Déclaration de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur la politique européenne de l'emploi, Bruxelles le 6 mars 2003.

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Circonstance : Conseil emploi, politique sociale, santé et consommateurs à Bruxelles le 6 mars 2003

Texte intégral

La préparation du Conseil européen de printemps est devenue un temps fort de la vie économique et sociale communautaire et particulièrement cette année puisque les chefs d'Etat et de gouvernement vont dans quelques semaines discuter des orientations à partir desquelles la Commission soumettra ses propositions sur la future stratégie européenne pour l'emploi.
Une relance très ambitieuse de cette stratégie est indispensable au moment où, dans le cadre des travaux de la Convention, se joue l'avenir du modèle social européen et alors que nous traversons économiquement une phase difficile. Dans ce contexte une bonne coordination des politiques en Europe est indispensable pour conduire les réformes structurelles nécessaires au maintien de notre compétitivité, au développement de l'emploi et de la cohésion sociale
1. Quelles sont les vertus de la stratégie européenne pour l'emploi ?
Il s'agit tout d'abord d'une méthode. L'association systématique des partenaires sociaux, le souci de la cohérence de l'intervention des différents acteurs depuis le niveau européen jusqu'à celui des territoires, le développement du dialogue social sont indispensables pour garantir le succès des réformes de structures que nous devons entreprendre et que j'évoquais à l'instant : augmenter le taux d'emploi, développer la formation tout au long de la vie, mieux gérer le changement. Cette méthode nous a permis de comparer les moyens utilisés par les uns et par les autres pour atteindre les objectifs fixés en commun et a fait partout progresser les apprentissages mutuels, ainsi que la culture de l'évaluation des politiques mises en oeuvre.
La stratégie européenne pour l'emploi, c'est aussi la prise en compte des effets à long terme de nos politiques. Bien sûr, la lutte contre le chômage à court terme est essentielle, surtout dans une phase difficile comme celle que nous traversons. Mais l'enjeu consiste aussi à se donner les moyens de maîtriser à terme les défis du marché du travail : le vieillissement démographique, l'élargissement de l'Union européenne, les conséquences des restructurations, inhérentes à une économie ouverte à la concurrence, le nécessaire développement des compétences et de la mobilité.
La stratégie européenne pour l'emploi, en énonçant clairement les objectifs et en se dotant des outils adéquats pour mesurer les progrès accomplis, c'est enfin une exigence quant aux résultats à atteindre. C'est là toute l'importance de la question des objectifs quantifiés et des indicateurs de suivi de la mise en oeuvre des orientations communautaires au niveau des Etats membres, sur laquelle le comité de l'emploi doit approfondir ses travaux sans tarder sur la base des propositions que fera la Commission. C'est pour moi le point le plus important si l'on veut que cette stratégie devienne une politique concrète, dont bénéficient les citoyens de l'Europe.
C'est pourquoi la France se reconnaît largement dans les propositions de la Commission pour rendre la stratégie européenne pour l'emploi plus simple, plus lisible par les citoyens européens, mieux partagée avec les partenaires sociaux, plus efficace pour l'emploi. Les objectifs sont connus : des emplois plus nombreux, de meilleure qualité, des marchés du travail performants économiquement et socialement, offrant au plus grand nombre la possibilité d'y avoir accès, de s'y maintenir tout en progressant et en s'adaptant afin de ne pas multiplier les laissés pour compte du changement économique et technologique.
2. Je souhaite que cette stratégie renforcée et rénovée soit le cadre de notre action. Elle ne s'ajoute pas à ce que nous faisons à titre national, elle en est la condition préalable.
Je rappellerai à cet égard les priorités de la France :
· En premier lieu, il faut encourager les réformes structurelles améliorant le fonctionnement du marché du travail et le développement de l'emploi, y compris dans ses nouvelles formes. Pour cela, il est indispensable d'établir la confiance, propice aux dynamiques de croissance. Ces dynamiques ne dépendent certes pas que de nous. Mais elles requièrent d'appuyer et d'accompagner la libération des énergies de nos sociétés, de favoriser l'esprit d'entreprise, et de baisser les charges. Les créations d'entreprises, le développement des PME seront les sources les plus durables des emplois de demain.
· En second lieu, la participation du plus grand nombre au marché du travail est indispensable pour maintenir à terme un niveau élevé de développement économique et social. Cette ouverture du marché du travail, nécessaire pour atteindre les objectifs que l'Europe s'est fixé à Lisbonne, implique d'encourager l'emploi des travailleurs de plus de 50 ans, de lutter plus généralement contre toutes les discriminations qui conduisent à exclure certaines catégories de la population en fonction de leur niveau de formation initiale, de leur âge de leur sexe. L'intégration des ressortissants étrangers en situation régulière doit également constituer une priorité.
· Enfin, le développement de l'emploi est inséparable d'une politique plus globale de revalorisation du travail qu'il faut mener au plan européen. Le retour à l'emploi des personnes qui en sont aujourd'hui exclues implique d'encourager plus systématiquement, à travers la réforme des systèmes fiscaux et d'allocations, le plus grand nombre à entrer, rentrer et rester sur le marché du travail. La qualité de l'emploi participe du même objectif, en ouvrant à l'ensemble des travailleurs l'accès à la formation, au développement des compétences, et en améliorant les conditions de travail.
· Enfin, la question de l'adaptation au changement et aux restructurations des entreprises méritent d'être appréhendée au niveau européen, comme les partenaires sociaux en ont pris l'initiative. La clef de cette adaptation réside sans doute dans notre capacité à favoriser la mobilité et le développement des compétences professionnelles des salariés. La mise en place en France, avec les partenaires sociaux, de l'assurance Emploi formation cherche à offrir dans cette perspective une seconde chance à tous les salariés traversant, à un moment ou à un autre, une phase de rupture professionnelle.
Je souhaiterais souligner un point qui me semble essentiel : l'implication des partenaires sociaux dans la nouvelle stratégie européenne pour l'emploi à partir de juin prochain. Nous devons, à mon sens, encourager les partenaires sociaux dans la réalisation effective du programme de travail qu'ils se sont fixés au niveau communautaire, ainsi que la tenue des futurs sommets sociaux tripartites également à l'ordre du jour de ce Conseil. Dans ce champ du dialogue social, les articulations entre le niveau communautaire et le niveau national représentent un facteur essentiel de succès de la mise en oeuvre de la stratégie.
3. La France souhaite que la stratégie européenne pour l'emploi devienne le pendant de la coordination des politiques économiques au sein du Conseil Ecofin. Nous voulons que l'Europe, qui s'est donnée les moyens d'une politique économique et monétaire puissante se donne aussi les moyens d'une politique sociale digne de ce nom.
Il faut donc muscler la stratégie européenne de l'emploi. Si nous le faisons pas, elle restera, en dépit des progrès que nous venons de faire, une sorte d'appendice de la politique économique et monétaire, alors qu'elle doit en être l'équivalent et que les deux doivent se compléter. Je veux que cette stratégie donne des résultats concrets, directement mesurables par les citoyens européens.
Nous devons donc dans ce contexte prendre les décisions qui nous appartiennent. C'est à nous de donner les orientations essentielles, c'est à nous d'en suivre le déroulement, c'est à nous de tirer les conséquences des réussites des uns et des autres. Dans cet esprit avec nos collègues britanniques et allemands nous proposons au Conseil Européen la création d'une task force emploi qui aura pour mission d'assurer la coordination d'une politique européenne de l'emploi.
Nous souhaitons prendre ici, à Bruxelles, des décisions bénéfiques pour les Français. Nous voulons apprendre ce que nos partenaires font et nous voulons savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Enfin, nous voulons qu'il existe un accord, une harmonie entre ce que nous décidons à 15, bientôt 25, et ce que nous entreprenons de faire en France pour favoriser l'emploi.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 11 mars 2003)