je doute que ce soit possible./.
5 Source http://www.diplomatie.gouiv.fr, le 2 juin 2000)
R - Il existe des contentieux sérieux, mais il ne faut pas non plus les surestimer. Les échanges entre l'Europe et les Etats-Unis sont extrêmement intenses - 500 milliards de dollars - et il est donc naturel qu'il y ait des tensions. Certains contentieux sont anciens, comme ceux qui portent sur la banane ou sur les hormones. Ils nous valent des sanctions commerciales américaines touchant divers produits : textile, accessoires pour le bain, cartonnage de luxe, roquefort, moutarde, oignons... D'autres contentieux sont plus récents, comme le FSC (Foreign Sales Corporation, un système fiscal d'aide aux exportateurs américains) qu'a condamné l'Organisation mondiale du commerce. L'enjeu du système FSC est d'ailleurs nettement plus lourd que celui des dossiers " banane " ou " hormones ", puisque la subvention déguisée ainsi accordée s'élève à 3,5 milliards de dollars. Enfin, il y a ce nouveau dispositif de sanctions commerciales " tournantes " que vient d'adopter le Congrès américain, pour accroître sa pression dans les dossiers " banane " et " hormones ". Il s'agirait de renouveler tous les six mois la liste des produits sanctionnés. Ce dispositif est contraire à l'esprit et aux règles de l'OMC, et je souhaite, que l'Union européenne réagisse très vite.
Q - En quoi les sanctions tournantes sont-elles plus pénalisantes ou injustes qu'un système où seuls certains produits, choisis arbitrairement, sont frappés ?
R - Le système est baptisé par un terme festif, le " carrousel ", mais on devrait plutôt l'appeler le barillet ! Il conduit à exercer une pression sur l'ensemble de l'économie, avec des conséquences psychologiques plus importantes.
Q - Les Etats-Unis ont fait des propositions pour adapter leur système d'aide fiscale aux exportateurs mais, lundi, la Commission européenne les a refusées Que va-t-il se passer ?
R - Les Etats-Unis ont été condamnés en février et ils ont jusqu'au 1er octobre pour se mettre en conformité avec la décision de l'OMC. Mais les propositions avancées jusque-là par Washington ne nous paraissent pas conformes aux règles de l'OMC, puisqu'il ne s'agit que de banaliser leur système. Si ces propositions ne sont pas modifiées, il faudra se reposer la question des suites à donner à ce dossier.
Q - Vous voulez parler de rétorsions européennes, dés octobre prochain ?
R - Il faudra alors saisir l'OMC afin qu'elle se prononce sur ces propositions, et se reposer la question des sanctions, oui.
Q - L'Europe compte-t-elle bouger sur l'affaire du buf aux hormones ?
R - L'OMC nous reprochait de ne pas motiver l'interdiction des hormones de croissance. La Commission propose donc aujourd'hui de fonder l'interdiction d'une part sur le caractère cancérigène, désormais avéré, d'une des hormones (l'stradiol 17B) et, pour les autres hormones, sur le " principe de précaution ", en attendant des informations scientifiques complètes. Mais l'adoption de cette nouvelle proposition va encore prendre du temps. Et je ne suis pas convaincu que les Etats-Unis lèveront pour autant " spontanément " leurs sanctions... Pour que les entreprises ne soient pas trop longtemps pénalisées, je pense qu'il faut rechercher une solution de compensations, qui se substituerait aux sanctions.
Q - L'élection présidentielle américaine vous semble-t-elle l'une des raisons de la montée des tensions ?
R - Les préoccupations de politique intérieure américaine jouent un rôle, c'est certain. Le dossier des FSC est un enjeu important pour les entreprises, et les hormones aussi, pour l'agriculture. Et puis, on assiste à un début de pression de Boeing, qui a été rattrapé par Airbus, et qui craint de voir ce dernier arriver à lancer l'A3XX. D'un autre côté, les Etats-Unis doivent conserver leur image et leur position sur le plan commercial, et démontrer qu'ils sont en mesure de relancer le cycle de négociations commerciales, avant leurs élections présidentielles, bien que personnellement, je doute que ce soit possible./.
5 Source http://www.diplomatie.gouiv.fr, le 2 juin 2000)