Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à LCI le 18 juin 2003, sur le Salon international du Bourget et la coopération européenne dans l'industrie aéronautique militaire.

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Eric Revel : C'est bientôt la fin du Salon aéronautique du Bourget, déjà un peu l'heure du bilan. AIRBUS, évidemment, a emmagasiné beaucoup de commandes. Mais c'est aussi, Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, l'occasion de faire un peu le point, peut-être, sur la stratégie française autour de tout cela. Alors avant de parler de stratégie de défense, comment vous avez ressenti ce Salon du Bourget, que l'on disait mal parti avec l'absence des Américains ?
Mme Alliot-Marie : Nous sommes à mi-parcours du Salon. Il se termine samedi. Je crois que l'on peut dire que c'est un Salon très réussi. Très réussi, à la fois par la participation, par les nombres de visiteurs, par les échanges qui se sont faits, très réussi aussi d'ailleurs s'agissant des commandes. AIRBUS, bien entendu, remporte la palme, si l'on peut dire avec un grand nombre de commandes. BOEING a eu également un certain nombre de commandes. Autour d'ALCATEL, il y a eu également des choses très intéressantes. C'est un très bon Salon, un très bon cru.
Ce n'était pas choquant quand même de voir que peu de grands patrons américains du secteur de la défense ont fait le déplacement ? Cela veut dire qu'on n'a pas vraiment, pardonnez-moi l'expression, enterré la hache de guerre depuis le conflit irakien entre Paris et Washington ?
Non, je ne crois pas que ce soit cela. D'abord, il faut dire qu'à peu près toutes les industries traditionnelles sont présentes. Certains industriels ont simplement réduit les formats de leur participation, pour des mesures économiques. Je crois qu'à la fois les militaires mais également les industriels américains, regrettent peut-être un peu ce manque d'ambition.
Mais en même temps, Michèle Alliot-Marie, quand le président de la République ou vous-même dites : ''il faut peut-être regarder du côté russe'', est-ce que ce n'est pas un peu choquant pour d'éventuels patrons américains qui seraient là, d'entendre cela au Salon du Bourget ?
Non. D'abord c'est un langage que nous tenons depuis fort longtemps, notamment dans le domaine aéronautique et spatial. Il est évident que l'on est obligé de se tourner vers des partenariats européens, voire plus lointains. Nous essayons de regarder quels sont les pays qui ont les mêmes niveaux technologiques que le nôtre. De ce point de vue, il est évident que les Russes, dans le domaine aéronautique comme dans le domaine spatial, sont des partenaires de haut niveau et tout à fait intéressants. Cela fait des mois que je me suis entretenue de ces questions. Le président de la République en a aussi toujours été persuadé.
Jusqu'à présent, Michèle Alliot-Marie, lorsqu'on voyait les drones à l'ouvrage, c'était plutôt des avions sans pilote américains. Vous avez annoncé un gros programme pour l'armée française. Est-ce que cela veut dire que là aussi, on va chatouiller les Américains sur ce qu'ils font de bien, voire de très bien ?
Si nous voulons avoir une armée qui soit à niveau, il est indispensable de savoir se projeter dans l'avenir. Se projeter dans l'avenir, cela veut dire maîtriser les technologies des avions de combat sans pilote, puisque des drones d'observation, nous en avons déjà. Là, il s'agit de l'avion de combat. De plus, il faut bien voir une chose, c'est que nous venons de sortir, notamment avec le RAFALE mais également avec l'EUROFIGHTER, la quatrième génération d'avions de combat. La cinquième génération, ce sera dans vingt ans. Entretemps, il est important de pouvoir garder les savoir-faire et l'expertise.
Cela coûtera 300 millions d'euros, à peu près.
Ce dont il s'agit, c'est essentiellement d'avoir une possibilité permettant de structurer une offre industrielle, et donc d'avoir un rassemblement d'entreprises françaises. Cette offre sera également ouverte aux entreprises européennes, qui seront sélectionnées sur le critère de l'excellence.
Donc les drones, côté français, ce sera DASSAULT et sans doute un peu THALES ? Et d'autres ?
Oui, et puis probablement d'autres entreprises, notamment industrielles. Notre objectif, c'est de pouvoir avoir le vol du premier démonstrateur en 2008.
On sait que vous avez beaucoup uvré pour le succès de l'A400M, on peut le dire comme cela, en tout cas c'est comme ça qu'on peut l'analyser. On peut se demander ce qui serait arrivé si les Allemands n'avaient pas commandé autant d'AIRBUS militaires. On a le sentiment
C'est simple. Les Britanniques se seraient sans doute retirés et le programme ne se serait pas fait.
On a le sentiment que le gouvernement français, que vous poussez, Michèle Alliot-Marie, un peu dans la même direction concernant les satellites, c'est-à-dire que là aussi, s'il pouvait y avoir à terme un regroupement entre différentes entreprises, dont les Italiens FINMECCANICA, ce serait peut-être une bonne chose.
Je considère qu'il est aussi de mon rôle de ministre de la Défense de soutenir les entreprises dans des éléments qui sont des éléments stratégiques. Alors les avions, les gros avions de transport stratégique, comme l'A400M, c'est normal. C'est également le cas dans le cadre des hélicoptères
Avec EUROCOPTER, filiale de ALS ?
Voilà. J'espère que l'Espagne va rejoindre le programme TIGRE, ce qui serait une bonne chose
Pour l'instant c'est différé par Madrid.
Le domaine du spatial, et donc des satellites, est effectivement un élément important dans nos préoccupations stratégiques. Ce que je souhaite, c'est qu'il puisse y avoir le plus d'efficacité possible. Cette efficacité passe parfois par des rapprochements. Ce que je souhaite, c'est qu'il n'y ait pas de concurrence.
Toute dernière question, Madame le Ministre, concernant le capital de THALES, vous savez, on en a beaucoup parlé, le groupe de défense français. Il n'est plus urgent du tout que DASSAULT, actionnaire, ou qu'ALCATEL, actionnaire, les présidents l'ont dit, sortent du capital de THALES, pourquoi ?
D'abord, parce qu'aujourd'hui, il n'y a aucune échéance précise, c'est en 2008 qu'éventuellement les choses pourront être revues. Dans cette affaire-là, ce qui compte, ce ne sont pas les arrangements internes. Ce qui m'intéresse, c'est d'avoir un projet industriel. C'est sur la base d'un projet industriel qu'il faudra effectivement regarder cela dans l'avenir. Cela ne veut pas dire que les gens doivent rester immobiles, je crois au contraire qu'il est bon qu'ils se parlent et qu'ils puissent me présenter un projet.
Michèle ALLIOT-MARIE, ministre de la Défense, merci beaucoup.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 20 juin 2003)