Texte intégral
A la veille d'un conflit stupide et dangereux qui aura des répercussions plus profondes sur l'avenir du monde que nous ne l'imaginons aujourd'hui, la seule question qui nous est posée n'est pas la bonne. On nous demande avec insistance si nous sommes gênés de partager la position du gouvernement français, car si je comprends bien, étant dans l'opposition, nous devrions l'être! Comme si être dans l'opposition devait susciter des réflexes pavloviens négatifs, indépendamment du fond de la question concernée. Non, nous ne sommes pas gênés.
Nous ne le sommes pas, parce que nous jugeons cette guerre injuste, dangereuse pour l'avenir de l'équilibre entre occident et orient, entre nord et sud. Parce que nous sommes persuadés que loin de faire reculer le terrorisme ou d'offrir des perspectives de solution pour le conflit israélo - palestinien, elle nourrira au contraire les frustrations et les haines dont se nourrit le terrorisme. Parce que nous savons que la force n'est pas la réponse adaptée à la crise du moyen orient qui ne peut être que politique, comme l'ont bien compris nos camarades travaillistes israéliens qui ont eu l'intelligence et la sagesse de rester a l'écart du gouvernement Sharon et que monsieur Lelouche, emporté par l'élan, va finir par traiter d'antisémites. Fort de ces convictions, nous demandons depuis des mois au président de la République de faire usage du droit de veto français si nécessaire : c'est ce qu'il se propose de faire ! Pourquoi devrions nous nous en plaindre ?
Non seulement nous n'avons pas à le regretter, mais nous devons au contraire nous appuyer sur la situation ainsi créée pour proposer d'aller de l'avant en matière de construction politique européenne.
En effet, loin de nous attrister de la division actuelle des pays européens, nous devons prendre acte de la position commune de la France, de la Belgique et de l'Allemagne pour saisir l'opportunité qui s'offre et suggérer que le groupe de pays le plus déterminé et le plus acquis à la conception d'une Europe puissance prenne des initiatives pour aller de l'avant. Nous pensons pour notre part que le Parti Socialiste français s'honorerait en agissant au sein du parti socialiste européen pour que celui - ci se saisisse de ce dossier et de cette réflexion, sans attendre, comme en d'autres moments que ce soit la C.D.U ou M. Y. Fischer qui le fassent. Cela suppose, évidemment, que nous réglions au préalable nos affaires de famille au sein du PSE.
Mais ne soyons pas timorés, suivront les partis qui le voudront bien. L'unanimité ou le compromis permanent ont des limites et ne sauraient en aucun cas justifier l'impuissance qu'entraîne un mode de fonctionnement totalement anti - démocratique. Travaillons avec ceux qui le souhaitent sans nous laisser bâillonner par ceux qui ont une conception atlantiste et si minimale de l'Europe qu'ils en sont, comme Tony Blair, à demander que l'on revienne sur la suprématie juridique de la norme européenne. Sans parler du reste. Oui mes camarades, c'est en prenant des initiatives sur le plan européen que les socialistes réinvestiront le champ de la politique internationale.
Pour ce faire, outre les clarifications nécessaires que nous devons réclamer au sein du P.S.E, nous avons, en tant que socialistes français, une réflexion à mener sur des sujets importants qui nous concernent plus particulièrement.
Je pense plus précisément à l'O.T.A.N et à notre doctrine de défense. S'agissant de l'O.T.À.N, la crise actuelle met en évidence sa véritable nature. Conçue pour être une alliance défensive face à une U.R.S.S. qui n'existe plus, elle entérine aujourd'hui le concept de guerre préventive que nous refusons. Elle apparaît de plus en plus comme un outil à la disposition exclusive de la volonté de puissance des U.S.A qui s'arrogent par ailleurs, comme vous le savez, le droit de définir à leur convenance le périmètre du bien et du mal, tout en ayant une difficulté évidente à distinguer un allié d'un vassal : Tony Blair vient de l'apprendre à ses dépends de la bouche de M. Rumsfeld. Après le refus d'accorder un poste de commandement important à un européen, les événements récents ont mis en évidence le peu de considération que les Américains nourrissent envers leurs partenaires. A l'évidence, on ne peut faire aujourd'hui l'économie d'une réflexion sérieuse sur notre appartenance à cette organisation sauf à être en totale contradiction avec les principes que nous proclamons par ailleurs. De même, nous ne pouvons plus ignorer la contradiction qui existe entre notre doctrine de défense et notre volonté proclamée d'aller vers une défense et une diplomatie européenne indissociables du concept d'Europe puissance. Qui peut encore croire sérieusement au sanctuaire nucléaire hexagonal ? Le sujet est certes délicat et ne saurait être tranché à la légère. Mais je ne vois pas comment nous pourrions éviter d'ouvrir le dossier. Enfin, compte tenu de ce que je viens de dire, vous ne serez pas surpris de m'entendre dire tout mon scepticisme sur le concept de pilier de défense européenne dans le cadre de l'O.T.A.N : qu'il s'agisse de notre indépendance, de notre existence en tant que puissance européenne ou de notre avenir technologique, je ne vois pas comment on pourrait esquiver, là encore, une réflexion sérieuse sur le sujet.
Promouvoir une Europe fédérale puissante, qui implique de sérieuses avancées politiques et des garanties sociales pour que l'élargissement soit valablement soumis à la décision des peuples, doit devenir notre horizon. C'est la meilleure contribution, avec la réaffirmation de la primauté de la sécurité collective, que nous puissions apporter dans un monde unipolaire dominé par une nouvelle forme d'impérialisme inquiétant. Non la France n'est pas jalouse, comme on le croit volontiers au - delà des mers. Mais elle n'aime pas la soumission, même si elle ne confond pas les U.S.A avec l'administration fondamentaliste de Monsieur Georges Bush.
Voilà mes chers camarades quelques éléments de réflexion que nous souhaitions apporter au débat et qui ont vocation, nous semble - t - il, à prendre de l'ampleur dans les mois qui viennent. (applaudissements)
(source http://www.nouveau-monde.info, le 26 mars 2003)
Nous ne le sommes pas, parce que nous jugeons cette guerre injuste, dangereuse pour l'avenir de l'équilibre entre occident et orient, entre nord et sud. Parce que nous sommes persuadés que loin de faire reculer le terrorisme ou d'offrir des perspectives de solution pour le conflit israélo - palestinien, elle nourrira au contraire les frustrations et les haines dont se nourrit le terrorisme. Parce que nous savons que la force n'est pas la réponse adaptée à la crise du moyen orient qui ne peut être que politique, comme l'ont bien compris nos camarades travaillistes israéliens qui ont eu l'intelligence et la sagesse de rester a l'écart du gouvernement Sharon et que monsieur Lelouche, emporté par l'élan, va finir par traiter d'antisémites. Fort de ces convictions, nous demandons depuis des mois au président de la République de faire usage du droit de veto français si nécessaire : c'est ce qu'il se propose de faire ! Pourquoi devrions nous nous en plaindre ?
Non seulement nous n'avons pas à le regretter, mais nous devons au contraire nous appuyer sur la situation ainsi créée pour proposer d'aller de l'avant en matière de construction politique européenne.
En effet, loin de nous attrister de la division actuelle des pays européens, nous devons prendre acte de la position commune de la France, de la Belgique et de l'Allemagne pour saisir l'opportunité qui s'offre et suggérer que le groupe de pays le plus déterminé et le plus acquis à la conception d'une Europe puissance prenne des initiatives pour aller de l'avant. Nous pensons pour notre part que le Parti Socialiste français s'honorerait en agissant au sein du parti socialiste européen pour que celui - ci se saisisse de ce dossier et de cette réflexion, sans attendre, comme en d'autres moments que ce soit la C.D.U ou M. Y. Fischer qui le fassent. Cela suppose, évidemment, que nous réglions au préalable nos affaires de famille au sein du PSE.
Mais ne soyons pas timorés, suivront les partis qui le voudront bien. L'unanimité ou le compromis permanent ont des limites et ne sauraient en aucun cas justifier l'impuissance qu'entraîne un mode de fonctionnement totalement anti - démocratique. Travaillons avec ceux qui le souhaitent sans nous laisser bâillonner par ceux qui ont une conception atlantiste et si minimale de l'Europe qu'ils en sont, comme Tony Blair, à demander que l'on revienne sur la suprématie juridique de la norme européenne. Sans parler du reste. Oui mes camarades, c'est en prenant des initiatives sur le plan européen que les socialistes réinvestiront le champ de la politique internationale.
Pour ce faire, outre les clarifications nécessaires que nous devons réclamer au sein du P.S.E, nous avons, en tant que socialistes français, une réflexion à mener sur des sujets importants qui nous concernent plus particulièrement.
Je pense plus précisément à l'O.T.A.N et à notre doctrine de défense. S'agissant de l'O.T.À.N, la crise actuelle met en évidence sa véritable nature. Conçue pour être une alliance défensive face à une U.R.S.S. qui n'existe plus, elle entérine aujourd'hui le concept de guerre préventive que nous refusons. Elle apparaît de plus en plus comme un outil à la disposition exclusive de la volonté de puissance des U.S.A qui s'arrogent par ailleurs, comme vous le savez, le droit de définir à leur convenance le périmètre du bien et du mal, tout en ayant une difficulté évidente à distinguer un allié d'un vassal : Tony Blair vient de l'apprendre à ses dépends de la bouche de M. Rumsfeld. Après le refus d'accorder un poste de commandement important à un européen, les événements récents ont mis en évidence le peu de considération que les Américains nourrissent envers leurs partenaires. A l'évidence, on ne peut faire aujourd'hui l'économie d'une réflexion sérieuse sur notre appartenance à cette organisation sauf à être en totale contradiction avec les principes que nous proclamons par ailleurs. De même, nous ne pouvons plus ignorer la contradiction qui existe entre notre doctrine de défense et notre volonté proclamée d'aller vers une défense et une diplomatie européenne indissociables du concept d'Europe puissance. Qui peut encore croire sérieusement au sanctuaire nucléaire hexagonal ? Le sujet est certes délicat et ne saurait être tranché à la légère. Mais je ne vois pas comment nous pourrions éviter d'ouvrir le dossier. Enfin, compte tenu de ce que je viens de dire, vous ne serez pas surpris de m'entendre dire tout mon scepticisme sur le concept de pilier de défense européenne dans le cadre de l'O.T.A.N : qu'il s'agisse de notre indépendance, de notre existence en tant que puissance européenne ou de notre avenir technologique, je ne vois pas comment on pourrait esquiver, là encore, une réflexion sérieuse sur le sujet.
Promouvoir une Europe fédérale puissante, qui implique de sérieuses avancées politiques et des garanties sociales pour que l'élargissement soit valablement soumis à la décision des peuples, doit devenir notre horizon. C'est la meilleure contribution, avec la réaffirmation de la primauté de la sécurité collective, que nous puissions apporter dans un monde unipolaire dominé par une nouvelle forme d'impérialisme inquiétant. Non la France n'est pas jalouse, comme on le croit volontiers au - delà des mers. Mais elle n'aime pas la soumission, même si elle ne confond pas les U.S.A avec l'administration fondamentaliste de Monsieur Georges Bush.
Voilà mes chers camarades quelques éléments de réflexion que nous souhaitions apporter au débat et qui ont vocation, nous semble - t - il, à prendre de l'ampleur dans les mois qui viennent. (applaudissements)
(source http://www.nouveau-monde.info, le 26 mars 2003)