Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur l'avenir de l'OTAN et de l'Alliance atlantique, la coopération entre la France et l'OTAN et le renforcement de l'Europe de la défense, Munich le 8 février 2003.

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Circonstance : Conférence sur l'avenir de l'OTAN à la Wehrkunde, Munich le 8 février 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis, Chers Collègues,
Je remercie le Docteur Horst Teltschnik, président de la conférence, de m'avoir invitée à prendre la parole.
Je remercie nos hôtes allemands pour la qualité de l'organisation de cette réunion et nos amis d'outre Atlantique qui ont fait un long voyage pour se joindre à nous.
C'est pour moi un plaisir et un honneur d'avoir l'opportunité de parler devant vous de l'avenir de l'OTAN.
Je voudrais vous dire d'emblée, dans cette période où des décisions importantes sont en jeu, que l'attachement de la France à la relation transatlantique est ancien et durable.
En tant que ministre de la Défense de la France, l'avenir de l'Alliance atlantique me tient donc particulièrement à cur.
Trois points m'apparaissent fondamentaux :
- les coalitions ne peuvent pas remplacer l'Alliance ;
- l'OTAN doit s'adapter au nouveau contexte ;
- le renforcement de l'Europe de la défense sera son atout principal pour l'avenir.
1 - Tout d'abord L'Alliance reste fondée sur le principe de défense collective qui lie l'Europe à l'Amérique du Nord.
L'Alliance a montré son efficacité.
Elle nous a placés à l'abri de toute agression extérieure.
Elle a permis de franchir la période délicate de la réunification du continent européen.
L'élargissement aux sept nouveaux membres consacre sa dimension pacificatrice.
Mais les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis nous ont rappelé à quel point les risques subsistent.
Ils prennent d'autres formes qui appellent de nouvelles modalités de réponse.
Face aux nouveaux risques, nous devons garder à l'esprit que la défense collective repose sur la capacité à bâtir des solutions communes.
Etre alliés, c'est un statut qui implique le dialogue et le respect des partenaires.
C'est savoir se consulter pour trouver le consensus.
Cela implique aussi un égal partage, dans la durée, des risques et des responsabilités.
A ce titre, la France montrera une solidarité absolue envers la Turquie, si elle était menacée.
Or, j'observe qu'un autre mode de relations tend à s'instaurer, à la fois plus conjoncturel et plus précaire, celui de coalitions ad hoc.
Certes, ces coalitions, nous l'avons bien vu en Afghanistan, peuvent apporter une grande efficacité militaire avec de faibles délais de réaction.
Il est sans doute nécessaire, en fonction des circonstances, de pouvoir les actionner.
Mais ces coalitions ad hoc ne peuvent en aucun cas se substituer à l'Alliance car elles doivent s'inscrire dans une vision globale et partagée de la sécurité, celle qui, précisément, est élaborée par consensus entre les Alliés.
2 - En second lieu, nous avons pris à Prague des décisions importantes pour adapter l'OTAN au nouveau contexte stratégique.
Elles sont de deux ordres :
- D'abord, l'élargissement à sept nouveaux membres a été décidé.
Il faut s'en féliciter. L'Alliance uvre désormais dans un cadre géographique plus vaste et plus cohérent.
Le Conseil OTAN-Russie a apporté une nouvelle dimension.
Son établissement traduit la transformation radicale du contexte stratégique.
Je m'en réjouis.
L'OTAN reste évidemment une organisation militaire. Elle doit être en mesure de s'adapter en permanence aux nouveaux enjeux de sécurité.
- A Prague, une 2ème décision essentielle a été prise: celle de constituer une force de réaction de l'OTAN.
La France soutient pleinement ce processus d'adaptation.
Le président Jacques Chirac a accueilli favorablement le concept de force de réaction de l'OTAN.
Il a annoncé la volonté de la France d'y participer sous la condition du respect du statut de nos forces et de la compatibilité avec les engagements pris dans le cadre de l'Union européenne.
Cela implique, à mes yeux, une égale disponibilité de la NRF au profit des deux organisations, l'OTAN et l'UE.
Les grandes lignes d'une structure de commandement plus réactive ont été agréées.
La France soutient le principe de la création d'un commandement stratégique fonctionnel pour la transformation.
Cette évolution devra respecter les prérogatives actuelles du commandement stratégique opérationnel.
Elle devra aussi, et je pense que c'est essentiel, conduire à un échange effectif sur les doctrines et les concepts dans les deux sens entre l'Europe et l'Amérique du Nord, d'une manière décentralisée et non bureaucratique.
Au plan opérationnel, la vocation de l'alliance est d'abord d'agir en Europe et autour de l'Europe. Le potentiel de crises y est important. C'est là que nous devrons concentrer nos efforts.
En tout état de cause, le rôle et l'intervention de l'OTAN doivent toujours être déterminés par des facteurs d'opportunité, opérationnels et politiques.
Enfin, les Alliés ont décidé de renforcer leurs capacités militaires.
Cela implique plus d'investissements de la part des Européens et donc un accroissement de leurs efforts de défense.
La France appuie pleinement cette démarche.
Elle a décidé d'augmenter son budget d'équipement de plus de 10 % en 2003.
Elle continuera d'accroître son effort sur toute la période 2003-2008 dans le cadre d'une nouvelle loi de programmation.
Je ne peux qu'encourager mes collègues européens à s'engager résolument dans cet effort difficile mais indispensable de redressement de nos capacités de défense .
3 - Je suis convaincue que le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense sera le meilleur atout de l'OTAN.
Dans les Balkans, les Européens ont pris pleinement conscience qu'ils ont non seulement un fort intérêt à rester proches des Américains mais aussi à faire plus d'efforts par eux-mêmes pour contribuer plus efficacement à leur propre sécurité.
L'Union européenne a pris la décision de développer ses capacités militaires et civiles de gestion de crise. La construction de la PESD s'inscrit dans une vision de long terme.
Elle n'est pas conçue pour rivaliser avec l'Alliance qui est fondée sur le lien avec les Etats-Unis.
Cette année, l'objectif d'une force européenne opérationnelle de 60.000 hommes sera réalisé.
Les progrès se poursuivront avec le comblement des lacunes constatées et le développement de nouvelles capacités, avec pour objectif de faire converger progressivement les planifications nationales des Européens.
Le Sommet de Paris tenu le 22 janvier à l'occasion du 40ème anniversaire du Traité de l'Elysée a renouvelé les bases de la coopération franco-allemande, en les inscrivant encore plus fortement dans la perspective européenne.
Le Sommet franco-britannique du Touquet, le 4 février, a montré que l'esprit de Saint-Malo reste vivace et déterminant pour le développement de l'Europe de la défense.
En devenant moins dépendants et mieux à même d'accepter de vraies responsabilités, les Européens apporteront une contribution plus importante à l'OTAN.
C'est le sens de la démarche que nous avons initiée en proposant la relève de l'OTAN en Macédoine par l'Union européenne.
C'est notre façon de répondre au souci légitime de nos partenaires américains de "partage du fardeau".
Dans mon esprit, l'Europe doit ainsi devenir un partenaire majeur de l'Alliance atlantique.
Finalement, je voudrais souligner que l'OTAN a au moins deux grandes tâches à conduire dans l'avenir :
- continuer les efforts engagés pour renforcer la stabilité du continent européen,
- rénover ses structures militaires en les appuyant sur des forces européennes modernisées et adaptées aux nouvelles menaces.
Il s'y ajoute un élément essentiel à mes yeux : l'Alliance doit rester le lieu privilégié de la consultation transatlantique afin que nous soyons, dans le cadre de ses missions, prêts à agir ensemble politiquement et militairement lorsque cela sera nécessaire à la sécurité commune.
L'ancienneté et la profondeur des liens qui unissent tous les pays de l'Alliance constituent un acquis inestimable qu'il faut savoir et vouloir préserver pour faire face aux défis et aux menaces qu'il nous faudra affronter.
(Source http://www.defense.gouv.fr le 11 février 2003)